Corps à corps artistique
Corps à corps artistique
Mots : Servane Calmant
Photos : DR
Le bois, Kaspar Hamacher le brûle, le fend, le taille, le cisèle, le creuse, le sculpte, pour faire naître des œuvres d’art et du mobilier artistique, autant de pièces uniques qui s’exportent un peu partout dans le monde et que l’on a pu apprécier récemment au CID Grand-Hornu. Élevé dans les Cantons de l’Est, l’artisan-sculpteur aujourd’hui quadra a trouvé son bonheur dans un corps à corps avec le bois. Un travail physique et artistique qui l’«équilibre».
Comment est né cet amour pour le bois ? « Je suis né près d’Eupen, à la lisière des Hautes Fagnes. Mon père, garde-forestier, avait une maison en plein milieu des bois. Les arbres, j’ai appris à les observer, à les connaitre. Je travaille donc un matériau que j’aime, que je respecte. Vous savez, dans le monde de l’art et du design (Kaspar est diplômé de l’Académie des Beaux-Arts de Maastricht – nda), on ne m’a pas poussé à travailler le bois. Au contraire, on me disait d’essayer plutôt le verre. Le seul qui m’a encouragé à travailler le bois, et à le travailler de mes mains, c’est Casimir Reynders (ce designer belge fabrique lui-même ses meubles depuis au moins 25 ans – nda). Il m’a aidé à affiner ma démarche, entre artisanat et design. »
Travailler de ses mains, un choix qui définit votre parcours ! «J’ai l’habitude de dire que je me sens plus artisan que designer. Un designer dessine des plans que d’autres exécutent. Je me connais : je ne serais jamais satisfait ! J’ai vraiment besoin de créer de mes mains et de contempler mon travail fini. Vous savez, je ne suis pas très équilibré dans ma tête. Mon équilibre, c’est ce travail très physique avec le bois qui me l’apporte ! Le soir, je me sens parfois fatigué mais mentalement je vais mieux ! » Il rit.
Vous avez vécu deux ans à Bruxelles, pourriez-vous retourner vivre en ville ? « Non. Je n’aime pas l’énergie que dégage la ville. Même pour aller chercher un clou au magasin, c’est le parcours du combat à cause des embouteillages. A Eupen, qui semble loin de tout, tout est aussi plus accessible ! »
Quel est votre rapport au bois ? « Je lui donne une autre fonction que la simple planche qui sert à construire une maison. Quand je le travaille, quand je construis des tables ou des bancs, je m’intéresse au cœur du bois, à ses nœuds aussi, en essayant de mettre en évidence ce que personne ne voit. »
Avec le bois, vous faites aussi du mobilier… « Oui, je ne voulais pas créer des œuvres iconiques que personne ne touche ! J’aime créer des tables ou des bancs, parfois sculpturaux, parfois moins, mais avec lesquelles on vit. Vivre avec la nature. Vivre avec mes pièces. J’amène la nature dans le lieu de vie des gens. C’est ça ma démarche… »
Le bois vous résiste-t-il parfois ? Qui dicte le travail de l’autre ? « Ah, ça… Parfois, c’est l’arbre, à travers sa forme, qui dicte mon travail ; parfois, ce sont mes idées qui me confortent dans le choix de tel ou tel arbre. Mais quand j’utilise la technique du bois brûlé, parce que j’aime beaucoup son rendu visuel, c’est plutôt moi qui m’exprime ! »
Votre style a-t-il évolué ? « J’ai toujours aimé révéler la dualité du bois, c’est-à-dire sa force et sa fragilité. Au début, je cherchais à rendre le bois plus léger. Mais j’ai tendance aujourd’hui à vouloir créer plus grand, plus monumental, plus sculptural. »
Marie’s Corner et l’horeca, une love story
Marie’s Corner et l’horeca
Une love story
Mots : Ariane Dufourny / Servane Calmant
Photos : DR
Marie’s Corner, le spécialiste belge du canapé « tailor-made » a signé de prestigieuses collaborations avec des hôtels et restaurants. Bon-Bon et l’Eau vive notamment, mais aussi ces deux adresses-ci où se marient la gastronomie et le design. On vous y emmène.
Le Château de Vignée, une atmopshère du XVIIIe siècle…
Situé à Rochefort, dans la vallée richement boisée de la Lesse, le Château de Vignée a connu moult affectations. L’exploitation agricole du XVIIe, qui avait servi d’hôpital militaire au cours de la Deuxième Guerre mondiale, puis de point de chute pour les amateurs de la chasse, s’est donc muée en hôtel-boutique haut de gamme. On vient désormais au Château de Vignée pour s’immerger dans un univers de luxe feutré – le label Relais & Château apposé sur le mur de la façade venant discrètement le rappeler.
Le studio de design WeWantMore a fait appel à Marie’s Corner pour meubler la salle à manger privée, le salon, les chambres thématiques et le restaurant Arden, où derrière les fourneaux, le Chef Marius Bosmans orchestre un diner gastronomique à base de produits régionaux ardennais dont la plupart sont issus de la serre et du potager du château.
On profite de la vie de château et d’un spa sous le signe de la vinothérapie. De la liesse avec vue sur Lesse. Quant aux golfeurs, ils apprécieront la proximité du château avec le terrain du Royal Golf Club du Château royal d’Ardenne, le golf le plus ancien du pays.
Caillou, une déco qui ne laisse pas de marbre…
Le célèbre chef étoilé du Sel Gris, Frederik Deceuninck, a fait appel à Marie’s Corner » pour développer un modèle inédit à l’occasion de l’ouverture de son restaurant Caillou à Knokke. Les 48 chaises ne sont pas de basiques accessoires, elles participent pleinement à l’expérience multisensorielle d’un repas et sont la pierre angulaire de la décoration. L’architecte d’intérieur Heidi Wilde a multiplié les rappels au bois et aux matières organiques à l’instar de l’iconique chaise « Sonoma » (avec et sans accoudoirs) imaginée par le chef et la Maison belge de canapés tailor-made.
Quant aux tables, elles sont signées par Houtentiek, les photographies de Filip Moerman, les assiettes artisanales et décorations monumentales en pierre de Terra Torno, les vases sculpturaux et fleurs proviennent respectivement de l’Atelier Vierkant et de Daniel Ost.
Côté cuisine, on y retrouve l’ancien bras droit du Sel Gris, le Chef Sander Van de Walle. Il y propose des plats de saison et une belle carte de vins européenne pour tous les budgets.
MC RENT, la formule magique de renting
Marie’s Corner démontre tout l’intérêt de sa nouvelle offre de location sur-mesure destinée aux professionnels. La marque belge ouvre grand le champ des possibles pour les entreprises, les architectes d’intérieur, les designers et les décorateurs. Un loyer simple à payer et la liberté de faire naître des intérieurs toujours plus personnalisés… et de pouvoir les adapter au gré de leurs envies !
La chaleur du minimalisme selon Nicolas Schuybroek
La chaleur du minimalisme selon Nicolas Schuybroek
Mots : Agnès Zamboni
Photos : DR
Depuis 10 ans, cet architecte bruxellois développe une démarche où l’émotion et le sentiment de quiétude occupent le centre de ses projets. Dans un esprit d’œuvre totale, ses réalisations révèlent une recherche de perfection dans le travail des matières et le sens du détail.
Quelle est votre vision de l’architecture ?
Il y a environ 20 ans, j’ai connu, dans mon parcours, un moment charnière, en découvrant Le Couvent de la Tourette, une œuvre en béton de style brutaliste, réalisée par Le Corbusier, qui y avait aussi introduit tout l’art des couleurs primaires. Grâce à ce bâtiment, j’ai changé de perspective et rencontré la dimension humaine qui manque souvent à l’architecture contemporaine, en vivant une véritable expérience sensorielle. Une émotion semblable m’a traversé en découvrant le travail de Hans van der Laan, architecte et moine bénédictin originaire des Pays-Bas. En visitant ses architectures, j’ai ressenti un sentiment de quiétude, lié à la vie religieuse, que j’ai alors souhaité retranscrire dans mes propres réalisations. Et j’ai compris que le traitement particulier des espaces, des volumes et de la lumière, rehaussé par une palette restreinte de matériaux, caractéristique dans ce type de construction, peut se décliner en tous lieux.
Quelles sont les particularités de votre démarche ?
Dans une idée d’œuvre totale, j’intègre le bâtiment dans un contexte, un paysage, un jardin. Je dirige mon attention du plus grand au plus petit, travaillant à différentes échelles, dans une démarche linéaire. Aux matériaux dominants de l’architecture, j’associe généralement une sélection limitée de matériaux intérieurs (pierre, bois, enduits, métal) dont la richesse des textures et patines compense le nombre restreint. Avec ses matières, qui sont autant des matériaux de construction que d’architecture intérieure, je dessine un fil rouge, qui dès que l’on pousse la porte, installe un sentiment de calme et de sérénité. Les proportions sont essentielles dans cette démarche. La notion de proportion est très difficile à expliquer car elle ne se voit pas nécessairement mais participe à l’équilibre de l’ensemble d’un édifice. Chacun de mes projets est le fruit d’une architecture sur-mesure, façonnée comme une robe haute couture, prenant en considération le lieu et le site qui forment le canvas de base. A la façon de Victor Horta, Adolf Loos ou Josef Hoffmann, et sur le modèle du Palais Stoclet, je reviens toujours à cette notion d’œuvre totale. Il ne s’agit pas de développer une approche totalitaire mais d’aboutir à un travail extrêmement personnalisé et très étudié jusque dans les moindres détails.
Quelles sont vos influences et inspirations ?
Il n’y a pas que les architectes et l’architecture, mais aussi d’autres disciplines et mouvements artistiques comme le Constructivisme russe et notamment le peintre Malevitch, les artistes du Land Art
avec Hansjorg Vöth ou Michael Heizer, dans les années 1960, les artistes minimalistes tels Donald Judd. La danse contemporaine m’inspire aussi car elle offre souvent une puissance visuelle avec peu de moyens. Je pense notamment au chorégraphe Alexander Vantournhout qui développe la mécanique et la mathématique du corps, au travail de Peter Suter… Il y a également toutes les influences inconscientes qui agissent en vous et que l’on ne perçoit pas toujours.
Quelles matières aimez-vous travailler ?
La pierre, bien sûr, qui permet de créer un lien entre l’enveloppe du bâtiment, pour aller de l’extérieur à l’intérieur. Je recherche toujours des matières qui ont une profondeur, une âme, une patine, une qualité particulière pour capturer la lumière et qui font référence à l’architecture.
Entre design et architecture, quelle différence ?
Je ne fais justement pas de différence entre les projets. Pour moi, la démarche est identique, seule l’échelle change. Tout objet de design ou pièce de mobilier est une microarchitecture. La matière choisie induit la fonctionnalité.
Dans votre travail, quelles sont les étapes plus complexes ?
Aujourd’hui et depuis un an et demi, ce sont la gestion et la logistique des projets à l’étranger qui sont les plus difficiles à gérer. Les plans ne suffisent pas pour exprimer toute la délicatesse et la précision des détails, l’alignement des joints… Toute la philosophie de mon travail, que je dois transmettre au maître d’œuvre et aux entrepreneurs, réclame un dialogue que l’éloignement ne permet pas. Il n’est pas aisé de faire passer le degré élevé de la perfection, qui est proche de l’obsession, et que je souhaite atteindre dans mes projets.
La réalisation la plus importante de votre carrière ?
C’est toujours la dernière ou la prochaine… A l’agence, nous avons 16 voire 17 projets en route, dont un peu plus de la moitié sont localisés en Belgique. Immeuble atypique de logements à Anvers, maison linéaire de 60 m de long en Flandre, rénovation d’une maison des années 1950 à l’orée de la forêt de Soignes, maison musée pour abriter une collection d’art privé d’exception, nouvelle série d’objets pour la marque when objects work, un nouveau modèle cuisine pour la firme Obumex, des bureaux, une réalisation d’envergure dans un domaine de chasse, une maison privée dans les environs de Courtrai, une autre à Anvers. A l’étranger, la liste s’allonge ! L’ouvrage monographique, qui paraît fin octobre, représente aussi une étape importante. Avec un regard large, il montre mon approche globale où l’architecture, les intérieurs et l’ameublement sont conçus comme un tout, à travers une diversité de lieux, maisons, bureaux, hôtels, objets…
Sophie Cauvin, entre terre et mère
Sophie Cauvin
Entre terre et mère
Mots : Agnès Zamboni
Photos : Mireille Roobaert
Elle a choisi la terre pour transmettre un message universel, rendant hommage à la beauté de la nature, sa force et sa violence. Un message universel qui n’a pas d’âge et se défie des mouvements artistiques.
Pourquoi avoir opté pour ce médium, la terre ?
Il y a 30 ans, lors d’un voyage en Egypte, j’ai rapporté comme un trésor, ma première terre chargée d’histoire et de symbolique. J’ai compris à partir de ce moment que c’était le médium ultime de ma quête. Ensuite, au fil du temps, j’en ai ramené de presque tous les continents. A travers mes œuvres, c’est l’histoire de l’homme, sa genèse que je raconte. Ces terres représentent une valeur symbolique très forte, l’universalité originelle et fragmentée, au fil des siècles, avec la création du langage et le développement de l’individualité. Aujourd’hui, en les mélangeant sur une toile, je reviens à l’homme, à sa source.
Comment votre travail a-t-il évolué ?
Mes premiers châssis 3D témoignent de mon désir d’occuper l’espace. Toiles et sculptures, toutes mes œuvres convergent vers la même volonté. J’ai commencé à explorer la spatialité, la lévitation, la déstructuration avec des projections de formes géométriques, des figures en acier soudé qui sortent du cadre, afin d’apporter une dimension, donner plus de profondeur à l’œuvre et aller dans l’espace infini du mur blanc. Je les ai associées à des surfaces et aplats travaillés par strates, pour composer des paysages entre ciel et terre. Cette terre est le fondement de mon travail et accompagne depuis longtemps mon cheminement. Aujourd’hui, avec la céramique – terre transformée par le feu – je crée des vases et des réceptacles explorant la notion de vide et de plein. Mais surtout, j’évolue vers des pièces plus monumentales, avec des éléments magmatiques et volcaniques. J’intègre aussi des éléments en terre cuite, dans mes tableaux, pour leur donner plus de force. La terre dans tous ses états… magique et alchimique. J’associe également des minéraux, des pierres qui possèdent un grand pouvoir énergétique et donnent un éclat particulier aux oeuvres. Ces trésors et bijoux, offerts par la planète, me fascinent.
Comment vous définissez-vous en tant qu’artiste ?
Depuis longtemps, en tant qu’artiste, je m’interroge sur les mêmes sujets intemporels et je me confronte aux questions fondamentales de notre passage sur cette terre. Je suis passionnée par la philosophie, la science, la mathématique, la spiritualité, la cosmologie. Mon travail met en lumière toutes ces interrogations, hors du temps, sans âge, avec des éléments naturels, à la recherche d’un équilibre entre esprit et matière. Je transforme, grâce à l’érosion du sable, par le biais de l’eau ou du feu, la materia prima. J’essaie de retranscrire la force des éléments, du torrent au volcan, du céleste et de l’astral. C’est l’écriture de la nature et non la mienne. La nature est mon maître et mon modèle. Humblement, je façonne la terre à ma manière et essaye de lui donner une deuxième vie, celle de ma lumière intérieure.
Alors, comment marquer son temps ?
J’ai connu trois chocs artistiques qui m’ont fait réfléchir sur l’ultime message… Le premier en visitant une exposition aux Pays-Bas et en rencontrant le regard saisissant d’un bourgeois peint par Rembrandt, fort de l’énergie intacte de l’âme ; le second en observant un gisant de Camille Claudel, ou la chair c’est transformée en émotion pure et le troisième en découvrant, dans une alcôve du British Museum, une sanguine de « La Vierge à l’Enfant » de Léonard de Vinci, ou l’Amour et la compassion sont au-delà des traits. Au-delà de la vie et de l’énergie qui jaillissaient du coup de pinceau, d’un burin, j’ai compris que l’art avait alors atteint la dimension du « Sacré ». Une dimension qui relie tous les hommes sans devoir communiquer une intention car cette dimension suprême est intemporelle, sans langage, et touche notre universalité, notre âme et notre cœur.
Essayez-vous de donner une identité à vos œuvres ?
J’ai récemment mis en œuvre une série de plaques en terre glaise sur lesquelles je travaille le souffle de la force, avec mes mains et mes pieds, pour retrouver une gestuelle primitive et imprimer à la terre un impact et les traces de mouvement. Je me sers de ma pratique des arts martiaux pour communiquer une énergie brute et intacte. C’est la première fois que la main de l’homme apparaît dans mon œuvre. Avec la terre, l’infini s’ouvre à moi. Dans mes projets, l’envie aussi de donner un nouvel élan aux arts de la table avec des pièces de vaisselle hors normes, brisant les codes, conçues en collaboration avec des chefs qui les choisissent comme écrins pour présenter leurs créations, lors de dîners privés et d’exception. Dans ce travail, toujours en communion avec la terre que je déchire et j’arrache pour créer des formes innovantes, cuites au four jusqu’à obtenir des couleurs de lave et de charbon, je retrouve aussi l’essence des matières qui ont traversé le temps.
Sophie Cauvin exposera à partir du 15 septembre à la Macadam Gallery, à Bruxelles, puis organisera un show collectif inédit dans son atelier et galerie, en octobre 2021. Enfin en novembre 2021, son travail sera aussi présenté à la Galerie Sophie Scheidecker de Paris
Geraldine Dohogne, des hôtels qui promettent une expérience immersive
Geraldine Dohogne
Des hôtels qui promettent une expérience immersive
Mots : Servane Calmant
Photos : DR
Geraldine Dohogne s’occupe de dessiner, d’aménager, de styler, de chiner le mobilier (et la tasse à thé aussi !) de chaque hôtel, chaque lodge, chaque pavillon, qui fait appel à ses talents d’architecte d’intérieur pour une véritable expérience immersive dans le pays de villégiature. Avec Beyond Design, son studio londonien, la globe-trotteuse gantoise s’apprête à poser ses valises au Sri Lanka, au Népal, au Luxembourg, avant de rentrer au pays, en Ardenne belge, pour l’aménagement de quatre-vingts cottages … Une vie bien remplie !
Comment avez-vous démarré ? « J’ai un parcours un peu atypique. Je n’ai pas étudié le design mais le commerce international, qui m’a ouvert les portes des Zannier Hotels (une hôtellerie française au luxe épuré, nda) où j’ai géré de l’opérationnel, du développement, avant de bifurquer vers le design. Pour le compte de ce groupe, j’ai enchaîné les aménagements du Chalet à Megève, du Post 1898 à Gand, du Phum Baitang Resort au Cambodge, des lodges Omaanda et Sonop en Namibie… »
Après 13 ans chez Zannier Hotels, vous décidez de vous lancer à votre propre compte … « Oui, en janvier 2020, j’ai lancé Beyond Design, mon studio londonien. Et les projets ne se sont pas fait attendre ! Nous sommes quatre aujourd’hui à travailler sur différents projets, dont l’aménagement intérieur de l’Hôtel des Postes au Luxembourg, un monument national protégé par l’UNESCO, et qui fait donc l’objet d’une réhabilitation très délicate, dans le respect de l’architecture existante (ouverture prévue en décembre 2023, nda). En Ardenne belge, à Grandvoir, on va s’atteler à mettre en valeur un projet de 84 cottages sur 60 hectares, à l’esprit biophilique, c’est-à-dire qu’on va incorporer dans le design des éléments du monde naturel, le bois, la pierre bleue, etc. (ouverture prévue en automne 2022, nda). On a également deux projets d’aménagement d’hôtels dans des endroits fabuleux : l’un à Dambulla au centre du Sri Lanka en 2023, l’autre dans la ville de Ghami dans la province du Mustang au Népal. Ce projet qui verra le jour en 2024 me tient particulièrement à cœur car l’intégralité des revenus hôteliers sera reversée à la communauté locale, notamment pour financer des écoles et la préservation du patrimoine culturel… »
Comment était votre enfance ? « Marquée par les voyages ! Mes parents m’ont fait découvrir de nombreux continents. Cette passion du voyage, je la leur dois. Puis, j’ai bourlingué seule avec ce besoin d’ailleurs alimenté par une insatiable curiosité … »
Le style Geraldine Dohogne ? « L’hôtel doit être pensé comme le prolongement du pays que l’on visite, il faut donc qu’il soit imprégné de l’héritage culturel, architectural et environnemental du lieu qui l’accueille. Plus que des services, les hôtels que mon studio aménage offrent des expériences d’immersion … »
Très concrètement ? « Nous partons d’une feuille blanche. L’aménagement intérieur d’un hôtel en Namibie se révèle forcément différent du design de cottages en Belgique. On traite donc chaque projet différemment. C’est ce qui rend mon travail si passionnant. Pour un véritable ancrage dans le pays qui héberge l’hôtel, je travaille avec des artisans locaux ou je chine des meubles sur les marchés aux puces sur place, en cherchant toujours à m’imprégner du quotidien de la population … »
Une vie, une passion, forcément riche en anecdotes … « Oh oui, je me souviens d’une visite en Namibie où j’ai été coursée par un buffle. Mais plus généralement, ce sont les rencontres du quotidien qui font toute la richesse de mon travail. Partager une soupe Pho le matin avec des Vietnamiens, c’est la bonne base pour faire naître une vraie relation et démarrer un chantier en toute confiance … »
La méthode Dohogne, c’est aussi un concept décliné de A à Z … « Tout à fait. J’aime rassembler, fusionner toutes les odeurs, tous les sons, tous les éléments qui nous entourent et ramener l’extérieur à l’intérieur des hôtels. Pour sentir, humer le pays, je vais sur place, une semaine à 10 jours, je baroude à travers la région, avant de créer un concept de base que je continue à nourrir d’autres voyages sur place. Beyond Design propose en effet de s’occuper de tout, de l’agencement principal, du gros mobilier jusqu’à la tasse à thé, des éléments de déco qu’on chine, qu’on achète sur place à des artisans locaux ou qu’on dessine également pour tel ou tel groupe hôtelier. On raconte une histoire, sans négliger aucun détail, pour que le voyageur se sente chez lui… ailleurs ! »
Où se cache le plus bel hôtel aménagé par Geraldine Dohogne ? « Si vous cherchez un environnement urbain, 1898 The Post à Gand, c’est the place to be. En revanche, si vous souhaitez lâcher prise, je vous conseillerais Sonop en Namibie, dix tentes d’explorateur et de fabuleux paysages désertiques à perte de vue … »
www.geraldinedohogne.com
Nathalie Deboel, à la recherche d’un monde en mode pause…
Nathalie Deboel, à la recherche d’un monde en mode pause…
Mots : Servane Calmant
Photos : Cafeine (Thomas De Bruyne)
Architecte d’intérieur, Nathalie Deboel privilégie des habitats paisibles où il fait bon se ressourcer pour échapper à l’aliénation du quotidien. « Cette quête d’environnements sereins est encore plus vraie depuis que j’ai amorcé le virage de la cinquantaine », glisse-t-elle à notre oreille en souriant. C’est encore ce même désir de retour à l’essentiel qui l’a guidée à créer, en plein confinement, une collection de meubles construite autour du concept du bâton rond en bois. La Nomad Collection, une autre façon de (conce)voir le meuble. Et le monde.
Au sein de son bureau, Nathalie Deboel Interior Design, implanté à Knokke, notre compatriote a été la première, en 2005, à proposer des intérieurs haut de gamme pour des secondes résidences en Belgique, puis à l’international, avant de lancer un second bureau à Bruxelles en 2018. Huit architectes d’intérieur se partagent aujourd’hui des projets d’aménagement de résidences premières et secondaires dans notre pays et à l’étranger. Deux bureaux plus… une maison familiale. La maison de Nathalie Deboel située à Uccle en bordure de la forêt de Soignes dans un environnement volontiers apaisant, s’apparente en effet à un laboratoire qui a forgé le style Deboel. « L’architecte d’intérieur doit savoir comment les matériaux évoluent avant de les présenter à ses clients. Je transmets mon expérience de vie, tout en restant bien évidemment à l’écoute des demandes de chacun. Je ne ressens pas ce besoin de démarrer un projet à partir d’une feuille blanche, je préfère au contraire travailler en résonance avec l’histoire de chaque client … »
La touche pause
Le style Nathalie Deboel a-t-il évolué au fil du temps ? « Certainement. Je suis de plus en plus sensible aux matériaux naturels, écologiques, qui offrent une belle patine, comme la pierre, l’argile, la chaux, le béton ciré, le bois, le lin … On travaille également beaucoup avec des palettes de couleurs très douces. La recherche de l’authenticité guide mes pas. » Nathalie, l’architecte d’intérieur, est-elle une femme sereine ? « Je suis quelqu’un de calme mais mon travail m’oblige à mener une vie trépidante où je suis continuellement en mouvement. Ce n’est pas un hasard si je réfléchis à proposer des intérieurs calmes, apaisants, épurés qui contrastent avec la vie à cent à l’heure que nous menons tous, avec un social media qui oblige à communiquer sans cesse, avec toutes les aliénations du quotidien… Créer des habitats qui invitent à se ressourcer chez soi, à se sentir protéger, à se reconnecter avec l’essence de la vie, la famille, les amis, c’est ma priorité. Je suis également très sensible au design biophilique : la lumière naturelle et une bonne connexion avec la nature sont essentielles à notre santé mentale. Mes bureaux agissent de concert avec des architectes paysagers pour gommer au maximum la frontière entre l’intérieur et le monde extérieur… »
100% belge
En plein confinement, Nathalie Deboel se retrouve à travailler à la maison, comme la plupart d’entre nous. Cette sédentarité forcée va pousser la dynamique quinqua à interroger notre mode de vie et nos besoins du quotidien. Début 2020, elle crée la Nomad Collection, des meubles inspirés des bâtons que les nomades emportent avec eux pour fabriquer des objets temporaires. « Toujours cette quête de l’essentiel qui guide mes pas. Aussi ai-je souhaité une collection très simple dans sa forme et dans les connections entre les éléments qui composent chaque meuble. Ceux-ci sont dessinés et fabriqués sans vis ni boulon, mais avec des éléments d’agencement en bois. Le but étant de faciliter le déplacement des meubles, qui peuvent suivre leur propriétaire partout. Aujourd’hui, la Nomad Collection se compose de 5 meubles essentiels en chêne ou en noyer massifs : deux tables, l’une ovale, l’autre rectangulaire, une étagère, une banquette-lit et un fauteuil. » Une collection fabriquée dans des ateliers belges … « C’était en effet important pour moi de privilégier le circuit court pour m’inscrire dans une démarche citoyenne de valorisation des matériaux naturels de chez nous et de l’artisanat belge. D’autres objets nomades sont déjà en création, notamment une commode murale disponible cet été. »
Olivier Dwek, de l’architecture… à l’art
Olivier Dwek, de l’architecture… à l’art
Mots : Agnès Zamboni
Photos : DR
Alors que sa première monographie internationale et bilingue Olivier Dwek à la lumière de la modernité – Olivier Dwek in the light of modernity, publiée aux éditions Rizzoli, New York, vient de sortir, l’architecte bruxellois évoque son intérêt pour les lieux culturels, sa passion pour le mobilier design du cœur du XXe siècle, pour l’art contemporain…
Dans cet ouvrage, les réalisations sélectionnées sont éclairées par les écrits de Philip Jodidio, reconnu comme l’un des auteurs les plus importants dans le domaine de l’architecture. La première image, accompagnant son texte d’introduction, est celle de la façade de la boutique Louis Vuitton à Bruxelles, un bâtiment néo-classique du XIXe siècle, dont Olivier Dwek a entièrement redessiné l’intérieur. Alors jeune architecte de 28 ans, il se frotte déjà aux codes du luxe. Et aux côtés de maisons de rêve comme la Silver House, réinterprétant l’architecture vernaculaire hellénique, en blanc et bleu, 30 % de sa production architecturale correspond à des fondations d’art : ce n’est pas un hasard ! Enfin, passons aux questions… car la culture, c’est essentiel !
Quelle architecture défendez-vous ?
Celle de l’intemporalité. L’architecture n’est pas un geste gratuit condamné à disparaître. Chaque coup de crayon, chaque acte a un sens. Le dialogue avec les éléments, la nature est très important. Lorsque je regarde les photos de la Silver House, je suis satisfait car aujourd’hui, après 15 ans, j’aurai fait la même chose. En cela, l’architecture se rapproche de la philosophie. Dans le terme de « luxe sobre », je me reconnais. Le mur impressionnant de 42 m2, en marbre vert italien, dans l’espace de la Collection New Hope, c’est du luxe pur, de la haute couture. Travaillé à livre ouvert, le joint de la pierre est invisible. Son dessin rappelle une cascade…
Et concernant les lieux dédiés à l’art ?
Ayant étudié l’histoire de l’art, toutes mes passions se rejoignent en dessinant des fondations. Mon modèle, c’est la Fondation Beyeler imaginée par Renzo Piano. Il a tout compris et en particulier que la meilleure lumière du monde pour éclairer une œuvre, c’est la lumière naturelle. Ce maître a su parfaitement la filtrer et la maîtriser. Tel un magicien, son travail magnifie les œuvres. Légères, elles flottent dans l’espace. L’architecture doit être au service de l’art et non l’inverse. Il faut bien sentir la distance, la hauteur, la profondeur de chaque œuvre, travailler les angles qui permettent de faire dialoguer entre elles les différentes pièces présentées.
Quelles autres particularités pour ce type d’espace ?
L’espace doit être aussi modulable pour accueillir différents types d’œuvres, du mobilier, des objets… On doit anticiper les potentialités d’un espace d’exposition pour lui assurer une longue vie. Je me démarque complètement de la démarche de Frank Gehry, de son trait très puissant. Pour la Fondation CAB, située dans un ancien bâtiment art déco des années 1930, j’ai créé un espace ouvert et polyvalent. Il faut y aller pour comprendre !
Et pour la Collection New Hope ?
J’ai conçu ce lieu en dialogue direct avec le musée Victor Horta pour qu’il garde une vue sur son parc, comme à l’époque de sa construction. Côté jardin, j’ai réinterprété et actualisé les gestes de l’architecte en jouant la même symphonie, avec les instruments de mon temps. Aux lignes souples Art nouveau de sa façade répondent les traits modernistes, lignes verticales, horizontales et obliques des années 2020. A l’intérieur, l’espace a été entièrement redessiné tout en conservant la volumétrie existante.
Architecte, architecte d’intérieur, curateur… pourquoi assurer toutes ces fonctions ?
Architecte d’intérieur ? C’est un drôle de nom. Tout doit être pensé en continuité avec le bâtiment pour effacer les frontières entre l’extérieur et l’intérieur. Le geste est le même, c’est juste une question d’échelle. Je conçois mon travail comme une maîtrise complète pour faire dialoguer tous les éléments. Mon intérêt se porte aussi spontanément sur les objets tridimensionnels, le mobilier et les objets. Au début du XXe siècle, alors que les métiers d’architectes d’intérieur et de designers n’existaient pas, les architectes dessinaient non seulement le bâtiment mais aussi les poignées de porte et jusqu’à la petite cuillère. Ils étaient des ensembliers.
« Il faut un certain recul pour réussir à sélectionner ce qui n’est pas que de la décoration. »
Comment faire de bons choix?
Dans le domaine de l’art, ma connaissance s’allie à un certain flair pour choisir ce qui, je pense, va rester, ce qui relève de l’universel. C’est à la fois un jeu et une prophétie. Regardez l’artiste Richard Prince, avec son image de cowboy « volée » à Malboro, il y a moins de 20 ans, il a imaginé le monde d’Instagram et de Facebook. Côté design, je suis particulièrement attiré par le mobilier des années 1930 aux années 1970. Mon plaisir de la sélection s’attache aussi dans le choix de pièces de céramique, avec une prédilection pour les années 1950 et les artistes français comme Georges Jouve. Cet artiste e a commencé à créer des pièces figuratives pour aller ensuite après une période de transition vers l’abstraction.
« Les grandes œuvres d’art posent des questions mais ne donnent pas de réponses. »
Artisan, une profession de foi
Artisan, une profession de foi
Mots : Servane Calmant
Photo : Le Mariage d'un Haïku
Il y a sept ans, Marie Brisart prenait un véritable virage professionnel pour travailler la terre de ses mains. En tournant et tournant encore, elle devint artisan potière. Depuis, elle a réussi à imposer son style, en créant dans son atelier à Hennuyères, de jolies pièces, des assiettes, des bols, des coquetiers, principalement utilitaires. Marie n’a aucun regret. L’artisanat, c’est sa voie.
L’enseignement et le monde associatif, c’était sa vie d’avant. Avant que notre compatriote Marie Brisart ne ressente l’urgence de se reconnecter à la terre. « A vrai dire, j’ai toujours cherché le contact avec la terre : j’ai fréquenté l’Académie des Beaux-Arts de Boitsfort qui a été une grande source de satisfaction et une licence en anthropologie a confirmé mon intérêt pour la culture matérielle… »
Devenue trentenaire, Marie interroge sa vie professionnelle, mais c’est un drame personnel, la perte d’un être cher, qui va définitivement la pousser à se tourner vers une activité plus en phase avec son vécu et ses aspirations. Il y a 7 ans, elle décide de devenir potière. D’en faire son métier donc. A plein temps. Et quand on lui demande de nous raconter une journée à l’atelier, elle prévient : « Ce n’est pas un hobby, un passe-temps, un atelier-céramique, mais bel et bien une vraie journée de travail, je démarre très tôt et je m’arrête pour aller rechercher les enfants à l’école … » Toute la journée, Marie tourne, tourne, tourne ! Ses pièces, elle les façonne en effet au tour de potier, « j’utilise donc un plateau rotatif sur lequel je centre une motte d’argile en me servant de la force rotative ». Est-ce en tournant qu’on devient céramiste ? « Exactement, comme on apprend à écrire quand on est petit. Ce n’est absolument pas instinctif. Il faut jouer avec la force centrifuge, le geste répétitif s’imprime alors progressivement dans l’inconscient. Cette technique artisanale fort ancienne nécessite une pratique soutenue ; avec le temps, le geste devient plus précis, les pièces deviennent plus régulières… ». L’enthousiasme à la tâche de Marie est palpable, l’artisanat, c’est une profession de foi, « qui exige beaucoup d’implication, de travail, de formation, de documentation, de sérieux, je ne me vois pas faire ce travail en dilettante ! »
La question de l’utilitaire
Marie Brisart tire essentiellement son inspiration des céramiques japonaises et du design européen des années 50. Les pièces qu’elle produit sont sobres, épurées. « Je suis ultra méticuleuse, il y a beaucoup de calcul dans ma démarche, les bols d’une même série doivent avoir les mêmes dimensions. Je suis très exigeante avec moi-même. D’où mon intérêt pour l’art japonais à la fois épuré et très abouti, très maîtrisé. » Des pièces, bols, assiettes, coquetiers, esthétiques certes mais avant toutes choses utilitaires : « j’ai mis un point d’honneur à placer l’utilitaire au cœur de mon travail. Je souhaitais en effet créer des objets qui servent dans la vie de tous les jours. » Est-ce là une démarche qui s’appuie sur une réflexion anticonsumériste ? « Il y a quelque chose de vibrant dans un objet utilitaire et j’adhère effectivement à des mouvements comme le Less is More… »
Son actu
Marie Brisart a récemment créé des assiettes sur mesure pour le restaurant Sanzaru à Bruxelles, qui met à l’honneur la cuisine Nikkei entre Japon et Pérou, et ouvert une petite boutique dans le centre de Bruxelles (14 Petite rue des Bouchers) où elle reçoit les amateurs d’artisanat les vendredis de 10 à 18h. Et l’avenir ? « Je dois bien vous avouer que suis en plein dilemme car les commandes d’assiettes notamment explosent, or je ne vois pas comment me développer davantage sauf à travailler plus vite ce qui reviendrait à tuer l’âme même de mon travail d’artisan ou à déléguer, mais je ne peux m’y résoudre ! Je gère tout aujourd’hui, même les réseaux sociaux. L’idée de collaborer avec d’autres restaurants me ravit évidemment … Je trouverais bien une solution ! »
Laurence Sonck, ses projets, autant de belles aventures humaines…
Laurence Sonck
Ses projets, autant de belles aventures humaines…
Mots : Servane Calmant
Photo Cover : DR
L’architecte d’intérieur Laurence Sonck prône la sobriété en évitant le piège de la maison muséale, notamment en trouvant des objets et des œuvres d’art qui réveilleront l’espace et feront la différence. Et surtout, elle n’a pas sa pareille pour écouter ses clients, nouer avec eux des rapports privilégiés, afin de les guider à trouver le style qui leur correspond le mieux. Sans jamais trahir le sien !
La maison, ce lieu de vie où l’on passe tant de temps, réfléchit-elle vraiment votre personnalité et votre mode de vie ? La question dépasse les images à la mode épinglées sur Pinterest ou dans des magazines papier ! Ecouter, guider, tracer la voie, proposer le cas échéant des alternatives ou stopper le client dans son élan lorsqu’il fait fausse route, voilà quelques-unes des missions de l’architecte d’intérieur Laurence Sonck et de son équipe. On en discute avec elle à bâtons rompus.
« Je suis une vraie autodidacte. J’ai tout d’abord aménagé une boutique de prêt-à-porter, puis une seconde. De belles rencontres vont très vite m’apporter une franche notoriété. Je pense notamment à François Schiemsky, propriétaire des magasins Francis Ferrent, qui m’avait demandé de m’occuper de ses boutiques … » Rapidement, le bouche- à-oreille devient un levier de reconnaissance… « Progressivement, on va en effet faire appel à moi pour aménager des intérieurs privés. Il a fallu néanmoins que je me démarque. Je crois que ma personnalité, mon enthousiasme, mon professionnalisme et ma capacité d’écoute ont su faire la différence. »
Quand on demande à Laurence Sonck si son travail exige un minimum de psychologie, elle nuance : « La plupart de mes clients attendent d’être écoutés, rassurés, guidés surtout. Mais c’est un métier qui nécessite aussi de savoir dire non ! J’ai à ce sujet une petite anecdote croustillante : un client fortuné pour lequel j’avais réalisé un magnifique penthouse souhaitait que tout son mobilier soit en bleu ! J’ai évidemment refusé. Il m’a néanmoins donné carte blanche et, à la fin du chantier, il m’a confié qu’il avait bien fait de m’écouter ! (rire) »
Pas toujours facile de convaincre les clients plus hésitants ? « Pour aider les clients qui n’arrivent pas à lire un plan et à le visualiser, on propose une modélisation 3D du projet qui permet de mieux appréhender sa conception. On va également prochainement s’équiper en casques virtuels. Ce ne sont pas juste des outils de vente mais de vrais outils d’aide à la validation des choix d’architecture et d’ameublement de son habitation. »
Le style Laurence Sonck, c’est …
« J’ai une clientèle belge et internationale (à 40%) forcément diversifiée, et avec laquelle je fonctionne au feeling. J’observe, je conseille, j’accompagne, je gère tout de A à Z, en fonction des demandes. Au fil des projets, j’ai réussi à imposer ma signature qui consiste à trouver le juste équilibre entre l’espace libéré, l’épure, et l’apport de chaleur et de vie dans les pièces. Par ailleurs, j’ai eu la chance de rencontrer un client qui était grand amateur d’art contemporain et qui m’a permis d’affirmer mon style en intégrant l’art dans mes projets. »
Un petit conseil à nos lecteurs et lectrices pour éviter le piège de la maison muséale ? « Je privilégie les intérieurs blancs et les tons neutres mais le style showroom, ce n’est pas du Laurence Sonck, en effet. Je conseille donc de travailler les volumes ouverts parce qu’ils accentuent la convivialité, et de les réchauffer. Comment ? En jouant avec la lumière naturelle, avec les éclairages indirects, en apportant des matières chaleureuses, des tapis épais, un plaid douillet, des coussins stylés, des objets et tableaux aussi. Vous savez, il suffit parfois de changer simplement quelques accessoires pour avoir l’impression de vivre dans un nouvel intérieur ! »
Son projet le plus ambitieux ? Et de citer sans hésiter Ramatuelle. « J’avais une relation fantastique avec le client qui m’a fait pleine confiance. On a tout géré, jusqu’au mobilier sur mesure et la commande d’une table de terrasse de 6m40 dessinée par mon bureau et conçue par Xavier Lust. La collaboration nouée dans le cadre de ce beau projet d’envergure a porté ses fruits ! »
Des projets qui sont autant de belles aventures humaines… « Pour vous donner un ordre de grandeur, il faut compter deux à trois ans entre le dépôt de permis et la réalisation d’une maison de 300 mètres carrés. C’est dire si moi et mon équipe nous avons le temps de faire connaissance avec nos clients, de les questionner sur leur manière de vivre et de recevoir, sur leurs attentes, sur le style de déco qui leur conviendrait le mieux … L’occasion de nouer de vrais rapports privilégiés et souvent de belles amitiés !
L’architecture au prisme de la sensibilité de Mireille Roobaert
L’architecture au prisme de la sensibilité de Mireille Roobaert
Mots : Servane Calmant
Photo Cover : Mireille Roobaert
Photos-témoignages. Images de mémoire. Travail de transmission. Comment la photographe d’architecture belge Mireille Roobaert restitue-t-elle le travail d’Oscar Niemeyer, de Denis Meyers (bâtiment Solvay) ou encore celui de René Stapels et Pierre Dufau, les architectes de la Royale Belge ? « A l’instinct », nous lâche-t-elle. Immersion artistique en sa compagnie.
Sport, portrait, actu, voyages, scènes de la vie quotidienne, déco d’intérieur aussi, Mireille Roobaert, photographe de presse depuis 25 ans, a plus d’un cliché à son arc. C’est cependant une autre facette de sa riche personnalité que la Bruxelloise nous dévoile lors de cet entretien, l’histoire d’une démarche plus personnelle, d’une passion vibrante pour l’architecture qui va la conduire à restituer des fragments de réalité du monde qu’elle parcourt, l’œil rivé derrière l’objectif de son numérique.
Pour l’heure, Mireille Roobaert réalise en effet des images de mémoire sur la Royale Belge, monument emblématique des années 65-70, occupé jusque 2017 par AXA, certes déserté depuis mais inscrit à jamais dans le paysage urbain bruxellois. « J’ai appris que le Belge René Stapels et le Français Pierre Dufau, les architectes qui l’ont dessinée, se sont ouvertement inspirés d’un des derniers bâtiments dessinés par Eero Saarinen dans l’Illinois. Matérialiser la Royale s’inscrit complètement dans mon intérêt pour les grands architectes… »
Pour la petite histoire, la Royale Belge du 25 boulevard du Souverain, sera bientôt réaménagée en hôtel, restaurant, espace de coworking ; Lionel Jadot est notamment sur ce projet avec le groupe Limited Edition Hôtels, ainsi que trois bureaux d’architecture, Ma2 de Francis Metzger, Caruso St John et Bovenbouw-DDS. « J’ai le privilège de pouvoir arpenter le bâtiment, qui est déjà en chantier. Il faut voir ce grand hall d’accueil de marbre rose, le volume magistral de l’auditorium, l’oeuvre du sculpteur Pierre Sabatier, les structures en béton brut du restaurant ; en revanche, le mobilier d’origine n’est plus là… Reste que la Royale Belge est un bâtiment véritablement exceptionnel, sa tour cruciforme réalisée en acier Corten happe le regard par sa singularité ! »
Quand on l’interroge sur sa façon de travailler, Mireille Roobaert raconte ses nombreuses visites à la Royale, à observer la lumière darder des rayons qu’elle souhaiterait capturer, ou éviter, sans jamais toutefois tergiverser longuement… « Je suis une instinctive, les formes, les perspectives, je les repère d’emblée. Saisir vite, c’est mon rythme naturel. Ensuite seulement, s’ajoute une réflexion plus intellectuelle où j’interroge le travail des architectes … ». En mars dernier, Mireille Roobaert avait déjà collecté une bonne centaine de photos qu’elle verrait bien aux cimaises du futur hôtel dessiné par Jadot, au cœur de la Royale Belge réaffectée. Des photos pour matérialiser le travail de mémoire, un pan de l’histoire belge fixé à jamais. To be continued.
Denis Meyers, Oscar Niemeyer et les autres…
Photos-témoignages aussi à travers le projet « Remember Souvenir » avec l’artiste urbain belge Denis Meyers, une collaboration en forme de co-création qui reposait sur la destruction même du bâtiment Solvay où le graffeur venait de taguer durant dix-huit mois 25.000 m² de murs. « Je me suis immergée dans le bâtiment, pris des milliers de clichés, nourrissant des dialogues imagés avec Denis Meyers (qui ont notamment été exposés dans la galerie Arielle d’Hauterives à Bruxelles – nda)… Si j’en avais eu l’occasion, j’aurais d’ailleurs saisi Solvay avant même l’intervention de Denis. »
Sur les traces d’Oscar Niemeyer cette fois, auquel Mireille Roobaert rend hommage à travers « Les Courbes du temps », des photos qui s’exposent en ce moment chez Lucia Esteves Lifestyle, le concept store cocooning du quartier Brugmann à Bruxelles. « La sensualité qui se dégage de la courbe chez Oscar Niemeyer m’a profondément touchée. Je me suis rendue à Sao Paulo où j’ai initié une série de photographies sur son travail, à travers notamment le hall central du Pavillon des arts, espace culturel monumental situé dans le parc d’Ibirapuera. Ensuite, j’ai fait un travail de retouches très conséquent pour gommer tous les éléments récents, notamment les pictogrammes WC ou des câbles qui sont venus avec le temps gâcher la pureté de la courbe. Je souhaitais montrer à quoi ressemblait vraiment cet édifice en 1953 et restituer de ce fait un moment du passé. »
Et Mireille Roobaert de projeter de se rendre un jour à Brasilia évidemment (la capitale brésilienne sortie de terre en avril 1960 abrite un ensemble de bâtiments dessinés par Niemeyer), en France aussi qui abrite le siège du Parti communiste français ou encore la Maison de la Culture du Havre, bref, l’héritage Niemeyer. D’autres projets ? « Plein ! Notamment prendre le temps de capter l’âme des autres grands noms du 20e, Le Corbusier, Frank Gehry … Etudiante, j’avais écrit ces quelques mots : ‘éphémère je t’ai piégé, tu m’as donné un bref instant ta réalité, et j’en ai fait un cliché’. » Vingt-cinq ans plus tard, ce regard guide toujours ses pas.