On le prédit, Laura Wandel ira loin. Ce que l’on pouvait déjà se dire, il y a 7 ans, quand elle réalise son deuxième court métrage, Les Corps étrangers qui se retrouve en compétition officielle à Cannes après que la jeune femme, diplômée de l’IAD, l’a envoyé, sans trop y croire, comme une bouteille à la mer !

Cannes toujours pour son premier long métrage, Un Monde, présenté dans la sélection Un Certain regard et qui repart en juillet dernier avec le prix FIPRESCI des critiques de cinéma internationaux.

Un Monde, c’est une plongée dans le monde de l’enfance et de l’école à laquelle nous invite Laura Wandel. Une plongée que l’on va vivre à la suite de Nora, une petite fille de 7 ans qui aujourd’hui entre en primaire. Filmé à hauteur d’enfant, la caméra virtuose de Laura Wandel nous offre une expérience immersive impressionnante autant qu’elle donne à voir la cruauté d’un monde, celui de l’enfance, miroir de celui des adultes.

L’interprétation est en tout point remarquable à commencer par Maya Vanderbeque (Nora), de tous les plans, sidérante de naturel.

 

Rencontre avec une jeune femme gracile et déterminée dans un café, place Fernand Coq à Bruxelles, par un bel après-midi d’été.

À quel moment le cinéma est entré véritablement dans votre vie ?

Ma première claque cinématographique, j’avais plus ou moins 16 ans. Autant que je me souvienne, deux films m’avaient énormément marqué à ce moment-là ; c’est Japón de Carlos Reygadas et Jeanne Dylman 23, rue du commerce, 1080 Bruxelles de Chantal Akerman. Plus qu’intellectuellement, j’ai véritablement ressenti ces films physiquement… une expérience bouleversante. Je me suis dit : c’est cela que je veux faire. De là j’ai vu de plus en plus de films. Et quand on commence à vraiment s’intéresser au cinéma, ça n’a plus de fin !

 

Comment s’est passé l’élaboration de Un Monde votre premier long métrage ?

J’ai toujours besoin d’aller observer les lieux qui m’intéressent. J’ai passé des mois à regarder les enfants jouer dans différentes cours de récréation, pour voir comment aujourd’hui ça se passe. J’ai rencontré beaucoup de monde : des directeurs d’école, des instituteurs, des professionnels de l’éducation, des parents, des enfants… J’ai assisté à des médiations.

J’ai besoin d’envisager mon histoire le plus largement possible, pour ensuite partir d’un point de vue en particulier. Et je pense que tout part d’une volonté de s’intégrer à une communauté.  Je suis partie de mes intuitions … et mes observations ont conforté mes intuitions !

Pour ce qui est de l’écriture, je suis très lente ! ça m’a pris 5 ans. Le tournage a été reporté d’un an, afin de boucler le financement du film. Puis le Covid a fait que nous avons dû attendre encore un an avant que le film puisse sortir en salle.

 

Pourquoi ce choix de l’école pour ancrer votre histoire ?

L’école, pour un enfant, c’est le premier moment en dehors de la famille. Il doit en déchiffrer les codes, s’adapter. J’ai l’impression que c’est aussi là que les choses s’ancrent en nous ; celles qui plus tard vont influencer notre rapport au monde et aux autres.

 

Votre caméra est étonnamment expressive

J’ai essayé que le film soit très immersif pour le spectateur. Que le spectateur puisse le vivre au travers de son corps et pas seulement intellectuellement. Pour moi, le cinéma c’est ça. Pour être au plus proche de la perception de Nora, on s’est dit que le mieux était de rester à sa hauteur, de montrer finalement très peu de ce qu’il y a autour d’elle, de presque l’enfermer. C’est ce que permet le hors champ… que j’adore travailler !

 

Comment avez-vous choisi les comédiens, notamment Karim Leklou, le père de Nora dans le film et Laura Verlinden qui joue son institutrice ?

 Je fonctionne par flashs, souvent après avoir vu ces acteurs ou ces actrices au cinéma. Je sais que j’ai envie de travailler avec eux… je ne leur fais jamais passer de casting ! J’ai été très heureuse que tous aient accepté mon invitation.

 

Avez-vous déjà un prochain film en tête ?

Oui, avec encore un lieu clos ! … Si tout va bien, le milieu de l’hôpital.

Avec un endroit fermé, j’ai l’impression de pouvoir faire vivre les choses de manière viscérale, que l’on est au plus près des choses. Je pars d’un microcosme, parce que pour moi il fait écho au fonctionnement de la société, au reste du monde.