Caroline Notté - électron libre et éclectique
Caroline Notté
Electron libre et éclectique
Mots : Agnès Zamboni
Photos : DR
Dans le paysage minimaliste de l’architecture et de la décoration belge, affichant rigueur et sobriété, elle assume son côté décalé, parfois rock’n’roll. Généreuse, surprenante et enthousiaste, Caroline Notté entraîne dans son sillage d’autres personnalités.
D’où vient ce refus une architecture lisse et linéaire ? J’aime les couleurs chaudes comme celles de Luis Barragan et j’adore les mélanger ainsi que les styles et les époques. J’ai vécu en Andalousie et à New York, quel contraste ! Et je continue à me rendre régulièrement à Zanzibar, un archipel où se mêlent de nombreuses influences. Dans mes projets, je transpose cette créativité selon le contexte, la situation et le client. Dans tous les espaces que j’ai habités, j’ai intégré la couleur pour composer des ambiances différentes. Après mes études d’architecture à Saint-Luc et à La Cambre je suis partie vivre une année à Séville et, de retour à La Cambre, j’ai réalisé ma thèse sur les maisons patios sévillanes. Puis je suis partie à New York étudier la photo. En rentrant en Belgique, j’étais prête à bousculer les tendances… non pas dans le but de me faire remarquer mais d’ouvrir le champ des possibles.
Comment est venue l’idée d’inviter d’autres artistes dans votre univers ? La maison signée Louis Herman de Koning qui abrite mon bureau et cabinet de curio-sités est un emblème de la Belgique. Au cœur de cette icône architecturale des années 1930, qui mérite de vivre à travers des manifestations culturelles, j’ai créé un espace dédié aux artistes, pour lesquels j’ai eu un véritable coup de cœur. Ils s’intéressent à la couleur et la matière comme le souffleur de verre Xavier Normand, la peintre Aurélie Gravas. J’ai une âme d’artisan et je vais moi-même régulièrement à l’académie de Watermael-Boitsfort pour dessiner des nus. J’aime aussi la tapisserie. Pour les 100 ans du Bauhaus, j’ai créé des tapis avec Limited Edition.
Avez-vous envie de vous lancer dans l’édition d’objets ? Je ne suis pas designer mais j’ai un côté touche-à-tout et expérimental. J’ai eu envie de concevoir des objets qui ont de la présence. J’ai dessiné un modèle de table basse – en pourparlers avec l’Emaillerie Belge – et un motif de papier. « Palms », mixant la végétation exubérante de Zanzibar et les formes organiques de l’Art Nouveau – en cours avec Pierre Frey. En ce moment, je mets aussi au point un modèle de poignée de porte avec la maison Vervloet : Abstraction d’un morceau de branche, « Touch me » invite à la caresse et sera nappé d’une patine, vert mousse, tout à fait inédite. L’idée m’a été inspirée par l’architecte et designer Charlotte Perriand qui observait beaucoup la nature. En parallèle, je continue mes collaborations, avec des architectes, de plus en plus orientées vers les espaces publics (restaurants, bars, hôtels…) et de travail. En 20 ans de pratique du métier, mes activités ont évolué. Après 2 ans passés aux côtés de Marc Corbiau et 4 ans avec Lionel Jadot, où j’étais architecte responsable du bureau, j’ai ouvert ma propre agence. Puis j’en ai eu assez de passer trop de temps dans l’administratif et les permis de construire. Il y a environ 8 ans, j’ai changé le statut de ma société pour me focaliser sur l’aménagement d’intérieur. Bien sûr, je continue « à casser des murs » et mes notions de conception de l’espace me sont indispensables dans sa gestion et sa restructuration. 4 fois par an, j’organise des expositions pour présenter de nouveaux talents : le designer Kaspar Hamacher lauréat du Prix Van de Velde, Pol Quadens, qui a fait le choix de l’indépendance et lus récemment Paloma Gonzales-Espejo et sa ligne de tables The Yume Furniture Collection… Il n’est pas rare que les artistes, auxquels j’ai offert une première visibilité, soient ensuite repérés par de grandes galeries comme Carpenters Workshop Gallery.
Et vos projets d’architecture, comment évoluent-ils ? Récemment, j’ai réalisé plusieurs aménagements de bureaux avec une approche favorisant la convivialité, le côté cosy comme à la maison. Dans ce domaine, j’ai remporté des concours pour les espaces Comeos, SAP Lounge ou le cabinet d’avocat Xirius avec des solutions plus conviviales qui brisent les codes du milieu. L’architecte André Putman, que j’admire, disait : « Ne pas oser, c’est déjà perdre ». J’aimerai me diriger vers la scénographie, réaliser des décors d’opéras, des vitrines pour des maisons de luxe. J’ai envie d’éphémère, de poésie…
Vous fonctionnez à l’intuition ? Exactement, à l’inverse d’un ensemblier, j’essaie de développer ma spontanéité, mon ressenti. J’ai cet instinct du collectionneur qui, passionné par la découverte des artistes, fait confiance à sa propre sensibilité. Outre le travail de Charlotte Perriand avec sa phase japonaise et celui de Claire Bataille, qui sont de véritables références pour moi, j’observe le travail de Kelly Wearstler. Les moyens de ses clients sont démesurés mais son audace est un modèle pour moi. J’apprécie aussi les réalisations de Dorothée Meilichzon, Laura Gonzalez ou India Mahdavi qui s’expriment en faisant fi des tendances de la décoration. Moi, mon style, c’est de n’en avoir aucun ! Et de m’adapter aux lieux et contextes pour laisser exploser ma créativité, en gardant comme ligne conductrice la JUSTESSE.
Marie’s Corner - L’art de vivre, tout en élégance
Marie’s Corner
L’art de vivre, tout en élégance
Mots : Barbara Wesoly
Photos : Frederik Vercruysse
Bois mis à l’honneur et tissus magnifiés, ainsi se dessinent les lignes épurées des huit modèles de la collection 2022 de Marie’s Corner. L’occasion pour le leader belge du canapé « tailor-made » de se réinventer une nouvelle fois, sur fond d’ambiance contemporaine mâtinée d’influences vintage.
« Marie’s Corner reste également forte de ses valeurs de confort et de service. De durabilité aussi, ainsi que d’une production européenne, dessinée en Belgique et conçue en Espagne par des maîtres garnisseurs. Des valeurs qui trouvent un écho d’autant plus grand ces dernières années. La crise sanitaire en a été un véritable accélérateur et l’on constate que nos clients sont désormais en attente de transparence quant à la production, aux matériaux utilisés, au recyclage et à la qualité. Et l’on en est fiers, car ce sont des valeurs que l’on porte haut et fort depuis très longtemps et dont assurer la pérennité demeure un défi permanent» ajoute Serge Silber.
Le bien-être pour moteur
« Cela nous anime, tout comme la création nous anime au quotidien. Si l’on présente nos nouveaux modèles en hiver, on les imagine et les conçoit toute l’année. Philippe et moi sommes en permanence dans la réflexion. On griffonne sur des calepins des bribes d’idées qui se transforment en pensées puis se rationalisent. Et que l’on met ensuite sur papier pour en trouver les bonnes proportions, visuelles comme en matière de confort. C’est presque comme créer une sculpture, dont on choisirait un bloc de pierre, de marbre ou de bois en se demandant comment la travailler ». Un mélange de fibre artistique et de pragmatisme, qui se reflète dans le parcours de Serge Silber et de Philippe Vanhemelen, issus pour l’un de l’univers textile et pour l’autre des finances qui ajoute encore à la pluralité d’influences de Marie’s Corner. Mais avec pour lieu commun le désir profond d’offrir une expérience personnalisée et de qualité, indissociable d’une véritable expression des goûts et attentes de chaque client. « Nous proposons des centaines de finitions et tissus différents pour nos modèles, car à nos yeux, la personnalisation est le moyen ultime de donner d’autant plus de caractère à son intérieur. Aujourd’hui les architectes et décorateurs n’ont plus pour rôle d’imposer leur vérité mais d’être un vecteur d’expression pour leurs clients. Et il est essentiel pour nous de pouvoir offrir à ceux-ci d’être conseillés ou guidés s’ils le souhaitent, vers la conception du design qui leur ressemble. Il ne s’agit pas seulement pour nous de vendre un canapé ou un fauteuil, c’est bien plus que cela. En tant qu’artisans, la reconnaissance et le bien-être de nos clients sont ce qui nous anime ».
« Marie’s Corner reste également forte de ses valeurs de confort et de service. De durabilité aussi, ainsi que d’une production européenne, dessinée en Belgique et conçue en Espagne par des maîtres garnisseurs. Des valeurs qui trouvent un écho d’autant plus grand ces dernières années. La crise sanitaire en a été un véritable accélérateur et l’on constate que nos clients sont désormais en attente de transparence quant à la production, aux matériaux utilisés, au recyclage et à la qualité. Et l’on en est fiers, car ce sont des valeurs que l’on porte haut et fort depuis très longtemps et dont assurer la pérennité demeure un défi permanent» ajoute Serge Silber.
Le bien-être pour moteur
« Cela nous anime, tout comme la création nous anime au quotidien. Si l’on présente nos nouveaux modèles en hiver, on les imagine et les conçoit toute l’année. Philippe et moi sommes en permanence dans la réflexion. On griffonne sur des calepins des bribes d’idées qui se transforment en pensées puis se rationalisent. Et que l’on met ensuite sur papier pour en trouver les bonnes proportions, visuelles comme en matière de confort. C’est presque comme créer une sculpture, dont on choisirait un bloc de pierre, de marbre ou de bois en se demandant comment la travailler ». Un mélange de fibre artistique et de pragmatisme, qui se reflète dans le parcours de Serge Silber et de Philippe Vanhemelen, issus pour l’un de l’univers textile et pour l’autre des finances qui ajoute encore à la pluralité d’influences de Marie’s Corner. Mais avec pour lieu commun le désir profond d’offrir une expérience personnalisée et de qualité, indissociable d’une véritable expression des goûts et attentes de chaque client. « Nous proposons des centaines de finitions et tissus différents pour nos modèles, car à nos yeux, la personnalisation est le moyen ultime de donner d’autant plus de caractère à son intérieur. Aujourd’hui les architectes et décorateurs n’ont plus pour rôle d’imposer leur vérité mais d’être un vecteur d’expression pour leurs clients. Et il est essentiel pour nous de pouvoir offrir à ceux-ci d’être conseillés ou guidés s’ils le souhaitent, vers la conception du design qui leur ressemble. Il ne s’agit pas seulement pour nous de vendre un canapé ou un fauteuil, c’est bien plus que cela. En tant qu’artisans, la reconnaissance et le bien-être de nos clients sont ce qui nous anime ».
Mettre les petits plats dans les grands, un art !
Mettre les petits plats dans les grands, un art !
Mots : Servane Calmant
Photos : DR
A Versailles, Marie-Antoinette savait recevoir. En Belgique, Céline Delcourte en a fait son métier. Cette scénographe événementielle a fondé Antoinette Design, un studio expert dans l’art de la table, basé à Waterloo. Qui s’adresse à qui ? A toutes celles et ceux qui sont à court d’idées et de temps pour organiser leur événement, mariage, communion, anniversaire, opération de relations publiques. Soirée pour particuliers aussi, à domicile ou dans des endroits insolites. Discussion avec une entrepreneuse trentenaire qui a plus d’un set à sa table pour nous séduire.
Antoinette Design s’adresse aux particuliers, aux agences événementielles, de communication et de pub (pour notamment un lancement de produit) et aux marques en direct. Voilà pour les présentations, avec une précision apportée d’emblée par Céline Delcourte : « organiser un tea time pour Chanel a constitué une merveilleuse vitrine pour Antoinette Design, mais qu’on ne s’y trompe pas, notre cœur de métier reste les événements pour les particuliers ».
En 2017, la jeune entrepreneuse décide de lancer Antoinette Design car « l’art de la table comme métier n’existait pas ! J’ai travaillé trois ans dans une agence événementielle. Pour concevoir un décor d’event, il fallait contacter un fleuriste, louer de la vaisselle chez un traiteur, commander un joli nappage et des bougies chez un autre fournisseur … Impossible de trouver un ‘tout en un’. Alors j’ai lancé Antoinette Design pour offrir un service sur mesure de scénographie et de stylisme pour tous les types d’événements. »
Je souhaite un mariage dans les vignes par exemple, mais je n’ai ni les idées ni le temps pour l’organiser, je frappe à la bonne porte ? « Oh oui, et la seule ! Je ne connais pas beaucoup de concurrents à Antoinette Design en Belgique … ».
Dans son showroom de Waterloo ouvert en février dernier, Céline Delcourte écoute, conseille, guide, en proposant à ses clients des croquis et illustrations de l’événement, ainsi qu’un moodboard, une planche d’inspiration qui exprime un style. Le sien. « Nous communiquons beaucoup sur notre style évidemment, qui prône l’épuré et les matières nobles (le lin, la céramique, des teintes élégantes), mais nous répondons également à toutes les demandes. Nous avons aussi une ‘table test’ dressée en fonction de la thématique définie par le client, qui permet de lui donner un premier aperçu de l’ensemble de la scénographie de l’événement. » Et c’est du Belge de surcroit ! « Oui. Les bougies à base de cire naturelle dans un contenant en béton sont signées Terrae Concept, ils sont basés dans le Brabant wallon ; les sets de table en lin viennent des Brabançons de Lina Luxe également ; la collection de céramiques pour la maison, on la doit aux Liégeois de l’Atelier Fra… »
Antoinette Design, c’est une équipe jeune et ultra réactive. « Nous sommes sept, entre 25 et 30 ans, des gestionnaires de projets mais aussi une calligraphe, un graphiste-illustrateur et des spécialistes des diners et lieux insolites… » De fait, les restrictions liées à la pandémie ont bouleversé le monde de l’événement, obligeant Céline et les siens à se réinventer. « On a une liste longue comme un jour sans fin, de projets que l’on aimerait développer si on avait le temps. La Covid nous a donné ce temps ! Alors on a lancé les diners et nuits insolites. Le concept est tout simple : le client choisit un espace, une serre, un tipi, une roulotte ou une barque, il reçoit ensuite les coordonnées GPS pour s’y rendre. Sur place, il ne croisera personne, ni un autre client ni un serveur. En revanche, tout sera prêt pour l’accueillir : lieu chauffé, éclairé, table dressée. On propose plusieurs formules, brunch, sharing food, cheese & wine et fromage au feu de bois ou raclette pour l’hiver. Le concept a connu un franc succès. Pour répondre à une deuxième demande de nos clients, on a greffé à ce premier projet, les nuits insolites, une bulle et une cabane nichées en pleine nature… ». Bulle et cabane, deux mots assez réducteurs pour désigner deux endroits 100% charme à la déco stylée. La Fée Céline est passée par là !
Art de la table, la tendance 2022, on en parle ?
« Je crois que 2022 sera un mixte des tendances des dix dernières années. De l’éclectique, du super épuré, du vintage aussi… L’art de la table s’inspire évidemment des époques : au temps du disco, on aimait les tables plus flashy. Dans 25 ans, si on se penche sur les années 2020, on notera probablement que le retour aux matériaux bruts, aux objets imparfaits, aux couleurs de la nature, était le courant dominant… »
SIGNE de notre temps
SIGNE de notre temps
Mots : Agnès Zamboni
Photos : Signe
SIGNE, la “petite sœur” de LIGNE, est un espace imaginé par trois jeunes femmes passionnées de design et d’architecture, Oona Simon, Victoria Thiteux et Violette Jourez, qui ont fait leurs classes à La Cambre et Saint-Luc. SIGNE est une boutique bruxelloise, pas comme les autres, qui présente les pièces iconiques d’aujourd’hui et les grands classiques de demain…
Comment est né SIGNE ? Oona Simon : Avant SIGNE, il y a eu LIGNE. Cette boutique pionnière de meubles et objets contemporains, créée en 1966, au 14 Galerie de la Reine, a été repris, en 1972, par mon père Michel Simon, qui a été le premier à présenter, à Bruxelles, les créations des éditeurs Zanotta, Cassina ou Knoll. Puis, elle a déménagé au 14 Galerie du Roi. Je l’ai rejoint, il y a 11 ans. Mon compagnon Moïse Mann, fondateur de la bijouterie Manalys, avait remarqué un espace vacant rue de Namur. En décembre 2020, lorsque avons visité, tous les trois, les locaux de l’ex-maison Lescrenier, ancien show-room de meubles, nous avons eu un coup de cœur partagé pour cet endroit, ancienne Banque Générale du Congo belge, ses arcades en marbre, ses mosaïques classées, ses hauts plafonds, ses colonnes… un bâtiment construit il y a déjà un siècle… Nous étions persuadés que le mobilier moderne, présenté dans un tel lieu, allait offrir toute sa valeur esthétique. Et nous avons découvert d’autres éléments anciens en marbre, pendant les travaux, pour composer un écrin unique. Aujourd’hui, le « pilote de Ligne » (mon papa) nous a malheureusement quittés, mais la relève est plus qu’assurée.
Comment vous démarquez-vous de LIGNE ? Victoria Thiteux : Alors que LIGNE présente plus de 70 marques, avec une mise en avant des meubles qui font l’actualité, les nouveautés et les objets insolites, chez SIGNE, nous avons sélectionné seulement une vingtaine d’éditeurs. Plus particulièrement des firmes italiennes et scandinaves comme Edra, Cassina, Knoll, Carl Hansen & son, De Padova, Molteni, Woodnotes et Kasthall pour les tapis, Flos et Louis Poulsen pour les luminaires… Nous souhaitons aussi favoriser les projets d’architecture d’intérieur pour aider les clients à se composer un intérieur qui leur ressemble. Structurer un espace et choisir les bonnes pièces, ce n’est pas simple. Il faut se limiter et faire une bonne sélection sans s’éparpiller. Pour ce service, « de la brique à l’essuie-bain », on se déplace chez les clients, on demande à voir les plans, on compose des moodboards, on choisit des tissus. Nous fonctionnons au forfait et si notre mission aboutit, on déduit ce budget de la commande. Dans nos missions d’architecture intérieure, on peut bien sûr traiter les pièces techniques comme la cuisine et la salle de bain. Là, c’est plus le domaine de Violette Jourez, ingénieur de chantier et architecte. Depuis juin, nous avons déjà démarré deux projets à Bruxelles et un à Paris.
Comment vous différenciez-vous de la concurrence ? Victoria Thiteux : Nous sommes de jeunes entrepreneuses passionnées et nous proposons des créations que nous aimons. Nous ne sommes pas des « vendeuses de design ». Le design, c’est de la culture. Et nous ne vendons pas des articles de mode qui seront caducs dans quelques mois ou années.
Nous essayons d’éduquer nos clients en expliquant comment sont fabriqués les meubles. Ils sont tous réalisés en Europe, à la main, à la commande, par des artisans d’exception, avec une production durable et respectueuse de l’environnement. Dans le monde, il n’y a plus que deux artisans, capables de façonner le tressage de la chaise Wishbone CH24 édité chez Carl Hansen au Danemark. Une seule femme habilitée à réaliser le cannage de la chaise Superleggera de Gio Ponti, éditée chez Cassina. La chaise Diamant de Harry Bertoïa est toujours soudée à l’arc comme dans les années 1960. Le design, c’est aussi de l’art, une forme travaillée comme une sculpture. Sans oublier le travail d’Edra qui utilise des tissus exclusifs et des rembourrages innovants. Les meubles que nous proposons sont réparables et faits pour être transmis aux plus jeunes générations.
Oona Simon : Malgré la suppression de nombreux salons, nous restons dynamiques dans notre travail. Nous continuons à bouger pour découvrir des hôtels, visiter des ateliers. Pour bien vendre un meuble, justifier son prix, nous avons besoin de comprendre comment il est fabriqué. C’est tout cela notre métier !
MUD, une maison d’hôtes conçue comme une toile vierge …
MUD
Une maison d’hôtes conçue comme une toile vierge …
Mots : Nicolas De Bruyn
Photos : Piet-Albert Goethals
À deux pas de la forêt de Meerdaal, à Oud-Heverlee, se dresse MUD Residence, une villa des années soixante réinterprétée de manière contemporaine. Cette maison atypique au luxe discret peut être modelée selon les souhaits de ses hôtes : dîner intime, vernissage, week-end d’évasion …
Rencontre avec les propriétaires, Sophie De Jonghe et Frank Smeys.
MUD Residence est le projet passionné d’un couple d’entrepreneurs, Sophie De Jonghe et Frank Smeys, qui ont acheté la propriété, adjacente à leur jardin, il y a quatre ans. Ils ont rénové cette villa particulière avec le respect de ses éléments authentiques et relié l’espace de vie au jardin luxuriant via une extension épurée en acier qui agrandit l’espace et lui procure une belle lumière. Les fondateurs de MUD donnent également une dimension sociale à la résidence. Comme l’argile, MUD est un lieu qui peut être modelé selon les souhaits de ses hôtes : la maison est une toile vierge. A chacun de l’interpréter selon ses envies !
MUD pour « boue », un nom pour le moins interpellant ! Pour nous, ce mot revêt tout son sens. La villa est située à l’orée de la forêt. Après une balade, nos chaussures étaient le plus souvent boueuses. MUD, c’est encore un clin d’œil à notre environnement : nos hôtes ont l’impression d’être en vacances, or nous n’avons pas de sable fin mais un sol forestier ! Enfin, la boue c’est comme l’argile, vous pouvez la façonner à votre guise. C’est exactement ce que nous proposons : une maison à s’approprier selon les envies et l’intuition du moment.
« Stay, create and connect », d’où vous est venue l’idée, l’envie, de créer ce concept ? En tant que propriétaires, nous sommes là pour accueillir et faciliter l’installation de nos hôtes, mais c’est à eux de créer leur propre séjour ! Vous avez envie de rester dans la villa pour vous blottir dans un canapé avec un livre de la bibliothèque ? Vous préférez explorer les bois en marchant, en courant, à vélo ? Vous avez choisi de profiter du sauna dans le jardin ? Vous cherchez un endroit calme pour rédiger le contenu de votre site, photographier vos sculptures, ou tout simplement faire le vide ? MUD est là pour cela.
De plus, le studio attenant à la villa se prête parfaitement à des réunions out-of-the-box. Si vous êtes à la recherche d’un lieu original pour réunir votre équipe, votre prochain conseil d’administration ou pour faire des brainstormings, MUD est parfait, car c’est un endroit particulièrement inspirant. Et qui donne envie de se (re)connecter avec un/une partenaire, des amis, des collègues, la famille (NDLR – MUD peut accueillir 4 personnes dans deux chambres d’hôtes luxueuses, chacune dotée d’une salle de bains et d’un dressing) … L’îlot central dans la cuisine, la table de forme organique, le barbecue dans le jardin, tout incite à se connecter avec les autres ou avec soi-même. On a pensé MUD comme un endroit ou des liens et des souvenirs vont se créer, un lieu ‘bold living’, de vie authentique.
Quand on visite MUD, ce sont les détails qui font la différence. Pourquoi avez-vous décidé de travailler avec l’architecte d’intérieur Andy Kerstens ? Andy Kerstens nous a été présenté par un fournisseur d’éclairage commun. A l’époque, Andy volait de ses propres ailes, après avoir travaillé pour Dieter Vander Velpen. On l’a invité un soir pour faire plus ample connaissance. On lui a d’emblée expliqué la philosophie de MUD : un lieu de réception pour nos amis étrangers et les amis de nos enfants dans un premier temps. Mais rapidement, nous avons décidé d’ouvrir la villa à d’autres personnes, de préférence des gens pas ordinaires, qui sortent des sentiers battus, avec une histoire. La maison d’hôtes est née de la passion de rassembler et de recevoir ces gens-là, de s’ouvrir aux autres.
Andy Kerstens était jeune, entreprenant, après quelques semaines, il est revenu nous voir avec le projet final en images digitales ! On a adhéré à 100%. Son approche éthique du travail, sa volonté de construire des projets durables avec des matériaux naturels, sa capacité d’écoute – il avait bien compris qu’on souhaitait conserver l’âme de la villa des années 60 et créer un espace de vie chaleureux où intégrer des œuvres d’art, absolument pas un showroom –, bref, tout nous a séduits dans son approche ! Ensuite, nous l’avons laissé travailler …. On ne dit pas à un artiste peintre d’ajouter ici une couleur là un trait ! De la même manière, on a fait entièrement confiance à Andy Kerstens.
Axel Vervoordt, une approche intuitive
Axel Vervoordt, une approche intuitive
Mots : Agnès Zamboni
Photos : DR
Ce grand collectionneur, marchand d’art, antiquaire, curateur, designer… qui prône les mélanges de styles, ne donne pas de conseils de décoration, si ce n’est de suivre son cœur en matière de choix esthétique. Il nous reçoit dans la bibliothèque de forme circulaire de Kanaal, un ancien site industriel, transformé en centre d’art pluridisciplinaire.
Le cercle est-il la forme parfaite ?
Ici, nous sommes dans l’un des anciens silos cylindriques de la malterie qui existait jusqu’en 1980. L’espace a été dessiné par l’histoire. Le cercle est une forme divine. Il symbolise Dieu, nous renvoie à l’architecture sacrée et représente le cosmos. Le cube et le carré, reliés à la terre, ont été développés par les hommes pour se rapprocher du cercle, sans y parvenir.
Quelle est la plus belle pièce d’art que vous avez acquise ?
Ma vie entière est consacrée à la beauté. Je ne fais que cela, acheter et vendre de beaux objets pour leur trouver la meilleure place possible. Je suis attiré par des objets riches en spiritualité. Les matières (terre, bois…) ne suffisent pas. Je ne suis qu’un serviteur de la nature qui, elle, est l’artiste. Je suis en quête de l’universel, de ce qui parle à tous les hommes et à toutes les cultures. L’objet de mode se démode. J’aimerai construire un monde idéal. Bien sûr, je n’arrive pas à atteindre cette perfection mais j’essaie de toujours m’en approcher…
Comment faites-vous vos choix ?
A mes débuts, j’étais à la fois collectionneur et marchand et j’achetais pour moi-même. J’ai vécu avec des objets qui m’ont transmis leur chaleur, leur richesse. Je ne parle pas d’œuvres ostentatoires mais de celles qui enrichissent humainement.
J’ai toujours choisi des pièces que j’aimais personnellement. Pour les revendre, je n’ai jamais eu de magasin. Je recevais mes clients en chambre, chez moi, presque tous les jours. Je n’avais pas de collection fixe. Elle regroupait les invendus mais j’avais choisi de la même façon que les pièces dont je n’étais séparé. Aujourd’hui, je reste ouvert. Je travaille avec des clients de toutes les générations et je suis toujours prêt à faire de nouvelles rencontres, sans préjugés. J’ai conservé ma capacité d’émerveillement. L’émotion est mon guide et je peux être touché par un paysage, une personne, un objet.
Quand avez-vous pris confiance en vous ?
A 37 ans, en 1982, j’ai participé pour la première fois à la Biennale des Antiquaires de Paris. J’avais un stand à l’entrée du Grand Palais où je devais présenter de l’argenterie royale d’Angleterre et des pièces d’art oriental. J’avais fait le choix de faire le grand écart avec ces deux extrêmes ! Le ying et le yang, le grand luxe et le spirituel ainsi se rejoignaient. Il faut rappeler qu’à l’époque, un antiquaire était un spécialiste d’un domaine particulier, d’une époque, d’un style… En déambulant dans les stands du salon en préparation, je voyais des merveilles du XVIIe, XVIIIe et XIXe siècle. Tout était classé, bien rangé. J’étais démoralisé. Je suis sorti faire la sieste, sur une pelouse, pendant une ou deux heures. Lorsque je suis rentré, tous les stands étaient apprêtés avec des tissus, des papiers peints… J’ai détesté. J’ai arraché tous mes décors conventionnels de maison bourgeoise et j’ai présenté mes objets sur le béton brut, comme dans une maison d’artiste, à la manière d’un loft. Lors de cet événement, j’ai vendu des objets au musée Getty et au danseur Rudolf Noureev. J’avais suivi mon instinct, avec le courage d’être authentique… sans me laisser influencer par les autres.
Je n’ai peur ni de la faute ni de la malchance. Pour moi, ce sont des cadeaux qui me permettent d’apprendre encore plus. L’échec se transforme alors en positif. A mes débuts, j’ai travaillé seulement par intuition puis ensuite j’ai appris à bien connaître les objets pour mieux les vendre.
Quel est le métier que vous préférez ?
Avant tout être créatif et utile partout. Je ne m’intéresse pas trop à l’organisation financière et immobilière de mes affaires. Mes fils, Dick et Boris s’en occupent. Je délègue à mes collaborateurs qui veulent apprendre. J’aime partager mes découvertes. Ce sont elles qui me poussent et me font avancer. J’ai fait de magnifiques découvertes avec les artistes du mouvement Gutai. J’ai acquis mon premier tableau de Lucio Fontana à 21 ans. J’étais fasciné par son approche du vide, non pas par celle de la couleur ou de la matière. Nous sommes les enfants du vide et les artistes donnent vie au vide. Je suis toujours intéressé par les œuvres de Fontana alors que j’ai abandonné celles de René Magritte, dont j’appréciais les idées mais pas la technique picturale.
Comment procédez-vous pour aménager un intérieur ?
En rénovation, je respecte toujours l’architecture existante et je l’adapte.
La maison est un portrait des personnes qui l’habitent. Je veux connaître mes clients et comprendre comment ils vivent. Je les aide à composer un lieu pour qu’ils se sentent chez eux mais ils ne vivront jamais chez moi. Mon univers, c’est mon château où chaque jour est une fête dans le plaisir de profiter de l’instant, de s’asseoir à une belle table, d’allumer les bougies mais aussi de goûter à la simplicité du moment, dans un esprit de méditation à la japonaise. Dans une maison, les contrastes permettent de voyager.
Exposition :
Chaos & Order, jusqu’au 28/05/22.
A lire, Souvenirs et réflexions, Axel Vervoordt, chez Flammarion.
www.axel-vervoordt.com
Sébastien Caporusso, designer de l'année
Sébastien Caporusso
Designer de l'année
Mots : Agnès Zamboni
Photos : DR
Il vient d’aménager un espace de coworking, en plein cœur de Bruxelles, qui brise les codes de l’univers du bureau. Il a présenté sa nouvelle collection de tables différenciées en béton et marbre au Contemporary Design Market de septembre. Interview tout à l’égo pour comprendre quel designer est Sébastien Caporusso, au passé, au présent et … au futur.
A vos débuts, quel designer étiez-vous?
Après mes études au CAD d’Uccle, j’ai eu envie de quitter la Belgique. J’étais curieux de voyager, de découvrir le monde et de m’imprégner des cultures des autres pays. J’ai réalisé des stages au Japon, à Tokyo, mais aussi à Hong Kong et à New York. J’ai passé plusieurs mois dans des agences d’architecture à l’étranger pour suivre des projets assez pointus mais qui m’offraient aussi de la liberté. J’ai puisé mon inspiration dans le design radical japonais, riche de l’héritage de savoir-faire et de traditions ancestrales, en rupture avec le constructivisme. De retour à Bruxelles, j’ai eu rapidement l’opportunité de réaliser des petits projets d’aménagement, appartements et maisons privés. Et c’est dans le cadre de ces missions en architecture d’intérieur et conceptions globales d’espaces résidentiels que j’ai commencé à dessiner des meubles sur mesure pour des lieux dont je devais assurer l’équipement total. Je n’ai jamais vraiment été attiré par le mobilier de catalogue… J’ai toujours préféré concevoir moi-même une table, des bancs, des luminaires. Et pour cela, j’ai recherché la collaboration avec des artisans et des artistes.
Aujourd’hui, que signifie être devenu designer de l’année ?
Ce titre, décerné par les magazines Knack Weekend, Le Vif Weekend et la Biennale Intérieure de Courtrai, représente, à la fois, une forme de consécration et la possibilité d’une ouverture vers de nouveaux projets. J’espère que l’on me confiera bientôt des chantiers encore plus stimulants. J’aimerais réaliser des espaces commerciaux, un restaurant, un hôtel… Les timings consacrés à ce type de chantiers sont plus courts et les challenges différents. Cette distinction arrive d’ailleurs au moment où s’ouvre le premier lieu public dont j’ai orchestré la conception, l’espace de coworking Silversquare Europe, à Bruxelles.
Quelles sont les particularités de ce projet ?
J’ai souhaité créer une ambiance qui ne fait pas référence au travail, à la fois confortable, agréable et lumineuse, avec un parfum de vacances sur la Côte d’Azur… pour retrouver le sud de la France dans les seventies et sixties. Sur les murs, les enduits à la chaux sont texturés par l’apport de sable. La brique, en référence à la Belgique, a été choisie dans des tons clairs de rose… Terre cuite, lin ou cuir, j’ai choisi des matériaux naturels aux teintes douces. J’ai notamment collaboré avec l’artiste peintre et photographe Etienne Courtois. Son travail personnel est exposé dans la grande salle de réunion. Il fait écho au graphisme coloré du plateau de la table XXL qui occupe cet espace. Les murs de cette pièce serviront à présenter régulièrement le travail d’autres artistes, sélectionnés au fil du temps. Pour Silversquare Europe, Etienne Courtois a réalisé spécialement une fresque sur les portes des meubles du bar, conçu comme une cuisine. Cette intervention picturale est le fruit de nos échanges et discussions. J’ai aussi associé ma recherche de création en luminaire au travail de la céramiste Agathe Dupérou. Il faut aussi évoquer la collaboration de plusieurs jeunes artisans talentueux qui complètent le prototypage des pièces que je peux parfois réaliser moi-même. Une nouvelle génération de menuisiers, ferronniers… existe aujourd’hui avec une approche plus créative et moderne des métiers traditionnels.
Quels meubles avez-vous édités récemment ?
J’ai réalisé une première série de 10 tables en béton. Coulées dans un moule, elles intègrent dans leurs plateaux, une pièce en marbre. Ces morceaux de pierre proviennent des chutes de marbreries comme Van den Weghe mais aussi de mes propres restes de production que je stocke au même titre que les matériaux anciens débusqués pour les réinjecter dans de nouveaux projets. Comme des nénuphars posés sur l’eau, les plateaux des tables aux bords arrondis et adoucis sont poncés pour retrouver les plus belles teintes minérales. 4 à 5 prototypes ont été nécessaires pour les mettre au point et trouver le bon assemblage.
Demain, quel designer deviendrez-vous ?
Depuis longtemps, je suis attiré par les matériaux anciens que l’on trouve dans les maisons de famille. Un peu de poussière amène de la vie à un projet. J’aime toucher une poignée de porte du XVIIe siècle, caresser le bois patiné par le temps. Je combine aisément une tranche de bois de 100 ans d’âge avec des éléments de placage sur mesure. J’intègre des pièces vintage dans des univers contemporains. Cette intuition de réutilisation créative colle aujourd’hui avec la dimension environnement et écologique du recyclage. Sans imaginer un chantier zéro déchet, je stocke beaucoup de matériaux et je travaille notamment en collaboration avec Dominique Desimpel, sorte d’antiquaire du bâtiment, qui chine en Italie ou en Inde, des carrelages émaillés, des matériaux rares et anciens. La synergie avec d’autres professionnels de la décoration permet de proposer des projets très aboutis dans le détail et de les faire fermenter vers le haut pour s’amuser.
Ado Chale Le poète devenu designer
Ado Chale
Le poète devenu designer
Mots : Agnès Zamboni
Photos : Gilles van den Abeele
A 93 ans, ce créateur iconoclaste reste un précurseur dans son inspiration naturaliste, sa liberté d’expression… ses techniques innovantes, sa fille Ilona évoque son travail, son évolution et son parcours singulier…
Pourquoi est-il si difficile de cerner votre père ?
Mon père est un artiste complet, un amoureux de la nature et des matières. Il a conservé son âme rêveuse et curieuse de chercheur tout au long de sa carrière. Grâce à sa singularité, je pense qu’il a été le chef de file d’une nouvelle génération de créateurs, qui a émergé il y a une vingtaine d’années. Avec son indépendance d’esprit, son expérience d’autodidacte qui n’a subi aucune influence, il a suivi son intuition, sans s’associer à aucun mouvement esthétique. Le terme de designer, on ne l’employait même pas à ses débuts. Artisan créateur et chineur, il a voyagé, ramassé et stocké des lots de matériaux durant de longues années. En Arizona, il a débusqué des matériaux rares comme le bois pétrifié de séquoia. En France, sur les plages du Pas-de-Calais, il a ramassé des marcassites. Aujourd’hui, le site est protégé.
Son style a-t-il évolué ?
Il n’est parti de rien et son talent est inné. Il a commencé à faire des essais pour inclure des pierres dans le ciment mais le poids de ce matériau était trop important et le résultat ne le satisfaisait pas au niveau esthétique. Avec la résine, il a trouvé l’élégance qui se mariait avec la beauté minérale. Le travail des tables au piètement tripode reste emblématique. Les lignes rondes et carrées des plateaux ont évolué vers des formes plus organiques. Le succès est venu assez vite dans les années 70’. Ado a aussi créé en collaboration avec des ébénistes et des artistes, pour réaliser notamment des meubles, comme le modèle « Boule » recouvert de schiste. Il a travaillé avec le sculpteur Koenraad Tinel pour fabriquer le bureau qui est toujours dans notre show-room. Il a dessiné des bijoux, une montre en forme de galet… Dans les années 90’, à un moment où le succès n’était plus au rendez-vous, il a fabriqué des objets de petites dimensions, comme des poignées de porte, en utilisant des matériaux moins précieux et coûteux. Pendant cette traversée du désert, il s’est montré encore plus créatif. Il a réalisé des tableaux, des collages avec des papiers déchirés, des coupes vide-poches… A un moment, il s’est mis à chiner des dentelles et a conçu une table au plateau vitré en y intégrant une de ces pièces anciennes… Son désir d’expérimenter était insatiable. Dans sa galerie, à la façade recouverte de céramiques signées Pierre Culot, il a montré son art d’associer les objets, les couleurs et les matières à la façon d’un décorateur. La monographie (par Ilona Chale, édition Aparté, éditée en 2017) rend compte de la diversité de sa production et de l’ampleur de sa passion. Et 5 ans ont été nécessaires pour organiser et concrétiser l’exposition à Bozar de septembre 2017. Ayant toujours été attentive à l’œuvre de mon père, j’ai remonté le temps pour retracer le fil rouge de son cheminement très personnel ».
Comment l’atelier fonctionne-t-il aujourd’hui ?
L’atelier actuel est resté une structure familiale et artisanale qui produit des modèles imaginés depuis les années 60’. Il est installé depuis 2007 dans les écuries de la maison musée de l’Hôtel Solvay, construction emblématique de Victor Horta. Tous les nouveaux modèles réalisés ces dernières années sont des dessins et projets imaginés durant les années 60’ et 70’ qui n’avaient pas encore été réalisés, comme le modèle « Joséphine » en mémoire de sa mère qui a fait l’objet d’une édition limitée à 50 exemplaires . Les nouveaux modèles sont tous issus de dessins réalisés par la main de mon père. Si le modèle phare, que nous avons produit dans différentes dimensions, depuis sa création fin 60’ et jusqu’à aujourd’hui, avec un plateau en fonte de bronze ou d’aluminium, reste « Goutte d’eau », nous mettons aussi en valeur les pièces en mosaïque de pierre (lapis-lazuli, agate, turquoise…) mais aussi de boutons de nacre ou de grains de poivre, une spécificité d’Ado Chale. Tout est réfléchi et décidé avec un respect très rigoureux pour ne pas dénaturer son œuvre. Notre site rend compte de la variété de la production actuelle.
La fabrication est-elle fidèle aux origines ?
Tous les modèles sont réalisés sur commande, en fonction d’une déclinaison de tailles et dimensions que nous avons définie. Enfant, je me souviens encore de la surprise de découvrir le résultat final, de retour du polissage fait à la main. Le travail de fonderie et de polissage est confié à des ateliers externes. Cela fait environ 10 ans que je gère l’entreprise, créée par mon père, avec l’aide de mon frère Pierre qui est aussi un créateur. Quant à moi, j’ai fabriqué des bijoux avant de m’occuper plus spécifiquement des œuvres de mon père. Nous avons aussi la responsabilité d’authentifier les œuvres plus anciennes présentées dans les ventes aux enchères. Pour chacune d’elles, nous produisons un descriptif précis et un certificat d’authenticité. Nous assurons aussi leur rénovation éventuelle. Depuis les années 60’, les tables d’Ado Chale sont signées avec un rubis de Ceylan cerclé d’or, inséré dans l’épaisseur du plateau.
De la glisse 100% belge !
De la glisse 100% belge !
Mots : Servane Calmant
Photos : DR
En Belgique, on n’a pas de montagnes, mais on a des idées. Pierre Gérondal, Bruxellois installé à Malmedy, a lancé une marque de skis sur mesure, aussi performants qu’élégants. Ce véritable artisan est animé par des valeurs de technicité évidemment, mais aussi d’éthique, de durabilité et de production en circuit court. De quoi aiguiser notre curiosité.
On rencontre Pierre Gérondal à Bruxelles, à « 100% Snow », un workshop qui présente les dernières tendances dans les stations de sports d’hiver. Pierre est venu exposer ses skis, Justine, sa compagne, ses projets d’architecture. A deux, ils ont créé le label Yellow Yeti pour valoriser le travail du bois et du circuit court. Sur base de ces quelques informations, on imagine Pierre Gérondal en bûcheron ou en arboriste-élagueur. Que nenni ! L’homme a un parcours plutôt atypique… « Je suis Bruxellois et j’ai été directeur artistique dans la pub ». On va donc parler reconversion professionnelle… « Oui, en quelque sorte. Dans la pub, j’avais des compétences artistiques mais je n’étais pas du tout un artisan. La gestion des projets avait même fini par occulter l’aspect artistique… Or j’ai toujours eu l’intime conviction que je trouverais mon bonheur en travaillant de mes mains. »
Pierre Gérondal suit alors une formation en matériaux composites en Belgique puis en France. Mais c’est sa rencontre avec l’architecte-designer belge Pierre Lallemand qui va le sensibiliser au design. Pierre Gérondal travaillera sur le chantier Ionic Yacht de Lallemand et dessinera de nombreux prototypes en matériaux composites. Dans sa tête, trotte déjà son projet ski… « J’ai pris une année sabbatique pour me consacrer à ma passion, avec la ferme intention de faire un beau produit ! »
Du bois de chez nous
En 2018, Pierre Gérondal lance les skis Gérondal (pourquoi faire compliqué ?), la seule marque belge qui propose du fait maison, du sur-mesure, à partir de bois belge. « Mon atelier est situé à Malmedy et le bois grandit à 200km à la ronde, donc on déborde un peu sur les pays frontaliers, mais la production est bel et bien artisanale, belge et écologique ». Pour la sélection et la découpe du bois, Gérondal fait confiance à son ami Guy Close de la scierie du Parc de l’Eau Rouge à Stavelot. « Je privilégie le bois pour remplacer tous les matériaux plastiques non nécessaires à la performance du ski. La fibre de verre est certes présente mais de manière raisonnable. J’ai conçu des skis qui vivent et qui se patinent. Si le placage est usé, on le change, dans un esprit anti-consumériste ! Nos skis ont d’ailleurs une durée de vie de 8 ans et sont livrés avec un kit d’entretien, notamment une huile que nous fabriquons nous-mêmes. Les skis en fin de vie, on les recycle au sein de notre atelier : un ski usé devient alors l’assise d’un banc, un exemple parmi d’autres… » Rien ne se perd quand on a des idées !
La différence, c’est surtout le sur-mesure
Les ateliers Gérondal dessinent et montent quelque 200 skis par an, dont beaucoup ont été précommandés… « Notre clientèle se compose de véritables passionnés de la glisse qui s’offrent une belle paire de skis en cadeau et de sportifs de haut niveau ». Ce qui plait aux fans de la glisse ? « Le fait que nous sommes les seuls au monde à faire tester le ski avant de mettre la marqueterie, l’esthétique. Dans un atelier de tailleur, on procède à un ajustement et à des retouches après l’essayage. L’atelier Gérondal travaille de la même manière pour offrir du véritable sur-mesure ! »
Il y a peu, Pierre Gérondal a développé quatre gammes de skis artisanaux prêts à glisser (race, all mountain, rando avec un ski plus léger et freeride, y compris la planche de snowboard), qui sont disponibles à la vente dans les showrooms de Bruxelles et Malmedy. « On a même produit récemment des skis de fond à la demande d’un client… », précise Pierre qui sait pertinemment ce qu’il veut : rester un artisan qui a le contrôle de tout, du choix du bois à la fabrication, autant d’éléments clés pour offrir un produit haut de gamme, qui a déjà séduit plus d’un skieur professionnel. Et de citer notamment notre compatriote Seppe Smits, champion du monde de snowboard freestyle, pour lequel Pierre Gérondal vient de dessiner une planche sur mesure …
Alexandre Lowie Un créateur singulier
Alexandre Lowie
Un créateur singulier
Mots : Agnès Zamboni
Photos : DR
Passionné par les techniques d’ébénisterie anciennes, il donne un nouvel élan au mobilier contemporain. Avec une nouvelle éthique, Alexandre Lowie prône l’artisanat jusqu’à l’excellence et la perfection.
Quelles sont les particularités de votre statut ?
« Sur la base d’un enseignement destiné à la copie de meubles anciens et suivi à l’école Saint-Luc de Tournai, je me suis ensuite dirigé vers des formes épurées et fonctionnelles. Après une expérience dans l’atelier parisien d’Aisthésis au Viaduc des Arts, qui m’a permis de maîtriser d’autres techniques, j’ai décidé de voler de mes propres ailes. Pendant quelques années, j’ai dû conserver un travail alimentaire. Et depuis 6 ans, je dessine et fabrique les meubles que je conçois, réponds à des commandes d’architectes et développe une clientèle privée avec des pièces uniques réalisées sur-mesure. J’utilise des bois rares et précieux, des matières nobles. Je crois qu’en Flandre je suis le seul à posséder ce niveau d’exigence. Je ne me définis pas comme designer mais plutôt comme ensemblier et décorateur, à la façon des années 1930. Mes modèles français sont Jules Leleu, Jean-Michel Frank ou Jacques-Emile Ruhlmann ».
Comment abordez-vous vos projets ?
« Mes créations intègrent toujours 3 à 5 matériaux dont je ne maîtrise pas parfaitement les techniques. Par conséquent, je fais appel à d’autres artisans et spécialistes. Ce matin, je suis allé voir une architecte pour un projet de bibliothèque, commandé il y a déjà 3 mois. Après la présentation de mes dessins, je vais planifier mon travail et contacter mes collaborateurs qui maîtrisent les techniques en relation avec les matières utilisées (cuir, métal…) mais je démarrerais la fabrication, seulement dans un an. Je laisse du temps à mes projets pour qu’ils mûrissent, évoluent afin d’aboutir à un résultat optimal. Je n’hésite pas à rencontrer plusieurs fois mes clients pour mieux comprendre leurs désirs et créer un objet durable et solide, pendant 50 ou 100 ans, transmis aux générations suivantes. Autre exemple, une cliente architecte m’a commandé un meuble de rangement et aujourd’hui ce projet s’est transformé en tête de lit : la rénovation de l’appartement où il devait prendre place ayant changé. Finalement, cette tête de lit en loupe de noyer, laque, aluminium et cuir, conçue comme un paravent, occupera une place centrale dans la chambre.
Comment arrivez-vous à évoluer ?
Il y a 2 ans et demi, avec 10 autres artisans de pointe nous avons fondé le groupe Gabriel. Cette association m’a permis d’échanger des contacts pour trouver des matériaux. Nous mettons en commun nos carnets d’adresses, avec des rencontres virtuelles et mensuelles sur zoom et des réunions en présentiel, tous les 2 à 3 mois : un networking très spécifique et efficace. D’autre part, je loue un petit espace aux Ateliers Zaventem, une pépinière de créatifs sous l’égide du designer Lionel Jadot. J’y travaille un jour par semaine. Sur les 8 à 9 heures passées sur ce site, 5 sont consacrées au travail et le reste du temps, à des échanges très stimulants. J’ai collaboré avec l’atelier Niyona de haute maroquinerie qui a réalisé le gainage en cuir de ma tête de lit en cours. L’Atelier 185, qui maîtrise la fabrication des couteaux avec lames en acier damassé, a travaillé sur les piètements de tables pour un restaurant ».
Quelles créations en préparation ?
« Je termine la fabrication d’un meuble à chaussures inspiré par le style Art déco. Recouvert d’un placage en loupe d’amboine, il fait penser à un bloc de marbre taillé. Ce rangement bas, qui sert aussi de banquette, est caractérisé par la présence de hublots avec un éclairage intégré. Autre idée en gestation, avec des chutes de placage bois, j’essaie de réaliser des objets plus esthétiques que fonctionnels. Et mon rêve ultime, c’est de fabriquer une pièce de maîtrise avec tous les acteurs du groupe Gabriel, qui va bientôt s’étoffer, pour montrer ce que l’on est capable de faire. La Michelangelo Foundation m’a référencé sur leur site et sélectionné pour une publication car mes créations présentent une combinaison de savoir-faire assez exceptionnelle ».