Attention, cet avis n’engage que nous : Guy Verstraeten, alias Guillermo Guiz, devrait être prescrit contre la morosité ambiante, voire remboursé par la sécurité sociale ! Son humour vif et foncièrement dark, sa sincérité désarmante, son accent bruxellois assumé et son débit de mitraillette dérident l’âme chagrine plus vite qu’un shoot d’Epicure ! Rencontre avec un beau gosse, plus timide à la ville qu’à la scène, qui se raconte dans « Au suivant ! », spectacle irrésistiblement décapant.

Comment doit-on vous appeler ? Guy, Guillermo ou Guiz ?

Mes amis m’appellent Guiz. L’administration : Guy. Et ceux qui ne me connaissent qu’ à travers mon travail me nomme Guillermo.

Dans votre précédent spectacle « Guillermo Guiz a bon fond », vous avez consacré un sketch à votre prénom. Pourquoi ne vous plaît-il pas ?

Je suis né en 1981, à l’époque ce n’était pas un prénom dans le vent. J’ai donc grandi avec un prénom de… vieux !, que le timide que je suis a assumé comme il pouvait ! Ne pas être fier de son prénom, c’est compliqué quand on est ado. A 39 ans, je commence à accepter mon prénom. Plus je vais vieillir, plus ça va aller. Théoriquement, quand j’aurai 60 ans, je le trouverai super !

Avis aux futurs parents ! En quoi le prénom est-il constitutif de la personnalité?

On vit au quotidien avec son apparence physique et avec son prénom. J’ai la chance de faire un métier artistique et de pouvoir choisir comment j’ai envie qu’on m’appelle. Le nom et le prénom, on nous l’attribue à la naissance. Bébé, on n’a pas des masses d’influence. Il y en a peu qui disent : Matis, ça ne me va pas du tout ! Il faut faire confiance à la bienveillance des parents. Les miens, à ce niveau-là n’ont pas été très inspirés ! (Rire).

Quel est votre Guy célèbre préféré ? Guy de Maupassant, Guy Béart , Guy Bedos ou Guy Verhofstadt ?

Guy Bedos ! Il se situait clairement dans le haut du panier de l’humour des années 70, 80, 90.

On dit des « Guy » que ce sont des hommes qui ne dissimulent pas leurs pensées et que leurs franchises font leur charme. Est-ce la clé de votre succès ?

Je ne suis pas tout le temps franc, mais je suis sincère. Je ne vais pas dire frontalement ce que je pense de peur de gêner l’autre, mais je dissimule assez peu ce que je ressens réellement. Sur scène, ma force, c’est vraiment la sincérité. 

On dit aussi des « Guy » qu’ils sont très généreux. Ce n’est donc pas une chimère puisque vous avez proposé de faire une deuxième représentation au Royal Festival de Spa de votre spectacle « Au suivant ! » dont la recette est entièrement reversée aux sinistrés des inondations dans la région. Que pensez-vous de l’élan de solidarité nationale ?

Curieusement en période de crise, on découvre le meilleur des gens. On peut être fier de la manière dont les Belges ont réagi face aux inondations partout dans le pays.

Vous êtes originaire de la commune d’Anderlecht tout comme Guy d’Anderlecht plus connu comme Saint Guidon d’Anderlecht et parfois surnommé « le pauvre d’Anderlecht ». Dans un de vos sketchs, vous avez parlé de votre commune en vous définissant comme un plouc intérieur. Pourquoi ce ressenti ?

J’ai beaucoup de tendresse pour Anderlecht, j’y ai grandi. Ce n’est clairement pas la commune la plus branchée du monde. Anderlecht, n’est pas Brooklyn ! Mais ce n’est pas grave (rien n’est grave, hein avec Guillermo – nda). Quand je repense à ma période anderlechtoise, avec ma coupe mulet, je n’ai pas honte du tout.

« Mon phantasme ultime sur Dieu… J’arrive au paradis et Saint-Pierre m’annonce : il n’osera pas te le dire car il sa fierté mais il aimerait bien prendre une photo avec toi. ». Vous êtes plutôt BG physiquement et sympathique au demeurant.  Si vous deviez-vous décrire en adjectifs ?

Réservé, bon copain et alcoolique ! (Rire). Je suis plutôt gentil. J’essaye si possible de ne pas faire de mal autour de moi.

Vous avez 39 ans. Difficile à imaginer quand on vous regarde, pourtant on dirait que vous avez déjà eu mille vies : ancien espoir de l’équipe de football d’Anderlecht, patron de boîte de nuit, journaliste, chroniqueur sur France Inter et humoriste. Quel fut l’élément déclencheur qui vous a fait monter seul en scène?

J’ai vu la série « Louie » de l’humoriste américain Louis C.K et j’ai été conquis par cette manière de s’exprimer sur scène, devant un mur en briques avec un micro, tout simplement. Ce qu’il disait m’a bouleversé. A l’époque, je faisais déjà beaucoup de blagues. C’était pour moi une manière de dire au monde ce que j’avais envie d’exprimer. Il a fallu un an et demi voire deux ans, pour que j’écrive des petits textes et que j’ose les jouer. A mes 31 ans, j’étais professionnellement un peu en rade, je n’avais plus rien à perdre. Je suis monté sur une scène, pour la première fois, en juillet 2013. A partir de là, progressivement, j’en ai fait mon métier.

Comment qualifieriez-vous votre style d’humour ?

Absurdement noir ! Dans le spectacle, il y a des blagues très dark, très absurdes, très potaches, très fines.

Avez-vous déjà pris un bide ? Dans l’affirmative, comment rebondissez-vous ?

Bien sûr, j’ai pris des bides. Des tonnes. Quand j’étais un humoriste inexpérimenté, j’étais tétanisé, je regardais mes chaussures et je parlais encore plus vite que d’habitude. J’expédiais mon texte pour rentrer chez moi et mettre ma tête sous un coussin le plus vite possible. Aujourd’hui, avec l’expérience, je gère mieux. Mais les textes qui ne sont pas encore rodés continuent à m’affoler car je ne sais jamais si ils vont faire rire, faire rire un peu, beaucoup, sourire à peine, ou ne pas faire rire du tout ! Un spectacle, c’est toujours une loterie. Quand les gens ne rient pas, il me faut  rebondir et rigoler de la situation.

« Au suivant ! » Pourquoi avoir nommé ainsi votre nouveau spectacle ?

J’avais un premier spectacle qui avait beaucoup tourné, il fallait en faire un deuxième : Au suivant ! ma paru un titre logique. Le spectacle parle de la transmission. Du coup, c’est un double sens. Qu’est-ce qu’on transmet à la génération suivante ?

Quel effet cela fait d’avoir reçu le Prix Maeterlinck de la critique 2020 dans la catégorie Meilleur spectacle d’humour pour «  Au suivant » ?

En raison du Covid, j’avais l’impression d’avoir été le seul spectacle de la saison …  Et j’ai pensé : bah, c’est pour cette raison que j’ai raflé le prix ! Gagner dans un domaine artistique n’a pas vraiment de valeur objective, mais je suis content de la subjectivité des membres du jury.

« Il faut toujours laisser à son enfant une marge de progression pour qu’il te dépasse professionnellement. Pour ça, mon père a été nickel ! ». Vos parents, votre père en particulier, sont le fil rouge de votre spectacle. Si on fait abstraction de l’humour, votre jeunesse ne semble pas avoir été très particulièrement dorée ?

Très peu de gens ont une jeunesse parfaite. J’avais un père qui était très présent et qui avait plein de défauts mais beaucoup de qualités aussi. C’est ce que je raconte dans le spectacle : tout n’est pas blanc ou noir. Mon père m’a donné envie de lire et d’apprendre, c’est déjà beaucoup. Gamin, le foot était toute ma vie. Tout ce qui était un peu compliqué était contrebalancé par cette passion pour le football. En définitive, j’ai connu autant de problèmes et autant de moments de joie que les autres.

« Je ne dis pas que je suis un bon coup mais au moins quand je couche avec une femme, ça l’occupe ». Vous n’hésitez pas à parler de vos expériences sexuelles ratées. Vous êtes vraiment le roi de l’autodérision !

Je suis le roi de rien du tout. Je ne suis pas sur scène pour dire que je suis un étalon. De un, ce n’est pas vrai. De deux, ça n’a pas d’intérêt. De trois, ça ne fait pas rire les gens. Ce qui fait marrer les gens et leur permettent de s’identifier à ce que je raconte, sont les échecs. Les foirages !

« J’aime trop les seins, ma mère était alcoolique, du coup quand elle me donnait le sein, il y avait forcément un petit truc en plus, sensation Baileys ». Peut-on rire de tout ? Rien n’est tabou ?

On peut rire de tout, à condition de rester subtil, élégant et pertinent à la fois. Il faut aussi avancer avec son temps et comprendre qu’on ne peut plus rigoler aujourd’hui comme on le faisait en 1985 des blagues de Michel Leeb. L’époque change, les sensibilités sont différentes, il faut en tenir compte et s’adapter. Comprendre la société dans laquelle on vit est un challenge intéressant.

L’humour est-il le parfait exutoire ?

Ouais ! Il l’a toujours été pour moi. Je me suis psychologiquement sorti des situations les plus compliquées en racontant des conneries, en dédramatisant, en essayant d’en rire. Si on arrive à rire de ses drames personnels, c’est autant de pris sur l’ennemi !


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