Vesper - L’invitation à la sérénité
Vesper
L’invitation à la sérénité
Mots : Barbara Wesoly
Photos : Tijs Vervecken
De refuges urbains en maisons en bord de mer, les architectures de Vesper s’inscrivent dans une harmonie guidée par l’équilibre. Entre sensibilité et matière, Michael Lenaerts et son agence se dédient avec élégance à la paix intérieure.
Quelles étaient vos attentes en créant ce studio de design d’intérieur ? C’était en réalité la continuité d’une longue histoire, entamée en famille. La construction et l’aménagement ont été une constante de mon existence. Depuis mon enfance, je suis les nombreux projets de rénovation de mes parents. J’ai par ailleurs commencé mon parcours professionnel dans le secteur de l’isolation, travaillant comme chef d’agence pour différents types de bâtiments, notamment industriels. Et puis, en 2011, avec mon père et ma sœur, nous avons fondé une entreprise commune, proposant la restauration et la transformation de petites maisons et d’appartements, avec pour la première fois une approche esthétique. J’ai toujours été passionné par l’architecture, notamment intérieure et c’est ce qui m’a amené en 2018 à fonder Vesper, afin de structurer et développer pleinement ma propre conception du design. Une vision qui s’est affirmée, mais aussi affinée avec les années, jusqu’à devenir une véritable identité intemporelle et épurée à la fois.
Un minimalisme qui définit aujourd’hui la touche Vesper ? Oui, même s’il est avant tout un vecteur de bien-être et de sérénité. Une forme de tremplin vers ce sentiment de quiétude que j’espère insuffler dans l’ADN même des lieux. Un calme intérieur qui passe notamment par la limitation du nombre de matériaux employés au sein d’un lieu, et par la certitude qu’ils sont purs et durables. Lorsque nous concevons une maison ou un appartement, nous privilégions une homogénéité de la matière dans un maximum de pièces, avec une préférence pour la pierre naturelle, le marbre et le bois. Les associer à des tons neutres, voire monochromes, intensifie encore l’harmonie globale. Un autre élément qui façonne les réalisations de Vesper est le travail d’alignement des éléments architecturaux : fenêtres, couloirs, ouvertures, tout est pensé pour incarner la cohérence et l’équilibre, gage d’une sensation de paix.
Vous expliquez être une agence résolument urbaine, puisant ses influences dans la nature. Comment s’exprime ce mélange des genres ? Je vis à Anvers et j’adore la ville, son énergie et son mouvement et cela s’accorde parfaitement avec le fait qu’une majorité de nos projets sont citadins. Mais en parallèle, les grandes métropoles imposent aussi leur bruit et une circulation constante, dont on a besoin de pouvoir se couper par moments. C’est là qu’intervient ce lien à la nature. Par ce souhait de laisser l’agitation à la porte et, une fois franchi le seuil d’un lieu, d’y permettre une véritable pause et un ressourcement. Le design est pour moi pleinement question d’émotions. Ce sont elles qui amènent à un résultat abouti et à un vrai plaisir de vie au sein d’un espace.
S’il devait ne rester qu’un projet à même de vous représenter ? Ce serait cette ancienne ferme de Turnhout dont nous avons géré la rénovation. Un chantier d’envergure qui a duré quatre ans. A l’époque, le studio n’avait que deux ans et cette mission représentait un immense défi, d’autant plus exceptionnel que le client nous a donné carte blanche. Nous y avons laissé librement cours à toutes nos idées, expérimenté l’emploi de textures murales très travaillées, combinées au choix d’un parquet haut de gamme. C’est sans aucun doute l’une de nos plus belles réalisations. Et puis notre propre bureau, rénové en 2024 et qui est d’une certaine façon notre aménagement le plus personnel. Il permet à nos clients de débuter cette expérience commune dès le premier rendez-vous et de s’imprégner de notre univers à chaque étape.
Vous avez également conçu de nombreux design d’intérieur en bord de mer, à Knokke, à Anvers, en Zélande ou à Rotterdam, mais aussi pour une résidence en Espagne. Rêvez-vous de lendemains sous un autre ciel que celui de la Belgique ? Oui, c’est notre objectif pour les cinq ans à venir. Concevoir l’intérieur d’un pied-à-terre maritime permet de jouer avec des teintes et matériaux différents, comme des sols coulés, de la chaux, des coloris sableux, qui rappelleront la plage et l’eau, la vue environnante. Mais les paysages belges sont très différents de ceux du sud de la France ou des décors ibériques. Nous venons de débuter un superbe projet de maison espagnole, que nous allons entièrement réaliser. Cela nous donnera l’opportunité de mixer les caractéristiques typiques des habitations locales avec notre style, mais nous n’en sommes encore qu’aux prémisses. Nous achevons par contre une résidence de ville en face du Musée Royal des Beaux-Arts d’Anvers. Deux ambiances, au départ à l’antithèse l’une de l’autre, mais tout autant sources d’inspiration pour Vesper.
La dynamique des formes de Jeroen Broux
La dynamique des formes de Jeroen Broux
Mots : Barbara Wesoly
Photos : Kobalt Gallery
Il a fait sienne une géométrie de l’équilibre. Une synergie entre construction et abstraction, dont émergent des compositions d’une harmonie sereine et magnétique. En s’appuyant sur la structure, Jeroen Broux s’évade des cadres et explore une vision vibrante de l’art et de la forme.
Après des années de création numérique en tant que graphiste, vous concevez aujourd’hui des œuvres picturales et sculpturales. Ressentiez-vous le besoin d’un retour à la matière ? Oui, profondément. C’est la raison principale qui m’a amené à la peinture. Je pouvais passer jusqu’à 12 ou 14 heures par jour devant un écran d’ordinateur et mon corps m’a finalement fait comprendre qu’il était temps de prendre de la distance avec le virtuel. J’ai ressenti un besoin viscéral de travailler de mes mains, de sentir les pinceaux, de me reconnecter au geste et à une approche physique. Pourtant, parallèlement, je ne le vois pas comme un changement créatif radical, plutôt comme une continuité. Après avoir été directeur artistique d’une agence de publicité pendant près d’une décennie, j’ai fondé il y a sept ans mon propre studio de design graphique. C’est durant cette période qu’est survenue une transition progressive vers la peinture d’abord, puis vers l’art dans sa globalité. Mais ce changement s’est déroulé de façon très fluide, presque organique. Et encore aujourd’hui, j’utilise une approche similaire à celle qui m’animait lorsque je concevais des logos, des publicités ou des brochures. Après des croquis au crayon, j’explore la disposition des structures sur logiciel. Mon langage visuel demeure le même. La véritable différence tient à la liberté que j’ai aujourd’hui, celle d’imaginer sans contrainte.
Vos réalisations s’imprègnent d’un profond travail de structure et de disposition, par des formes récurrentes se reconfigurant à l’infini. Qu’est-ce qui vous l’a inspiré ? C’était à la fois intuitif et basé sur le choix conscient de me cantonner à des figures géométriques de base, comme le carré ou le cercle. Je pense en termes de grilles. C’est une façon de concevoir tout à la fois restrictive et libératrice. Cela peut sembler paradoxal, mais cette approche cadrée, rigoureuse, me permet de créer sans me mettre de limite. Grâce à mon bagage de graphiste, je joue instinctivement avec cette modularité. D’où, d’ailleurs mes titres de tableaux, baptisés « Shift », « Enter », « Ctrl », des raccourcis clavier qui font référence à ce parcours de départ tout en racontant la métamorphose de mon travail artistique vers le lâcher-prise. Lorsque l’on peint, on doit accepter la non-possibilité d’un retour en arrière. Renoncer à cette touche que l’on presse pour effacer et recommencer. Cela oblige à peser chaque geste et à accepter un placement naturel de la matière, dans la beauté de ses imperfections.
Vous vous jouez des formes comme de la matière, entre toiles, sculptures et même tapis. Comment naît une nouvelle œuvre ? De l’expérimentation avant tout. Je suis passionné de design d’intérieur et je m’imprègne de l’architecture pour découvrir de nouvelles combinaisons de teintes et de structures. La mode m’inspire également, notamment des créateurs comme Edouard Vermeulen, de la Maison Natan, qui, par l’emploi de formes épurées et élégantes ainsi que de couleurs vives, parvient à une harmonie entre sérénité et force. Ce mélange de calme et d’audace représente exactement ce que je désire évoquer par mon travail. Une tension graphique mêlée à un profond équilibre. C’est sans doute pourquoi je me considère au croisement de l’art et du design. Lorsque je crée, je visualise d’emblée le projet dans un espace plus vaste, une pièce, un mur, une esthétique qui vit avec son environnement.
En 2022, vous lanciez également votre propre espace, Kobalt Gallery. Qu’est-ce qui a motivé ce choix ? Je suis tout sauf un artiste classique. Je n’ai suivi aucun cours de peinture, je ne m’inscris dans aucune case. Il était donc inimaginable pour moi de rester dans mon atelier à attendre de trouver une galerie prête à me représenter. Et puis j’aime ce contact avec le public. Ce regard que les spectateurs posent sur mes créations est très enrichissant. Les collaborations m’inspirent également, comme celle avec la marque de céramiques et textiles d’intérieur Kapsul autour de tableaux pensés comme des pièces de collection ou avec Ancré Rugs pour imaginer un tapis ressemblant à un tableau posé au sol.
Vous acheviez récemment une exposition pop-up à Knokke. Qu’annoncent pour vous les mois à venir ? Brussels Airport m’a invité en février 2025 à exposer durant un an, cinq de mes œuvres au sein du Skyhall, ancien hall des départs transformé en espace événementiel unique. Cela amènera 100 000 visiteurs à pouvoir découvrir mon travail. C’est une belle consécration, surtout pour un périple artistique entamé il y a seulement cinq ans. J’estime avoir encore beaucoup de chemin à parcourir. Un chemin guidé par la création.
Camille De Prêtre - Une esthétique nomade
Camille De Prêtre
Une esthétique nomade
Mots : Barbara Wesoly
Photos : DR
Entre Bruges et Los Angeles, le design de Camille De Prêtre se vit à la frontière des fuseaux horaires, où il allie l’aménagement d’espace à la création de pièces de mobilier tout en fusionnant avec élégance les différentes dimensions.
De l’objet au lieu, votre travail d’architecte aborde le design dans sa globalité. Est-il important pour vous de façonner la matière afin d’imaginer un intérieur ? C’est essentiel. Ces deux domaines sont complémentaires dans mon processus créatif et se nourrissent l’un l’autre. Cette dynamique a toujours fait partie de ma conception du métier. Lors de ma première année d’architecture d’intérieur à la KU Leuven, on nous a donné pour projet d’élaborer un meuble. J’ai réalisé une chaise noire en acier et marbre que, très fière, j’ai postée sur mes réseaux. Rapidement les demandes d’achat ont afflué et je me suis retrouvée propulsée étudiante-entrepreneuse, vendant mes propres pièces. Il s’en est écoulé une quinzaine et dans la foulée j’ai compris que je désirais imaginer et créer à deux niveaux, du mobilier artisanal comme des espaces. Une certitude renforcée ensuite par deux rencontres. Celle d’Arno Declercq, dans l’atelier duquel j’ai travaillé durant un an, et celle de Federico Peri, que j’ai rejoint en Italie pour plusieurs mois. Ils m’ont offert une immersion profonde dans chaque aspect du métier de designer.
Et l’impulsion de lancer votre propre studio ? J’estimais ne rien avoir à perdre et tout à expérimenter. Collaborer avec eux m’a amené à construire ma propre forme d’architecture. La vision d’Arno est pleinement artistique. Ce qu’il crée s’apparente à de l’art fonctionnel, fait de pièces uniques et conceptuelles. A l’inverse, Federico s’associe à des marques prestigieuses, comme Bentley ou Baxter et se tourne prioritairement vers le marché commercial. Une fois installée à Los Angeles, j’ai également mené un projet commun durant deux ans avec la décoratrice d’intérieur américaine Jacqueline Talski, spécialisée dans le design par l’étude des sciences spatiales et baptisé La-Bel. L’occasion d’une expérience qui une nouvelle fois mixait ces aspects. Je me situe aujourd’hui à la jonction des deux. Je conçois des meubles pour des labels internationaux, aménage des lieux en fonction des demandes. Et en parallèle je continue à développer mon univers personnel, qui évolue constamment au fil de mes voyages.
Vous avez en effet grandi à Bruges, mais fondé votre studio à l’ombre des collines d’Hollywood. Qu’est-ce qui vous a amené de l’autre côté de l’Atlantique ? L’amour. Mon compagnon a eu une opportunité professionnelle aux Etats-Unis et je l’ai suivi. J’y ai dessiné ma première collection dont les modèles ont ensuite été réalisés en Belgique, en collaboration avec un ami et au sein de son atelier. Mon amour de l’artisanat me vient de mes racines. Notre pays possède un savoir-faire et une technique uniques. Mais l’architecture américaine, dont je suis tombée sous le charme, imprègne tout autant mes créations. Celle de Miami, une esthétique entremêlant des courbes omniprésentes et l’influence art déco. Tout celle du Los Angel des années 70 et 80, illustrée à merveille par le J. Paul Getty Museum. Mais aussi de la vision futuriste du Walt Disney Concert Hall. C’est une région d’une exceptionnelle diversité avec un mélange de cultures inouï, entre pièces vintage, imprimés et objets de collection. Un cadre incroyablement inspirant.
La vision du design est-elle très différente entre les deux continents ? Totalement. Nous avons la chance de ne pas considérer l’architecture d’intérieur comme un luxe inaccessible, a contrario des Etats-Unis où celle-ci est réservée à une certaine élite. Notre pays nourrit également une vraie sensibilité aux matériaux nobles, comme le bois, le marbre, la pierre mais aussi au fait main et à l’attente d’une exécution parfaite. A Los Angeles, l’accent est davantage mis sur l’aspect visuel et accrocheur d’une pièce plutôt que sur son processus de fabrication et son authenticité. C’est une tout autre approche.
Considérez-vous Los Angeles comme un foyer ou plutôt comme une escale ? J’aime ce lieu, mais il reste une étape. J’ai d’ailleurs décidé de ne plus y passer que la moitié du temps, pour revenir en partie en Italie et surtout en Belgique, où m’entrainent mes projets professionnels actuels. Je prépare actuellement une collection avec Polywave, une jeune marque de mobilier belge. J’ai également achevé une série murale en noyer, différente de tout ce que j’ai pu conce-voir auparavant, même si elle demeure très organique et artisanale et qui vient d’être présentée à la Belgian Art & Design Affair de Gand. J’exposerai aussi début juin dans une galerie pop-up de Bruges, encore en rénovation. Mais plus que tout, je rêve de poser un jour mes valises dans mon atelier et me consacrer uniquement à la fabrication de mes créations. Définitivement, mon endroit favori.
Atelier Collón - Un hommage à la matière
Atelier Collón
Un hommage à la matière
Mots : Barbara Wesoly
Photos : Stéphanie Mathias
Sophie Hellebaut raconte la beauté du bois comme d’autres le feraient d’une histoire d’amour, avec une fascination passionnée qui s’inscrit aux racines d’Atelier Collón. Incarnations d’un artisanat intemporel et raffiné, ses objets façonnent le vivant pour en embrasser pleinement la nature.
Comment a débuté votre histoire avec l’artisanat ? J’ai toujours éprouvé une attraction instinctive pour le design et l’architecture. Et, bien qu’ayant entamé une carrière dans l’immobilier, j’avais le désir, le besoin même, d’imaginer et de créer. Par le hasard des rencontres, ma route a croisé celle d’un artisan menuisier retraité de 75 ans. Nous nous sommes appréciés mutuellement et il a accepté de me transmettre une part de son savoir et de m’aider à donner vie à mes idées. Hélas l’épidémie de COVID s’est déclarée dans la foulée et il nous est devenu impossible de nous voir. J’ai alors acheté les machines nécessaires pour installer mon propre atelier et concevoir de petites collections, avant de m’armer de courage et de me rendre dans des boutiques que j’appréciais pour leur proposer mes pièces. Les possibilités se sont multipliées petit à petit, les gammes se sont agrandies. Les quatre premières enseignes sont devenues une cinquantaine et m’ont permis aujourd’hui de transformer cette passion en un merveilleux métier.
Vos œuvres sont façonnées à partir de bois. Était-il important pour vous de travailler un matériau qui ait une âme ? Absolument. J’ai un rapport tactile à la matière et créer à partir du vivant était fondamental. Même si c’est parfois plus compliqué parce que le bois réagit à l’environnement, à l’humidité ainsi qu’à la lumière et peut s’altérer avec le temps. Mais c’est aussi ce qui fait toute la singularité de ce matériau, qui me fascine, par ses formes et sa profondeur. Afin de lui rendre hommage, j’ai divisé mes collections en deux gammes. « Pure », dont le bois sans nœuds ni fissures, est lissé, poli et coloré avec des huiles de haute qualité. Et « Raw », qui met en valeur son corps brut, avec ses imperfections naturelles. Cela me permet d’imaginer des pièces épurées et sophistiquées ou au contraire organiques et originelles.
Vous définissez votre label comme un témoignage de l’excellence du savoir-faire belge. Quels sont les éléments qui en permettent l’expression ? Notre pays est reconnu pour son exigence, sa minutie et la qualité de ses matières premières. C’est une richesse artisanale qu’il est essentiel de préserver et c’est ce qui m’amène à travailler exclusivement avec des produits, des fournisseurs et des ateliers belges, à qui je confie la production de mes créations. Les cous-sins qui accompagnent mes meubles sont également tissés dans une manufacture en Flandre-Orientale et mon bois provient d’entreprises familiales locales. Cette philosophie « Made in Belgium » est une valeur forte et partie intégrante de l’histoire d’Atelier Collón.
D’où vient d’ailleurs ce doux nom d’Atelier Collón ? Il fait référence aux termes grec kolóna et latin columna, qui signifient colonne. Seule, une colonne est incapable de soutenir un toit, de même qu’une forêt ne naît pas d’un arbre unique mais de la multitude. Je crois profondément à l’importance d’être entourée et d’être part d’un tout. J’ai aussi la certitude que c’est en étant porté par ses racines et par ses piliers que l’on grandit. Ces deux notions sont essentielles pour moi.
Vous avez dévoilé une toute nouvelle collection en mars 2025. Quel était son fil rouge ? Je l’ai pensée de manière multiforme et plurielle, puisqu’elle comprend l’extension de la collection de vases « Pilar », qui est désormais proposée en trois tailles. Ainsi que le lancement d’une version de grande taille de ce modèle, décliné en chêne massif, mon matériau de prédilection, ainsi qu’en afrormosia, une essence très chaleureuse aux nuances pourpres et en noyer améri-cain. Dans cette collection, on retrouve également une gamme de mobilier, elle aussi en chêne français et noyer américain, incluant une console, un bureau, une petite table d’appoint et une bibliothèque modulable, dont les éléments peuvent être employés séparément. J’aime l’idée de créations que l’on peut s’approprier en différentes configurations.
Quelle serait la plus belle réussite pour Atelier Collón ? Continuer de grandir mais sans perdre mon indépendance ni mon épanouissement. Et conserver ce plaisir initial de créer qui donne leur sens à mes pièces. Il me reste tellement à explorer. J’ai conçu un design en pierre, mais j’ignore encore ce que je désire en faire. J’aimerais aussi expérimenter le verre soufflé et le cuir, tout comme le chrome. Peut-être un jour, tenterais-je des combinaisons. Les tendances ne sont pas mon moteur, au contraire de l’instinct et de la sincérité. Le plus beau des compliments pour moi est de savoir que mes pièces ressemblent à celle que je suis.
Decancq Vercruysse Architects - « Nous ne créons pas un lieu, mais un sentiment d’appartenance »
Decancq Vercruysse Architects
« Nous ne créons pas un lieu, mais un sentiment d’appartenance »
Mots : Barbara Wesoly
Photos : DR
Porté par une approche intime et sur mesure de l’espace, le duo d’architectes déploie sa créativité en harmonie avec ceux qui construiront leurs souvenirs dans les lieux qu’ils façonnent. Une conception de l’habitat qui s’affirme pleinement comme un art de vivre, racontée par Emiel Vercruysse, l’un de ses fondateurs.
Decancq Vercruysse Architects se consacre uniquement à la réalisation d’espaces résidentiels. L’architecture est-elle pour vous le moyen de nouer des liens, d’entrer en connexion ? Oui, c’est une approche passionnante justement par la possibilité qu’elle donne de pénétrer dans le quotidien des gens, de comprendre leurs habitudes et leurs besoins. Chaque projet prend la forme d’une découverte, car tout individu a une façon personnelle et singulière de circuler dans une maison. Cela amène une intimité avec nos clients, créant souvent des relations très fortes. Nombre d’entre eux deviennent d’ailleurs des amis. Cette proximité est l’un des aspects les plus enrichissants de l’architecture résidentielle.
Des liens qui sont également à l’origine de votre cabinet, puisque vous avez fondé celui-ci en duo, avec Hannes Decancq. Quels sont les éléments qui vous ont rapproché ? J’ai rencontré Hannes par l’intermédiaire de connaissances communes et nous avons directement accroché, sans doute en raison de nos caractères complémentaires. Il a une approche très technique alors que je suis pleinement tourné vers l’esthétique. Nos parcours eux aussi reflètent cette différence, qui aujourd’hui fait notre approche et notre marque de fabrique. Alors qu’Hannes évoluait dans des bureaux spécialisés et même auprès d’entreprises de construction, j’ai travaillé dans des agences axées sur le design, notamment auprès de Vincent Van Duysen, dont la vision m’a énormément inspiré. A mes yeux, tout doit être beau, réfléchi jusque dans les moindres détails, afin d’aboutir à une maison ressentie comme un sanctuaire, un foyer chaleureux et serein. Assurer cette cohérence dans chaque aspect, même le plus pointu est un défi, et c’est là que nous nous rejoignons. Et que nous nous complétons pour imaginer ensemble un lieu parfait, à la fois fonctionnel et harmonieux.
Intérieur et extérieur doivent-ils entrer d’une certaine manière en communion ? Totalement. Nous n’acceptons jamais un projet qui ne nous permet de travailler que sur l’un de ces deux aspects, tant ils sont indissociables. Tout est une question de lumière, de la façon dont elle pénètre l’espace et des matériaux qui la captent et la transforment. L’architecture doit raconter une histoire unique mais avec équilibre et homogénéité. Nous concevons ainsi toujours un lieu en commençant par l’intérieur avant d’aller vers l’extérieur, même lorsqu’il s’agit d’une construction neuve. Nous débutons par un agencement optimal de l’espace résidentiel à proprement parler et tout découle de cette réflexion.
Comment justement envisagez-vous la relation entre les matériaux et l’espace ? Ils sont profondément liés. Je suis un grand amoureux de la nature et je suis convaincu qu’elle nous rend plus heureux et apaisés, même lorsque ces émotions se vivent de façon inconsciente. Hannes et moi appliquons ce principe à nos maisons en les connectant aux espaces extérieurs. Et l’utilisation de matériaux naturels, avec cette présence centrale du bois et de la pierre, renforce cette continuité. Par notre design, nous espérons donner un sentiment d’appartenance. Un véritable chez-soi est un cocon où l’on puise l’apaisement et le réconfort. Et qui en même temps doit pouvoir raconter le mouvement constant d’un lieu de vie, accueillir la réalité du quotidien. C’est pourquoi ce processus implique un dialogue constant avec leurs futurs habitants. Nous ne créons pas la même cuisine pour un grand chef que pour une personne réchauffant des plats préparés chaque soir ou sortant constamment dîner dehors. L’aménagement réalisé pour un célibataire sera tout autre pour une famille avec trois enfants. Il peut s’agir d’imaginer un tiroir spécifique pour ranger un objet précieux. Ou du choix d’un grand miroir plutôt que d’un petit. Chaque détail contribue à cette identité sur mesure. Et c’est ce qui permet à tout projet de demeurer spécial et singulier.
En existe-t-il malgré tout un défi architectural particulier que vous rêveriez que l’on vous propose ? Je pratique parfois la voile et je trouverais fascinant de concevoir un voilier. Une maison est un lieu de repos, où l’on revient s’ancrer. Mais créer un espace qui accompagnerait un voyage et qui ferait partie intégrante de l’aventure serait une expérience exceptionnelle.
Henrion Landscapers
Henrion Landscapers
Mots : Barbara Wesoly
Photos : Henrion Landscapers
L’aménagement paysager, est pour Gonzague et Gérault Nobels, indissociable d’une pleine conscience du vivant et d’une rencontre harmonieuse du végétal et de l’humain. Une approche qu’ils cultivent au sein d’Henrion Landscapers, réalisant des havres extérieurs où il fait doux de vivre et s’épanouir.
Au-delà de son aspect esthétique, vous abordez l’aménagement paysager dans une démarche de durabilité. Quelle forme concrète prend cet engagement ? Gonzague : Celle de jardins qui évoluent à leur rythme, au fil des saisons, au lieu d’être façonnés en un jour. En optant pour des prairies fleuries plutôt que pour des terrains de golf à l’herbe parfaitement taillée et en favorisant les plantes indigènes à la place des espèces exotiques. Nous sommes bien sûr à l’écoute des demandes de nos clients, mais nous cherchons également à leur transmettre l’approche raisonnée qui est la nôtre et cette volonté de repla-cer la biodiversité au cœur de l’aménagement extérieur.
Gérault : On peut limiter la tonte pour permettre à la faune et à la flore de se développer, adopter la permaculture, nourrir le sol et dès lors les plantes avec des matériaux organiques. Nous évitons d’ailleurs au maximum les produits phytopharmaceutiques et chimiques, comme les fongicides et les herbicides. Il s’agit finalement juste de choisir la simplicité, en laissant la nature reprendre ses droits, aussi bien lors de la création même d’un espace vert que pour son entretien.
Gonzague, comment en êtes-vous venu à reprendre les rênes d’Henrion Landscapers il y a 14 ans ? Et cette conception écologique du jardin était-elle déjà présente ? Cette opportunité s’est présentée alors que je cherchais à me réorienter professionnellement, après 20 ans de carrière dans le secteur informatique. D’Henrion, j’avais des souvenirs d’enfance, puisque mes parents avaient confié à l’entreprise la transformation de notre jardin familial. En 2011, l’aspect écologique n’était pas encore au cœur du projet, les conditions étant très différentes. Il nous a fallu, ces dernières années, apprendre à nous adapter aux transformations écologiques toujours plus nombreuses, au raccourcissement des périodes de plantation, ainsi qu’à la sécheresse et aux pluies trop abondantes. Et ce, sans pour autant rompre avec l’identité ayant fait le succès de l’entreprise depuis six décennies. Aménager un jardin est un processus créatif qui ne se limite pas à trois dimensions, mais intègre une saisonnalité, tout comme une composante visuelle et olfactive. Avec pour mission première de créer une bulle de nature et un refuge quotidien, aussi bien pour une famille qu’au sein d’une copropriété ou pour les employés d’une entreprise. Je n’imaginais en revanche pas du tout pouvoir poursuivre la tradition d’une affaire familiale, à l’image des précédents propriétaires, mais je suis heureux que Gérault ait contredit cette idée et rejoint l’aventure.
Gérault, vous avez en effet intégré l’agence il y a 5 ans, après une carrière dans le secteur du vin. Pourquoi ce choix ? J’y avais travaillé comme étudiant durant toute ma scolarité, avant de partir pour Bordeaux me former à la vinification et au commerce de vin. Après plusieurs expériences à l’étran-ger, j’étais finalement revenu en Belgique pour m’y lancer à mon compte, quand est survenue la crise sanitaire. Mes activités liées à l’horeca se sont retrouvées à l’arrêt et j’en ai alors profité pour étudier la viticulture. Lorsqu’un des associés au sein d’Henrion a pris sa retraite, rejoindre l’entreprise est devenu pour moi une évidence. Par amour du monde végétal, qu’il s’agisse de vignes ou de jardins, tout comme du fait de connaître l’équipe et d’avoir expérimenté chaque aspect concret du métier. Mais il n’était pas question d’un traitement de faveur sous prétexte d’être le fils du directeur. J’ai commencé sur les chantiers, pour finalement aujourd’hui encadrer une douzaine d’équipes.
Continuité ou développement, quel futur imaginez-vous aujourd’hui pour Henrion Landscapers ? Gérault : Créer, aménager et entretenir… Nos rôles au sein de l’agence sont multiples, mais nourrissent le même but, faire fleurir la vie dans le paysage. Cela passe bien sûr par l’idée de grandir, mais pas forcément en taille, plutôt en continuant de mûrir et développer notre connaissance et notre compréhension de la biodiversité. Et de la transmettre grâce à la passion qui nous anime.
Gonzague : Nous réalisons aussi de nombreux projets de restauration de sites bruxellois, comme le Parc Pierre Paulus, le Musée & Jardins Van Buuren et, actuellement, le Parc de la Sauvagère. Cela implique un vrai travail de réhabilitation et d’histoire, en employant des techniques d’époque pour conserver l’authenticité des lieux. Veiller à la préservation du patrimoine ainsi qu’à celle de l’environnement est une magnifique chance et un engagement que nous tenons à poursuivre.
Gilles Libert - Quand la matière devient émotion
Gilles Libert
Quand la matière devient émotion
Mots : Olivia Roks
Photos : DR
Architecte et sculpteur belge, Gilles Libert façonne l’acier pour donner vie à des œuvres monumentales qui réinventent l’espace urbain. Entre architecture, sculpture et technologies numériques, son art dialogue avec le paysage, interroge le mouvement et sublime la matière. À seulement 29 ans, il s’impose comme une figure montante de la sculpture contemporaine, multipliant les projets d’envergure.
Comment votre parcours vous a-t-il conduit de l’architecture à la sculpture ? Lors de mes études d’architecture à l’UCL, je ne ressentais pas cette envie de construire des maisons comme la plupart des élèves. J’aime particulièrement le geste architectural, les bâtiments qui dénotent face à une architecture plus fonctionnelle. J’ai toujours privilégié l’esthétique à la fonctionnalité. Après un stage au sein du bureau d’architecture Syntaxe à Ittre (avec lequel je collabore toujours en intégrant des réalisations sur mesure à leurs projets), j’ai rejoint Melens & Dejardin à Jupille, réputé pour son savoir-faire unique dans le travail de l’acier. De nombreux grands artistes font appel à leur expertise. Au début, je dessinais des réalisations pour leurs clients, et puis, de fil en aiguille, j’ai eu mes propres commandes. Finalement, je me suis affranchi du fonctionnalisme en allant vers la sculpture. Mon approche est transdisciplinaire : j’utilise les mêmes techniques qu’un architecte, mais avec une finalité différente, non pas un bâtiment, mais une sculpture.
Comment se déroule la fabrication d’une sculpture ? Quel est votre processus ? La première étape laisse place à l’imagination : je réalise un dessin ou une maquette. Ensuite vient la phase technique : le dessin ou la maquette doit être adapté afin de rendre le projet constructible. Les dessins techniques deviennent alors essentiels. Puis vient l’étape de la fabrication en chaudronnerie. À partir d’une simple feuille d’acier, s’ensuivent pliage et cintrage. Je suis constamment sur place, car si j’ima-gine et conçois les plans de ma sculpture, je la réalise aussi directement à l’atelier, aux côtés des ouvriers. Enfin, une fois la création terminée, il faut l’installer chez le client. La manutention de ces œuvres monumentales n’est pas chose facile, c’est une véritable organisation !
L’acier semble votre matière de prédilection… Acier peint ou acier Corten mais aussi l’aluminium. Je termine actuellement ma deuxième sculpture en aluminium. Son avantage est sa légèreté, ce qui me permet de réaliser des formes plus élancées. En extérieur, l’aluminium ne se corrode pas. Quant à l’acier Corten, il développe une patine qui s’autoprotège dans le temps. L’acier peint, lui, demande plus d’entretien. Mais pourquoi ne pas travailler un jour la pierre ou encore le bois…
Quelles personnes vous ont inspiré ? Gérard Dejardin (Melens & Dejardin) m’a permis de fabriquer mes premières pièces en acier. Je collabore aussi avec Jean Boghossian, avec qui je réalise des sculptures. Arne Quinze a également été une source d’inspiration.
Votre première sculpture date de 2020. Installée à Bruxelles, elle est vue par des milliers de personnes depuis l’avenue Franklin Roosevelt. Sublimant le récent bâtiment de la Solvay Brussels School of Economics and Management, elle fait partie du décor. Quelle est son histoire et que signifie-t-elle ? J’avais 25 ans lorsque j’ai réalisé ma première sculpture en acier, intitulée « Croissance ». Tout a commencé avec une petite maquette composée de piques à brochette ! Aujourd’hui, l’œuvre mesure plus de dix mètres de long. Elle évoque un graphique de croissance économique qui perd l’équilibre face à une école de commerce. La sculpture dialogue avec la façade, reprenant le même arrondi que l’auditoire en saillie, et semble se diriger vers la lumière. Placée stratégiquement, elle fait face aux étudiants sortant du bâtiment, les amenant à observer d’abord sa partie basse. La direction des barres et l’augmentation de leur hauteur guident le regard vers l’orifice dans la toiture. Cette mise en scène invite symboliquement l’étudiant à se dépas-ser et à viser toujours plus haut.
Parmi plus d’une dizaine de sculptures créées, vous nous en dévoilez quelques-unes qui vous tiennent particulièrement à cœur ? Je viens de finir une sculpture en aluminium pour le laboratoire pharmaceutique UCB. C’est mon projet le plus technique, avec une portée de quatorze mètres. Tous les assemblages sont invisibles, ce qui a demandé un travail considérable. Une autre sculpture d’envergure, la fontaine de l’hôtel de ville de Fleurus, est en phase d’achèvement. Entre ses voiles d’acier, des jets d’eau jailliront. Inoubliable et surréaliste, la sculpture sur le plateau de Gizeh, installée pour l’exposition Forever is Now d’Art d’Égypte, qui regroupe une douzaine d’artistes du monde entier.
Vos sculptures interagissent souvent avec leur environnement. Quelle importance accordez-vous à cette relation entre l’œuvre et l’espace public ? Elles ont toutes une histoire, un contexte. Je recherche toujours un sens avec le lieu qui va l’accueillir. Dans l’espace public, la sculpture sert d’emblème, un point de repère qui le rend reconnaissable. J’adore cette idée.
Paul-Antoine Bertin x STUDIØ 27
Paul-Antoine Bertin x STUDIØ 27
Mots : Olivia Roks
Photos : DR
Paul-Antoine Bertin n’est pas un chef comme les autres. Du haut de ses 27 ans, il enchaîne les projets innovants, passionné par les concepts uniques. STUDIØ 27 est sa dernière création, un studio créatif culinaire totalement inédit et sans limites.
A 27 ans, votre parcours est déjà jalonné de beaux projets… J’ai un parcours culinaire plutôt autodidacte. J’ai commencé à travailler dès l’âge de 15 ans pour financer mes premiers voyages. Vers 18 ans, le traiteur bruxellois Point Albert, très créatif, m’a engagé en tant que commis et cuisinier. Deux ans plus tard, il a fait faillite et j’ai repris l’espace pour ouvrir mon premier restaurant en 2017 : Ötap. Nous produisions beaucoup de pain pour l’établissement, ce qui prenait du temps, mais il manquait également une petite boulangerie de quartier… Nous avons alors ouvert la boulangerie Grain et la personne chargée de faire le pain au restaurant est devenue le chef boulanger de Grain. Ensuite, en 2020, le sommelier Léopaul Robert et moi, passionnés de vins, avons lancé le bar à vins Rebel. Au fil du temps, les sollicitations pour un service traiteur se sont intensifiées, s’étendant parfois bien au-delà de la gastronomie pour inclure des arrangements floraux, l’organisation d’événements, etc. En 2023, Nathan Gullentops et moi avons donc créé STUDIØ 27, un service traiteur pas comme les autres… Mon parcours culinaire est varié et porté surtout par l’envie d’imaginer de nouveaux lieux, de nouveaux concepts à réaliser de A à Z, à l’aide d’associés variés, aussi passionnés que moi.
Mais aujourd’hui STUDIØ 27 est devenu bien plus qu’un service trai-teur. Vous vous définissez davantage comme un studio créatif ? Oui, aujourd’hui STUDIØ 27 pourrait davantage se définir comme une boîte d’évènementiel, un studio qui rassemble différentes disciplines fusionnant les mondes de la gastronomie, de la mode, du design, de l’art contemporain… Nous tentons de créer des expériences ou des moments qui sortent de l’ordinaire. Aucune collaboration avec des lieux fixes, avec nous tout est adapté sur mesure. Nous n’avons pas de liste de prix ou de menu préétabli, ce qui peut parfois refroidir les clients, mais ici rien n’est prédéfini.
Pour arriver à un résultat de haut niveau, vous vous entourez de diverses personnes de talent… STUDIØ 27, c’est tout d’abord Nathan et moi. Je me charge de la partie création et relation, des premières rencontres, du moodboard de départ. Une fois que l’évènement est confirmé par le client, Nathan entre en jeu et se charge de la gestion des équipes et du bon suivi du projet. Dans 90 % des cas, je m’occupe aussi du menu et de la cuisine. Autour de nous, de nombreux talents, tous indépendants, viennent en renfort. C’est ce qui fait notre force. Nous sélectionnons une équipe en fonction de la demande : scénographe, architecte ou architecte d’intérieur, chef, chef de salle, équipe technique pour les sons et lumières, etc. Nous les choisissons en fonction des projets. Par exemple, pour notre premier dîner public en février au Mix à Bruxelles, c’est Elona Pinto qui a géré toute la scénographie. C’est une amie, c’est rare que je travaille avec des proches mais cela se passe très bien, et nous multiplions les projets ensemble.
Même si vous proposez du sur mesure, y a-t-il un style qui correspond davantage à STUDIØ 27 ? J’aime beaucoup les ambiances brutes, industrielles. Cependant, j’évolue et j’apprécie de plus en plus des atmosphères plus chaleureuses mais épurées, je n’aime pas les détails inutiles. L’assiette et le menu doivent aussi suivre le fil rouge de l’expérience, ils doivent correspondre au lieu et à l’ambiance. Mais j’aime particulièrement imaginer des plats autour d’un produit à sublimer.
Qui sont les clients qui vous font confiance ? D’importantes marques qui veulent surprendre et épater comme Lamborghini, Courrèges, Yves Saint Laurent ou encore Louis Vuitton, mais aussi des galeries par exemple. Nous réalisons également de nombreux dîners privés, chez eux ou dans des lieux décalés, originaux. Quant au dîner Tatami qui s’est tenu dernièrement au Mix, c’était notre premier dîner public. Il s’agissait de transformer leur pièce de yoga. L’événement n’était pas très rentable mais l’idée était surtout de faire parler de nous, montrer notre talent, notre style…
Depuis le Covid, l’Horeca souffre. Pensez-vous qu’aujourd’hui, pour réussir dans le secteur, il faut proposer une expérience au client, tant dans la décoration que dans l’assiette ? Un traiteur oui mais pas un restaurant fixe. Au contraire, je pense que les gens reviennent justement à des lieux et des saveurs plus classiques, plus traditionnelles. Les adresses élégantes, design et tendance c’est sympa, mais une fois testées, nous n’y retournons pas ou pas souvent. Par contre, une brasserie de quartier avec un menu de qualité et un bon service, cela ne se refuse jamais !
Avant de nous quitter, avez-vous un projet à venir à nous partager ? Rendez-vous cet été, du mois de juin à août, nous prenons place à la Villa Magnan à Biarritz. Nous nous chargerons du restaurant avec une équipe sur place.
Atelier Tourain - « Nos créations s’inscrivent comme un retour au vrai »
Atelier Tourain
« Nos créations s’inscrivent comme un retour au vrai »
Mots : Barbara Wesoly
Photos : DR
C’est à la croisée de l’art et du design que naissent les œuvres d’Atelier Tourain, en une exploration sensible des formes, des textures et des matières. Un dialogue magnétique entre le métal et la nature, mais aussi entre la philosophie et le tangible, indissociable pour Tanguy Tourain et Julie Desmidt d’une profonde authenticité créatrice.
Duo à la vie, vous l’êtes aussi au sein d’Atelier Tourain. Était-ce d’emblée une évidence ? Julie : Nous l’avons en réalité toujours été. Dès la fin de nos études, il y a 10 ans, nous avons créé ensemble Fo le Fer, une entreprise de design d’intérieur contemporain, concevant des objets sur mesure, en acier. Un projet démarré dans un petit hangar à chevaux, en pleine campagne, chez les parents de Tanguy. Aucun de nous n’avait de base de connaissance dans ce domaine, il nous a fallu tout apprendre à coups d’essais et erreurs. Mais, nous étions passionnés et notre crédo était clair : l’excellence, tant au niveau de la qualité que de la finition.
Tanguy : Et puis, il y a deux ans, j’ai ressenti le besoin de créer des pièces qui seraient véritablement miennes et non pas issues de commandes. Je voulais avoir le champ libre pour pousser la matière à ses limites, tout comme mon imagination. Après une année d’expérimentation, il est devenu évident pour nous que le résultat était trop personnel, trop empreint de caractère, pour être intégré à Fo le Fer. De là est né Atelier Tourain.
Comment œuvrez-vous à quatre mains ? Julie : Je gère principalement l’aspect organisationnel, les contacts, les matériaux, la planification et la logistique. Généralement, Tanguy arrive avec une nouvelle esquisse ou une idée, que nous examinons ensemble et qu’il adapte ensuite. Ce n’est pas un processus à sens unique, mais un aller-retour créatif nous amenant à construire ensemble chaque œuvre.
Tanguy : Lorsqu’un concept est arrêté, il faut alors trouver ce qui le composera. Je puise dans le métal, la pierre, le bois et parfois au cœur même de la nature, comme pour ces arbres déracinés par une tempête, que je me suis réappropriés. Il arrive que l’inspiration vienne de la matière elle-même et des formes qu’elle adopte spontanément, et à d’autres moments d’une véritable page blanche, comme ce projet d’un triptyque en laiton, auquel j’ai songé soudainement, à deux heures du matin.
Julie : L’on vit à deux, l’on travaille à deux. Partageant la joie et la frustration. Il n’y a pas de coupure, pas de séparation. C’est très intense d’avoir à ses côtés quelqu’un qui connaît la moindre de vos faiblesses et de vos forces. Mais c’est aussi un lien d’une puissance et d’une honnêteté rare.
Quelle est la philosophie d’Atelier Tourain ? Tanguy : Être authentique dans un monde qui devient toujours plus artificiel. Employer des techniques oubliées ou une expertise peu connue, pour concevoir un artisanat tout à la fois brut et raffiné, qui perdurera toute une vie. Et embrasser les matières sans les dénaturer. Il ne s’agit pas juste de fidélité à des valeurs personnelles, mais de transmettre une forme de sincérité. Des objets faits main dans le sens le plus pur du terme, faits par des mains.
Vous sculptez la matière de façon précieuse et profondément organique. Cet alliage surprenant représente-t-il votre signature ? Tanguy : Mon style est en lien avec la nature, les sons, les couleurs, le mouvement. Mais aussi imprégné d’une forme de puissance tactile. Ce mélange de textures et de corps entraîne un besoin de toucher les créations. En mars 2024, en participant à la Collectible Design Fair de Bruxelles, où les œuvres étaient présentées au public la première fois, nous avons réalisé à quel point il se créait une interaction entre les visiteurs et les objets. Tout comme nous le voyons dans notre showroom, où les carreaux en laiton qui sont exposés scintillent face à la lumière et semblent mouvants. Une attraction particulière amène à laisser glisser sa main à leur surface et à en sentir l’odeur. Il y a une âme, de l’ordre du vivant, qu’aucun objet synthétique ou industriel ne peut renfermer.
Tanguy, estimez-vous qu’être autodidacte a influencé votre vision et votre travail ? Oui, cela induit une profonde liberté mais aussi une grande solitude. Et demande d’accepter d’échouer pour avancer. C’est très éprouvant et prend une immense énergie. En même temps, cela permet de n’être entravé ni par une éducation ni par des croyances. Et d’apprendre la résilience.
Cet été vous avez exposé à New York à la galerie STUDIOTWENTYSEVEN et participé à la Biennale Arte de Venise. En octobre, vous étiez également à la Saatchi Gallery à Londres. Que préparez-vous actuellement ? Julie : Atelier Tourain reste un projet à peine entamé, dont nous continuons d’explorer toute la profondeur. Nous sommes désormais associés avec Objects With Narratives Gallery, qui représentera le travail de Tanguy en tant qu’artiste et en compagnie de qui nous participerons à la BRAFA Art Fair en 2025. Mais globalement, nous laissons venir à nous les opportunités pour ne pas créer de frustration et de déception. Le futur est empli de possibles.
Cohabs - Le partage tel un art de vivre
Cohabs
Le partage tel un art de vivre
Mots : Barbara Wesoly
Photos : DR
C’est dans l’écrin architectural du Passage du Nord tout récemment restauré que Cohabs a ancré son nouvel espace de coliving. Un projet de tous les superlatifs, pour Youri Dauber, François Samyn et Malik Dauber, qui redessine les contours d’un chez-soi commun, au cœur même de ce joyau historique de l’élégance bruxelloise. Une collectivité réinventée, point culminant d’un succès mondial, que raconte Youri Dauber.
Votre première habitation commune rassemblait 9 personnes, vivant ensemble au sein d’une maison bruxelloise. Un projet lancé en 2016, bien avant le succès de la tendance du coliving. Qu’est-ce qui vous animait alors ? C’était avant tout une envie commune d’entreprendre. Nous avions eu tous trois des parcours différents. François, qui était un ami de longue date, sortait de Solvay, mon frère Malik avait fait des études d’ingénieur polytechnicien. De mon côté, j’avais envisagé une carrière de professeur de gymnastique. Notre point commun était ce souhait d’indépendance et cette volonté d’avoir un impact. Nous avions investi ensemble dans l’immobilier et des lieux de colocation. Constatant que ceux-ci étaient mal organisés, nous avons réalisé des travaux d’aménagement puis conçu une application mobile pour la location. Et après une, deux, puis trois maisons sur cette base, continuer de développer le principe de coliving est devenu une évidence.
Près de 10 ans plus tard, Cohabs compte désormais 3000 chambres, réparties dans 9 villes, non seulement en Europe mais aussi aux USA. La demande a-t-elle changé en une décennie ? La situation globale s’est fondamentalement transformée. Acheter un logement est devenu ardu voire presque impossible dans certaines capitales. Les mentalités aussi ont évolué. Aujourd’hui, les gens passent plus facilement le cap d’un lieu partagé sous d’autres formes que les kots étudiants. Par élan de liberté notamment et la possibilité d’être plus nomade, qui s’inscrit pleinement dans l’air du temps. Ceux qui investissent un lieu signé Cohabs y restent en moyenne 11 mois et c’est tout le sens du concept. Changer d’endroit sur un coup de tête ou découvrir un pays, sans être réfréné par un bail longue durée. Et puis à côté de ça, il y a ceux qui recherchent le lien et le contact ou l’aspect écologique, nos espaces misant sur la durabilité avec un partage des ressources et la rénovation d’anciens bâtiments. C’est d’ailleurs aussi pour cela que nous avons fait appel à Lionel Jadot pour en concevoir les intérieurs. Au-delà de son talent incroyable de designer, il a fait de l’upcycling l’ADN de son univers. C’est ce qu’il fallait à ce projet profondément humain.
Vous appelez d’ailleurs les habitants des membres, et non pas des locataires. L’esprit Cohabs est-il celui de la reconnexion aux autres ? La rencontre en est en effet le cœur. Tout comme casser le rapport propriétaire – locataire classique, où l’on se dispute autour des devoirs de l’un ou l’autre. On voulait offrir une vraie disponibilité et une écoute, mais aussi faciliter l’entente entre les cohabitants en leur retirant tous les aspects à même de créer des frictions. Nos appartements sont ainsi tous meublés, nous fournissons les produits de première nécessité et il y a un nettoyage hebdomadaire. Cela permet à nos membres de profiter de l’essentiel, de tisser des liens avec ces inconnus avec qui ils partagent leur espace de vie.
Votre slogan est: Our members call us home. Qu’est-ce qui selon vous fait d’un endroit un véritable chez-soi ? S’y sentir bien. C’est indispensable et pour nous cela démarre par le choix de lieux chaleureux et pas trop vastes. C’est pourquoi nous divisons de grands bâtiments en plus petits espaces, d’une vingtaine de personnes maximum. Et puis, Cohabs ce n’est pas qu’un logement, c’est une expérience. La majorité de nos maisons ont un salon et une salle à manger commune, une salle de cinéma, un club de gym, un espace de coworking. Des retraites, des afterworks et des évènements y sont organisés. L’esprit de communauté ne s’arrête pas au partage d’une habitation.
Vous acheviez récemment la rénovation de l’emblématique Passage du Nord à Bruxelles. Pourquoi avoir choisi de réinvestir ce lieu du patrimoine bruxellois ? C’était une chance inouïe de pouvoir réhabiliter ce sublime bâtiment classé, abandonné durant si longtemps. Un fameux challenge aussi, ne serait-ce que par sa taille monumentale. 5500 mètres carrés, dont il fallait tout à la fois préserver l’héritage néo-classique et aménager en un cadre de vie moderne et convivial. Nous avons ainsi réparti les 60 chambres au sein de quatre unités, abritant chacune un espace de partage et de loisirs et nous avons confié à des artistes et artisans belges la réalisation de fresques et de mobilier. Les vitraux restaurés et le dôme reconstruit y côtoient des œuvres contemporaines, créant une atmosphère unique. Ecrire un nouveau chapitre de son histoire mais aussi redynamiser tout un quartier, nous a rendu très fiers. Et nous a offert notre plus belle vitrine au sein de la capitale.
Où Cohabs compte-t-il poser ses prochains cartons ? A Marseille et à Washington pour commencer, mais aussi dans de nouveaux lieux au sein des neuf villes où nous sommes déjà présents et où les listes d’attente s’allongent. Et puis en 2026, nous aimerions proposer des endroits spécialement pensés pour les étudiants et les seniors. En parallèle, nous lançons aussi le passeport Cohabs, un programme pour nos membres, qui leur permet d’échanger leurs logements pour une courte durée. Un pas vers une liberté supplémentaire et de belles rencontres.