Les œuvres versatiles de Lou van ’t Riet
Les œuvres versatiles de Lou van ’t Riet
MOTS : Agnès Zamboni
photos : Eline Willaert
(Courtesy Galerie Aliénor Prouvost)
Les triptyques de cette jeune plasticienne, combinant formes géométriques et couleurs, invitent les spectateurs à sortir de leur passivité et à interagir. Attention, il est permis et même recommandé de toucher !
Comment est venue l’idée de travailler sur l’interaction ? Après avoir étudié l’architecture et le design à Bruxelles et à New York, j’ai travaillé dans une galerie d’art, la Chamber Gallery, pendant plusieurs mois. Cette expérience m’a permis d’observer les visiteurs qui ne passaient pas plus de 5 à 10 secondes devant les œuvres. Je trouvais cela frustrant, aussi pour les artistes. J’ai eu envie de retenir l’attention du public, susciter sa curiosité, briser la glace, provoquer des réactions, des échanges et surtout sortir du « Do not touch » qui emprisonne les œuvres d’art.
Mes triptyques sont fabriqués en tôle d’acier thermolaqué. Ils sont donc très solides et peuvent être aisément manipulés. Ils peuvent être exposés aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur.
Comment le public réagit-il devant vos œuvres ? Les retours sont très positifs même de la part des amateurs d’art classique. Il faut prendre le temps d’expliquer ma démarche pour que les visiteurs interagissent avec les œuvres : ouvrir et fermer les volets, prendre du recul, observer les œuvres sur différents angles et engager la conversation les uns avec les autres. En les contemplant, ils décèlent les ombres, s’approprient les œuvres et les réinventent. Les enfants, en général, adorent et ils sont très sensibles et réceptifs à cette nouvelle démarche !
Quelles artistes ont inspiré ce travail ? J’admire plusieurs artistes mais il n’y en a une en particulier qui m’a plus influencé que les autres.
Je me rappelle avoir été fortement marquée par les œuvres abstraites et minimalistes de Carmen Herrera au Whitney Museum en 2016. J’aime le fait qu’elle exploitait la peinture comme un élément architectural. Tout comme le faisait Kelly Ellsworth, que j’admire beaucoup également. Son approche minimaliste des formes, des couleurs et du volume me parle. Je suis aussi très touchée par le travail monumental de Richard Serra, face auquel on se sent souvent minuscule. On peut explorer ses sculptures, les contourner et les contempler de plusieurs manières. Plusieurs personnes ont déclaré que mon travail ressemblait à celui de Donald Judd. C’est pour moi un énorme compliment !
Que représentent vos créations ? Par les couleurs choisies, elles synthétisent des souvenirs de paysages et de voyages. Par exemple, l’œuvre que j’ai intitulée Rurrenabaque, avec ses tons de vert, jaune et bleu, est inspirée par les paysages de la forêt tropicale bolivienne. Le triptyque Noon, composé de deux beiges et d’un bleu, évoque le sable sec et mouillé de la Mer du Nord. Celui baptisé Midnight, avec ses bleus denses et profonds, évoque le même paysage éclairé par la lumière de la lune, la nuit. Le Glacier 3000, entièrement blanc, mat et brillant, joue, quant à lui, sur les différentes textures. Montréal évoque les couleurs de l’automne et de l’été indien. Fermé, il affiche le vert et le brun. Ouvert, il offre le rouge, le jaune et l’orangé.
Lorsque je lance un nouveau triptyque, je commence par faire plusieurs croquis, jusqu’à ce que je trouve une forme avec un bel équilibre, aussi bien fermé, à moitié ouvert et entièrement ouvert.
Ensuite, je réalise une maquette, avant de faire le plan final. C’est indispensable de voir l’espace que l’œuvre va occuper, aussi bien accrochée sur le mur que présentée dans l’espace.
Quels sont vos projets ? Après mon premier solo show « Minimalist landscapes » à la galerie ixelloise Aliénor Prouvost au printemps dernier et une expo à la MDZ Gallery à Knokke en juin. J’ai eu la chance de présenter mes œuvres à Paris dans le cadre de la foire «Bienvenue Design» à l’hôtel la Louisiane à l’occasion de la Paris Design Week. En ce moment j’expose une œuvre chez B-Collective à Bruxelles, jusqu’au 21 novembre 2021. Je vais également présenter deux œuvres à la «Belgian Art and Design Fair» qui aura lieu du 7 au 10 octobre, à Gand.»
Le Vaudeville Plus de 137 ans et pas une ride
Le Vaudeville
Plus de 137 ans et pas une ride
Mots : Ariane Dufourny
Photos : Anthony Dehez
Le Vaudeville semble avoir eu mille vies depuis sa construction en 1884. Tour à tour café-chantant, théâtre qui accueillit « Bossemans et Coppenolle » et discothèque (les nuits du Vaudeville, que de souvenirs !), cet endroit mythique abrite désormais une salle évènementielle et des chambres d’hôtes gérées par Choux de Bruxelles.
Le théâtre du Vaudeville fut construit en 1884 au sein des galeries Saint-Hubert à Bruxelles, mais son histoire architecturale remonte à 1846 lorsque l’architecte Jean-Pierre Cluysenaer, figure de proue de l’éclectisme, conçut l’un des premiers marchés couverts de Bruxelles. Il imagina une imposante verrière afin d’apporter de la lumière naturelle au passage, et évoquer la vente en plein air ; la structure de la verrière composée de colonnes en fonte est d’ailleurs toujours visible de nos jours au Vaudeville.
Inauguré le 14 novembre 1847, le Marché aux Fleurs qui s’adressait à une clientèle différente de celle du Marché aux Herbes ne répondit pas aux attentes financières de la société des Galeries. Dès lors en novembre 1851, il fut transformé en café-chantant et dénommé : le Casino Saint-Hubert. Il devint donc la seconde salle de spectacle après le Théâtre des Galeries, dont la construction remonte en 1847. Dirigé par le Conte de Juvigny, un Français exilé à Bruxelles, l’ambiance y fut très chaude ! Le public assistait à un spectacle, bière à la main, pommes de terre rôties pour l’accompagner. Il connut une existence éphémère à l’instar de la plupart des cafés-concerts bruxellois de l’époque…
En 1872, à l’initiative de Léopold Boyer, un ancien ténor qui y avait fait ses débuts, les lieux se transformèrent en théâtre doté de loges, de baignoires et d’un balcon. Pourvu d’une décoration orientale, il rouvrit sous le titre de « Spectacle-concert des Bouffes Bruxelloises » et fut consacré à l’opérette et au vaudeville, tout en ne rompant pas ses habitudes de café-concert où le public continua à consommer et s’amuser.
Le Théâtre du Vaudeville venait de naître !
Le 28 octobre 1884, afin d’assurer la sécurité du public et du personnel, la salle des Bouffes fut transformée en véritable théâtre avec de vastes dégagements. Le Théâtre du Vaudeville venait de naître ! Il présentait un décor en plâtre néoréaliste tel que les théâtres d’inspiration italienne. On y découvrait des cartouches portant les noms d’illustres auteurs, des putti musiciens (angelots -nda), une lyre d’Apollon, un sceptre de bouffon. Le plus marquant était sans conteste, le plafond en forme de coupole qui était supportée par quatre caryatides (statues de femmes qui font office de colonnes-nda) aux allures aussi suggestives que les pièces libertines qui se jouaient au Vaudeville.
En 1926, afin d’aménager les accès, un magasin placé à droite servit de foyer et de hall d’entrée. Ses motifs floraux et géométriques de style Art déco subsistent encore de nos jours.
Durant des décennies, le Vaudeville fut consacré au théâtre de boulevard, à la revue et la zwanze (type d’humour gouailleur associé à Bruxelles-nda) et aux spectacles mémorables à l’instar de « Bossemans et Coppenolle » qui y fut présenté pour la première fois le 25 février 1938. De célèbres artistes tels Juliette Gréco, Bourvil, Raymond Devos ou encore Fernand Raynaud foulèrent ses planches.
Une discothèque qui agita le tout-Bruxelles !
Après la faillite du théâtre, il fut loué durant vingt ans à Jean-Marie Ravet, plus connu sous le nom de « Yannick du Vaudeville ». Il le transforma en dancing qui agita le tout-Bruxelles. On lui a demandé de nous raconter « ses années Vaudeville ».
Yannick Ravet, qu’avez-vous vu en pénétrant la première fois au Vaudeville ?
Son superbe plancher en chêne, ses dorures, ses angelots, ce côté florentin… Un théâtre merveilleux, magnifique, que j’avais cherché pendant des années.
En quelle année avez-vous ouvert le Vaudeville ?
En mille neuf soixante- quatorze, j’avais 40 ans (Yannick est d’origine française comme le Conte de Juvigny qui, avant lui, avait allumé le feu – nda).
Donc en 1974, vous avez transformé le théâtre en discothèque ?
Le théâtre était dans un état lamentable, les éclairages étaient même arrachés! J’ai entrepris des travaux de replâtrage, notamment pour les moulures qui
manquaient, et redonné ce côté lumineux du théâtre avec ses fresques, ses blasons. J’ai refait les loges. Ensuite, mes amis ont décidé d’ouvrir le lieu à la « high society ». L’idée ne me plaisait guère et ça n’a d’ailleurs pas été une grande réussite. Alors j’ai pris un virage à 180° et fait du Vaudeville, un rendez-vous populaire. Le succès a été incroyable : j’ai vu revenir tous les clients du Kiosque et du Cinéma, mes précédents Club privés. Au Vaudeville, se rencontraient les noctambules du haut et du bas de la ville, une incroyable mixité !
Parlez-nous de la piste de danse (qui surplombait le bar), façon « Saturday Night Fever » durant les années disco.
J’en fus l’architecte, le maître d’œuvre. La piste ressemblait à une couronne, que j’avais fait réaliser sur mesure par un ferronnier. C’était une continuité de la scène du théâtre qui servait déjà de piste de danse …
A la fin du disco, pourquoi avoir retiré cette fameuse piste de danse ?
A cette époque, toutes les pistes de danse étaient en contrebas et ça m’avait influencé. C’était une erreur.
Votre concession, 1974-1994 ?
Oui, 20 ans de concession ! Les 3 dernières années ont connu les fantastiques soirées folles du Vaudeville avec Maman, Marco et leurs amies …
Le Vaudeville était une adresse incroyable, fréquenté par de nombreuses stars du showbiz !
Ce soir je dors chez Loulou ou Baudelaire ?
Quelques années plus tard, le metteur en scène Daniel Scahaise (qui fut plus tard, de 1998 à 2015, directeur du Théâtre des Martyrs-nda) redonna vie à la salle de spectacle. En 1999, de minutieux travaux de rénovation furent entrepris par le bureau d’architecture bruxellois A2RC et scrupuleusement supervisés par la Commission royale des monuments et sites.
Son faste retrouvé depuis 2003, le théâtre du Vaudeville est géré par la société évènementielle Choux de Bruxelles. Il est loisible de louer les lieux pour un évènement et même de prolonger le plaisir dans l’une des splendides chambres d’hôtes répondant aux noms de Loulou, Black and White, Magritte, Apollinaire, suite Victor Hugo (celles-ci sont côté cour) et Rimbaud, Explorateur, Diva ou encore suite Baudelaire qui ont toutes vue sur la spectaculaire Galerie de la Reine.
Nous remercions Thierry Dhulsters qui gère le site avec passion et a mis les archives du Vaudeville à notre disposition.
Philippe Francq envoie Largo Winch dans l’espace
Philippe Francq envoie Largo Winch dans l’espace
Mots : Servane Calmant
Photos : DR
L’éthique et l’écologie dans l’entreprise, les nouvelles technologies et le marché spatial. Oui, le milliardaire rebelle est plus que jamais au coeur des enjeux d’aujourd’hui. On en parle avec Philippe Francq, à l’occasion d’une exposition de crayonnés du dessinateur belge à la galerie Huberty & Breyne à Bruxelles et de la sortie du 23e album de Largo Winch, « La frontière de la nuit ».
L’expo Largo Winch à la galerie Huberty & Breyne, place du Châtelain à Bruxelles, est exceptionnelle ! On y voit des dizaines de crayonnés à la mine de plomb, plus extraordinaires et virtuoses les uns que les autres et tous issus de Largo Winch, série monumentale aux 11 millions d’albums vendus. De « L’Héritier » paru en novembre 1990 au 23e album, « La frontière de la nuit », sorti il y a quelques jours à peine. Mardi 9 novembre, jour du vernissage de l’exposition, on y a rencontré un Philippe Francq visiblement heureux et détendu.
L’histoire spatiale démarre dans les années 50 et connaît son apogée en 69. Pourquoi avoir attendu 2021 pour lancer Largo dans les étoiles ? Parce que l’immense engouement suscité par les premiers pas sur la lune est retombé peu à peu. Cette aventure qui avait pour but d’asseoir la supériorité des grands états a été un véritable gouffre financier. Sans taire les déboires de la NASA fin des années 80 avec la désintégration en vol de Challenger quelques secondes après son décollage. La NASA a donc peu à peu abandonné la lune et a lancé des satellites, mais cette histoire-là n’intéressait pas le grand public. Qui a suivi la construction et l’assemblage module par module de l’ISS (l’International Space Station – nda) ? Le grand changement, il vient du NewSpace, et j’en parle dans « La frontière de la nuit ». Avant l’espace était réservé aux grandes nations spatiales comme les Etats-Unis et la Russie ; aujourd’hui, il est également accessible à des riches entrepreneurs et investisseurs privés. Les Richard Branson, Elon Musk, Jeff Bezos étant les acteurs les plus emblématiques du NewSpace. Envoyer Largo sur mars aurait paru trop futuriste, mais le voyage touristique autour de la terre m’a paru un excellent sujet, j’en ai parlé à Eric Giacometti … Dès la première page de « La frontière de la nuit », le lecteur découvre Largo en train de flotter en apesanteur dans une navette.
Le tourisme spatial, ça vous tente ? Si j’en avais les moyens et en bonne compagnie, oui, pour l’expérience.
Le principal moteur de l’évolution de Largo Winch, c’est finalement le monde qui l’entoure… Tout à fait, Largo Winch n’évolue pas, il reste invariablement « smart », mais le choix d’ancrer la BD dans le monde d’aujourd’hui constitue un fabuleux terrain d’exploration et de jeu. Le voyage de Branson à la frontière de l’espace, en juillet dernier, m’a clairement influencé.
En 31 ans de co-existence, les vies de Largo et de Philippe Francq sont étroitement liées ! Qu’a réalisé Largo que vous regrettez de ne pas avoir (encore) fait ? J’ai plus ou moins réalisé tous mes rêves. J’ai dessiné des hélicoptères dès le début de la série et en discutant avec un instructeur, je lui demande de faire un vol d’essai, il me passe les commandes… Depuis j’ai passé ma licence de pilote ! Un rêve devenu réalité.
Ce 23e album, La frontière de la nuit, dénonce aussi le travail des enfants derrière notamment la production des batteries électriques… Largo Winch reste un rebelle, un contestataire. Et vous ? Oui, probablement un peu, mais bien moins que mon personnage ! Rire.
L’expo Largo Winch à la galerie Huberty & Breyne, invite à voir des dizaines d’esquisses et croquis. Votre dessin a également évolué… Je me suis plongé dans mes archives et oui, à la vue de tel ou tel dessin, j’ai noté quelques changements, car le regard que je porte sur les choses a évolué. Au fil du temps, j’ai notamment compris ce que signifiait être élégant en costume, moi qui, jeune, n’en avais jamais porté ! Et je n’ai plus forcément besoin de dessiner des plantes dans tous les appartements urbains de Largo ou dans les bureaux du groupe W. Je suis un homme de la compagne qui a appris, au fil du temps, à appréhender les villes différemment !
La frontière de la nuit
En visite incognito dans une mine d’étain en Indonésie, Largo Winch découvre avec stupeur que l’une de ses propres filiales emploie des enfants pour fournir des composants essentiels à nos smartphones. Une découverte qui encourage le milliardaire à faire évoluer le groupe W vers une économie plus éthique et plus verte, sans négliger toutefois les technologies de pointe, en particulier les marchés spatiaux …
Un récit intrigant et un Largo plus que jamais en phase avec son époque, où cohabitent économie verte, technologie de pointe et fils spirituels d’Elon Musk. Suite et fin du diptyque avec Le Centile d’Or, 24e album prévu en novembre 2022.
Aux éditions Dupuis.
La banque Puilaetco défend un mécénat culturel contemporain
La banque Puilaetco défend un mécénat culturel contemporain
Mots : Agnès Zamboni
Photos : DR
Christine Mostert, Art advisor intégrée à la banque privée Puilaetco depuis 10 ans, forte de son expérience de 20 ans chez Christie’s et d’une activité de conseillère auprès d’un collectionneur privé, a initié un partenariat qui associe la découverte d’un bâtiment remarquable du XXe siècle avec celle d’une artiste en résidence. Une action qui s’inscrit dans la continuité pour soutenir de jeunes créatifs tout en faisant la connaissance d’une œuvre majeure de l’architecture du XXe siècle.
Pourquoi avoir choisi la résidence Van Wassenhove ?
Ce bijou d’architecture isolé dans une magnifique région de Flandre mérite d’être mieux connu. Nous avons souhaité ouvrir les portes de ce lieu qui n’a jamais été accessible au public en permanence. Construction avant-gardiste des années 1972-74, son cadre exceptionnel nous permet de rencontrer nos clients autour de la création contemporaine, en ouvrant le champ de l’art qui n’est pas réservé qu’aux œuvres de peinture et de sculpture.
Comment a été sélectionné l’artiste ?
Un jury de professionnels a examiné la centaine de dossiers reçus avant de choisir l’artiste slovène, résidant à Paris, Meta Drčar. Elle intègrera pour un mois, du 16 novembre au 15 décembre 2021, la résidence Van Wassenhove. Ses sculptures performatives entrent en dialogue avec les lieux qu’elle investit pour créer une interactivité avec l’architecture et encourager l’engagement spatial du spectateur. A travers ses recherches, l’artiste analyse comment les mouvements du corps répondent aux différents facteurs de l’environnement et questionne nos façons de voir et de ressentir une proposition architecturale.
Comment a débuté ce partenariat ?
Au décès de son propriétaire en 2012, la résidence Van Wassenhove a été léguée à l’université de Gand qui a confié sa gestion au Musée Dhont-Dhaenens. Depuis 4 ans, nous sommes partenaires de ce musée, avec, désormais, le nouveau directeur Antony Hudek désireux d’exploiter les atouts de son institution. Il ne s’agit pas seulement de saisir des opportunités évènementielles mais aussi d’apprendre à connaître nos clients dans un contexte différent, de partager la mission culturelle du musée, de faire se rencontrer des collectionneurs et de susciter la curiosité de nos collègues.
Comment concevez-vous votre métier ?
Les institutions culturelles ont besoin de soutien pour que leur mission soit appuyée et que leur public soit renouvelé. Nous réalisons régulièrement des visites avec nos clients et nos collaborateurs. Outre la banque privée Puilaetco, nous avons associé à ce partenariat le courtier d’art Eeckman, qui accompagnait déjà le musée. Axel Vervoordt soutient également cette résidence. Il nous semble important de rencontrer nos clients dans un contexte différent de celui attendu par notre métier de banquier. Dans son questionnement du monde, la création contemporaine attise notre curiosité intellectuelle et nous ouvre au sensible et à l’émotion. En cela, elle privilégie ces connexions. Cette démarche s’inscrit parfaitement dans l’approche de la gestion de patrimoine telle que nous la défendons chez Puilaetco : construire avec nos clients une vie plus enrichissante.
Encadré : Une maison radicale en pleine campagne
La résidence Van Wassenhove a été construite au début des années 1970 par Juliaan Lampens pour le professeur de mathématiques, passionné d’art et d’architecture, Albert Van Wassenhove. Immergée dans la nature, et située dans la commune de Sint-Martens- Latem, elle présente des lignes simples en béton brut adoucies par la chaleur du bois et les jeux de lumière. A l’intérieur, pour son propriétaire célibataire qui l’a habitée seul, l’architecte a dessiné des volumes figurant les principales formes géométriques. L’espace de repos et la chambre tracent un cercle, la cuisine décrit un triangle et le bureau, un carré. Cette œuvre manifeste a amorcé un virage dans le parcours de l’architecte qui, grâce à la liberté laissée par le maître d’ouvrage, a rejoint les grands noms de l’architecture moderniste et brutaliste comme Le Corbusier et Ludwig Mies van der Rohe. A ses murs en béton banché, fabriqués à partir de coffrages en bois portant l’empreinte du veinage des planches, s’ajoutent un auvent, une table de cuisine façon autel et un palier, faisant référence à la Chapelle d’Edelare, imaginée par le même architecte. Le lieu, offrant une atmosphère monacale, sans attribut décoratif, a été rénové, en 2015, grâce au concours des collectionneurs privés Miene et Philippe Gillion.
Laura WANDEL… Un cinéma corps à cœur
Laura WANDEL… Un cinéma corps à cœur
Mots : Frédérique Morin
Photos : Alice Khol
On le prédit, Laura Wandel ira loin. Ce que l’on pouvait déjà se dire, il y a 7 ans, quand elle réalise son deuxième court métrage, Les Corps étrangers qui se retrouve en compétition officielle à Cannes après que la jeune femme, diplômée de l’IAD, l’a envoyé, sans trop y croire, comme une bouteille à la mer !
Cannes toujours pour son premier long métrage, Un Monde, présenté dans la sélection Un Certain regard et qui repart en juillet dernier avec le prix FIPRESCI des critiques de cinéma internationaux.
Un Monde, c’est une plongée dans le monde de l’enfance et de l’école à laquelle nous invite Laura Wandel. Une plongée que l’on va vivre à la suite de Nora, une petite fille de 7 ans qui aujourd’hui entre en primaire. Filmé à hauteur d’enfant, la caméra virtuose de Laura Wandel nous offre une expérience immersive impressionnante autant qu’elle donne à voir la cruauté d’un monde, celui de l’enfance, miroir de celui des adultes.
L’interprétation est en tout point remarquable à commencer par Maya Vanderbeque (Nora), de tous les plans, sidérante de naturel.
Rencontre avec une jeune femme gracile et déterminée dans un café, place Fernand Coq à Bruxelles, par un bel après-midi d’été.
À quel moment le cinéma est entré véritablement dans votre vie ?
Ma première claque cinématographique, j’avais plus ou moins 16 ans. Autant que je me souvienne, deux films m’avaient énormément marqué à ce moment-là ; c’est Japón de Carlos Reygadas et Jeanne Dylman 23, rue du commerce, 1080 Bruxelles de Chantal Akerman. Plus qu’intellectuellement, j’ai véritablement ressenti ces films physiquement… une expérience bouleversante. Je me suis dit : c’est cela que je veux faire. De là j’ai vu de plus en plus de films. Et quand on commence à vraiment s’intéresser au cinéma, ça n’a plus de fin !
Comment s’est passé l’élaboration de Un Monde votre premier long métrage ?
J’ai toujours besoin d’aller observer les lieux qui m’intéressent. J’ai passé des mois à regarder les enfants jouer dans différentes cours de récréation, pour voir comment aujourd’hui ça se passe. J’ai rencontré beaucoup de monde : des directeurs d’école, des instituteurs, des professionnels de l’éducation, des parents, des enfants… J’ai assisté à des médiations.
J’ai besoin d’envisager mon histoire le plus largement possible, pour ensuite partir d’un point de vue en particulier. Et je pense que tout part d’une volonté de s’intégrer à une communauté. Je suis partie de mes intuitions … et mes observations ont conforté mes intuitions !
Pour ce qui est de l’écriture, je suis très lente ! ça m’a pris 5 ans. Le tournage a été reporté d’un an, afin de boucler le financement du film. Puis le Covid a fait que nous avons dû attendre encore un an avant que le film puisse sortir en salle.
Pourquoi ce choix de l’école pour ancrer votre histoire ?
L’école, pour un enfant, c’est le premier moment en dehors de la famille. Il doit en déchiffrer les codes, s’adapter. J’ai l’impression que c’est aussi là que les choses s’ancrent en nous ; celles qui plus tard vont influencer notre rapport au monde et aux autres.
Votre caméra est étonnamment expressive
J’ai essayé que le film soit très immersif pour le spectateur. Que le spectateur puisse le vivre au travers de son corps et pas seulement intellectuellement. Pour moi, le cinéma c’est ça. Pour être au plus proche de la perception de Nora, on s’est dit que le mieux était de rester à sa hauteur, de montrer finalement très peu de ce qu’il y a autour d’elle, de presque l’enfermer. C’est ce que permet le hors champ… que j’adore travailler !
Comment avez-vous choisi les comédiens, notamment Karim Leklou, le père de Nora dans le film et Laura Verlinden qui joue son institutrice ?
Je fonctionne par flashs, souvent après avoir vu ces acteurs ou ces actrices au cinéma. Je sais que j’ai envie de travailler avec eux… je ne leur fais jamais passer de casting ! J’ai été très heureuse que tous aient accepté mon invitation.
Avez-vous déjà un prochain film en tête ?
Oui, avec encore un lieu clos ! … Si tout va bien, le milieu de l’hôpital.
Avec un endroit fermé, j’ai l’impression de pouvoir faire vivre les choses de manière viscérale, que l’on est au plus près des choses. Je pars d’un microcosme, parce que pour moi il fait écho au fonctionnement de la société, au reste du monde.
Sophie Cauvin, entre terre et mère
Sophie Cauvin
Entre terre et mère
Mots : Agnès Zamboni
Photos : Mireille Roobaert
Elle a choisi la terre pour transmettre un message universel, rendant hommage à la beauté de la nature, sa force et sa violence. Un message universel qui n’a pas d’âge et se défie des mouvements artistiques.
Pourquoi avoir opté pour ce médium, la terre ?
Il y a 30 ans, lors d’un voyage en Egypte, j’ai rapporté comme un trésor, ma première terre chargée d’histoire et de symbolique. J’ai compris à partir de ce moment que c’était le médium ultime de ma quête. Ensuite, au fil du temps, j’en ai ramené de presque tous les continents. A travers mes œuvres, c’est l’histoire de l’homme, sa genèse que je raconte. Ces terres représentent une valeur symbolique très forte, l’universalité originelle et fragmentée, au fil des siècles, avec la création du langage et le développement de l’individualité. Aujourd’hui, en les mélangeant sur une toile, je reviens à l’homme, à sa source.
Comment votre travail a-t-il évolué ?
Mes premiers châssis 3D témoignent de mon désir d’occuper l’espace. Toiles et sculptures, toutes mes œuvres convergent vers la même volonté. J’ai commencé à explorer la spatialité, la lévitation, la déstructuration avec des projections de formes géométriques, des figures en acier soudé qui sortent du cadre, afin d’apporter une dimension, donner plus de profondeur à l’œuvre et aller dans l’espace infini du mur blanc. Je les ai associées à des surfaces et aplats travaillés par strates, pour composer des paysages entre ciel et terre. Cette terre est le fondement de mon travail et accompagne depuis longtemps mon cheminement. Aujourd’hui, avec la céramique – terre transformée par le feu – je crée des vases et des réceptacles explorant la notion de vide et de plein. Mais surtout, j’évolue vers des pièces plus monumentales, avec des éléments magmatiques et volcaniques. J’intègre aussi des éléments en terre cuite, dans mes tableaux, pour leur donner plus de force. La terre dans tous ses états… magique et alchimique. J’associe également des minéraux, des pierres qui possèdent un grand pouvoir énergétique et donnent un éclat particulier aux oeuvres. Ces trésors et bijoux, offerts par la planète, me fascinent.
Comment vous définissez-vous en tant qu’artiste ?
Depuis longtemps, en tant qu’artiste, je m’interroge sur les mêmes sujets intemporels et je me confronte aux questions fondamentales de notre passage sur cette terre. Je suis passionnée par la philosophie, la science, la mathématique, la spiritualité, la cosmologie. Mon travail met en lumière toutes ces interrogations, hors du temps, sans âge, avec des éléments naturels, à la recherche d’un équilibre entre esprit et matière. Je transforme, grâce à l’érosion du sable, par le biais de l’eau ou du feu, la materia prima. J’essaie de retranscrire la force des éléments, du torrent au volcan, du céleste et de l’astral. C’est l’écriture de la nature et non la mienne. La nature est mon maître et mon modèle. Humblement, je façonne la terre à ma manière et essaye de lui donner une deuxième vie, celle de ma lumière intérieure.
Alors, comment marquer son temps ?
J’ai connu trois chocs artistiques qui m’ont fait réfléchir sur l’ultime message… Le premier en visitant une exposition aux Pays-Bas et en rencontrant le regard saisissant d’un bourgeois peint par Rembrandt, fort de l’énergie intacte de l’âme ; le second en observant un gisant de Camille Claudel, ou la chair c’est transformée en émotion pure et le troisième en découvrant, dans une alcôve du British Museum, une sanguine de « La Vierge à l’Enfant » de Léonard de Vinci, ou l’Amour et la compassion sont au-delà des traits. Au-delà de la vie et de l’énergie qui jaillissaient du coup de pinceau, d’un burin, j’ai compris que l’art avait alors atteint la dimension du « Sacré ». Une dimension qui relie tous les hommes sans devoir communiquer une intention car cette dimension suprême est intemporelle, sans langage, et touche notre universalité, notre âme et notre cœur.
Essayez-vous de donner une identité à vos œuvres ?
J’ai récemment mis en œuvre une série de plaques en terre glaise sur lesquelles je travaille le souffle de la force, avec mes mains et mes pieds, pour retrouver une gestuelle primitive et imprimer à la terre un impact et les traces de mouvement. Je me sers de ma pratique des arts martiaux pour communiquer une énergie brute et intacte. C’est la première fois que la main de l’homme apparaît dans mon œuvre. Avec la terre, l’infini s’ouvre à moi. Dans mes projets, l’envie aussi de donner un nouvel élan aux arts de la table avec des pièces de vaisselle hors normes, brisant les codes, conçues en collaboration avec des chefs qui les choisissent comme écrins pour présenter leurs créations, lors de dîners privés et d’exception. Dans ce travail, toujours en communion avec la terre que je déchire et j’arrache pour créer des formes innovantes, cuites au four jusqu’à obtenir des couleurs de lave et de charbon, je retrouve aussi l’essence des matières qui ont traversé le temps.
Sophie Cauvin exposera à partir du 15 septembre à la Macadam Gallery, à Bruxelles, puis organisera un show collectif inédit dans son atelier et galerie, en octobre 2021. Enfin en novembre 2021, son travail sera aussi présenté à la Galerie Sophie Scheidecker de Paris
Alia Cardyn En quête d’humanité
Alia Cardyn
En quête d’humanité
Mots : Ariane Dufourny
Photos : Astrid di Crollalanza
Alia Cardyn, ancienne avocate bruxelloise, maman de trois enfants, consacre désormais son temps à l’écriture. Ses romans émouvants, écrits avec passion et sincérité, se doivent d’être lu sans modération. Le premier, « Une vie à t’attendre », est lauréat du prix des Lecteurs des magasins belges Club en 2016, quant à « Mademoiselle Papillon », il rend hommage aux femmes qui ont l’audace d’incarner le changement. On peut déjà prédire que son cinquième, « Archie », sera un best-seller. Profond, bouleversant, percutant à l’instar de sa couverture. Mon coup de cœur absolu de la rentrée littéraire belge 2021 !
Vous avez écrit « Archie » en plein confinement. Est-ce la réaction de votre fille face aux devoirs facultatifs qui vous a inspirée ?
Le sujet du roman, je l’avais avant le confinement, mais ce temps de pause octroyé aux enfant était un joli signe de la vie, qui a donné une vitalité supplémentaire à mon expérience de l’école démocratique. Durant six mois, j’ai eu la chance immense de pouvoir adapter mon rythme professionnel à celui de mes enfants, de les voir jouer dans le jardin à et construire leur vie comme ils l’entendaient. Quel enrichissement pour eux et pour moi !
Vous prônez la pédagogie démocratique qui vise à offrir la liberté dans l’apprentissage. Qu’apporte-t-elle de mieux à l’éducation traditionnelle ?
Comme beaucoup de pédagogies, c’est plus en termes d’atouts qu’il faut l’analyser : dans l’approche démocratique, on ignore qui est le maître et qui est l’élève. Les rapports de domination sont gommés, même si c’est compliqué car ils sont présents dans tous les pans de la société. Pourquoi ne fonctionnerait-on pas de façon plus démocratique en donnant la voix à chaque élève ? En écrivant ce livre, j’ai réalisé que pour être heureux il faut savoir faire des choix et avoir confiance en soi, or ce n’est pas forcément au programme de l’éducation traditionnelle !
Qu’espérez-vous pour la nouvelle génération ?
Que la pédagogie se focalise davantage sur le bien-être de l’enfant et de l’enseignant qui fait ce métier par passion. Réinventer notre école pour qu’elle soit en adéquation avec cette génération fabuleuse qui arrive et qu’elle se soucie de l’épanouissement des professeurs. Ca me choque que notre société sous-finance notre enseignement, alors qu’il est prouvé qu’un système scolaire qui fonctionne bien permet de faire des économies, en préservant notamment la santé mentale. C’est en choisissant un métier qui nous plait que l’on peut arriver à le réussir !
Ancienne avocate, ne regrettez-vous jamais votre ancienne profession ?
Vraiment jamais ! Étant hypersensible, autant j’étais passionnée par le jeu intellectuel ; autant sur le plan humain, je n’étais pas à ma place. J’ai même pensé que j’avais fait le mauvais choix d’études, de carrière et que j’avais raté ma vie. Il y a eu tout un cheminement pour arriver au métier d’écrivain que j’adore.
Qu’est-ce que l’écriture vous apporte ?
J’ai toujours voulu faire un métier de défense des droits humains. Je veux aborder dans mes romans des sujets que je trouve essentiels et qui sont trop peu accessibles. Mes interviews d’experts multiplient la richesse des points de vue que j’essaye de transmettre aux lecteurs qui vont lire mes romans.
De manière générale, quels sont les éléments déclencheurs qui inspirent vos romans ?
Il y a toujours, en filigrane, l’importance de l’égalité dans notre société, la volonté d’effacer les rapports de domination et aussi la résilience et le non- jugement.
Pourquoi avoir choisi la Bretagne en toile de fond ?
J’adore la Bretagne que je trouve sublime. J’y étais lorsque j’ai imaginé ce scénario. C’était le cadre parfait pour qu’Archie puisse aller à la rencontre de sa grande beauté. La nature nous permet de nous connecter à toutes nos forces. La beauté extérieure nous renvoie à la beauté intérieure.
Comment se construire quand vous connaissez l’enfer dès votre naissance ? Quel message voulez-vous faire passer ?
S’il y a des puits de lumière dans une vie, elle n’est pas perdue. On peut tous être ces puits de lumière pour quelqu’un d’autre. Ca peut tout changer !
Vous brossez deux portraits de femmes, une mère toxicomane et une infirmière bienveillante. Tout parait les opposer, pourtant chacune lutte comme elle peut contre ses démons. La culpabilité peut-elle détruire un individu ?
La culpabilité est très nocive pour la santé et est contre-productive. Elle bouffe notre énergie au lieu de nous permettre d’avancer. Il faut la remplacer par une saine remise en question.
Archie, votre cinquième roman sort le 14 octobre 2021. Peut-on espérer un sixième roman pour 2022 ?
Certainement ! Même si je ne connais pas encore le mois de sa sortie. D’ici là, en novembre 2021, paraîtra mon premier album jeunesse qui m’a été commandé par une cheffe de service de néonatologie, parce qu’il n’existe pas de livre pour la fratrie des prématurés. Et en février 2022, sortira l’album jeunesse sur « Mademoiselle Papillon », ma plus grande évidence de mon parcours d’écrivain.
La rentrée littéraire belge
La rentrée littéraire belge
Nous nous sommes pris d’amitié pour la littérature belge francophone. Comment pourrait-il en être autrement quand la rentrée invite à découvrir grands auteurs et belles découvertes ? Amélie Nothomb poursuit son exploration des rapports familiaux en rendant hommage à son père, Nicolas Crousse assemble les pièces du puzzle de son enfance, Hakim Benbouchta dévoile son « Tinder City », Aurélie Giustizia surprend avec un véritable ovni littéraire, Sébastien Ministru ouvre la garde-robe intime de son héroïne, Rudy Léonet évoque ses rencontres avec de grands artistes. Sans compter, Archie d’Alia Cardyn, notre coup de cœur ultime, à découvrir dans nos pages Be Culture.
MOTS : ARIANE DUFOURNY

Amélie Nothomb – Premier sang – Sorti le 15 août 2021 chez Albin Michel
Pas de rentrée littéraire sans Amélie Nothomb qui publie avec Premier sang, son trentième roman. Fidèle à elle-même, la romancière belge ne dévoilera aucun résumé ; à peine une phrase accrocheuse qui invite à se plonger dans la lecture : « Il ne faut pas sous-estimer la rage de survivre. ». On retrouve sa plume viscérale et son vocabulaire incantatoire dans ce roman autobiographe écrit à la première personne. Un hommage puissant à son père Patrick Nothomb.

Nicolas Crousse – Retour en pays natal – Sorti le 26 août 2021 chez Castor Astral
Nicolas Crousse assemble ici les pièces éparpillées du puzzle de son enfance. Au fil des pages, il convoque ses souvenirs d’enfant rêveur et solitaire, hypnotisé par les oeuvres de Marc Chagall, et s’interroge sur ses relations familiales. Notamment celle qu’il entretient avec son père, poète égaré, voyageur, souvent absent. À travers cette quête identitaire, l’écrivain interroge la notion de paternité, d’abord en tant que fils, puis dans son rôle de père. Par l’écriture, il parvient à se détacher progressivement de la figure paternelle pour retrouver sa propre identité. Retour en pays natal est l’histoire d’une enfance portée par l’amour d’un fils pour son père.
Nicolas Crousse nous avertit : « ceci n’est pas un roman, pas un livre de nouvelles, pas non plus un recueil de poésies, pas davantage une autobiographie. » Ce qu’il ne nous ne dit pas, c’est son incommensurable talent à mettre des mots justes sur ses propres émotions.

Hakim Benbouchta – Le Pseudo – Sorti le 10 septembre 2021 chez Marque belge
Line, 12 ans, est la fille d’Harold, jeune cinquantenaire, père célibataire à mi-temps. Jules, 13 ans est le fils de Chloé, quarante-quatre ans, mère célibataire à mi-temps. Lassée de ne le voir rencontrer personne depuis sa séparation, Line décide d’inscrire son père sur un site de rencontres et se fait passer pour lui à son insu. Lassé de ne la voir rencontrer personne depuis sa séparation, Jules décide d’inscrire sa mère sur un site de rencontres et se fait passer pour elle à son insu. Par le plus grand des hasards, Jules et Line entrent en contact et finissent par s’avouer leur supercherie. Au fil des discussions, ils réalisent que leurs parents sont faits l’un pour l’autre. Ce qu’ils ignorent c’est que, dans la vraie vie, Harold et Chloé se connaissent très bien.
Un « Tinder City » entre Bruxelles (plutôt sud) et le BW ! Les stéréotypes sont légion et certain-es ne manqueront pas de se reconnaître. Je connais Hakim depuis quarante ans et il continue à me surprendre, par ses qualités humaines évidemment, mais pas uniquement. La lecture de son « feel good » suscite un rire franc et salvateur qui fait un bien fou !

Aurélie Giustizia – Vent debout – Sorti le 1er septembre 2021 chez Cent mille milliards
« Je passe pourtant incognito dans les rues de la ville, j’évite les crottes de chien et les crachats comme si j’étais une grande dame mais je laisse la place libre à qui veut s’asseoir, je dis pardon quand on me bouscule, je rentre en dernier dans le bus. Je ne suis pas faite pour vivre à la surface. Trop de règles à suivre, trop d’exceptions à suivre, trop de gens à suivre, trop de flèches à suivre, trop de marche à suivre. Trop d’alarmes, pour les portes mal fermées, pour la carte oubliée, trop de klaxons pour la voiture mal garée, pour le vélo trop lent dans la montée. Trop d’odeurs en même temps, de camions puants, de pipis flottants. Trop de lumières vertes pour beugler oui, de rouges pour brailler non, trop de marteaux piqueurs qui font trembler le cœur, trop de cris aussi. Vous comprenez, je n’ai pas la force pour feindre, pour arpenter la ville sans apparente blessure. »
L’auteure est née en 1982 et c’est son premier roman écrit avec virtuosité́ et cruauté. Je l’ai lu d’une traite, il est décapant ! Vent debout, c’est une plume acérée au service d’un véritable ovni littéraire.

Sébastien Ministru – La garde-robe – A paraître le 13 octobre 2021 chez Grasset
Vera vient de mourir. Elle avait fui sa famille quand elle était jeune, et deux nièces sont chargées de vider le dressing de cette tante qu’elles n’ont pas connue. De vêtement en vêtement, de tailleur en écharpe et d’écharpe en robe du soir, chaque pièce de la garde-robe de Vera raconte un épisode de sa vie. Chanteuse de variétés dans les années 1970 ayant connu un grand succès puis l’oubli, elle épouse un riche industriel dont les nièces vont découvrir le secret, un secret que Vera a protégé jusqu’à la mort de son mari. Elle-même transporte la blessure de son enfance sans rien pardonner à son milieu d’origine. L’armure des vêtements se fend parfois : quand un réalisateur l’approche pour les besoins d’un film sur les corons de son village natal, les images reviennent, les sens vibrent, et la peau se fait plus tendre.
Auteur de pièces à succès, journaliste et chroniqueur vedette de la RTBF, Sébastien Ministru nous livre le portrait d’une héroïne à la Tennessee Williams. Avec une plume exaltante, l’auteur reconstruit la biographie d’une femme qui a fait de l’élégance un rempart contre la violence du monde. Brillant.

Rudy Léonet- Access All Areas – A paraître le 27 octobre chez Lamiroy
Homme de médias – radio, télévision et de presse écrite -, Rudy Léonet a traversé quatre décennies en promenant son micro dans les coulisses de festivals, les backstages de concerts, les studios d’enregistrement et les rendez-vous codés dans des hôtels confinés. « AAA » – Access All Areas (le laisser-passer qui donne accès aux quartiers privés des célébrités), raconte ses rencontres avec des personnalités surprenantes, excentriques, charismatiques, sous un angle inattendu. Avec « AAA », on assiste à des conversations off, à des échanges recueillis par l’auteur pendant plus de 40 ans. Ces instantanés où l’on croise Björk, Depeche Mode, The Cure, Bowie, Nick Cave, Peter Gabriel, Françoise Hardy, Etienne Daho, INXS, U2 et beaucoup d’autres, sont autant de séquences toujours réjouissantes et jubilatoires, qui éclairent la part d’ombre de célébrités avec un sens particulier de l’observation. Chaque instantané de ces brèves de rencontres est illustré par Clarke.
A force de rencontrer des stars, j’imaginais Rudy Léonet blasé par son « AAA ». Pour la timide que je suis, découvrir que sa première interview commence par la voix de Balavoine qui dit « Une deux test, je crois que c’est bon », c’est cadeau !

Alia Cardyn – Archie – A paraître le 14 octobre chez Robert Laffont
L’histoire bouleversante d’un jeune qui marche mille kilomètres en quête d’humanité. Archie, seize ans, est placé en institution. Sa mère, toxicomane, est incapable de s’occuper de lui. Au lieu de consentir à ce quotidien qui l’enferme, Archie lutte. Un jour, un rêve se dessine. Tout quitter pour rejoindre à pied une école où les enfants sont libres d’apprendre ce qui les intéresse vraiment.
Coup de coeur de la rédaction. Découvrir l’article.
Au suivant ! Non ! Guiz, c’est le phénomène belge qu’on n’a pas envie de quitter !
Guillermo Guiz
Au suivant ! Non ! Guiz, c’est le phénomène belge qu’on n’a pas envie de quitter !
Mots : Ariane Dufourny
Photos : Anthony Dehez
Attention, cet avis n’engage que nous : Guy Verstraeten, alias Guillermo Guiz, devrait être prescrit contre la morosité ambiante, voire remboursé par la sécurité sociale ! Son humour vif et foncièrement dark, sa sincérité désarmante, son accent bruxellois assumé et son débit de mitraillette dérident l’âme chagrine plus vite qu’un shoot d’Epicure ! Rencontre avec un beau gosse, plus timide à la ville qu’à la scène, qui se raconte dans « Au suivant ! », spectacle irrésistiblement décapant.
Comment doit-on vous appeler ? Guy, Guillermo ou Guiz ?
Mes amis m’appellent Guiz. L’administration : Guy. Et ceux qui ne me connaissent qu’ à travers mon travail me nomme Guillermo.
Dans votre précédent spectacle « Guillermo Guiz a bon fond », vous avez consacré un sketch à votre prénom. Pourquoi ne vous plaît-il pas ?
Je suis né en 1981, à l’époque ce n’était pas un prénom dans le vent. J’ai donc grandi avec un prénom de… vieux !, que le timide que je suis a assumé comme il pouvait ! Ne pas être fier de son prénom, c’est compliqué quand on est ado. A 39 ans, je commence à accepter mon prénom. Plus je vais vieillir, plus ça va aller. Théoriquement, quand j’aurai 60 ans, je le trouverai super !
Avis aux futurs parents ! En quoi le prénom est-il constitutif de la personnalité?
On vit au quotidien avec son apparence physique et avec son prénom. J’ai la chance de faire un métier artistique et de pouvoir choisir comment j’ai envie qu’on m’appelle. Le nom et le prénom, on nous l’attribue à la naissance. Bébé, on n’a pas des masses d’influence. Il y en a peu qui disent : Matis, ça ne me va pas du tout ! Il faut faire confiance à la bienveillance des parents. Les miens, à ce niveau-là n’ont pas été très inspirés ! (Rire).
Quel est votre Guy célèbre préféré ? Guy de Maupassant, Guy Béart , Guy Bedos ou Guy Verhofstadt ?
Guy Bedos ! Il se situait clairement dans le haut du panier de l’humour des années 70, 80, 90.
On dit des « Guy » que ce sont des hommes qui ne dissimulent pas leurs pensées et que leurs franchises font leur charme. Est-ce la clé de votre succès ?
Je ne suis pas tout le temps franc, mais je suis sincère. Je ne vais pas dire frontalement ce que je pense de peur de gêner l’autre, mais je dissimule assez peu ce que je ressens réellement. Sur scène, ma force, c’est vraiment la sincérité.
On dit aussi des « Guy » qu’ils sont très généreux. Ce n’est donc pas une chimère puisque vous avez proposé de faire une deuxième représentation au Royal Festival de Spa de votre spectacle « Au suivant ! » dont la recette est entièrement reversée aux sinistrés des inondations dans la région. Que pensez-vous de l’élan de solidarité nationale ?
Curieusement en période de crise, on découvre le meilleur des gens. On peut être fier de la manière dont les Belges ont réagi face aux inondations partout dans le pays.
Vous êtes originaire de la commune d’Anderlecht tout comme Guy d’Anderlecht plus connu comme Saint Guidon d’Anderlecht et parfois surnommé « le pauvre d’Anderlecht ». Dans un de vos sketchs, vous avez parlé de votre commune en vous définissant comme un plouc intérieur. Pourquoi ce ressenti ?
J’ai beaucoup de tendresse pour Anderlecht, j’y ai grandi. Ce n’est clairement pas la commune la plus branchée du monde. Anderlecht, n’est pas Brooklyn ! Mais ce n’est pas grave (rien n’est grave, hein avec Guillermo – nda). Quand je repense à ma période anderlechtoise, avec ma coupe mulet, je n’ai pas honte du tout.
« Mon phantasme ultime sur Dieu… J’arrive au paradis et Saint-Pierre m’annonce : il n’osera pas te le dire car il sa fierté mais il aimerait bien prendre une photo avec toi. ». Vous êtes plutôt BG physiquement et sympathique au demeurant. Si vous deviez-vous décrire en adjectifs ?
Réservé, bon copain et alcoolique ! (Rire). Je suis plutôt gentil. J’essaye si possible de ne pas faire de mal autour de moi.
Vous avez 39 ans. Difficile à imaginer quand on vous regarde, pourtant on dirait que vous avez déjà eu mille vies : ancien espoir de l’équipe de football d’Anderlecht, patron de boîte de nuit, journaliste, chroniqueur sur France Inter et humoriste. Quel fut l’élément déclencheur qui vous a fait monter seul en scène?
J’ai vu la série « Louie » de l’humoriste américain Louis C.K et j’ai été conquis par cette manière de s’exprimer sur scène, devant un mur en briques avec un micro, tout simplement. Ce qu’il disait m’a bouleversé. A l’époque, je faisais déjà beaucoup de blagues. C’était pour moi une manière de dire au monde ce que j’avais envie d’exprimer. Il a fallu un an et demi voire deux ans, pour que j’écrive des petits textes et que j’ose les jouer. A mes 31 ans, j’étais professionnellement un peu en rade, je n’avais plus rien à perdre. Je suis monté sur une scène, pour la première fois, en juillet 2013. A partir de là, progressivement, j’en ai fait mon métier.
Comment qualifieriez-vous votre style d’humour ?
Absurdement noir ! Dans le spectacle, il y a des blagues très dark, très absurdes, très potaches, très fines.
Avez-vous déjà pris un bide ? Dans l’affirmative, comment rebondissez-vous ?
Bien sûr, j’ai pris des bides. Des tonnes. Quand j’étais un humoriste inexpérimenté, j’étais tétanisé, je regardais mes chaussures et je parlais encore plus vite que d’habitude. J’expédiais mon texte pour rentrer chez moi et mettre ma tête sous un coussin le plus vite possible. Aujourd’hui, avec l’expérience, je gère mieux. Mais les textes qui ne sont pas encore rodés continuent à m’affoler car je ne sais jamais si ils vont faire rire, faire rire un peu, beaucoup, sourire à peine, ou ne pas faire rire du tout ! Un spectacle, c’est toujours une loterie. Quand les gens ne rient pas, il me faut rebondir et rigoler de la situation.
« Au suivant ! » Pourquoi avoir nommé ainsi votre nouveau spectacle ?
J’avais un premier spectacle qui avait beaucoup tourné, il fallait en faire un deuxième : Au suivant ! ma paru un titre logique. Le spectacle parle de la transmission. Du coup, c’est un double sens. Qu’est-ce qu’on transmet à la génération suivante ?
Quel effet cela fait d’avoir reçu le Prix Maeterlinck de la critique 2020 dans la catégorie Meilleur spectacle d’humour pour « Au suivant » ?
En raison du Covid, j’avais l’impression d’avoir été le seul spectacle de la saison … Et j’ai pensé : bah, c’est pour cette raison que j’ai raflé le prix ! Gagner dans un domaine artistique n’a pas vraiment de valeur objective, mais je suis content de la subjectivité des membres du jury.
« Il faut toujours laisser à son enfant une marge de progression pour qu’il te dépasse professionnellement. Pour ça, mon père a été nickel ! ». Vos parents, votre père en particulier, sont le fil rouge de votre spectacle. Si on fait abstraction de l’humour, votre jeunesse ne semble pas avoir été très particulièrement dorée ?
Très peu de gens ont une jeunesse parfaite. J’avais un père qui était très présent et qui avait plein de défauts mais beaucoup de qualités aussi. C’est ce que je raconte dans le spectacle : tout n’est pas blanc ou noir. Mon père m’a donné envie de lire et d’apprendre, c’est déjà beaucoup. Gamin, le foot était toute ma vie. Tout ce qui était un peu compliqué était contrebalancé par cette passion pour le football. En définitive, j’ai connu autant de problèmes et autant de moments de joie que les autres.
« Je ne dis pas que je suis un bon coup mais au moins quand je couche avec une femme, ça l’occupe ». Vous n’hésitez pas à parler de vos expériences sexuelles ratées. Vous êtes vraiment le roi de l’autodérision !
Je suis le roi de rien du tout. Je ne suis pas sur scène pour dire que je suis un étalon. De un, ce n’est pas vrai. De deux, ça n’a pas d’intérêt. De trois, ça ne fait pas rire les gens. Ce qui fait marrer les gens et leur permettent de s’identifier à ce que je raconte, sont les échecs. Les foirages !
« J’aime trop les seins, ma mère était alcoolique, du coup quand elle me donnait le sein, il y avait forcément un petit truc en plus, sensation Baileys ». Peut-on rire de tout ? Rien n’est tabou ?
On peut rire de tout, à condition de rester subtil, élégant et pertinent à la fois. Il faut aussi avancer avec son temps et comprendre qu’on ne peut plus rigoler aujourd’hui comme on le faisait en 1985 des blagues de Michel Leeb. L’époque change, les sensibilités sont différentes, il faut en tenir compte et s’adapter. Comprendre la société dans laquelle on vit est un challenge intéressant.
L’humour est-il le parfait exutoire ?
Ouais ! Il l’a toujours été pour moi. Je me suis psychologiquement sorti des situations les plus compliquées en racontant des conneries, en dédramatisant, en essayant d’en rire. Si on arrive à rire de ses drames personnels, c’est autant de pris sur l’ennemi !
La réalité sublimée de Sébastien Nagy
La réalité sublimée de Sébastien Nagy
Mots : Agnès Zamboni
Photos : Sébastien Nagy
Il a voyagé dans un nombre de pays équivalent à celui de ses années. En remportant le concours de l’Aerial Photography Awards of the Year 2020, Sébastien Nagy, jeune trentenaire, s’est hissé dans la cour des grands mais garde toujours les pieds sur terre. Car c’est son appareil photo qui vole et ramène, sous ses instructions précises, des clichés étonnants. Pour réaliser de si belles images, cet autodidacte associe passion, organisation, talent de graphiste et patience de l’artiste pour délivrer sa vision inédite de lieux souvent touristiques. L’instant décisif ne lui fait pas croire au hasard et la géométrie de ses cadrages fait son œuvre.
Pourquoi avoir associé photographie et voyage ?
Avant de m’intéresser à la photo, je voyageais une fois par an avec mes potes pour surtout faire la fête. En 2015, lorsque j’ai démarré la photo à Bruxelles et en Belgique, j’explorais des endroits pour ramener des images, avec des points de vue différents, qui se démarquaient des photos classiques connues, en montant sur les rooftops. Puis j’ai débuté mes premiers citytrips à Stockholm, Copenhague, Paris, Amsterdam en débusquant des billets d’avion pas chers et des bons tuyaux. La photo m’a ouvert à des cultures différentes. J’ai eu envie de continuer. La plupart du temps, mes voyages sont très organisés pour ne pas perdre de temps. Je repère les lieux, qui me semblent posséder un potentiel, sur Google Earth ou sur Instagram. Mots clés et articles me permettent de faire un premier repérage.
Vous ne laissez rien au hasard ?
Au cours d’un voyage, je peux aussi découvrir un endroit que je n’avais pas remarqué sur internet, comme l’hôtel Park Royal à Singapour, avec sa façade végétalisée, plantée de palmiers. Récemment, je suis allé dans les Pouilles en Italie et finalement je suis resté plus longtemps que prévu en explorant 4 régions. Je réalise un travail de photos commerciales pour un client et j’en profite pour explorer la région et produire mes propres images.
Techniquement comment procédez-vous ?
Mon appareil photo est fixé sur le drone que je pilote avec une télécommande. Grâce à une application téléchargée, je peux obtenir le retour vidéo des images capturées. Les réglages sont possibles comme lorsque vous tenez un appareil dans vos mains. Ensuite, le travail de postproduction sur mon ordinateur me permet de recadrer les photos, d’intensifier les couleurs et la lumière, d’accentuer les ombres. La partie consacrée à la retouche numérique, où je mets ma pâte, est essentielle et peut durer des heures. Le cadrage donne cette notion d’infini et fait ressortir la beauté du paysage qui devient surnaturel. Ainsi pour la photo des deux pyramides, capturée dans la brume et le même alignement, j’ai joué avec les couleurs qui étaient fades et grises, en accentuant le ton rose orangé et les ombres. J’ai gommé les personnages présents sur les clichés d’origine. Mais l’architecture et le paysage n’ont pas été transformés.
Lorsqu’on isole un élément avec un cadrage particulier et différent, la perception du lieu change. Le parti-pris de cet élément devient un tout avec l’imagination du spectateur. Par contre, aux Emirats arabes unis, j’ai photographié des habitations avec une typologie identique et la photo laisse croire qu’elles se multiplient à l’infini alors que l’image reproduit seulement un pâté de maisons… En accentuant les caractéristiques graphiques de l’image et en choisissant un angle différent, le lieu est transcendé voire méconnaissable par rapport aux images de carte postale.
Comment voyez-vous l’avenir de cette activité ?
Aujourd’hui, je voudrais passer à une autre étape. Mon travail commence à être connu grâce aux réseaux sociaux et à la prospection spontanée que j’ai faite auprès des marques. En envoyant 100 mails, on reçoit parfois 10 réponses. Je travaille régulièrement pour des chaînes d’hôtel. Mais désormais, je voudrais obtenir aussi des budgets pour financer mon travail personnel avec d’autres voyages.