Paris sourit à Mallory
Paris sourit à Mallory
Mots : Servane Calmant
Photos : Clic Gauche
En mars 2022, notre Malou national monte à Paris et pose ses casseroles dans son restaurant, qu’il nomme « Mallory Gabsi ». Cette apparente simplicité autorise pourtant une franche ambition. La preuve : mars 2023, à 26 ans, il rafle 1 étoile au guide Michelin et est sacré Jeune chef de l’année en France. C’est la consécration pour l’ex-lieutenant d’Yves Mattagne. Y’a-t-il du Belge au menu de son étoilé ? Bruxelles lui manque-t-il ? A-t-il toujours la frite ? Confidences.
En mars dernier, vous avez remporté 1 étoile Michelin, un an à peine après l’ouverture de votre restaurant parisien. Bravo ! Comment gérez-vous la pression ? Une bonne pression motive à se dépasser. Et pas uniquement pour convaincre le Michelin. Au quotidien, c’est le client qu’il faut séduire. Alors la pression, je la gère.
Vous êtes ixellois. Pourquoi avoir posé vos casseroles à Paris ? Par défi ? J’ai toujours aimé les défis. Ouvrir un restaurant gastronomique à Paris était un sacré challenge ! Je tenais à montrer qu’un Belge pouvait s’imposer dans la gastronomie française. Alors, je l’ai fait.
Derrière les fourneaux, êtes-vous cool et espiègle comme dans Top Chef ? Plus sérieux peut-être. (rire) Je suis décontracté, détendu et surtout, très attaché au bien-être de mon équipe. Au vu du nombre d’heures que l’on preste ensemble, je tiens absolument à assurer leur bien-être au travail, à consolider l’esprit d’équipe et à distiller de la bonne humeur. Je pense savoir gérer les moments de détente et les moments où il faut tout donner…
Vous avez été le lieutenant de Yves Mattagne à l’époque du Sea Grill** et du Art Club. Que vous a-t-il enseigné ? Tout. C’est quelqu’un pour lequel j’ai énormément de respect, que je n’oublierai jamais. Il a fait de moi le cuisinier que je suis aujourd’hui. Il m’a également appris à gérer une cuisine, à parler au personnel. J’ai été présent à ses côtés pendant 6 ans, un apprentissage dur, rigoureux et, par chance, j’avais les épaules assez larges pour absorber tout ce qu’il m’a appris. En termes de dressage et technique, j’ai également beaucoup appris chez Hertog Jan*** à Bruges et Nuance** à Duffel.
Quelles qualités faut-il pour atteindre votre niveau ? Le temps, c’est la seule chose qu’on ne peut pas rattraper, alors il faut se donner à fond. Je propose une carte courte qui change toutes les six semaines et requiert créativité, travail, discipline, passion, patience, confiance en soi. Quand je travaillais pour Mattagne, je chopais toutes les occasions pour progresser. La persévérance et la motivation sont primordiales pour continuer à aller de l’avant, pour s’améliorer sans cesse.
La chance de Mallory Gabsi, « c’est d’être né en Belgique, de venir d’une banlieue de Bruxelles, et de ne pas avoir cette chape de supériorité historique qui plombe parfois les jeunes chefs français », écrit le Gault&Millau. Votre avis ? Une phrase à relativiser. Pourquoi est-ce une chance ? Et si c’était au contraire un handicap ? Pour faire court : à condition d’avoir une équipe motivée, n’importe quel restaurant gastronomique peut briller dans n’importe quelle ville.
En parlant d’équipe, le secteur Horeca manque cruellement de personnel. Ce constat vous irrite-t-il ? Et comment ! Si j’étais resté au chômage après la Covid, je n’aurais jamais ouvert mon resto. Les gens doivent sortir de chez eux et retrouver le chemin du travail. Qu’ils soient ou non qualifiés. à 26 ans, je forme déjà des apprentis et des stagiaires. C’est ma responsabilité, en tant que patron, de m’occuper de mon personnel, de lui offrir un bon cadre de travail et une juste rémunération. Sans personnel, l’Horeca disparaîtra.
Bruxelles vous manque ? Oui ! Mes amis d’enfance me manquent. J’entends souvent « Malou réussit bien ». Oui, indéniablement. Mais Malou a également fait beaucoup de sacrifices ! Et je continue à en faire tous les jours, pour continuer à évoluer.
Chez « Mallory Gabsi » à Paris, on mange des classiques belges ? Oui. J’ai revisité les moules frites la semaine dernière. L’anguille au vert est régulièrement proposée en amuse-bouche. J’ai proposé il y a peu une carbonade à la flamande avec des joues de bœuf et une sauce à la Chimay …
Toujours aussi fortiche en sauce, chef ! Oh oui, la sauce s’avère un fabuleux lien entre le produit phare de l’assiette et la boisson avec laquelle il va s’accorder.
Pour manger chez « Mallory Gabsi », il faut être prévoyant ! Il faut en effet compter 2 mois minimum pour une table à midi, 4 mois en soirée.
140°, votre friterie gastronomique, s’est installée à la Gare Maritime de Tour & Taxis à Bruxelles. Et à Paris ? Pas encore.
Le mot « encore » laisse deviner de nouveaux projets pour 2024… (Rire) Disons des projets que j’aimerais développer si j’avais un peu plus de temps devant moi …
The Hoxton - Un « Open House » bien dans l’air du temps
The Hoxton
Un « Open House » bien dans l’air du temps
Mots : Servane Calmant
Photos : DR
Certains hôtels s’affirment comme de véritables lieux de vie. C’est le cas de The Hoxton Brussels, situé à proximité du Botanique, qui abrite une taqueria inspirée par la street-food de Mexico, perchée au 22e étage, un resto d’inspiration péruvienne où déguster un juteux poulet « a la brasa » et des espaces de coworking. On a testé cet « Open House ».
De pays en pays, de ville en ville, nombreux sont les voyageurs qui posent bagages dans un hôtel Hoxton, convaincus par l’identité « Open House » de ces demeures hybrides qui se veulent un lieu de rencontre entre les locaux, les voisins, les touristes et qui s’inspirent du quartier dans lesquels ils sont situés. The Hoxton a d’ailleurs le vent en poupe : le groupe ouvrira sept nouveaux hôtels en Europe d’ici 2024, à Londres (la 4e propriété de l’enseigne), Amsterdam (le 2e), Vienne, Berlin, Dublin… The Hoxton Bruxelles, c’est fait, depuis mai dernier !
Hoxton le Bruxellois a choisi d’occuper l’ancien siège européen d’IBM, la tour Victoria de style brutaliste qui lorgne sur le jardin Botanique. Le fameux studio AIME qui est derrière chaque établissement The Hoxton en Europe, a d’ailleurs réimaginé le design classique des années 70 soutenu par des formes brutalistes. Des meubles vintage ont été glanés dans les magasins d’antiquités et sur les marchés aux puces belges. Quant au coloris vert soutenu qui égaye les murs, il faut y voir un clin d’œil malicieux au jardin du Bota. Mais revenons au caractère convivial et chaleureux du lieu. Dès l’entrée, le ton est donné : le lobby ouvert sur un bar de style rétro et un restaurant, tous deux situés en contrebas, incite en effet à oublier l’affectation première du lieu. Bingo : l’hôtel devient un lieu de vie à l’atmosphère détendue. On y croisera un quadra qui travaille, deux amies qui sirotent un cocktail, un couple qui file au 22e ciel, l’étage du rooftop, tous sont là pour profiter d’un cadre inspirant et dynamique, pour une heure, une demi-journée ou une nuit…
Bien plus qu’un simple hôtel
Les 198 chambres inspirées des années 70 (tons rétro, matériaux bruts, tapisseries en velours, luminaires en rotin …) vont tout naturellement susciter l’enthousiasme des amoureux du vintage, cependant The Hoxton Brussels cache bien d’autres atouts dans ses murs. Notamment le « Tope » (qui signifie arrêt en espagnol), une taqueria inspirée par la cuisine de rue de Mexico, perchée au 22e étage, dotée d’une terrasse panoramique avec une vue impressionnante sur la ville. Si vous souffrez de vertige, reprenez un cocktail vitaminé ou des tacos maison, ils sont franchement fameux.
Au rez-de-chaussée, on nous a réservé une table à la Cantina Valentina, un restaurant d’inspiration péruvienne dont l’atmosphère évoque une picanteria traditionnelle (vaisselle variée, photos de famille exposées sur les murs). C’est Adam Rawson qui en a élaboré le menu, il s’est fait connaître en tant que chef du « Pachamama », l’un des principaux restaurants péruviens de Londres. Tout ça augure du meilleur. Passons à table ! Croquetas, chicharrones, huîtres, ceviches, tartares, en entrées, poule, poulet, canard, contrefilet, burger, en plats, la carte est riche ! « Entrées et plats se dégustent également en mode food-sharing », précise la serveuse. La « lima ceviche », le loup découpé en lambeaux puis cuit dans une préparation de jus de citron ravit les papilles et le « Tequeno », un croustillant au fromage présenté sous la forme d’un long bâtonnet frit, nous fait aussitôt regretter de ne pas en avoir commandé deux ! Vient ensuite le « Pollo a la brasa », le plat le plus consommé du Pérou, un poulet badigeonné d’une marinade d’ épices variées et cuit au four, un plaisir quasi régressif. Le Pollo, généreusement servi, sera suivi d’un « Tres leches », un grand classique de la cuisine latino-américaine, soit une génoise imbibée de lait et de marmelade de lait. Délectable ! Pour les lève-tôt, Cantina Valentina démarre chaque matin avec des jus exotiques fraîchement pressés, des pancakes ou une tasse de café péruvien… Pour une fois, le jour se lève en même temps sur Lima et sur Bruxelles.
2023, ce temps où Bruxelles bruxelle
2023, ce temps où Bruxelles bruxelle
Mots : Servane Calmant - Ariane Dufourny
Photos : Gabriel Lefèvre - LO Group
Ils sont trois kets passionnés par l’idée de donner un nouveau souffle à la vie nocturne bruxelloise. En sein de LO Group, Thomas Trothen, Miguel Perez et Mathieu Botta bossent comme des fous pour faire bouger la capitale. A leur actif, un resto, un club, des rooftops et des bars. Et deux actualités, Mylène, dans le quartier universitaire du Cimetière d’Ixelles et le 58 Rooftop, la nouvelle place to be bruxelloise.
Thomas Trothen nous en dit plus sur leur réussite entrepreneuriale.
2023, Les Organisateurs deviennent LO Group. Qu’est- ce que ça va changer pour vous ? Quand on a créé « Les Organisateurs » en 2015, on souhaitait proposer au public des concepts décalés. De cette volonté sont nés les rendez-vous festifs « J’peux pas, j’ai piscine » ou « Là-haut », le bar perché au-dessus du casino Viage à Bruxelles. Au fil du temps, on a grandi, on a capitalisé des établissements, on a engagé du personnel, on est passé aux choses plus sérieuses. (rire). De plus, la dénomination « Les Organisateurs » devenait trop restrictive. Nous sommes également producteurs, restaurateurs, peut-être un jour brasseurs… Le nom « LO Group » aux initiales de notre ancienne appellation s’est imposé comme une évidence…
Aujourd’hui, LO Group, c’est toujours trois membres fondateurs, plus des centaines de gens qui gravitent autour des events. 5,5 millions d’euros en chiffre d’affaires et plusieurs projets en développement pour 2023. Ce n’est plus une petite entreprise. Quelle est la clé de cette franche réussite ? L’union de trois profils différents, un expert en logistique, un financier et un créatif. Et une bonne connaissance de Bruxelles, de ses habitants, de leurs envies.
Quel est votre public ? Au départ, on visait les 20-30, puis notre public s’est élargi avec « Solar », un bar installé sur le toit du Bozar qui accueille les familles, les touristes, les sociétés. On a développé au sein de LO Group, une branche corporate. Le projet « Coucou Brussels » avec ses containers-bars installés à différents endroits de la ville, vise également les touristes, on travaille d’ailleurs en partenariat avec Visit Brussels, l’agence de promotion bruxelloise. La cible 20-25 reste celle de nos événements les plus festifs, à laquelle s’ajoute une cible 20-77 ans. Ainsi, « Café Bastoche », véritable institution du quartier étudiant du Cimetière d’Ixelles, qui date de 1927 et que nous avons rénovée en 2021, séduit tous les âges …
En 2015, votre ambition était de faire bouger Bruxelles. En 2023, quand vous regardez dans votre rétroviseur, ressentez-vous une certaine fierté à avoir réveillé notre capitale ? Nous sommes surtout fiers d’être partis de rien ou de si peu, d’une soirée dans un bar des Marolles. Petit à petit, nous avons suscité l’intérêt de nombreux partenaires, des marques, des établissements, des directeurs d’hôtels, des institutions. De cette évolution, oui nous sommes satisfaits.
A votre actif, un resto, un club, des bars sur les toits, des événements festifs, et une ouverture toute récente, « Mylène », née sur les cendres du « El Café », un bar ixellois tristement connu pour une sordide affaire de viol …C’est un sacré défi en effet, une ouverture qui nécessite d’oser repartir d’une page blanche pour offrir un endroit sûr, sain, inclusif, joyeux, lumineux, coloré, du vert, du jaune, alors que le « El Café » était très sombre. On a également formé le personnel en cas de situations inconfortables pour une cliente, et on a intégré des femmes dans l’équipe des physionomistes devant les portes du « Mylène ». On a tout fait pour prévenir toutes les formes de violence. Avec « Café Bastoche » et « Mylène », on compte bien insuffler une nouvelle dynamique au quartier universitaire du Cimetière d’Ixelles.
Mylène, Farmer ? Non, on trouvait juste que le nom sonnait bien. Mais je ne vous cache pas qu’on aime bien Mylène Farmer, que l’on programme assez souvent « Chez Ginette », notre club festif au cœur des Marolles.
Mylène, pour y faire la fête ? Mylène ouvre à 11h et ferme tard dans la nuit. C’est un véritable lieu de vie aux multiples facettes où se croisent plusieurs publics. Le midi, la carte propose des options végétariennes, viandes et poissons sous forme de super bowls, buns, tacos et baos. À partir de la fin de journée, les gens se rencontrent, se croisent et se mélangent dans le but de passer un bon moment et de partager des nouvelles saveurs asiatiques et latinos autour d’une même table. À la nuit tombée, Mylène monte le son et laisse danser le public. Les jeudis, vendredis et samedis, après le diner, les tables du restaurant se poussent pour laisser place au DJ.
Le 58, la nouvelle place to be bruxelloise
On ouvre cet été un bar sur le toit de BruCity, le nouveau centre administratif de la Ville de Bruxelles, sur le site de l’ancien parking 58, en plein cœur de la capitale.
Manifestement, rien n’arrête Thomas Trothen, Miguel Perez et Mathieu Botta.Le 58 Rooftop & panoramic eatery est le plus grand rooftop panoramique d’Europe !
LO Group a été choisi à partir d’un marché public lancé par la Ville de Bruxelles et s’est associé à Jardin et Les Filles pour concevoir ce projet exceptionnel. Les 3.000 mètres carrés offrent une vue à 360°. Parfait pour contempler en même temps l’Atomium, le Palais de Justice et autres monuments bruxellois. En sus, un bar avec de la street food bio et locale, dont des burgers et aussi des bières, des cocktails et de la bonne musique comme à la Mylène. Le rooftop ne sera qu’éphémère durant l’été, mais dès la rentrée, on peut s’attendre à l’ouverture d’un restaurant au 8e étage et un bar speakeasy au 9e étage de BruCity. On a hâte !
Rue de l’évêque 1 – 1000 Bruxelles. Ouvert tous les jours à partir de 16h en semaine et à partir de 12h le week-end.
LA TERRASSE 02, 20 années festives et innovantes au compteur
LA TERRASSE 02
20 années festives et innovantes au compteur
Mots : SERVANE CALMANT
Photos : DR
La Terrasse 02 renaît chaque été depuis 20 ans. Installé sur le site bucolique de l’hippodrome d’Uccle- Boitsfort, cet espace en extérieur privilégié et festif, invite à décompresser (after- work), à se détendre (off-work) et, depuis peu, à co-worker. Denis Van Praet, fondateur avec son ami et associé Benoit Marquezy, se souvient de la première fois. Confidences.
Avant la toute première fois, les premiers lunchs en terrasse et apéros entre amis, il y a eu la toute première envie, vous vous en souvenez ? Oh oui. Benoît Marquezy et moi-même étions amis, tous deux fraîchement diplômés de l’ICHEC (une haute école de gestion bruxelloise, nda). A 25 ans, nous étions insouciants et rêvions d’un événement bruxellois en extérieur, une sorte de bulle d’oxygène dans la ville, pour décompresser après le boulot et les jours de congé. A l’époque, nous avions l’habitude de fréquenter un bar, la Mezzanine, sur le site même de l’hippodrome de Boitsfort, à l’entrée de la forêt de Soignes. Nous sommes tombés en quelque sorte amoureux de ce site d’exception et nous avons conçu, créé, monté de toutes pièces un événement éphémère en extérieur. Depuis dix ans, on voit apparaître de nouveaux rooftops et apéros outdoor, mais à l’époque ce n’était franchement pas le cas…
C’était un sacré défi car ce projet estival et donc éphémère, doit renaitre chaque année … Chaque année, en effet, nous partons d’un grand espace recouvert de gravier, sans eau ni électricité, et nous créons un univers singulier, un rendez-vous convivial avec le public. Ce caractère éphémère ajoute un côté singulier à l’événement, qui est d’autant plus attendu. Pour nous, évidemment, c’est une charge de travail immense. Mais c’est le modèle d’événement que nous souhaitions proposer.
20 ans plus tard, quelle est (toujours) la clé du succès ? Sincèrement : l’envie et la passion. Cette envie qui continue à nous motiver, mon associé et moi, à créer des événements. Nous adorons notre métier, et cette passion se ressent évidemment dans nos prestations.
Votre associé et vous-même avez créé depuis Simply Better, une agence d’événement … C’est l’histoire d’une société qui a bien grandi. La Terrasse 02 a été – et reste – une magnifique vitrine, qui nous a permis de séduire des clients dans les secteurs du luxe, des cosmétiques, de la finance, des banques. Au sein de Simply Better, nous gérons Benoit et moi une quinzaine de collaborateurs désormais. Ensemble, nous organisons des événements sur mesure pour nos clients, des dîners, des lancements de produits, des meetings en Belgique et à l’étranger, des perfor- mances artistiques, etc.
Benoit et vous, c’est une belle histoire d’amitié… Nous étions jeunes, fous, nous avions des idées, nous avons foncé… 20 ans plus tard, nous sommes toujours amis et associés.
Revenons à La Terrasse 02, combien de visiteurs chaque été ? Depuis 20 ans, on a dû passer la barre du million de visiteurs.
Ont-ils vieilli avec vous ? (rire). J’ai aujourd’hui 45 ans. La Terrasse 02 continue en effet à séduire un public qui avait 20 ans, il y a 20 ans, ainsi qu’une nouvelle génération de plus jeunes…
En 2017, La Terrasse de l’hippodrome est rebaptisée LaTerrasse 02. Comment s’exprime l’écoresponsabilité dans l’événement ? Nous avons pris des engagements écoresponsables de réduction de CO2, de mobilité douce, nous privilégions le circuit court, les produits de saison, nous récupérons d’année en année les matériaux…
L’an dernier, vous avez lancé le premier espace de coworking en plein air en Belgique. L’invitation est toujours d’actualité ? Il y a 20 ans, on ne parlait pas de coworking. Mais à l’heure du télétravail, cela nous tenait à cœur de proposer aux visiteurs un lieu d’échanges. L’an dernier, nous avons donc initié le premier espace de coworking en extérieur de Bruxelles, pour privilégier les interactions, le relationnel, la reconnexion entre les gens. Et l’invitation est plus que jamais d’actualité. Nous avons évidemment prévu des prises électriques et un Wifi performant, ainsi qu’une cuisine collaborative proposée en partenariat avec des producteurs et artisans locaux. Des espaces de réunions, sous réser- vation, font également partie de nos propositions.
La Terrasse 02, ce sont aussi des activités annexes, sportives, culturelles, gastronomiques… Pendant huit semaines, jusqu’au 20 juillet, nous sommes ouverts 7 jours sur 7, de midi à minuit, il est donc important d’avoir un agenda qui rythme les journées et soirées. Nous proposons des activités sportives/bien-être (du yoga, notamment), des rendez-vous culturels (vernissages), des soirées gastronomiques (avec des chefs étoilés ou renommés) et musicales (les années 80 et 90 à l’honneur), du live aussi.
A quoi doit-on s’attendre de nouveau pour les 20 ans ? Nous avons gardé le set up de base pendant 19 ans, l’an dernier nous l’avons changé. Et ce changement fonctionne. Pour les 20 ans, nous allons encore renforcer l’expérience client, en améliorant l’accueil, le service en salle, le niveau des prestations, de manière générale.
Vous aviez l’intention d’exporter le concept de La Terrasse à Bordeaux et Courchevel, qu’en est-il ? Nous avions en effet l’intention de franchiser La Terrasse, mais à ce jour le deal ne s’est pas fait.
CHRISTOPHE HARDIQUEST : « C’est mon métier de bousculer les codes »
CHRISTOPHE HARDIQUEST
« C’est mon métier de bousculer les codes »
CHRISTOPHE HARDIQUEST
« C’est mon métier de bousculer les codes »
MOTS : SERVANE CALMANT
PHOTOS :Jehanne Hupin et Richard Haughton
À 46 ans, il laisse derrière lui « Bon-Bon », 2 étoiles Michelin, un 19,5/20 au Gault&Millau et des bons souvenirs à foison, pour ouvrir en février dernier « Menssa », un comptoir gastronomique de grande proximité, de belle complicité, avec le client. Quand on lui demande pourquoi il a eu envie d’écrire une nouvelle page de sa vie, Christophe Hardiquest parle de besoin, d’envie, de désir. Rebondir, c’est le propre d’un vrai entrepreneur. Causerie à l’ombre d’un arbre d’intérieur qui définit le nouveau territoire gourmand du chef…
Que les inconditionnels de Bon-Bon se rassurent, ils ne seront pas tout à fait bousculés dans leurs (bonnes vieilles) habitudes. Quoique ! En bordure de la Forêt de Soignes, ce sont les murs de Bon-Bon qui abritent désormais Menssa pour mens « l’esprit » et mensa « la table ». La décoration d’intérieur a été confiée à l’atelier d’architecture belge Anne- Catherine Lallemand, avec laquelle Christophe Hardiquest collabore depuis 20 ans. Rien ne change, donc ? Au contraire ! La déco 100% belge a été complètement renouvelée puisqu’elle épouse un nouveau concept, un comptoir gastronomique dont la cuisine est notamment inspirée par la nature environnante. Ainsi ces chaises hautes en velours vert forêt de chez Marie’s Corner et les audaces d’Anne-Catherine Lallemand, un arbre monumental aux contours harmonieux et un comptoir, central, qui en dominant la salle à manger, affiche clairement ses intentions : rapprocher le chef et sa brigade de ses hôtes. Voilà pour la déco. Et l’intention. Place au chef, maintenant.
Deux décennies chez Bon-Bon, puis un jour, dans la belle quarantaine, vous décidez de tourner la page… Je ne me sentais plus en phase avec ma vision du restaurant de demain et j’étais en plein divorce, deux éléments qui m’ont poussé à aller de l’avant. Les dernières années à la tête de Bon-Bon, j’étais dans ma zone de confort. J’aurais pu continuer à emprunter le chemin le plus facile, mais après 20 ans, mon travail me semblait répétitif, je me sentais moins créatif.
Christophe Hardiquest, chef et entrepreneur leader… Oui, je le revendique. J’essaie d’inspirer à travers mes valeurs et ma conception de la gastronomie. C’est pourquoi je n’ai aucun regret d’avoir tourné la page. Mieux : j’ai aimé me sentir bouleversé, bousculé, cela m’a obligé à repenser mon métier
Vous avez une pêche d’enfer ! J’ai 47 ans et j’ai retrouvé une énergie de fou, comme si je débutais dans le métier…
En quoi Menssa est-il novateur ? Mon concept tient en une ligne : inviter les clients dans mon laboratoire culinaire. Je suis partisan d’une proximité entre mes chefs de cuisine et les clients. Je les ai préparés à parler de leur travail, à exprimer leurs émotions, à écouter leurs feedbacks… Mon pari, c’est celui de la durabilité pour la planète et pour mon staff où chacun a un vrai statut et de bonnes conditions de travail, de la proximité avec le client, de la saisonnalité et de la traçabilité dans l’assiette.
Chez Bon-Bon, nous avions déjà mangé au comptoir … Et cette idée a évolué dans ma tête. Le comptoir favorise la transparence, la proximité avec la cuisine, il fait désormais office de table principale. Aussi préparerons-nous les sauces, par exemple, devant nos hôtes…
Un comptoir principal. Pour autant, Menssa propose plusieurs expériences culinaires … Il y a 22 places au comptoir et jusqu’à 8 couverts dans une petite salle privative, pour une soirée familiale ou business, et un coin salon intégré à la pièce principale. L’été, l’apéro, le café et le Havane s’invitent en terrasse. Menssa se veut un restaurant en mouvement.
Parlons de l’assiette. Menssa est-il plus créatif que Bon-Bon ? (Il réfléchit) Oui. Menssa, c’est un nouvel écrin qui me sert de véritable laboratoire pour tester la cuisine en permanence. J’invente chaque jour en fonction d’une idée, d’un produit. J’ose également travailler des produits différents : je vais préférer les rognons d’agneau au gigot et je proposer de la vive ou du rouget grondin, des poissons oubliés. Je développe davantage mon savoir-faire en matière de fermentation, de salaison, d’huile d’herbes sauvages en provenance de la Forêt de Soignes. J’ai également décidé de réduire la consommation d’énergie en cuisinant un maximum au feu de bois et en proposant des aliments crus notamment un sushi de moelle. J’enrichis ma réflexion sur le monde de demain et ma carte est un véritable terrain de jeu que je décline en jardin, forêt, terre et mer. Je propose une cuisine de naturalité, de simplicité, de créativité, affranchie de toutes les injonctions du monde gastronomique. C’est mon métier de bousculer les codes.
Y’a-t-il déjà un plat emblématique chez Menssa ? La mosaïque d’anguille au tabac de romarin, navet cru en rémoulade de vieux rhum, plait énormément.
Christophe, serez-vous souvent chez Menssa ? Oui, mais je continuerai à voyager. Pendant 20 ans, j’ai été bloqué dans ma cuisine chez Bon-Bon, je ne veux plus de cette vie-là. Je travaille énormément à la transmission de mon savoir-faire : la maison doit pouvoir tourner sans moi ! Je ne suis pas le seul acteur de Menssa. Ce sont les mêmes personnes qui cuisinent, qui m’assistent, que je sois là ou pas. C’est également l’idée du comptoir, que le client fasse connaissance avec mon équipe. « Bonjour, je suis Hugo, je suis le responsable des dégustations, je vais vous préparer ceci ou cela… ». C’est ainsi que j’ai imaginé Menssa.
L’été, vous serez derrière les fourneaux de La Mère Germaine ; une partie de l’hiver, à Crans-Montana au Chetzeron. Les produits que vous découvrez en Provence ou dans le Valais en Suisse enrichissent-ils la cuisine de Menssa ? Oh oui ! J’ai découvert les pois chiches d’Uzès et de la raclette de 7 ans du Valais. Et réciproquement, j’ai amené à Châteauneuf-du- Pape de la gueuze belge. Je m’éclate en travaillant sur ces trois terroirs.
EL SOCARRAT, la pépite cachée des Michiels
EL SOCARRAT
La pépite cachée des Michiels
Mots : SERVANE CALMANT
Photos : LINSDAY ZEBIER
Heureux propriétaires du festif « Beauty Gastro Pub », Pamela Michiels et Glenn Godecharle, son mari, ont récemment ouvert « El Socarrat », du nom de la croûte de riz qui colle dans le fond de la paëlla. Mais qu’on ne s’y trompe pas, cette nouvelle enseigne gourmande ne se résume à la spécialité culinaire de Valence. Toute la Méditerranée y est à l’honneur. Ainsi que des cocktails signature concoctés par un mixologue inspiré, pour débuter ou terminer la soirée dans un cadre intimiste ou, l’été, au jardin.
Pamela est la fille d’Albert et Marianne Michiels, un nom, une famille, une référence dans le monde des brasseries bruxelloises et du béwé, puisque Restauration Nouvelle, que le padre a créée en 1985, compte aujourd’hui pas moins de 24 établissements. « J’ai baigné dans l’horeca depuis que je suis enfant, fait l’Ecole hôtelière de Lausanne, et rencontré celui qui deviendra mon mari, Glenn Godecharle, à Genève où il officiait comme chef de cuisine à l’Hôtel InterContinental. L’horeca, c’est notre secteur de prédilection », précise d’emblée Pamela Michiels.
Pour l’heure, les tourtereaux sont propriétaires de deux établissements, deux identités distinctes, deux signatures design différentes, situés à Hoeilaart, à la frontière entre Bruxelles et le Béwé, bien vu. Le « Beauty Gastro Pub » ouvert en 2017, réinvente l’esprit pub en proposant de la bibine évidemment, mais aussi de bons flacons, des cocktails, des plats sympas en mode tapas, et un son qui monte en fonction de l’ambiance souvent festive. Quant à « El Socarrat », anciennement « Chez Lulu » déjà propriété des Michiels, il se profile comme un restaurant plus bourgeois, aux allures de speakeasy, comprenez : de club feutré. Vous y attendent des plats qui sentent bon le soleil du bassin méditerranéen et une cuisson au grill à charbon Josper pour conférer aux produits, viande, poulpe, légumes, un goût de fumée inimitable. On vous recommande chaudement les petits pois frais sautés sur braise accompagnés de jambon ibérique, la Rubia Gallega, une race bovine originaire de Galice qui fond littéralement en bouche et, en sus, le coulis de poivrons de piquillo, encore un incontournable de la gastronomie espagnole dans notre assiette.
« El Socarrat renvoie évidemment aux origines de mon mari qui vient d’Alicante, mais on ne souhaitait pas résumer l’offre culinaire à la seule paëlla. Cependant, on vous la conseille vivement, car on la propose dans sa version authentique, avec la fameuse croûte de riz au fond de la poêle qui a donné son nom au resto … »
El Socarrat, on le sait peut-être moins, bénéfice d’un autre atout séduction : son bar à cocktails, pour un before ou un after en mode chic. L’ambiance y est élégante et feutrée et, contrairement au Beauty Gastro Pub, on ne monte pas le son et on n’y danse pas, mais on cause et on badine en sirotant une « Femme Fatale » à base de gin, ananas, apérol et citron vert. L’été, El Socarrat compte bien abattre sa derrière carte : une terrasse orientée jardin, pour une mise au vert de circonstance.
Si l’assiette suscite de l’émotion, la déco participe évidemment à l’attrait culinaire d’un lieu. « Chez les Michiels, nous sommes toutes et tous très sensibles à la déco, nous cherchons à insuffler une âme à nos établissements. Pour El Socarrat, j’ai fait appel à Antoinette Tondreau ».
En résulte un endroit particulièrement stylé, ultra cosy, lumière tamisée et velours de circonstance. Du 100% instagrammable qui nous a donné envie de rencontrer Antoinette, jeune architecte d’intérieur dont El Socarrat est le premier projet…
3 questions à Antoinette Tondreau, architecte d’intérieur d’El Socarrat
Votre parcours ? J’ai 29 ans, j’ai travaillé trois ans avec l’architecte d’intérieur bruxellois Lionel Jadot, et je navigue désormais seule. El Socarrat est mon tout premier client. Je viens de terminer la déco du salon Maison Roger, qui vient de déménager avenue Louise à Ixelles…
Votre signature ? Je suis relativement éclectique pourvu que cela sorte de l’ordinaire. Pamela Michiels m’a contactée en connaissance de cause. Rire. Elle souhaitait un univers cosy, chaleureux, décalé, original, qui soit également une invitation au voyage.
On parle beaucoup aujourd’hui du style « speakeasy », comment se définit-il ? A la base, cette appellation désigne un bar clandestin américain pendant la prostitution, il englobe désormais tous les endroits chic et feutrés qui privilégient l’éclairage tamisé, les alcôves discrètes. Pour El Socarrat, j’ai joué sur plusieurs ambiances. Le petit salon à l’entrée fait référence à la Belle Epoque, avec beaucoup de matérialité, du bois, des tissus, des miroirs, du papier peint, une moquette chamarrée, c’est volontairement chargé. Les commodités sont complètement décalées avec une peinture très glossy, brillante. J’ai ensuite dessiné de petites alcôves pour 2 à 4 personnes, le bar et ses touches exotiques, et la salle du restaurant nappée de lumière tamisée et habillée de velours soyeux rubis pour un rendu chaleureux maximum.
L’Epicerie Nomad
L’Epicerie Nomad
« Recentrer mon métier sur l’humain. Indispensable. »
Mots : Servane Calmant
Photo : Anthony Dehez
Elle a du caractère et du charme à revendre la nouvelle adresse de Jean Callens, à Ixelles. Mais au fait, est-ce un bar à vins où bien manger ou un resto bistronomique où bien boire ? C’est surtout un voyage gourmand et sincère, initié par un chef décidément bien dans ses pompes, qui adore surprendre par des épices du bout du monde et des vins parfois inattendus.
À Ixelles, entre l’avenue Louise et le quartier de la Porte de Namur, pour vous situer, la bien nommée Epicerie Nomad se niche dans une ancienne épicerie asiatique gérée pendant 31 ans par Mongkhon Tangton, un homme passionné. Un beau jour, Jean Callens se pointe dans le quartier pour y saluer un ami, passe devant l’épicerie de Mongk, s’y attarde, et c’est le coup de foudre. « Il ne m’a fallu qu’une minute pour savoir que cet endroit serait parfait pour ma nouvelle aventure, mais je devais convaincre son propriétaire. Mongk est un concentré de gentillesse et de douceur, ce n’est pas une acquisition commerciale que j’ai négociée avec lui, mais la transmission d’un endroit rempli de souvenirs et qui l’a rendu heureux pendant une vie entière ». Cette épicerie, Jean l’a souhaitée à son image : chaleureuse, un brin nostalgique aussi. Un carrelage ancien, des luminaires d’époque, des comptoirs bars côté rue, une étagère qui appartenait à Mongk transformée en oenothèque… Tout fleure bon ce passé pas si lointain où l’on refaisait le monde entre amis autour d’un plat pas trop cher et d’un flacon découverte. Installez-vous.
L’Epicerie Nomad, c’est une nouvelle page qui se crée. Parce qu’une autre s’est refermée et pas n’importe laquelle ! Le Callens Café, vous l’aviez ouvert avec Olivier, votre frère, en 2004. Pourquoi l’avoir revendu à Serge Litvine en 2021 ? Le Callens Café devait être rénové. Et pas un peu. J’ai longtemps réfléchi à investir ou à revendre. Une opportunité s’est présentée à moi. Je l’ai saisie.
Callens Café est devenu le Lily’s Restaurant & Club, il vous plaît ? C’est une belle rénovation, un bon concept, Litvine tape juste et au bon moment, en répondant à une demande pour ce genre d’établissement.
Vous êtes le 4e d’une génération de restaurateurs bruxellois, la Famille Callens. Devenir chef, c’était plus qu’une vocation, une tradition ! Oui. Depuis tout petit, je vis dans les chambres froides et dans les caves à vins. (rire) Mes grands-parents et parents s’impatientaient de me voir terminer mes études pour que je travaille avec eux… Dans les grandes familles de la restauration, l’avenir du fils aîné était tout tracé : devenir chef de cuisine.
Pour autant, il n’y a pas le nom Callens accolé à votre nouveau projet ? Non. Car j’ai intégré dans l’aventure Sandrine, en cuisine, et Clément, en salle. Impliquer le personnel dans un projet voire dans l’actionnariat d’un resto, c’est une nouvelle manière d’envisager ce métier qui me convient parfaitement.
Contrairement au Callens Café, l’Epicerie Nomad se veut un resto de quartier à l’atmosphère intime… Aujourd’hui, l’addition dans une brasserie s’élève à 60 voire 100 euros le couvert ! Ce qui signifie que la restauration n’est plus accessible à tout le monde. Je rêvais d’un endroit plus petit, où je pourrais séduire avec une cuisine populaire et accessible. Et je suis tombé sous le charme de cette épicerie à taille humaine…
Il y a ce je-ne-sais-quoi de nostalgique qui se dégage de L’Epicerie Nomad. La nostalgie, ça vous parle ? Oui oui, je ne suis pas passéiste mais après 35 ans dans la restauration, j’avais envie de revenir à l’essentiel : un bon produit qu’on ne galvaude pas, une cuisson parfaite, une bonne sauce. Et susciter l’envie de goûter, de partager. Mes plats sont servis au 2/3 d’une assiette normale et les prix adaptés, évidemment. Rien ne vous oblige à prendre un plat et une entrée. Certains clients commandent trois entrées ou deux plats à partager, d’autres dégustent entre amis tous les plats présentés sur l’ardoise murale.
Epicerie… Nomad, la seule évocation de ce mot nous fait voyager. Que ce soit en Amérique du Sud, en Asie, en Indonésie, en Afrique noire, au Maghreb ou même en Europe, tous mes voyages m’ont influencé, même si j’avoue un faible pour la cuisine marocaine aux multiples saveurs. Même à Cuba où il n’y a pas de véritable gastronomie, j’ai appris quelque chose : à recentrer mon métier sur l’humain. L’indispensable en somme. Cela dit, j’aime toujours une bonne béarnaise, mais les saveurs du monde sont tellement riches. J’ai envie de continuer à voyager à travers la nourriture.
Fondues parmesan brocolis tomates séchées, brochettes de poulet au citron confit, bœuf au poivre de Penja, moutarde, fines herbes. Jean, on s’est régalée ! Merci. C’est du 100% maison, qui est fonction de mes envies et du marché. Et de belles rencontres. Ainsi le poivre de Penja, c’est un ami qui me l’a ramené du Cameroun. Mes hôtes en raffolent.
Difficile de ne pas la voir, l’oenothèque ! Quels bons flacons invite-t-elle à découvrir ? J’ai voulu une sélection en trois temps : des vins classiques de chez de Coninck, des flacons bios/nature proposés par Cinoco et de belles découvertes avec la Maison Peuch & Besse, notamment propriétaire récoltant du Château Gravet-Renaissance Saint-Emilion Grand Cru. Je vous le conseille avec une volaille ou une viande rouge.
Et si je souhaite juste venir vous saluer et prendre l’apéro ? Bienvenue ! D’autant que je viens de sortir la terrasse, orientée plein sud.
Benjamin Laborie. Sous l'étoile, La Table
Benjamin Laborie
Sous l'étoile, La Table
Mots : Servane Calmant
Photo : Anthony Dehez
Benjamin Laborie a ouvert « La Table » à Ohain, dans le Brabant wallon, en décembre dernier. Quatre mois plus tard, le 13 mars précisément, il récolte 1 étoile au guide Michelin qui vient récompenser un parcours belge fulgurant. « La France m’a formé, la Belgique m’a apporté la reconnaissance. Je ne l’oublierai pas », parole de chef.
Formé chez Michel Guérard et chez Michel Bras, deux légendes triplement étoilées de la gastronomie française, Benjamin Laborie arrive en Belgique en 2009. A Bruxelles, chez « Bowery », le chef obtient le prix Gault & Millau du « Meilleur nouveau restaurant ». Ensuite, dans le Brabant wallon, il rafle 1 étoile Michelin venue récompenser sa créativité. Décembre 2022, il ouvre « La Table » à Ohain, où il est désormais seul maître à bord, et c’est à nouveau la consécration : Michelin lui accorde 1 étoile.
Les gourmets du BéWé se souviennent certainement du « Try Bara », du « Bliss » et du « Maxan ». C’est entre ces murs de vieilles pierres que Benjamin officie avec notamment la complicité de Guillaume Vegreville, son fidèle et diligent maître d’hôtel, qui nous reçoit au salon. Cette vaste pièce qui fait la part belle au bois, est flanquée d’un feu ouvert et garnie de fauteuils club aux couleurs vitaminées. On s’y installe pour prendre l’apéro et savourer quatre premières mises en bouche. Le chef, généreux, en a prévu sept. Le salon s’ouvre sur une salle à manger aux tables nappées parfaitement espacées. De quoi nous éviter de manger sur les genoux du voisin. Un cadre élégant et convivial à la fois, et une parfaite organisation de l’espace, voilà de quoi nous mettre d’emblée en confiance.
Benjamin, félicitations ! En votre for intérieur, saviez-vous que vous remporteriez si rapidement 1 étoile Michelin ? Sincèrement, non. En revanche, autour de moi, tout le monde y croyait. Mon équipe, et les clients qui me disaient que je la méritais. Moi, je calmais plutôt les ardeurs. A mon équipe, j’ai suggéré de savourer l’instant, c’est-à-dire le succès d’un restaurant qui ne désemplit pas après quatre mois d’exploitation. Et le 13 mars, je décroche l’étoile. Une double consécration : un succès public et la reconnaissance du Michelin. Je suis un chef heureux.
Cette étoile récompense le travail d’une équipe. Notamment Guillaume Vegreville, votre fidèle maître d’hôtel que vous connaissez depuis très longtemps… Depuis 18 ans, nous nous sommes rencontrés chez Michel Bras, une belle aventure commune. Dans mon équipe, il y a aussi une nouvelle génération qui m’a suivi quand j’ai lancé le projet « La Table » et je leur suis très reconnaissant. Sans eux, pas d’étoile, croyez-moi.
1 étoile, c’est une franche récompense mais une sacrée pression… Détrompez-vous : le guide Michelin n’impose rien aux chefs. L’étoile vient récompenser l’amour du travail bien fait et la sincérité de la cuisine. Si je conserve ce sentiment du devoir accompli, et c’est mon but, je n’ai rien à craindre. Mais je ne vous cache pas que la veille de la cérémonie des Michelin, je ne passe pas la meilleure des nuits.
« La Table », ce nom résonne comme une invitation. Exactement. C’est un peu l’idée de la table d’hôtes. Je ne propose pas de carte mais des menus plusieurs services (4, 5 et 7 services, et un lunch en trois temps) qui me permettent de m’affranchir de toute contrainte et d’être libre dans mon travail créatif. Je dors peu, il m’arrive la nuit de réfléchir à un plat et de le concrétiser le lendemain. Quand le client passe la porte d’entrée de « La Table », il accepte de se laisser guider, d’entrer dans mon univers, et c’est parti pour trois heures de découvertes culinaires. Je reste évidemment attentif aux intolérances des uns et aux aversions alimentaires des autres.
« La truffe noire parfumée et un bouillon intense d’oignons donnent une nouvelle dimension à cette soupe à l’oignon 2.0 » écrit le Michelin. Cette revisite d’un classique, la soupe à l’oignon, à base d’oignons des Cévennes, sabayon au vin jaune, crouté à la truffe Tuber Melanosporum, on l’a goûtée, tenaillée par une irrésistible envie de lécher l’assiette. C’est votre plat signature ! Merci. Mais je vais peut-être vous décevoir : la saisonnalité étant au cœur de ma cuisine, il faudra attendre un an avant de retrouver cette soupe au menu, et encore, je n’apprécie pas forcément le concept de plat signature et je ne refais jamais deux fois la même assiette. L’hiver prochain, je vais donc surprendre avec d’autres plats.
Parlons saison alors. En avril, quel aliment va-t-on retrouver au menu ? Les asperges vertes et blanches, les petits pois, les morilles, j’attends chaque saison avec impatience. C’est la nature et les maraichers qui dictent mon assiette. Au printemps, elle sera verte, en septembre rouge. Je mets quicon- que au défi de trouver meilleure tomate que celle récoltée en septembre. Je suis mes envies également, j’ai changé trois fois de menus en trois mois.
Vous êtes également le roi des sauces ! Quel est votre secret ? (Rire). Michelin a en effet souligné la qualité de mes sauces. Mon secret : je ne monte jamais mes sauces au beurre, je préfère travailler le bouillon ou la graisse sèche de l’animal, ce qui les rend plus légères.
Avec une somptueuse terrasse braquée sur des prairies et des champs vallonnés, « La Table » affiche encore un atout séduction … L’été, je compte ouvrir la terrasse et la salle intérieure du restaurant, à la bonne convenance du client. Mais je ne compte pas augmenter le nombre de couverts, je plafonne à 36 convives, pas davantage afin d’assurer un service convivial et attentionné.
WILDN AU SAPPHIRE HOUSE ANTWERP*****
WILDN AU SAPPHIRE HOUSE ANTWERP*****
Mots : Servane Calmant
Photo : Wildn
L’invitation 100% végétale de Bart De Pooter
Anvers s’offre une nouvelle adresse audacieuse avec l’ouverture du restaurant « WILDn », aventure végétale signée par le chef étoilé Bart de Pooter, dans les murs du « Sapphire House Antwerp », cinq étoiles de luxe et premier hôtel au monde à être entièrement végétal. L’invitation promet de l’inventif, du créatif, du culot. Nous ne serons pas déçus.
Au moment où nous apprenons que Bart De Pooter va fermer fin 2022 son fameux « Pastorale » à Rumst (près d’Anvers), restaurant ô combien inspiré qui lui a notamment permis de décrocher 2 étoiles au Michelin, et alors qu’il ouvre, à Anvers également, un ambitieux restaurant de poisson, « Vis van A », Be Perfect est convié à découvrir l’une des nouvelles aventures gastronomiques du grand chef flamand, le « WILDn », à Anvers toujours.
Si « Pastorale » était nichée dans un ancien presbytère, « WILDn » s’abrite dans un majestueux bâtiment du XVIe siècle, une maison de maître de luxe qui respire l’âge d’or d’Anvers. Le bâtiment restauré dans sa splendeur d’ori- gine et transformé en « Sapphire House Antwerp », seul hôtel 5 étoiles membre de la prestigieuse « Autograph Collection du groupe Marriott », a ouvert en mai dernier et invite à découvrir de nombreux éléments authentiques de l’intérieur d’origine : des escaliers historiques uniques, des cheminées du XVIIIe, des ornements rococo avec des tableaux historiques et des parquets authentiques.
Coup de cœur pour deux patios à couper le souffle qui forment une oasis de calme et paix. L’accent ayant été mis sur la conception d’un hôtel en repensant un manoir, l’inspiration de maîtres artisans, d’artistes, de décora- teurs et d’architectes talentueux a donné naissance à un hôtel véritablement somptueux qui accueille un concept 100% dans l’air du temps. C’est en effet le premier hôtel au monde à être entièrement végétal. Qui plus est orchestré par un grand chef ! Le chef deux étoiles, Bart De Pooter, est responsable de toute l’expérience culinaire : des deux restaurants WILDn et PLANTn (la petite sœur du premier), du petit-déjeuner, du service en chambre et même du mini-bar approvisionné avec des produits végé- taux sélectionnés par le chef.
Le WILDn (qui fait référence aux herbes sauvages que le chef utilise dans sa cuisine) est le premier restaurant gastronomique végétal d’Anvers. Mais plus qu’à une énième bonne table, c’est à une expérience gastronomique unique, inventive et éco citoyenne (les herbes, les légumes, les baies sauvages et les fleurs proviennent d’une agricul- ture responsable) que nous a conviés le chef étoilé Bart De Pooter. « Il est temps pour Anvers de faire ce brillant voyage gustatif et de se lancer dans une aventure végétale. Anvers, l’une des villes les plus avant-gardistes, offre en effet un potentiel énorme et est ouverte à la gastronomie végétale », précise Bart De Pooter. Et il a bien raison. Six services, et dans l’assiette, tout est légèreté et créativité, ainsi les mises en bouche d’une rare délicatesse. Pour suivre, le chef va nous étonner en travaillant la laitue asperge (la laitue chinoise) qu’il accom- mode avec un gaspacho de pistaches ou les cèpes qu’il marie avec du café et du citron d’Amalfi et de la châtaigne. Coing et coco, tarte aux figues, basilic rouge, Pedro Ximenez, dattes au safran badiane girofle, Bart De Pooter signe une partition gourmande qui exige du fin gourmet, un nouveau regard. Avec de nouvelles textures, de nouveaux parfums, de nouveaux designs, des créations gourmandes audacieuses et innovantes, il nous a emportés loin, très loin, sur le chemin des saveurs. Accords mets végétaux vins tout aussi réussis.
Du Dine-and-Dance en lisière de la forêt de Soignes
Du Dine-and-Dance en lisière de la forêt de Soignes
Mots : Servane Calmant
Photos : Christian Hagen
Une institution gourmande qui renait de ses cendres, c’est toujours une bonne nouvelle. C’est même, dans ce cas précis, une surprise de taille. A Overijse, le Barbizon de papa fait peau neuve en s’inventant une toute nouvelle identité. Un cadre volontiers bling-bling accueille des plats d’inspiration brasserie, un bar écailler, un bar à cocktails, un bar à cigares, soit différentes ambiances réunies autour du concept très tendance du Dine-and-Dance. On traduit : un endroit censé plaire aux amoureux de la cuisine et de la fête.
Un resto sympa et festif ? Comme Chez Clément (les Brabançons comprendront) quand le jeudi soir on pousse les murs pour faire la java jusqu’aux petites heures ? Un peu, mais l’esprit bon enfant en moins. Car le (new) Barbizon ne s’en cache pas, il vise une clientèle hétéroclite certes mais réunie autour d’un même amour pour ce qui brille et pétille. Par ailleurs, n’espérez pas retrouver le restaurant gastronomique bon chic bon genre d’Alain Deluc (jadis doublement étoilé) dans les murs de ce Barbizon 2.0. , le chef a en effet remis les rênes de sa maison en 2018 à un repreneur qui impose un style résolument différent. Et c’est peu de l’écrire.
Bah ! L’important c’est de faire bouger les choses voire même de bousculer les codes, et pourquoi pas ceux de l’horeca. Bousculer, le mot est peut-être un peu fort, quand on sait que le Dine-and-Dance cartonne déjà dans d’autres pays. Il n’empêche, chez nous, qui plus est à Overijse, dans le brabant flamand, en lisière de la forêt de Soignes, avec un manège équestre pour voisin, ouvrir un concept de ce genre, dans un style volontairement ostentatoire, c’est plutôt aventureux. Quoique… Bruxelles est à un jet de pierre et les deux Brabant n’ont jamais boudé les endroits m’as-tu-vu.
Quoi qu’il en soit, après plus d’un an de travaux et de rénovation de l’ancien Barbizon, le Barbizon 2.0 a ouvert en octobre dernier et a dévoilé sa nouvelle identité. Bar écailler, bar à cocktails, resto, espaces lounge, fumoir (le plus grand de Bruxelles et environs), lumières tamisées, les différentes ambiances se succèdent, mais ne se ressemblent pas, sans pour autant perdre en cohérence. L’influence est clairement art Déco : du velours, de la dorure, des tapis chamarrés, soit une esthétique emplie de textures riches, d’exubérance allant parfois même jusqu’à l’extravagance. Au-delà du débat des goûts et des couleurs, il faut bien reconnaître que le nouveau Barbizon est chaleureux, soyeux, voluptueux, audacieux (allez voir les commodités), et le concept du Dine-and-Dance, festif et… pratique. Explications : l’apéro peut se prendre au bar ou au coin du feu, le demi-homard à l’Armoricaine et ses linguines fraiches, le Black Angus ou le Simmental maturé (la carte se veut volontairement restreinte, afin de laisser la liberté au chef de la faire évoluer avec les saisons et les arrivages) se servent à table, ensuite la soirée se prolonge au bar ou au fumoir avec de la bonne musique dans les oreilles.
En proposant un seul lieu de fête et de plaisir, de l’heure de l’apéro à celle de la fête, jusqu’à 1h voire 2h du matin, le Barbizon tape juste. Tous les ingrédients sont en effet réunis pour laisser la liberté aux clients de passer toute une soirée sans quitter le restaurant, sans devoir reprendre la voiture, sans s’arracher les cheveux en tournant en rond une demi-heure pour espérer trouver une place de parking… Un seul lieu, plusieurs ambiances, plusieurs playlists, compromis zéro. Le concept devrait trouver son public, d’autant que le Barbizon annonce pour le printemps 2023, une terrasse parmi les plus belles et vastes de la région, avec vue sur les chevaux et la piste du Royal Country Riding Club.