Le Belge hors frontières par Ludivine Pilate
Le Belge hors frontières par Ludivine Pilate
Mots : Olivia Roks
Photo : Sébastien Vandenwouwer
Pour le plaisir ou pour l’investissement, quand il le peut, le Belge aime se faire plaisir avec l’achat d’un second bien. Résidence secondaire ou bien d’investissement ? Côte belge, France ou Espagne ? Ludivine Pilate, CEO chez Puilaetco, une succursale belge de Quintet Private Bank, nous informe et nous aiguille sur ce projet qui fait rêver nombre de Belges.
Peut-on dire que le Belge est particulièrement friand à l’idée de s’offrir une seconde résidence ? Tout à fait ! Le Belge affectionne particulièrement la seconde résidence. On peut même parler de tendance. Une fois que l’on a constitué un peu de patrimoine, le bien émotionnel, la maison de vacances devient une évidence. On souhaite « reproduire le schéma ». Soit on reprend la maison de vacances qui appartenait aux parents par souvenir et émotion, soit on crée son propre projet. Le projet d’une maison de vacances est principalement dans un but de faire plaisir aux autres : enfants, petits-enfants, amis, pour passer du bon temps ensemble. Avec l’augmentation du télétravail, ces résidences secondaires deviennent aussi des lieux de ressourcement où travailler en toute quiétude.
Vos clients sont-ils nombreux à avoir une seconde résidence ? Si l’on considère la clientèle ayant plus d’un million en portefeuille chez Puilaetco, environ 80 à 90% d’entre eux possèdent au minimum un deuxième bien immobilier. Parmi ces heureux multi-propriétaires, la majorité utilise ce second bien pour usage personnel, tandis que d’autres le destinent à la location.
Sur quoi attirez-vous l’attention quand un client souhaite un second bien hors de la Belgique ? Le client doit décider de la distance qu’il est prêt à parcourir. C’est une considération personnelle. Est-ce un achat dans un but d’investissement ou personnel ? Ensuite, il est crucial de se faire aider, de bien s’entourer, de trouver un bon agent immobilier et de connaître les acteurs du pays : le rôle de l’agent immobilier, du notaire et de l’avocat, qui diffère d’un pays à l’autre.
Y a-t-il une réglementation pour ces biens ? Un régime fiscal particulier ? Outre les frais et taxes liés à l’acquisition du bien, celui-ci fait est souvent soumis à une taxe foncière qui peut être augmentée par des taxes locales, communales, départementales ou cantonales. Citons le précompte immobilier auquel s’ajoutent souvent une taxe de seconde résidence et/ou une taxe de séjour. Certains États lèvent également un impôt sur la fortune (comme en France ou dans certaines régions d’Espagne) en fonction de la valeur du bien. En Belgique, un bien étranger se voit attribuer par l’administration fiscale belge un revenu cadastral, comme tout bien situé en Belgique. Ce revenu cadastral devra être déclaré chaque année à l’impôt des personnes physiques et sera exempté sous réserve de progressivité. Ceci signifie que ce revenu sera exonéré d’impôt, mais il en sera tenu compte pour déterminer l’impôt dû sur les autres revenus imposables dans le chef du résident belge. Si le bien est mis en location, les loyers seront imposables dans le pays de situation du bien. Le bénéficiaire des loyers devra déposer une déclaration à l’impôt des non-résidents dans le pays où se situe le bien. Dans certains pays, une retenue sera effectuée directement par l’organisme intermédiaire de location. Chez Puilaetco, nous sommes là pour vous accompagner.
Y a-t-il des restrictions face à ce genre d’achat ? Il n’existe pas de restrictions à l’acquisition au sein de l’U.E., qui se caractérise par la liberté de circulation des personnes et des capitaux (sauf rares exceptions). En dehors de l’Union européenne, notamment en Suisse, l’autorité peut imposer des restrictions à l’acquisition par des ressortissants étrangers. Par exemple, certains cantons suisses interdisent la vente à des étrangers, sauf si le bien appartient déjà à un étranger non domicilié en Suisse. Certains États (hors UE) exigent que l’acquisition du bien se fasse en indivision avec un résident local ou après obtention d’un permis d’achat (le Danemark par exemple).
Des pays sont-ils plus attractifs que d’autres ? Chez nous, peu de clients investissent hors Europe, hormis éventuellement au Maroc. La côte belge et le sud de la France restent les premiers choix. Le chalet à la montagne est plus spécifique. Les pays les plus attractifs sont la France, l’Italie et l’Espagne. Il est à noter que la France connaît une fiscalité assez complexe comparée à l’Italie ou à l’Espagne.
Hormis l’immobilier, le Belge aime-t-il investir dans d’autres passions ? Quels sont les autres domaines dans lesquels Puilaetco apporte son expertise ? L’art reste une passion très présente, avec l’envie de construire une collection et la transmettre. Plusieurs familles belges sont de réels collectionneurs. Chez nous, Sophie Clauwaert, Art Advisor, est notre experte. Elle apporte son aide lors d’achat ou de vente, conseille sur les assurances, la rénovation, aide au transport et met en contact avec les bons intermédiaires. Les autres passions incluent la gastronomie, avec parfois des investissements dans le vin. L’automobile est également appréciée, bien que ce soit un domaine plus de niche. L’offre de service de gestion chez Puilaetco va de pair avec un accompagnement dans ces multiples domaines.
Maisons rêvées signées Hervé Vanden Haute
Maisons rêvées signées Hervé Vanden Haute
Mots : Olivia Roks
Photos : DR
Esthétiquement élégantes et modernes, les villas de l’architecte Hervé Vanden Haute sont avant tout fonctionnelles, confortables, parfaitement pensées et ultra lumineuses. Dans ses bureaux situés en Brabant wallon, il imagine des réalisations uniques. Son dessein ? Sublimer les envies du client et imaginer leur maison idéale.
Échange dans votre bureau, entourés d’ouvrages tels que « Minimalisme », « Bien bâtir en Belgique », « Paradis verts » ou encore « Maisons spectaculaires »… Des livres vous inspirent ? Quel architecte êtes-vous ? Je suis tombé dedans tout petit. Ma mère achetait des magazines d’architecture, et je me plaisais à copier et dessiner ces villas. Très vite j’ai su que je voulais devenir architecte, c’était une évidence. A 17 ans, j’ai pris le bus et je suis allé m’inscrire à Saint-Luc. Après les études, mon premier stage était auprès d’une expertise judiciaire, ce qui m’a appris la rigueur. Ensuite, j’ai travaillé sept ans dans un bureau de restauration de patrimoine. C’était très intéressant ; cela m’a permis de développer une sensibilité aux matières, le respect des bâtiments et des lieux. En parallèle, j’ai développé ma clientèle et j’ai pris la décision de faire ce que j’ai toujours voulu : du logement !
Quelle architecture défendez-vous ? Quand on regarde l’ensemble de mes réalisations, on comprend très vite que je crée des villas plutôt contemporaines, sobres, très vitrées, minimalistes. La fluidité, la circulation et la lumière sont primordiales dans chacun de mes projets. Mes clients viennent à moi pour rêver. Chaque projet, je vais donc le rêver, sans oublier que c’est un projet pour eux et non pour moi. J’adore les écouter mais aussi les contredire, comprendre réellement ce qu’ils désirent. Le résultat doit leur plaire et je dois en être fier. Je ne sacrifie jamais l’esthétique au fonctionnel, mais je m’efforce toujours de concevoir des lieux qui correspondent le mieux au mode de vie du maître d’ouvrage pour dépasser ses attentes.
Vous avez une merveilleuse approche de la lumière, mais on vous appelle aussi particulièrement pour des terrains qui sont difficiles à aborder… Bien sûr, la lumière est essentielle. Baies vitrées, effets lumineux, j’aime créer des jeux de lumière. Souvent, de prime abord, mes maisons ont l’air fermées, mais en fait, elles sont baignées de lumière. Je suis aussi connu pour créer des projets sur des terrains particulièrement difficiles. J’avoue que ça m’amuse ; je transforme les contraintes en avantages ! Il est primordial également que mes villas restent en osmose avec la nature. Le souhait n’est pas d’en mettre plein la vue, mais qu’elles se fondent dans le paysage, qu’elles s’effacent.
Comment souhaiteriez-vous que vos clients vivent vos maisons ? Beaucoup de clients me disent que depuis qu’ils ont construit, ils n’ont plus la même envie de partir en vacances. Ils sont bien chez eux. Je pense alors que le projet est réussi.
Quand vous construisez, quel est le moment que vous préférez ? Le moment où tout s’emboîte. Durant la phase d’avant-projet, je cerne les envies et puis, à un moment, la solution est là. C’est clair, tout coule de source, toutes les pièces du puzzle s’assemblent, chaque choix a sa raison : le projet est cohérent.
Quelle serait la plus grosse erreur architecturale dans une construction ? Qu’est-ce que vous ne supporteriez pas ? Que le projet ne réponde pas aux besoins des occupants. Les erreurs architecturales peuvent être interprétées ou détournées, mais un bâtiment a une fonction qu’il ne faut pas oublier. Autre point négatif : le manque de lumière. Mes réalisations sont ouvertes sur l’extérieur, on en a tant besoin en Belgique. Il faut arriver à capter la lumière.
Est-ce que vous vous chargez également de l’architecture intérieure ? De plus en plus ! Mes projets sont toujours très léchés dès le départ en proposant un concept global. Mon bureau accompagne le client principalement pour le choix de l’éclairage et les meubles sur mesure. Idéalement, l’étape suivante serait de pouvoir l’accompagner dans le choix du mobilier (fauteuils, tables, etc.). Pour l’extérieur, je collabore avec des architectes de jardin. Selon moi, le luxe c’est ce qui ne se voit pas. Des réalisations où tout est intégré : stores, descentes d’eau, système sonore…
Un bâtiment qui vous anime en Belgique ou ailleurs ? Au cœur des Grisons suisses, dans l’hôtel 7132, les thermes de Vals de Peter Zumthor. Pour l’architecture, l’expérience spatiale et sensorielle. Si un jour vous avez l’occasion d’y aller, séjournez à l’hôtel et allez à l’ouverture des thermes à 7 heures. Vous ne les aurez rien que pour vous. Et cerise sur le gâteau, le petit déjeuner est incroyable !
Des projets en cours ? Une quinzaine de projets, plusieurs en Brabant wallon et une incroyable finca à Marbella.
Un projet rêvé un jour ? Un projet ultra contemporain implanté dans un magnifique paysage. Pourquoi pas en Italie, sur la côte italienne.
Dominique Eeman - Créatif par nature
Dominique Eeman
Créatif par nature
Mots : Barbara Wesoly
Photos : Stefano Arcari
Dominique Eeman travaille le vivant comme une sculpture, y apposant ses lignes et sa signature tout en en embrassant la matière. Dans ses jardins suspendus, maritimes ou avant-gardistes, il cultive avec ingéniosité et beauté sa passion de l’organique. Portrait d’un botaniste dans l’âme qui s’accomplit hors des sentiers battus.
Vous définissez vos réalisations comme une quête de symbiose entre habitation et jardin. Comment parvenir à celle-ci selon vous ? En comprenant pleinement le lieu et les éléments qui le composent : son architecture, les bâtiments présents, ainsi que la nature environnante. Mon premier acte est de parcourir les environs pour découvrir les végétaux qui y poussent, la typologie et les spécificités du sol. Œuvrer avec de la matière organique demande de s’adapter à elle et d’accepter de suivre son rythme et ses impératifs. Il est également crucial de connaître ceux qui vont habiter ce lieu. Un jardin doit être comme le prolongement d’un lieu de vie, un espace où l’on mange, savoure et reçoit des amis, où l’on doit se sentir bien. Les plus beaux projets sont ceux en adéquation avec leur propriétaire et ses souhaits. Il faut que cette volonté intérieure infuse vers l’extérieur, créant une véritable symbiose, une unité.
Au-delà de ces premiers critères, abordez-vous chaque lieu comme une étendue vierge prête à être remodelée ? Pas totalement vierge, non, mais résolument nouvelle. Je jette d’ailleurs toujours la première esquisse d’un jardin, car elle sera forcément la plus évidente. Je m’impose d’imaginer plus loin, de concevoir au-delà. Souvent, il s’agit également d’un mariage d’impulsions, surtout lors de missions pour des connaisseurs ou à partir de demandes très spécifiques. Par exemple, pour un projet mené en parallèle avec les architectes Paul Robbrecht et Bruno Moinard, ils avaient conçu une maison blanche monochrome et le jardin devait rehausser l’ensemble d’une touche colorée. Je devais perpétuer leur vision tout en y apposant la mienne.
Enfant, votre fascination pour la nature, vous est venue de la mer du Nord, à proximité de laquelle vous viviez une grande partie de l’année. Comment l’eau vous a-t-elle menée à l’architecture paysagiste ? J’ai toujours ressenti une proximité, un lien avec la nature. Nous habitions à la côte et voyagions beaucoup. J’ai commencé très tôt à dessiner et je rêvais d’un métier qui me permettrait de voir le monde. Ces trois passions m’ont conduit à cette voie. Lors de mes études, j’ai dû réaliser un stage à l’étranger. J’ai choisi le Midi de la France et j’ai été fasciné par la végétation méditerranéenne. Cela a directement éveillé en moi l’envie de me spécialiser dans les jardins côtiers, qui représentent aujourd’hui 90 % de mon travail.
Jardin sur les toits, de sculptures et même jardin maritime : vous osez l’inattendu et le tout terrain. Mais quel type de jardin a votre préférence personnelle ? Je peux me sentir aussi bien dans un endroit sauvage que dans un cadre très travaillé aux formes sculpturales. Mon propre jardin est plutôt singulier. J’habite en plein polder, à côté d’une réserve naturelle. C’est un grand terrain que je fais évoluer progressivement tout en respectant son origine agricole, ainsi que le réchauffement climatique et les changements qui l’accompagnent. Cela nous oblige à évoluer en conscience et à accepter une part d’aléatoire.
Qu’est-ce qui, après plus de 30 ans d’activité, vous fait toujours vibrer dans votre métier ? La création me porte toujours. Je continue d’esquisser mes plans sur papier, au crayon. C’est une des phases les plus enrichissantes d’un projet à mes yeux. La seconde est l’aménagement réel, lorsque les plantes arrivent sur place. Je tiens à les disposer moi-même. Dans la majorité des jardins que j’ai conçus, j’ai tenu en main chaque plante vivace ou d’ornement. J’ai besoin de ressentir l’atmosphère qui se dégage de l’endroit et de recomposer mon puzzle sans plus tenir compte des configurations prévues. Les végétaux ne sont pas des meubles aux proportions exactes. Chacun est différent, unique, et évolue singulièrement, ce qui fait leur magie. Cette réinvention constante est ce qui rend la sculpture du vivant si fascinante.
Le ballet des lumières de Nico de Nys
Le ballet des lumières de Nico de Nys
Mots : BARBARA WESOLy
Photos : DR
Un rayon du soleil qui transparaît à travers les branches d’un arbre, des lueurs jouant sur les vagues ou la lente danse des nuages. Les œuvres de Nico de Nys défient l’éphémère et domptent le mouvement de ces instants fugitifs. Elles nous offrent de contempler indéfiniment ces heures dorées.
Ni peintures, ni vidéos, vos créations baptisées « Moments » se transforment et bougent sur une toile pour-tant immobile. Que sont-elles exactement ? Une forme d’œuvre vivante, de mélodie visuelle obtenue par une succession de photos qui capturent l’essence lumineuse d’un moment. Comme la caresse des ombres sur un mur en crépi ou les ondulations d’une piscine. Ce projet m’est venu alors que j’étais alité à cause du Covid, contemplant les reflets scintillants sur le plafond de ma chambre. Je rêvais de créer une œuvre capable de les représenter. Mais la lumière est fugace et changeante, il n’était pas question pour moi de la figer. Je voulais capturer sa trajectoire.
Ce résultat saisissant, proche d’une danse flamboyante, est rendu possible grâce à une technique d’entrelacement d’images. Comment fonctionne-t-elle ? En réfléchissant à la manière de matérialiser cette idée, je me suis souvenu d’un principe utilisé au début des années 2000 : l’impression lenticulaire, qui permettait d’obtenir un effet de relief 3D. À l’époque, cette technique était peu aboutie, mais elle a depuis évolué, permettant aujourd’hui de créer des séquences de 2 à 21 images en les entrelaçant pour obtenir un véritable mouvement. C’est devenu le cœur de mon projet artistique. Ces clichés, pris à la suite, forment une boucle temporelle, donnant l’illusion de contempler une vidéo ou un écran.
Pourquoi la lumière vous fascine-t-elle ? Je suis très sensible à la lumière depuis toujours. Elle m’apaise et j’y perçois une forme de poésie. Lors de mes études d’architecture d’intérieur à Saint-Luc, j’ai rapidement remarqué que l’éclairage d’un lieu était central pour moi. Je pouvais passer des heures à observer les ombres et les lueurs en mouvement. Je voulais permettre à chacun de ressentir les émotions qu’elles me procurent. C’est ainsi que j’ai créé mon tout premier tableau, “Light Blinds”, un suivi des stores lumineux qui apparaissaient de 6 heures à 10 heures du matin sur les murs de mes bureaux à Waterloo à l’époque. Ensuite, mon second tableau était “Sparkling Waves”, capturé à Marbella. Ce tableau représente un mouvement beaucoup plus rapide, rappelant les scintillements de la mer à l’heure de l’apéro durant les vacances.
Vous avez d’ailleurs aussi cofondé Ponctuel, une marque de montres, avec votre frère Robin. Une trajectoire qui tient de l’héritage puisque votre famille a bâti Pontiac Tic-Tac dans les années 30, avant que votre père ne crée ses propres marques. Et vous avez également lancé une griffe de t-shirts baptisée 22h:22. Une ligne du temps relie donc tous vos projets. Oui, en effet, même si c’est de manière totalement inconsciente. Je me suis toujours interrogé sur le temps. J’ai un rapport assez ambivalent avec lui. Je suis bien plus en paix avec la mort qu’avec la naissance, même si je ne me l’explique pas. Par ailleurs, il est très important pour moi de laisser une trace, d’avoir un impact. L’art m’apporte ce sentiment d’alignement avec moi-même, j’y puise une paix intérieure.
L’été dernier, vous exposiez à l’Art Unity Gallery de Knokke et ce 2 juin vous étiez présent à La Terrasse O2 à Bruxelles. D’autres rendez-vous sont-ils déjà prévus ? Mon objectif principal actuellement est de continuer cette expérimentation lumineuse et d’y intégrer de nouvelles approches. Je viens de dévoiler deux œuvres imprégnées de l’atmosphère de Marrakech, « Majorblue » et « Marracotta », qui seront suivies par un triptyque ainsi qu’un tableau scindé en deux sur la French Riviera, où apparaîtront des mots en filigrane, toujours par entrelacement d’images. Je lancerai également une collection inspirée de Berlin, suivie de New York, et je partirai prochainement capturer la lumière du Brésil.
L’aventure Jam à Lisbonne
L’aventure Jam à Lisbonne
Mots : Olivia Roks
Photos : Mireille Roobaert et Philippe Boutefeu
Un ancien bâtiment, tel un navire navire abandonné sur les rives du Tage face aux docks, renaît de ses cendres pour devenir le Jam Lisbonne. Cet hôtel passif industriel, coloré et hautement créatif, propose des chambres idéales pour les séjours entre amis ou en famille, un rooftop avec piscine ainsi qu’un restaurant exceptionnel. Le tout dans une optique abordable et fun. Après Bruxelles, retour sur l’aventure Jam à Lisbonne avec Lionel Jadot, l’architecte d’intérieur des lieux.
Aujourd’hui, honneur au Jam et à son concept ! Rappelez-nous les prémices. Le Jam est tout d’abord arrivé à Bruxelles. L’aventure débute en octobre 2014. Jean-Michel André me contacte pour un projet. Je visite le bâtiment situé chaussée de Charleroi, complètement vide, et il me demande de lui faire un projet pour le restaurant (les chambres étaient imaginées par Olivia Gustot). Il me donne un moodboard que son équipe a préparé. Je ne l’ai pas suivi… et on a inventé un nouveau concept basé sur le constructivisme et le travail de Kurt Schwitters afin d’imaginer en quelque sorte un collage abstrait.
A quoi ressemblait votre moodboard ? Comment décririez-vous ce premier Jam ? Le moodboard, axé vintage et mobilier de récupération, leur a plu. On a dessiné dans cet esprit le lobby d’entrée, la réception, le bar, le restaurant et le bar rooftop. Une aventure incroyable ! Avec Sophie Coucke, nous avons trouvé le nom de l’hôtel : le JAM. Nous avons pensé à « jam session » qui reflète un lieu d’échange mais aussi à « traffic jam » pour la touche plus urbaine.
Quelle est la ligne directrice, le fil conducteur de la ligne d’hôtels Jam en termes de concept mais aussi de décoration ? Après ce premier JAM, le groupe Nelson a pris les commandes et nous avons participé au JAM Lisbonne. Ce groupe, dirigé par Jean-Paul Putz, initie un chemin « green » pour leurs hôtels. Leur but ? Construire pour durer. A Lisbonne, nous avons poussé le concept encore plus loin en collaboration avec le bureau d’architecture A2M pour un projet le plus durable possible.
C’est-à-dire ? Comment ça s’est passé à Lisbonne ? L’aventure de Lisbonne a été longue car l’administration est lourde. Mais le voyage a été beau, agrémenté d’étonnantes rencontres comme mon ami designer Mircea Anghel. En ce qui concerne la décoration d’intérieure, l’accent a été mis sur des collaborations avec des designers locaux que nous avons curatés, ainsi que sur de nombreux matériaux de récupération issus de la région. En parallèle, nous avons eu une vraie réflexion sur l’aspect démontable de ce que l’on installait. Nous nous projetons dans une vie future où le bâtiment pourrait être transformé en autre chose. Par exemple, pour les lits, nous avons récupéré des troncs d’arbres venant d’une forêt incendiée près de Lisbonne. Chacune de ces poutres en bois peut être réutilisée comme élément dans une construction future. Pour le sol, les tablettes de lavabo et les étagères, nous avons réutilisé énormément de chutes de marbre provenant des carrières locales. C’est ça le projet Jam : un ancrage contemporain, artistique, durable et honnête, une créativité débordante et un projet qui offre une expérience client généreuse pour un hôtel 3 étoiles.
Qu’est-ce que vous préférez ou adorez particulièrement dans cet hôtel ? Sa liberté créative où rien ne semble avoir été fait en même temps. Nous avons conjugué les talents, par exemple en collaborant avec Openstructures pour tous les luminaires, qui envisagent chaque projet dans l’idée de sa seconde ou même troisième vie. Chaque élément peut ou pourra servir à constituer une partie de meuble ou de luminaire. Je retiens aussi l’ensemble de talents incroyables que nous avons alignés : Mircea Anghel, Openstructures, Grond Studio, Emmanuel Babled, Ivan Daniel Cova, Pierre Emmanuel Vandeputte, Rikkert Pauw, Mon Colonel Spit…
Peut-on dire que c’est un projet encore plus abouti que le Jam Bruxelles ? Oui, certainement. Le projet et la vision s’affinent. J’applique maintenant à tous mes projets le concept de « realistic circle » : des collaborations locales sans intermédiaires, sans ingérences financières ni créatives, avec un vent de liberté et d’inspiration très fort.
Tout autre type de créativité, j’ai adoré Mojjo, le restaurant au rez-de-chaussée de l’hôtel, vous aussi ? Oui, il est impossible de ne pas se laisser surprendre par le restaurant MOJJO. Un restaurant de cuisine fusion qui réunit des saveurs du Portugal, de l’Asie, de l’Afrique et de l’Amérique du Sud. Le chef Mauro Airosa, 24 ans, fait son chemin dans le monde de la restauration depuis qu’il a participé à l’émission Masterchef. Les plats sont incroyables, avec des touches équilibrées, gourmandes et croquantes à la fois.
Peut-on s’attendre à l’arrivée d’autres Jam ? Oui, l’année prochaine, le Jam Gand s’inscrira dans la même veine, joyeux et responsable ! Un chantier dans les anciennes casernes Léopold, un lieu historique et incroyable.
Un rêve pour le projet Jam ? En réali-ser plus, bien sûr, et surtout affiner cet esprit abordable et didactique, honnête et frais, et partager cette créativité pour continuer à surprendre et à faire plaisir.
Paradis Apartment ou l’art de l’hospitalité
Paradis Apartment ou l’art de l’hospitalité
Mots : Barbara Wesoly
Photos : Frederik Vercruysse
Hasard aux airs de rendez-vous, c’est à deux pas des « Rock Strangers » d’Arne Quinze que Paradis Apartment a pris ses quartiers sur le littoral ostendais. Dans ce pied-à-terre superbement hybride, projet du couple Albane Paret et Micha Pycke, on se laisse bercer par la synergie de l’art, du design et du voyage, comme par le panorama plongeant sur les vagues de la mer du Nord.
Du mobilier aux assiettes, chaque élément présent au sein de Paradis Apartment raconte l’amour du beau, grâce à des œuvres uniques et des pièces en édition limitée. Comment les choisissez-vous ? Micha : Albane et moi sommes férus d’art, d’architecture et de design. Cela nous a conduits à fonder il y a sept ans, Club Paradis, une agence de communication mariant ces différentes passions à celle de l’hospitalité. Nous travaillons quotidiennement avec des artistes et des designers qui nous inspirent. Certains d’entre eux, comme Thomas Caron, fondateur de Artlead, nous ont spontanément proposé d’emprunter des œuvres pour habiller les murs de notre appartement ostendais.
Albane : Et ainsi, lorsqu’est née l’idée de Paradis Apartment, en tant que lieu de séjour dédié à l’art et ouvert au public, nous avons préparé une « wishlist » des pièces que nous rêvions d’y placer et le projet a suscité l’enthousiasme des créateurs. C’est pour eux une occasion inédite de présenter leur travail sous une forme vivante et habitée, hors des sentiers battus.
En créant ce concept original et inspirant, qui imaginiez-vous y séjourner ? Micha : Initialement, il n’était destiné qu’à nous. Albane est née à Ostende et c’est une ville dont nous adorons l’énergie. En achetant l’appartement l’été dernier, nous rêvions d’un lieu au littoral, où résider avec nos enfants et donnant sur la mer. Ce panorama exceptionnel, depuis le 8ème étage, a été l’une des raisons premières de notre coup de cœur.
Albane : Et puis progressivement nous est venue une envie de partage, autour de notre vision de l’esthétique et dans le cadre du voyage. Nous ne sommes pas une salle d’exposition, pas plus qu’une galerie. On ne vient pas visiter Paradis Apartment, mais y déposer ses valises, le temps d’un séjour de vacances, d’un évènement professionnel ou d’un shooting photo, pour y vivre une expérience inspirante. C’est le concept même de ce que nous appelons un « Curated Apartment ».
Quels ont été les aménagements nécessaires ? Albane : Lorsque nous avons acheté cet appartement, dans un immeuble des années 60, il présentait un style assez désuet mais nous tenions à en conserver certains aspects, notamment la cheminée en marbre et le parquet en chêne et puis bien sûr la rotonde et sa merveilleuse vue. En y ajoutant des touches personnelles et contemporaines, notamment une salle de bain rappelant celles des hôtels parisiens.
Micha : Nous voulions aussi ouvrir la cuisine et lui donner une identité forte. C’est Atelier Ternier qui en a conçu le meuble mural ondulant, en bois vernis, qui contraste à merveille avec un plan de travail ultramoderne en acier inoxydable.
Tous les objets et meubles présents au sein de l’appartement sont disponibles à la vente. S’agissait-il d’une façon de prolonger l’expérience ? Micha : Cela participe directement à notre souhait d’offrir à ces œuvres toute la lumière qu’elles méritent. Qu’elles aient été conçues par de grands noms comme Muller Van Severen ou soient issues de belles découvertes tel Coseincorso. Les objets et meubles seront aussi destinés à évoluer dans le futur. L’occasion de repérer de nouveaux designers et artistes, hors de notre réseau.
Quel sentiment espérez-vous inspirer à ceux qui en franchissent les portes de Paradis Apartment ? Albane : « Qu’ils soient subjugués par la vue magnétique et ressentent un véritable ailleurs. Nous avons conçu un espace où l’on peut vivre, sans pour autant qu’il ait le côté fonctionnel d’une habitation à long terme. A contrario d’un principe de « home away from home ». C’est toute la beauté du dépaysement.
Nathalie Van der Massen - éloge de la matière
Nathalie Van der Massen
Eloge de la matière
Mots : Barbara Wesoly
Photos : DR
Sous les doigts et la vision poétique de Nathalie Van der Massen, les étoffes s’incarnent en des dimensions toutes à la fois spatiales, lumineuses et acoustiques. Consacrée en janvier 2024 d’un prestigieux Henry van de Velde Young Talent Gold Award, elle inscrit ses œuvres sur le fil délicat du design textile et de l’architecture d’intérieur.
Vos créations sont multiples, exploi-tant les matériaux dans leur aspect le plus concret, presque tactile et en parallèle intangibles, imprégnées par les sensations comme les émotions. Où puisent-elles leurs origines ? J’ai toujours ressenti une grande curiosité envers les arts graphiques mais ma vision créative a éclos d’elle-même, une fois adulte, tandis que je découvrais en même temps mon identité profonde. C’est un processus finalement très organique, instinctif, qui m’a mené vers cette voie. Le besoin de toucher, de ressentir de mes mains cette connexion avec la matière. Cette sensation si gratifiante de voir son idée prendre forme concrète. C’était comme s’ouvrir à un nouveau monde.
Votre master en design graphique vous a alors conduit à collaborer avec le TextielMuseum de Tilburg et plus tard avec Christian Wijnants. Qu’avez-vous retiré de ces expériences ? Elles ont représenté un apprentissage exceptionnel. Le TextielMuseum m’a permis de découvrir ma fascination profonde pour les tissus et d’approfondir celle-ci par l’expérimentation et le développement. Mais je ne savais pas encore si je souhaitais m’orienter vers la mode ou le design. Ce stage avec Christian Wijnants comme ensuite l’invitation à réaliser des recherches à l’Institut flamand d’architecture m’ont amené vers une dimension plus large, celle du processus de travail. Et ainsi à percevoir mon besoin d’une création lente, rythmée par l’exploration et la réalisation manuelle. En cela l’architecture me correspond parfaitement.
La matière est-elle toujours à la base de vos œuvres ? Tout est une question d’équilibre entre matériau et contexte. Que le projet soit pour un client, en vue d’habiller un espace public ou pour une exposition, je m’interroge sur son sens profond comme sur la manière de l’élever, de l’amener à prendre forme en profondeur. C’est un dialogue permanent avec moi-même comme avec son commanditaire. Je commence le travail sans application, technique ou matériau définitif. L’œuvre naît d’une recherche constante et passionnante.
Qu’est-ce qui vous fascine dans le textile ? Sa complexité. A mes yeux il s’agit presque d’une architecture à une échelle macro voire microscopique. Les possibilités inhérentes aux textures et aux structures sont si vastes, sans parler des matières haut de gamme ou high-tech. Je suis tout autant fascinée par les fibres végétales, comme les herbes, le lin, qu’animales comme la laine, le cachemire et la soie, que par les innovations synthétiques axées sur le recyclage et même par le métal. Ils amènent des sensations différentes, des sentiments autres aussi. Et il est passionnant de constater à quel point leur choix et leur emploi peuvent affecter les émotions humaines, le ressenti d’un environnement. Cela rejoint aussi bien ma tendance à aller vers la résolution de problème avec ma pratique, que mon besoin artistique. J’aime tout particulièrement les matériaux ayant un côté farouche et leur propre caractère. C’est le cas du papier par exemple, très robuste et en même temps très délicat à travailler, cassant facilement et sensibilisé à la température, à l’atmosphère, à l’humidité. Ses réactions s’intègrent directement dans la logique même de création.
Est-il important qu’un objet ait également une dimension fonctionnelle ? C’est toujours une valeur ajoutée mais si c’est le cas, il doit l’être à 100%. Même s’il peut être tout aussi essentiel en demeurant juste beau ou expressif. Tout est encore une fois question de but et de finalité. Comme d’utiliser des techniques industrielles ou artisanales d’ailleurs ou de sélectionner un tissu en particulier. Et il est nécessaire de respecter les limites d’un matériau. Pour la perfectionniste que je suis, devoir parfois accepter que certains éléments soient voués à demeurer uniquement du domaine de l’expérimentation, cause une certaine frustration.
Vous expliquiez voir votre travail comme un hommage au patrimoine belge du savoir-faire textile. Quels en sont les procédés ou les artisans qui vous inspirent particulièrement ? Je suis très touchée par les tapisseries médiévales et cette technique comme cet amour du tissu présent depuis de si nombreux siècles. C’est une part intrinsèque de notre histoire belge, presque présente dans nos gènes. J’apprécie également de découvrir les tisserands qui travaillent encore dans nos régions. La Belgique possède une identité à part, comme une forme d’écriture culturelle distincte.
Qu’en est-il de vos projets pour les mois à venir ? En avril, je présenterai une toute nouvelle collection à Milan, sous forme de triptyque, dont chaque partie comprendra des concepts textiles différents. Je prépare également une exposition, des projets avec des architectes, ainsi qu’une collaboration mode et artistique avec La Collection. Nous sommes presque voisins à Anvers et possédons une énergie et une vision commune. Certaines de mes pièces se retrouveront dans leur concept store et nous développons également un vêtement mêlant nos univers, qui sortira en avril en édition limitée.
Renaissance de Jules Wabbes
Renaissance de Jules Wabbes
Mots : Olivia Roks
Photos : DR
Designer belge à l’aura internationale, Jules Wabbes meurt prématurément à 54 ans. Pour les 50 ans de sa disparition, un sublime objet renaît de ses cendres : la lampe M57. Un nouveau luminaire dont le prototype avait disparu. Retour, avec sa fille Marie Wabbes, sur le parcours, le style et l’héritage du créateur.
Qui êtes-vous Marie Wabbes ? Je suis une des filles de Jules Wabbes. J’ai fait des études d’archéologie et d’histoire de l’art qui m’ont amené peu à peu à me plonger dans les archives de mon père, mort quand j’avais dix ans. J’ai eu la chance de pouvoir grandir dans la même maison, celle qu’il avait décorée et où ma mère habite toujours. Je connaissais très bien ses objets et ses meubles mais avec le regard d’un usager. Quand je me suis plongée dans ses archives, j’ai en quelque sorte redécouvert mon père, j’ai mieux compris son travail. J’ai recréé une chronologie parmi ses réalisations en les datant. Aujourd’hui, l’aventure continue à travers Général Décoration.
Avant la création d’objets, votre père, Jules Wabbes, était photographe et antiquaire. Comment expliquer sa transition, son intérêt du design venu peu à peu ? Dans une interview passée, il explique qu’il avait des amis artistes et peintres qui l’ont mis au défi : « toi qui travailles avec des vieilleries, tu devrais être plus contemporain, travailler avec ton époque », du coup ça l’a stimulé. Mais il faisait également de la décoration et il remarquait que chez certains clients, il manquait des objets, du coup il les créait pour eux. Et de la restauration, il est passé à la création de meubles…
Comment définiriez-vous son travail, son univers, ses affinités ? Il a un style à part, il n’a pas été influencé par l’époque des années 50 ou 60. Il a une esthétique intemporelle, puriste, rectiligne, les structures de ses objets sont toujours apparentes. Il a aussi un grand intérêt pour les matières, le bois et le métal particulièrement. Un métal qu’il a exploité dans toutes ses patines. Avec une vision globale de l’aménagement, il lui fallait également des luminaires. La lumière est un point essentiel pour créer une belle atmosphère. C’est l’un des premiers objets qu’il a créé.
Et ces fameux objets qui ont fait sa renommée ? Ce sont ses meubles à lattes primés à la Triennale de Milan en 1957. Il abandonne le placage pour un meuble extrêmement solide en bois massif. Mais à la Triennale, il avait aussi exposé cette fameuse lampe que l’on a refaite. Après cette foire, mon père était reconnu à l’échelle internationale. Ensuite, avec l’après-guerre, ses meubles de bureau ont suscité un grand intérêt. Il a eu aussi divers chantiers, l’un de ses derniers était la Générale de Banque.
L’ensemble de ses pièces se retrouvent sous le nom Géneral Decoration, une société que Jules Wabbes a créée dans le but d’éditer et diffuser ses réalisations. Aujourd’hui, l’entreprise existe toujours, un peu grâce à Vincent et Caroline Colet… Ma mère tenait beaucoup à cette société mais manquait de temps pour s’en occuper. Vincent, un ami d’enfance, ébéniste et antiquaire, s’y connaissait très bien. Il a voulu donner une autre impulsion à son travail et a dit à ma mère qu’il était intéressé de reprendre Général Décoration. On ne pouvait pas espérer mieux que lui ! Ça été un réel casse-tête de retrouver de précieux artisans belges. Ensuite Caroline a rejoint l’aventure et Vincent m’a gentiment laissé des parts de la société.
Pour les 50 ans de la disparition de votre père, la lampe M57 a été éditée, une lampe jamais commercialisée à ce jour et retrouver ses origines n’a pas été simple… Il s’agit d’une lampe créée tout spécialement pour Milan en 1957, d’où son nom. Il a voulu, je pense, un élément spectaculaire, représentatif de son travail. Mon père était grand et la lampe l’est également. Il aimait que l’on n’aperçoive pas la source lumineuse comme c’est le cas ici. Mais apparemment, à l’époque, la lampe avait un problème technique, elle surchauffait, elle n’a donc pas été commercialisée. Aujourd’hui, cette lampe a disparu, on ne l’a jamais retrouvée. On n’avait donc rien pour la reproduire à part quelques photos. La M57 se dévoile en laiton brossé avec des ailettes en laiton nickelé et des ampoules LED qui ne chauffent pas et diffusent une lumière chaude. Elle se met dans deux positions différentes afin de faire bouger les ailettes de manière à diffuser la lumière différemment.
Général Décoration prévoit d’autres nouveautés Jules Wabbes à venir ? Oui, tout n’a pas encore été créé. Il y a le projet de refaire les superbes accessoires de salle de bains mais aussi cette année les canapés.
Quel souvenir gardez-vous de votre père ? Si vous deviez partager une chose qu’il vous a transmise ? Depuis l’enfance, il nous a transmis le respect de l’objet. Enfant, c’était impensable de poser un verre d’eau sur un meuble en bois. On jouait également avec des blocs de bois et nous devions reconnaître de quel bois il s’agissait. Je n’ai pas hérité d’un talent de décoratrice mais je fais automatiquement attention aux choses qui m’entourent, à la lumière, je suis sensible aux ambiances… Il était très exigeant, il nous a sans nul doute aussi transmis son perfectionnisme.
Si vous ne deviez choisir qu’un objet créé par votre père ? Oh la la, c’est compliqué ! J’aime tout… Je dirais la lampe nid d’abeille, j’aime son rapport à la nature et le reflet qu’elle provoque.
www.jules-wabbes.com
Thomas De Bruyne - Créatif grand angle
Thomas De Bruyne
Créatif grand angle
Mots : Barbara Wesoly
Photos : Cafeine
Sous le patronyme de Cafeine, hérité de ses années de DJ, Thomas De Bruyne s’affirme comme une référence de la photographie architecturale et d’intérieur. Point de rencontre de l’espace et du graphisme, autour de compositions d’inspiration picturale. Rencontre avec ce photographe plébiscité par les plus grands architectes, designers et entreprises de décoration, tant en Belgique qu’à l’étranger.
Nathalie Deboel, Nicolas Schuybroeck, Simon de Burbure ou Hélène Van Marcke, pour n’en citer que quelques-uns… Vous travaillez avec les plus grands noms du design et de la décoration d’intérieur. Comment sélectionnez-vous vos collaborations ? Il est important que nous partagions une même sensibilité et une vision esthétique. Sur un shooting, je fonctionne de manière intuitive, percevant l’impulsion et l’atmosphère des lieux et comprenant à l’instinct ce qui fonctionnera ou non, sans m’imposer de règles ou de limitations. Mes clients me laissent toute latitude et c’est cette confiance mais aussi ce goût commun qui en assure la réussite. J’ai la chance aujourd’hui, après plus de 15 ans de pratique, de pouvoir me concentrer uniquement sur les projets qui me passionnent vraiment.
A titre personnel, à quel type d’architecture va votre préférence ? étonnement assez éclectique, mais possédant une base très minimaliste. Comme des plafonds noirs ou bruns foncés, un sol en béton. Il y a un an, j’ai fait construire un pavillon pour mon bureau, il reflète parfaitement ce qu’est mon style personnel. On y trouve des livres, des disques, des bouteilles de whisky, du café, des céramiques et des oeuvres d’art. Les objets qui m’inspirent viennent se greffer sur socle épuré et graphique. Ce sont les détails qui complètent un lieu, qui leur donnent une histoire. C’est aussi pourquoi je préfère les meubles vintages aux pièces neuves.
Sur Instagram, vous partagez également des images de votre maison. Celle-ci est-elle aussi un terrain de jeu créatif ? Oui, certainement, même si cela reste en parallèle un espace familial. Son aménagement est, dans une certaine mesure, comparable à celui de mon bureau. L’intérieur est noir et blanc, ce qui peut sembler froid ou dur, mais les meubles, tapis, tabourets et tables, sans parler des affaires des enfants, viennent ajouter de la vie.
L’oeuvre d’un photographe en particulier vous émeut-elle ? Celle de Luigi Ghirri, un artiste italien ayant réalisé des milliers de clichés dans les années 70 et 80. J’ai découvert une rétrospective de son travail à Paris et depuis, je suis amoureux de ses photos. Mais plus encore, c’est le peintre Koen van den Broeck qui fait office de véritable inspiration pour moi. Certaines de mes compositions sont presque des miroirs de ses tableaux. Mon approche est totalement différente de la sienne. Il convoque l’art et moi la réalité, mais cela ne nous empêche pas d’avoir de multiples lieux communs.
Vous signez la couverture d’“In Focus”, un livre d’hommage aux meilleurs photographes d’architecture et d’intérieur au monde. Est-ce à vos yeux l’illustration du succès ? Arriver à convaincre l’éditeur d’opter pour ce cliché en couverture a été un sacré défi, notamment par sa composition, son cadrage et sa couleur qui lui donnent presque l’apparence d’un projet en 2D. Mais je trouvais justement passionnant d’introduire un livre d’architecture avec une photo loin d’un habituel intérieur clair et élégant, qui ferait l’unanimité. Avec une image qu’il faut observer pleinement pour la comprendre. C’était une forme de pari artistique aussi. Et c’est bien sûr un honneur que de figurer sur une dizaine de ses pages d’un tel ouvrage.
Vous lanciez Caféine, votre studio, en 2007. Qu’est-ce qui vous permet de préserver et nourrir votre passion pour la photographie après toutes ces années ? En demeurant curieux. J’ai ma propre signature mais je suis constamment en recherche d’amélioration de l’éclairage, des ombres, des finitions, des couleurs. Au début de ma carrière, je ne prenais que des clichés en noir et blanc. Mais j’ai totalement abandonné ce principe ces sept dernières années. J’expérimente énormément, notamment en post-production. Je suis passionné par la technique. Encore un aspect issu de mon identité de graphiste. Et je suis convaincu qu’il est essentiel de créer son propre style, mais plus encore de le développer et de l’alimenter.
Renata Stinglhamber - Uniques et précieux bijoux
Renata Stinglhamber
Uniques et précieux bijoux
Mots : Olivia Roks
Photo : Luk van der Plaetse
Renata Stinglhamber est l’une des joaillières les plus réputées du Royaume. Depuis plus de 25 ans, la magie des pierres précieuses, l’harmonie des courbes, la lumière des ors n’ont plus de secret pour elle.
Dans son écrin bruxellois, des merveilles voient le jour, certaines prennent vie entre ses mains d’autres sont retravaillées au goût du jour.
Un savoir-faire d’exception.
Cela fait plus de 25 ans que vous évoluez dans l’univers de la joaillerie, quel est votre parcours ? Depuis toute jeune je savais ce que je voulais faire. Je coupais, je sciais, je faisais des bracelets que je vendais. Après un cursus classique, j’ai fait quatre années d’études de création de bijoux à Anvers et j’ai terminé par une cinquième année à Londres au Saint Martins College Art & Design. Une année de bijoux expérimentaux, conceptuels, de vraies œuvres d’art. De retour en Belgique, j’ai fait le tour des belles bijouteries bruxelloises, il n’y en a pas beaucoup… Du haut de mes 24 ans, je me suis retrouvée chez Wolfers à côtoyer la Reine. J’ai fréquenté l’aristocratie belge et surtout eu accès aux somptueux bijoux anciens, spécialité de Wolfers. J’y suis restée 12 ans, ensuite la bijouterie s’est fait racheter par des Chinois et j’ai poursuivi mon aventure chez Leysen, autre bijouterie d’exception. Je retrouvais une ambiance familiale mais aussi un autre public : la bourgeoisie avec un haut pouvoir d’achat. Plus de bijoux anciens, mais de gros projets, des créations d’exception que je gérais de A à Z.
Ensuite, vous vous êtes lancée à votre propre compte… Oui, la maison Leysen s’est aussi fait racheter par des Chinois. Pendant le Covid, après la perte de mon compagnon qui m’a toujours soutenue, je me suis rendu compte que la vie ne tenait qu’à un fil. Depuis plusieurs années, j’avais développé une petite clientèle sur le côté en toute transparence. J’ai alors sauté le pas, poursuivi mon rêve et je me suis lancée à mon compte. Aujourd’hui, depuis deux ans, je travaille uniquement pour ma marque. Je n’ai pas désiré ouvrir une boutique car j’aime justement recevoir chez moi, dans un cocon, un écrin confidentiel, intime, où on se sent à l’aise, où j’accueille sur rendez-vous, où l’on prend son temps. Il ne faut pas oublier que l’humain est au centre de mes créations.
Quelle est votre force face à d’autres joailliers ? Mon atout reste ma formation très complète. J’ai appris à dessiner le bijou, le réaliser et rechercher la pierre adéquate. J’ai la capacité, les connaissances pour tout faire même si je ne le fais pas systématiquement. Ce que j’aime c’est comprendre ce que le client souhaite, chercher les pierres et ensuite réaliser le dessin. Je laisse enfin quelqu’un confectionner le bijou, sous ma supervision, toujours en Belgique. J’ai aussi cette force de bien déceler le style de la personne. C’est important quand on souhaite faire un cadeau et surprendre la personne qu’on aime. On me montre souvent une photo de la main mais j’ai besoin d’analyser son style, son métier, son âge, sa manière de se vêtir, et je me suis rarement trompée !
Comment décririez-vous vos créations ? Il y a ce que moi j’aime et ce que le client aime. Je crée pour moi, pour proposer des modèles à la vente, mais je crée aussi pour le client, selon ses demandes, un bijou sur mesure. Le sur-mesure est la plus grande partie de mon travail. Je m’oriente principalement vers deux styles distincts, bien que j’aime beaucoup de choses… J’adore les couleurs, les pierres, des pierres plutôt rares qui sortent de l’ordinaire. Je réalise par exemple des bagues dites bouquets, composées de plusieurs pierres de couleurs différentes. Ce genre de créations s’axe principalement autour de la pierre et de son originalité. Mon autre dada, c’est l’art déco, j’affectionne ce côté sobre aux lignes très claires. Naissent alors des bijoux plus architecturaux.
Et l’un de vos autres talents, c’est redonner vie à des bijoux anciens… Oui. C’est très en vogue, c’est en quelque sorte de l’upcycling ! Soit j’achète des bijoux en salle de ventes et je leur redonne une nouvelle vie, soit j’accompagne mes clients pour réaliser cette même démarche. Par exemple, une broche de votre grand-mère trop vieillotte pour vous ? Je la transforme et la revisite au goût du jour en en faisant des boucles d’oreille.
Fascinée par les pierres, quelle est votre préférence ? Il y en a une que je rêverais d’avoir moi-même mais les prix sont colossaux, c’est le diamant rose, un rose pâle délicat. J’adore également la tsavorite, un grenat vert, très intense. Je propose cette pierre parfois à la place de l’émeraude, très connue.
Un rêve en tant que joaillière ? Bien sûr, j’adorerais voir une star porter une de mes parures sur le tapis rouge. Une femme élégante avec du caractère qui portera à merveille le bijou comme Claudia Cardinale ou Monica Bellucci. Mais mon plus beau cadeau, c’est tout simplement la confiance des clients, j’adore quand on me donne carte blanche.