Catherine-Grasser

Les pages blanches de Catherine Grasser

Cette artiste liégeoise inclassable revendique sa liberté de créer, sans barrières ni limites, pour offrir un message positif, rassembleur et unificateur. Elle a rapporté de ses voyages dans les Caraïbes, des images de plages de rêve mais aussi des souvenirs de rencontres humaines où la bienveillance et l’amour dessinent un fil conducteur.

Quelle est votre formation ?

« C’est mon grand-père autodidacte qui m’a appris à dessiner. Depuis l’âge de 14 ans, j’ai suivi des études en arts plastiques avant d’entrer dans l’atelier de peinture de l’Institut Saint-Luc de Liège. Toujours à Saint-Luc, j’ai ensuite entrepris une formation de restauratrice d’objets d’art, avec une spécialisation en verre et céramique. C’est là que j’ai appris à travailler la feuille d’or. J’aimais beaucoup cette technique mais je n’avais pas envie de la pratiquer dans le cadre de la copie d’ancien. Mon langage d’aujourd’hui, qui se construit depuis 6 ans, témoigne du mixage de tous mes apprentissages. Objets, sculptures, toiles sur châssis… le choix de différents supports me permet de briser les codes pour réinterpréter la matière. »

Mais pourquoi avoir choisi le blanc ?

« Le blanc symbolise tous les possibles. Sa dimension infinie et son rayonnement me parlent directement. En étudiant les différentes croyances africaines, indiennes… caribéennes, j’ai constaté que cette couleur était un élément central. Dans la tradition vaudou, on trace des signes sur le sol avec une craie blanche pour appeler l’énergie positive. L’or, quant à lui, est très utilisé dans l’iconographie catholique et sacrée. Je l’associe au blanc pour exprimer la richesse de l’esprit, l’énergie solaire et la lumière de l’union des cultures. »

Que vous ont appris vos voyages ?

« A Saint-Barth, Saint-Martin et dans l’îlet de Pinel, j’ai côtoyé la population locale. Ces îles paradisiaques ne sont pas seulement le repaire de la jet-set et d’une certaine superficialité mais regorgent de personnalités à la richesse de cœur qui témoignent d’une réelle tolérance pour le vivre ensemble. Ce qui n’empêche pas d’apprécier le côté sensuel de la plage, la magie des fonds marins. Mais j’ai été envoutée par le côté terrestre et énergétique des cultures et des hommes qui cohabitent en belle intelligence sur ces territoires. J’ai notamment échangé avec une artisane qui perpétue la tradition du tissage de la paille. Des moments merveilleux où j’ai découvert son savoir-faire…séculaire. »

Quelles matières aimez-vous travailler ?

« Les matières naturelles, bien sûr, comme la porcelaine que je choisis à l’état brut, sans émaillage pour favoriser son côté tactile, poreux. J’apprécie d’ailleurs que l’on touche mes pièces pour ressentir l’importance des textures. Lorsque je pose la feuille d’or, je ne rajoute jamais de vernis protecteur pour que la matière se patine spontanément avec le temps. Le fil de coton de mes broderies, qui sont instinctives, provient de ma grand-mère, un acte qui me relie aussi à mes origines. » 

Depuis vos premières pièces, quelle évolution ?

« Aujourd’hui, je travaille sur le thème des rites, des bijoux et des talismans pour rendre hommage à la magie blanche de ces cultures. Dans toutes les ethnies, on retrouve aussi la présence du végétal qui fait partie de l’âme du bouddhisme comme des pratiques vaudous. Mais ma première œuvre, c’était la grande table Links qui, comme son nom l’indique, signifie liens. Pour cette création et d’autres modèles de tables, j’ai travaillé en collaboration avec un ferronnier. Aujourd’hui, je préfère réaliser entièrement mes œuvres même si ma balançoire Bliss a été fabriquée avec la participation d’une entreprise de réinsertion. J’aime les projets qui me permettent de développer le sens du partage. En préparation, bientôt une collaboration avec leRiad Maison Anaroze, de Marrackech. Mes pièces y seront exposées, en plus d’être réalisées avec leur participation. Mais aussi plusieurs idées de co-créations avec Amah Ayivi, créateur de la marque Marché Noir Lomé-Paris. L’une d’entre elles s’articulera autour de la balançoire Bliss, d’autres encore concernent les porcelaines. Le tout se déroulant entre Paris et l’Afrique. Les énergies se rencontres autour de projets communs, c’est très excitant et inspirant. En prévision cette année, une exposition à la YOKO UHODA GALLERY de Liège… »


www.catherinegrasser.com


Catherine-thiry

Catherine Thiry, à fleur de bronze

La force, l’énergie et la poigne, sont les premiers mots qui viennent à l’esprit pour parler des sculptures, souvent monumentales de Catherine Thiry.  Dans son œuvre, c’est pourtant le frémissement des surfaces qui nous atteint, et l’émoi indicible que vit chaque être ébauché de ses mains.

J’ai pris le temps de vivre l’expérience et de rencontrer l’artiste et son travail impressionnant, chez elle. Situé à Lasne, c’est un lieu plein de charme où les frontières entre maison, atelier, jardin, n’existent plus. Partout des sculptures, miniatures ou gigantesques, se livrent à cœur ouvert.

J’aimerais savoir comment vous êtes devenue artiste…  L’avez-vous décidé ?

Je ne sais pas si cela se décide, ni même comment définir l’art… Pour ma part, c’est une action qui permet d’accepter le réel. J’essaye de répondre par le geste, aux interrogations qui me traversent et de chercher sans fin la forme absolue.

Au début de mon parcours de peintre, je voulais simplement utiliser une habileté que j’avais à dessiner, pour me créer une vie meilleure. En effet, dès mes 16 ans, dans le but d’être autonome, je travaillais dans le milieu équestre. Du poney club aux écuries de courses, j’y ai passé près de 10 années. Et un jour je me suis souvenue que je savais dessiner. Alors j’ai proposé aux gens autour de moi, des portraits de leurs animaux. Sans intention ni prétention artistique, j’y trouvais un moyen de subvenir à mes besoins. Ça marchait très bien pendant des années et au fil du temps, j’ai appris à mieux peindre.

Tout doucement, les couleurs de ma palette sont devenues le carburant de mon imaginaire. Tenter des expériences sur la toile me donnait une telle énergie, que j’ai fini par rechercher uniquement cette source de joie ! Par chance, un public m’a suivie, et grâce à ce soutien j’ai pu arrêter de faire des portraits, et écouter réellement mes aspirations. Le modelage découle naturellement de cette évolution. Je retrouve d’ailleurs ma touche de peintre dans la texture de mes sculptures.

Parlons justement de cette texture étonnante et singulière, ce mouvement que vous imprimez dans la terre, comme un souvenir vivant. L’empreinte est touchante, elle relie le spectateur à ses propres sensations d’enfant. C’est un témoignage qui revient souvent à propos de votre travail. Il donne envie de plonger les mains dans la terre, tant ce geste semble spontané et joyeux dans vos œuvres.

Oui, c’est un plaisir et un jeu avec la lumière. J’ai besoin de la texture pour qu’elle s’y accroche. Comme un peintre cherche une trace toute simple qui peut évoquer le sentiment juste ! A l’atelier, je valide uniquement des sculptures qui me bouleversent, la seule référence est ma propre émotion.

Tout au long de votre progression, quels sont les artistes qui vous ont le plus émue ?

J’ai toujours adoré des peintres comme Rik Wouters, Vincent Van Gogh… mais j’ai été réellement transportée par la peinture de Marc Rothko. Comme si chaque infime nuance de ses toiles me parlait directement de ce que je vivais. La vibration qui s’en dégage m’atteint au plus profond de mon être. Francis Bacon a aussi été une découverte extraordinaire. Un peu comme si je pouvais entrer dans ses tableaux et voyager dans la conscience.

J’ai rarement été touchée par la sculpture, jusqu’au jour où j’ai aperçu une œuvre de Henry Moore.   Je me souviens être au milieu d’une foule à la TEFAF, et ne pas parvenir à quitter cette sculpture des yeux. J’ai compris comment des formes pouvaient se parler entre elles et l’air qui les entoure. Émue aux larmes, je me suis sentie devenir ces formes. A cet instant j’ai su que le chemin de la création serait long et passionnant !


Vous trouverez les œuvres de Catherine Thiry au SCULPTURACT Studio à Lasne. Renseignements et rendez-vous via l’adresse mail info@sculpturact.be

Et également lors d’expositions dans différentes galeries indiquées sur le site de l’artiste www.catherinethiry.be


Griet-Van-Malderen

Griet Van Malderen, La passion du monde animal

Dans un domaine dominé par les hommes, rares sont les femmes photographes animalières. Mais rien n’arrête notre compatriote, Griet Van Malderen ! Ardente défenseuse de la conservation de la faune et de l’environnement, ses photographies sont riches en émotions. Et une partie des bénéfices de la vente est reversée à des associations de défense des animaux.


Noé-Preszow

Le poing levé

Sous le charme d’ « À nous », premier album à la mélancolie brute du Bruxellois Noé Preszow qui, à 25 ans, réinvente la chanson à texte sur des notes électro-pop entrainantes…

Treize titres chantés le poing levé viennent de paraître sur le label français Tôt ou Tard (Delerm, Tiersen, Vianney …). Treize chansons qui parlent de la violence des gens, de la violence du monde. Une plume trempée dans la rage et des rythmes dansant qui font le tour de la toile. Des premiers titres (« Que tout s’dance » et « A nous ») porteurs d’espoir et une nomination dans la catégorie Révélation masculine des Victoires de la musique 2021. A 25 ans, chapeau Noé !

Pourtant, derrière le succès de Noé Preszow (prononce Prèchof, nous glisse à l’oreille l’attachée de presse …), auteur-compositeur-interprète belge aux origines polonaises, grecques et moldaves (ah, la mélancolie slave…), on sent poindre le désarroi de l’écorché vif et la rage dicible, car écrite et chantée, du révolté. « Oui, je suis né comme ça : à fleur de peau et fragile, toujours un peu à côté. Mon premier choc ? La rencontre avec les gens. La violence des rapports humains, j’y ai été confronté tout jeune, à l’école d’abord. Alors, pour me protéger, j’ai créé une bulle où me réfugier. Mais qu’on ne s’y trompe pas : je ne suis ni amer ni aigri. Au contraire, je suis plein de vie mais révolté. Oui, j’ai la rage…  ». Quand on lui demande ce qu’il reproche précisément à notre société, la réponse ne se fait pas attendre : « A peu près tout ! (rires) Je ne dis pas que rien ne me convient, mais les rapports de pouvoir et de domination, les violences policières, l’exil forcé qui sépare les familles et qui me rappelle ma propre histoire familiale. Je mets en perspective le passé avec l’actualité des migrants, des naufragés, rien ne change et ça me révolte ! »

Du rock dans les veines

Pourquoi a-t-il préféré une électro-pop à la mélodie harmonieuse plutôt qu’un rock âpre pour habiller ses mots ? Noé Preszow s’amuse de la question : « Vous m’avez percé au grand jour ! Le rock coule davantage dans mes veines que l’électro-pop, mais sur ce premier album, « A nous », j’avais envie de me surprendre et de mélanger plusieurs textures musicales. Mais quand je branche ma guitare électrique… ». On l’interrompt : « … c’est pour livrer une interprétation brute de décoffrage ! Il rit.  « Exactement ! ». Ses références ? Multiples. Et de citer pêle-mêle Bowie, MC Solaar, Cure, Bob Dylan, Brigitte Fontaine, Léonard Cohen, Hubert-Félix Thiéfaine, … Pas vraiment sa génération ! « Ahaha, vous avez raison ! Pourtant je me défends d’être passéiste, mais j’aime les chanteurs qui ont un parcours. Je flashe rarement sur un premier album ou sur une révélation, j’ai besoin d’une accumulation de matière pour plonger dans l’univers d’un artiste. »

Faire sa place dans ce monde de la tyrannie de l’apparence avec « les armes que j’ai »… « Oui, la question de l’apparence et des normes fait partie intégrante de mon parcours. C’est notamment parce que le monde est cruel envers ceux qui ont du mal à trouver leur place, que j’ai commencé à m’exprimer en chanson, j’en avais besoin pour sortir de mon coin. Questionner le monde en musique, c’est ma thérapie personnelle, je n’en fais pas pour autant un combat universel … » La reconnaissance, d’abord française ? « J’ai en effet très rapidement reçu du respect et de la considération des pros, de la presse et du public français. En Belgique, on a une exigence différente : on attend des artistes une forme de fantaisie, de second degré, que je n’affiche absolument pas dans mes chansons. Mais je ne suis pas qu’un chanteur à textes, j’aime marier les mots et les sons. »


www.facebook.com/noeofficiel/


Jonathan-Zaccaï

Jonathan Zaccaï, est-on propriétaire du souvenir d'un être aimé ?

Comédien belge renommé, scénariste et réalisateur, Jonathan Zaccaï peut désormais ajouter écrivain à son illustre palmarès. S’immisçant dans sa propre vie, son premier roman, « Ma femme écrit », se révèle à la fois drôle et percutant. Coup de cœur !

Jonathan Zaccaï est notamment connu sous le nom de Raymond Sisteron dans la célèbre série « Le Bureau des Légendes ». Dans son premier livre, «  Ma femme écrit », son héros décide d’écrire un roman consacré à sa mère décédée avec laquelle il partageait une relation passionnée. Celui-ci  découvre avec stupeur que sa femme, actrice comme lui, l’a précédé. Mais pour lui, nul n’a le droit de s’exprimer sur celle qui lui a donné son ADN. In fine, qu’en pense-t-il après coup ?

 Votre héros est acteur de série. Vous aussi. Son épouse est actrice et écrivaine. La vôtre également. Sa mère décédée est une peintre. La vôtre aussi. Votre roman est-il une pure fiction ou une autofiction ?

Ce qui m’a intéressé était d’écrire une autofiction où le lecteur pense être dans la réalité mais qu’au fur et à mesure, l’aventure dérape de trop pour y rester.

Somme toute, vous préférez écrire ou jouer la comédie ?

Les deux m’alimentent différemment et me plaisent. L’écriture est une aventure intérieure. Étonnamment, je m’y expose plus que sur un rôle où je suis protégé par un personnage.

« Disparition… Peu de mots expriment à ce point notre impuissance, comme si la langue essayait elle aussi de ne pas perdre la face. » Votre livre est-il avant tout un puissant hommage à la vie de l’artiste belge, Sarah Kaliski ?  

L’écriture est une  forme de mégalomanie exceptionnelle où je peux donner envie au lecteur de découvrir qui était ma mère. Mon personnage, tel un Don Quichotte bobo parisien, se bat contre des moulins à vent pour redonner vie à sa mère. Désespérément.

Qu’est-ce qui caractérise le style artistique de votre mère, Sarah Kaliski ?

Un mélange de douceur, de violence très forte et de crudité absolument dingue. Ma mère était une « punk » sans compromis ! Son intransigeance  était dure à suivre, à vivre mais au final exceptionnelle. Elle n’est plus là depuis plus de 10 ans et des gens sont fous de son art.

Où peut-on re-découvrir ses œuvres ?

Les cofondateurs de Loeve & Co, à Paris, défendent le travail de ma mère. Pour la 14e édition de Drawing Now Art Fair, la galerie présentera une sélection de dessins inédits réalisés au cours des années 1990, jusqu’à sa disparition en 2010 à Paris. www.drawingnowartfair.com/portfolio/loeveco/

« Ma propriété́, ma matière première, mon sang, mon héritage, ma foi, merde quoi, ma religion, mon avenir, ma vérité́, ma mère bordel. C’est ma mère ! Bordel ! » Votre femme compte-t-elle réellement écrire sur votre mère ?

J’ai injecté beaucoup de vérité dans du mensonge. Ce postulat de départ est vraiment réel, mais n’a pas duré comme dans le livre. J’ai ressenti de façon épidermique et intense, le sentiment d’être dépossédé de ma mère comme d’un magot qu’on ne partage pas.

Votre épouse, Elodie Hesme, a écrit un roman « Mes chers fantômes » paru en novembre dernier. Dans votre roman, vous conversez avec des zombies. Vos soirées de couple sont d’enfer ?

Je n’y crois pas du tout, mais c’est elle qui m’a fait remarquer que j’avais un reflet sur mon portable, en ajoutant qu’il devait s’agir de ma mère. Comme mon personnage est très paranoïaque, c’était intéressant qu’il soit dépassé par la réalité. La fiction est devenue plus folle que ce qu’il avait prévu !

Êtes-vous aussi paranoïaque que votre personnage ?

Ce personnage sommeille en moi et là j’ai voulu, une fois dans ma vie, lui laisser faire une promenade. J’ai lâché le malade ! Mais dans la vie, le thermostat n’est pas à dix !

« Ma femme écrit » est une comédie. Pensez-vous l’adapter au cinéma ?  Votre femme et vous-même dans vos rôles respectifs ?

Grasset, ma maison d’édition m’en a déjà parlé. Pour la mise en habits, j’aimerais de la distance et voir d’autres personnages nous interpréter. Mais, j’espère que Catherine Deneuve jouera le rôle de ma mère.

In fine, est-on propriétaire du souvenir d’un être aimé ? 

Ma mère était beaucoup plus « free style » que moi et généreuse sur son image. Depuis ce livre, elle est libre de droits.


Isabelle_de_Borchgrave

Et si on faisait le tour de son monde ?

Rencontrer Isabelle de Borchgrave chez elle, dans sa propre maison qui se veut également atelier de création et galerie d’art, c’est se frotter d’emblée à son univers. Partout du papier plissé, des tableaux plissés, des pièces de bronze or et rose plissé – « le pli, ma signature ! » -, des luminaires et des tables en verre peintes aussi, car l’artiste plasticienne et globe-scruteuse bruxelloise n’en finit jamais de se réinventer. « Free Spirit », sa nouvelle expo, invitation à faire le tour de son monde, pour preuve.

D’un garage de 1.500 m2 à Ixelles, à deux pas de Flagey, les architectes anversois Claire Bataille et Paul Ibens ont fait table rase, dégagé un jardin et une maison qui servait à abriter des calèches, puis bâti un petit bijou à l’esprit loft lumineux, qu’Isabelle de Borchgrave, l’âme volontiers hospitalière, invite à découvrir sur rendez-vous. Découvrir bien plus qu’une maison où elle vit, qu’une galerie où l’art s’expose, qu’un atelier où de jeunes artisans bossent dans une ambiance décomplexée. Découvrir un univers, vivant, singulier et diversifié à la fois, à la hauteur des multiples inspirations d’une artiste insatiable.

Parlons inspirations

En 1994, Isabelle de Borchgrave visite une rétrospective consacrée à Yves Saint-Laurent à New York, elle en sort littéralement bouleversifiée, galvanisée par une idée incroyablement originale qui va lui permettre de séduire le monde entier : concevoir des costumes de papier. Et de manière complètement artisanale qui plus est, à partir d’un papier blanc qu’elle dessine, peint, chiffonne, jette, repeint, redessine, rechiffonne si besoin, jusqu’à totale satisfaction.

De cette passion hors du commun naîtront quatre/cinq collections de 350 robes quand même, dont la collection Les Ballets Russes que l’artiste a présentée au Théâtre de la Monnaie, à Bruxelles, en 2010, et qu’elle a l’intention d’étoffer, de terminer, tout prochainement, avec son équipe d’une petite dizaine de passionnés. « L’important, c’est de continuer à surprendre. » Surprendre, elle l’a fait, avec le plissé, la « de Borchgrave Touch », sa marque de fabrique, « j’ai passé des années à faire des recherches sur le Vénitien Mariano Fortuny, mon père spirituel (le roi du plissé – nda) ; si vous avez toute la journée à me consacrer, je vous en parle ! »

Isabelle de Borchgrave qui aime aussi interpréter des couleurs vives et intenses, « cet univers chatoyant, je l’ai puisé à la source de mes nombreux voyages, Cuba, le Mexique, l’Egypte aussi où je m’impatiente de retourner. Vous savez, je ne voyage jamais sans mon kit de peinture. Je peins partout et tout le temps (et elle nous montre ses doigts maculés de peinture). Vous souhaitez voir mes carnets de voyage ? J’en ai des centaines ! » Des carnets d’une globe-scruteuse où chaque image vaut mille mots et raconte un tableau. Y’a plus qu’à … Isabelle de Borchgrave s’enthousiasme, « ce carnet de voyage en Thaïlande, je l’avais (presque) oublié » et elle dépose un passe-partout sur une page du carnet, « le tableau, vous le voyez ? ». Mieux, il nous fait déjà voyager.

Son actu

Dans son atelier, Isabelle de Borchgrave n’arrête jamais de se ressourcer, pour mieux créer. A l’image de l’expo « Free Spirit » (du 20 avril au 20 juin) où l’artiste plasticienne s’inspire de son propre univers, de sa propre galerie, pour imaginer des objets qui permettent de s’en évader. En pleine crise sanitaire, il faut y voir une invitation à découvrir « son tour du monde », soit des tableaux plissés, des pièces de bronze plissé, mais aussi pas mal de nouveautés, comme ces tables en verre peintes à l’envers qui ont nécessité quarante couches de couleurs et quarante nuits pour que chaque couleur sèche. «Je déteste dîner à une table où je vois mes pieds », confie-t-elle avec cette tranchante ironie dont elle se départit rarement. Là encore, des lustres de plumes et des paravents japonais anciens, objets de fantasmes qui délimitent un territoire intime qui recèle bien des secrets…

Dans l’atelier d’Isabelle de Borchgrave, il y a demain aussi, qui se prépare déjà aujourd’hui. Ainsi cette boite à bijoux qui recourt au collage et au pop-up, ces robes chatoyantes en papier coloré, ces « Catrina », figures emblématiques de la fête des Morts au Mexique, … La vision-recréation de l’univers mexicain de Frida Kahlo par Isabelle de Borchgrave aux Musées Royaux des Beaux-Arts de Bruxelles, ce sera l’événement de novembre 2022.


Free Spirit
Exposition du 20 avril au 20 juin 2021

www.isabelledeborchgrave.com


Adeline-Dieudonné

La vie d'Adeline

Actualité double pour Adeline Dieudonné qui s’apprête à jouer « La Vraie vie » au théâtre et bouscule le lecteur avec « Kérozène », deuxième roman drôle et féroce à la fois où la souriante Bruxelloise fustige ce que notre époque à de plus absurde. Une nouvelle claque !

Et paf !, un deuxième livre écrit pendant le confinement, au format un peu particulier… « C’est même grâce au confinement que « Kérozène » existe. J’étais occupée à écrire un autre roman, inspiré par la collapsologie, l’effondrement inévitable de notre civilisation, quand le lockdown est venu me couper dans mon élan ! Mon écriture entrait en collision avec ce que l’on était en train de vivre, je l’ai donc mis de côté. Pour m’amuser, j’ai commencé à rédiger des histoires courtes, puis j’ai tissé des liens entre certaines d’entre elles… »

 Un roman mosaïque…  « Kérozène » affiche en effet un format mixte, entre le roman et le recueil de nouvelles. Au cinéma, on pourrait parler de film à sketches…  Bref, c’est un livre à sketches ! »

 Contrairement à « La Vraie vie », où l’on identifie rapidement la protagoniste, « Kerozène » jette dans l’arène douze personnages déjantés, plus un macchabée, et un… cheval ! « Le cheval était présent dans la station-service, point de départ du roman, et comme je ne suis nullement spéciste, je lui ai accordé le même traitement de faveur que les autres protagonistes, soit une nouvelle pour lui tout seul ! »

Deux romans pour asseoir un style. La loufoquerie, l’absurde, la noirceur, une forme de lucidité très très sombre surtout, ces mots définissent-ils le style Adeline Dieudonné ? « Je vous crois si vous me le dites ! Je suis très souriante, donc les gens n’imaginent pas la noirceur qui m’habite. J’écris dans un monde que je trouve terriblement violent et brutal ; les émotions qui me traversent et qui guident ma plume sont alimentées par cette noirceur, par la désolation aussi. J’aurais pu prendre le contre-pied de ce constat, et écrire des romans d’amour. J’en ai décidément autrement. J’ai lu récemment « Comment tout peut s’effondrer » de Pablo Servigne, un ouvrage terriblement réaliste qui pose les bonnes questions : que faut-il mettre en place aujourd’hui pour anticiper demain ? Cette réflexion devrait être au cœur des politiques mises en place dès à présent ; malheureusement, il n’en est rien ! »

Adeline Dieudonné, un style qui ouvre les portes de l’imaginaire… « J’ai en effet imaginé le début de « Kérozène » comme un traveling de cinéma, qui pose d’emblée tout : le cadre et les personnages. C’est un vrai travail de concision. Tout ramener à l’essentiel et trouver les bons mots pour que les images percutent d’emblée dans la tête du lecteur. »

Parlons sexualité ! Du sexe contre-nature, du sexe non désiré, du sexe juste pour assurer la fécondité, du sexe par devoir conjugal, … « Kérozène » est un roman très sexe. « (Rire). C’est vrai. Je me suis fait plaisir en écrivant ce livre. La sexualité fait partie de mes centres d’intérêt. D’autant qu’elle est malmenée par notre société : malmenée car les rapports de domination, de prédation, nous empêchent de la vivre pleinement ; malmenée encore, car elle s’inscrit le plus souvent au sein du couple, de la famille, et que ce n’est pas dans ce cadre-là qu’elle peut forcément s’exprimer le plus librement. La manière dont mes personnages – et les gens – vivent leur sexualité, révèle d’ailleurs beaucoup d’eux-mêmes… »

Parallèlement à la sortie de « Kérozène », vous avez également une deuxième actualité, théâtrale celle-ci, avecl’adaptation sur les planches de « La Vraie vie » où vous camperez le personnage de la gamine, la narratrice… « Le livre a été adapté par Georges Lini ; moi, je ne suis que comédienne. Le dispositif de mise en scène qu’il a inventé me plait beaucoup : je suis cette jeune fille surdouée qui raconte des souvenirs, lesquels prennent littéralement vie sur scène avec l’arrivée des comédiens qui incarnent tour à tour le père, la mère, le petit frère Gilles, le glacier, tous les acteurs du roman. On a déjà du annuler les premières représentations, Covid oblige. En espérant raisonnablement pouvoir jouer la pièce dès le mois de juin… »

Votre roman, « La Vraie vie », s’est écoulé à 200.000 exemplaires, a reçu une avalanche de prix, et sera bientôt adapté au cinéma… « La réalisatrice Marie Monge  (« Joueurs », nda) y travaille ! »

On termine par une question qui fâche ! Quel regard portez-vous sur la manière dont le gouvernement a géré le secteur culturel pendant cette crise ? « Définitivement, le gouvernement se fiche royalement de la culture. Fermer les théâtres était sans doute une nécessité d’un point de vue sanitaire, je ne le conteste pas.  Ce que je dénonce en revanche, c’est l’absence totale de prise en considération de ce que nous représentons, nous les artistes. J’ai eu l’impression qu’ « on » n’existait pas ; « on » c’est à dire les 250 000 travailleurs du secteur culturel ! La disproportion entre l’attention apportée à la culture et au secteur des coiffeurs, pour citer un exemple frappant, est tout bonnement révoltante ! »

Une station-service, une nuit d’été, dans les Ardennes…
Sous la lumière crue des néons, ils sont douze à se trouver là, en compagnie d’un cheval et d’un macchabée. Il y a Chelly qui vient de refroidir son mari parce qu’elle ne supportait plus de le voir larmoyer sur sa vie, Loïc qui drague en groupe sur la toile, Alika la nounou philippine qui sait qu’elle n’a pas atterri du bon côté de la barrière. Y’a encore Sébastien marié à Mauricio, Olivier qui dialogue avec la tombe de sa mère, Gigi qui vomit sur sa 911, Red Appel aussi, le cheval … Il est 23h12. Dans une minute tout va basculer.

« Kérozène » ou autant de destins délirants, décrits avec humour et férocité. Les situations surréalistes s’inventent avec naturel, comme ce déjeuner qui vire à l’examen gynécologique parce qu’il faut s’assurer de la fécondité de la future belle-fille. Elle ne nous épargne rien, Adeline Dieudonné : meurtres, scènes de sexe, larmes et rires. Cependant, derrière le rire et l’inventivité débordante, sa lucidité noire fait toujours mouche !

 


Charlie-dupont

Le buzz de Dupont, la faute à Rousseau ?

En interprétant un prof de philo irrévérencieux qui va bouleverser la vie de ses élèves (et in fine la sienne), le comédien belge Charlie Dupont tient l’un des rôles les plus importants de sa carrière !


Nathalie-jonniaux

Les Belges d’ailleurs, Nathalie Jonniaux-Liesenhoff : Majorque, mon amour !

Installée à Palma depuis 20 ans, elle est une figure belge de la plus grande île des Baléares. Maman de quatre enfants, Nathalie a consacré sa carrière à l’organisation d’événements, de tournages publicitaires et autres activités de com’. Mais c’est son dernier-né dont elle est la plus fière : l’agence artistique The Art Signatures, créée pour promouvoir les artistes locaux aux quatre coins du monde. Tableau en 3 actes.

Acte 1 : lunes de miel

Entre Majorque et Nathalie, ce n’est pas l’histoire d’un seul, mais de plusieurs coups de cœur. Le premier remonte à son enfance, lorsqu’elle rendait visite à ses parents qui s’y étaient installés. Le deuxième l’a conduite, devenue adulte, à s’y rendre régulièrement en vacances « pour le charme et la beauté de la grande île des Baléares ». Le troisième fut décisif. Une rencontre improbable avec Tim, un jeune médecin allemand dans une gargote isolée du nord de l’île… vite sublimée en demande en mariage. Coup de foudre. Elle a dit oui !

Les premières pages du conte de fées, le jeune couple les écrit à Berlin avant de s’installer à Munich où naîtront deux filles, Morgan et Marine. Majorque reste l’écrin de leurs vacances familiales. Mais l’appel du large devient irrésistible pour ces amoureux de la mer : les Liesenhoff choisissent de s’installer à Palma, la capitale. Deux autres enfants naissent au soleil, Logan et Océane. La référence marine n’est jamais loin.

 

Acte 2 : des racines et des voiles

Pendant que son mari cultive l’art de la chirurgie esthétique jusqu’à ouvrir sa clinique privée, Nathalie gère ses relations publiques et sa clientèle VIP. Elle accueille régulièrement des stars comme le réalisateur britannique Guy Hamilton (plusieurs James Bond au compteur) ou la chanteuse d’un mythique groupe pop des années 70 & 80, devenue son amie mais qui tient à garder l’anonymat. On ne la nommera donc pas.

La famille s’ancre à Palma, prend racine. Tombe sous le charme d’une finca (ferme) du  19e qu’elle transforme en mas provençal au milieu des champs, sur les hauteurs de la ville, vue imprenable sur les oliviers et l’océan lointain. Chiens, chats, chevaux, couvées… La tribu s’agrandit, la ménagerie grossit, la déco s’enrichit. En chineuse avertie, Nathalie orchestre une rénovation du nid si originale qu’il s’impose comme décor pour de fréquents tournages publicitaires (Nestlé, Nutella, Rexona, L’Oréal, Coca-Cola…).

A Palma, la Marigan – de Mari(ne) et (Mor)gan – prend des allures de place to be pour de nombreux expats et son nom s’affiche bientôt en lettres d’or sur le fronton de deux autres musts du paysage local : un voilier de course et un palais privé du 19e.

En 2003, le couple acquiert en effet un fier coursier tout de bois et cordages dessiné en 1898 par le Britannique Charles Livingstone et entièrement remis à neuf. Taillé pour l’America’s Cup, il collectionne les trophées au large des Baléares et de la Côte d’Azur. Tim à la barre, Nathalie – parfois – et l’un ou l’autre enfant du couple – souvent – à la voile. Avis aux amateurs, ce sloop vintage est aujourd’hui en vente.

Acte 3 : toute la beauté du monde

Le palais, lui, fut achevé en 1803 sur ce qui deviendra la Rambla, la principale artère du centre de Palma. Dessiné par l’architecte Guillermo Torres, amateur de grands peintres et fondateur de l’Académie des Beaux-Arts locale. Devenu un hôtel de maître privé un brin décrépit, c’est dans ses murs rendus à leur lustre d’antan que les Liesenhoff installent leur clinique en 2010. « La chirurgie plastique est un art, d’accord, mais un tel lieu ne pouvait se limiter à accueillir des patients, même fortunés », sourit Nathalie. « L’idée s’est dès le début imposée de l’ouvrir au monde extérieur pour y organiser des événements en tous genres. »

Réceptions, défilés, tournages, expositions, lancements commerciaux… Le tout Palma défile à la clinique Marigan de jour comme de nuit, les uns pour se refaire une beauté, d’autres pour profiter de celle de cet endroit hors du temps. La maîtresse des lieux en profite pour enrichir son carnet d’adresses et devient l’une des figures belges de Majorque – impossible de l’accompagner en ville sans croiser quelqu’un qui la salue joyeusement dans l’une des 5 langues qu’elle pratique couramment.

Vient un jour la trouver le sculpteur majorquin renommé Joan Costa, qui lui demande d’organiser en ces murs une expo de ses œuvres. Encore un coup de foudre – « artistique s’entend », précise-t-elle. La proximité est telle que l’artiste veut faire d’elle son agent. « Un agent à l’ancienne, pas un galeriste qui se soucie surtout de la cote de son poulain »,souligne Nathalie. « Quelqu’un qui est à ses côtés dans les bons et les mauvais moments pour le soutenir, le conseiller, l’orienter, soigner son image et lui permettre d’exercer son art en ayant toujours une oreille attentive pour l’aider en cas de besoin. Même au milieu de la nuit. » Une meilleure amie, une confidente. « Et un pont entre lui et l’acheteur qui ne le connaît pas encore. »

 

Épilogue : au sommet de son art

Le maître en a attiré d’autres, le bagout de Nathalie a fait le reste. Ainsi a démarré sa dernière aventure. Créée voici 3 ans, son agence The Art Signatures défend aujourd’hui les intérêts de 26 artistes peintres, sculpteurs, photographes ou vidéastes originaires des Baléares, d’Espagne ou d’ailleurs. Baseline : ‘Avant-gardiste, humaniste, innovante, internationale’. Le concept est novateur puisqu’elle ne se contente pas d’organiser des expositions sur l’île et le continent – dernière en date dans la galerie du fondateur d’Art Basel Center en Suisse, en plein covid –, mais aussi des minitrips pour collectionneurs d’art.

Outre un programme axé sur la découverte des merveilles et de la gastronomie majorquine, ces visiteurs avertis bénéficient d’un accès exclusif aux ateliers d’ordinaire fermés au public. Nathalie pilotait encore récemment le mannequin et égérie de Chanel Candida Bond, qui a acheté deux œuvres à ses poulains dans l’intimité de leurs ateliers. La suite du roman reste à écrire, avec ce qu’il faut de dramatisation. Frappé par la crise sanitaire et la mise en rouge de l’Espagne et des Baléares, le monde de l’art est tétanisé et Nathalie traverse une période difficile. Mais elle garde la foi. « J’aime les artistes pour leur côté vrai, pur, souvent brut de décoffrage. Ce sont des passeurs de messages, des rêveurs qui font rêver », conclut-elle. Les siens, de rêves, restent intacts.


Ses trois adresses secrètes

  1. L’hôtel Bendinat

« Pour son délicieux restaurant et la vue extraordinaire, j’y vais depuis 25 ans quand je veux déstresser. »
www.hotelbendinat.es

  1. Gran Folies Beach Club

« Pour le cadre, l’ambiance, le resto et surtout la classe de yoga donnée par la yogi master Paula Cavalieri, petit déjeuner sain en prime. »
https://beachclubgranfolies.com/es/inicio

  1. Es Trenc

« La plus belle plage de Majorque, des kilomètres de sable blanc, avec le plus sympa des chiringuitos (buvettes) de l’île. Pour un cocktail de rêve au coucher du soleil. »
@chiringuitodelmedioestrenc


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Souvenirs sucrés de leur enfance…

35 célébrités belges ont confié à Nicolas Gaspard le souvenir sucré de leur enfance. Pour les nostalgiques gourmands, le chef pâtissier Jean-Philippe Darcis les revisite tous en saveur. Résultat : « Souvenirs sucrés de leur enfance », un délicieux livre paru chez « Renaissance du livre ». On en a l’eau à la bouche !