L’Eau Vive
Pierre Résimont, 30 ans d’étoiles au compteur
Mots : Servane Calmant
Photos : DR
Pierre Résimont, c’est l’un des meilleurs chefs de Wallonie, presque une légende. En 1994, à 25 ans à peine, il offre à son Eau Vive sa première étoile Michelin. La 2e, il la décrochera en 2012. 30 ans qu’il est étoilé ! 30 ans de partage d’une passion pour une cuisine riche, avec une exceptionnelle régularité dans le temps. Au reste, il construit un véritable empire : L’Espace Medissey, une maison d’hôtes à quelques minutes de son restaurant, Le Comptoir de l’eau vive, une table gourmande à Erpent et, la petite dernière, La Table du Tribeca, une brasserie à Gerpinnes. Rencontre avec un chef-entrepreneur sympa en diable.
Royalement installés à Profondeville, dans un moulin du 17e romantique à souhait, Pierre et Anne Résimont nous reçoivent chez eux, à L’Eau Vive. L’art de recevoir, ils en maîtrisent les codes. La convivialité et une bonhomie toute wallonne faisant partie de leur ADN. Chez les Résimont, le client est choyé. Et cela fait 30 ans que ça dure.
En 1994, à 25 ans, vous devenez le plus jeune chef étoilé de Belgique. En 2012, vous décrochez 2 étoiles Michelin. En quoi ces récompenses ont-elles changé votre vie professionnelle ? Je vais vous raconter une anecdote, amusante. En 1994, quand vous receviez une étoile Michelin, on vous envoyait simplement un fax de félicitations. A l’époque, je skiais avec des amis en Suisse. De retour dans l’appartement que je louais, je découvre une enveloppe glissée sous la porte, avec ces mots : téléphonez d’urgence en Belgique. Il n’y avait pas de GSM en 94. Imaginez mon angoisse, je pensais qu’il était arrivé un malheur à un proche. D’une cabine téléphonique donc, j’appelle ma femme restée en Belgique qui m’annonce… ma première étoile Michelin ! La 2e étoile, c’est Peter Goossens qui me l’a communiquée.Ont-elles changé ma vie ? Et comment ! On a doublé nos réservations. Et il a fallu engager pour renforcer l’équipe…
30 ans sous les étoiles Michelin. Cette régularité dans l’excellence, comment la maintenez-vous ? En me remettant sans cesse en question, pour ne pas perdre la flamme. Me reposer sur mes lauriers, ce n’est pas mon style. Mais pour perdurer dans ce métier, il faut proposer une offre complète, sans faille, au niveau de l’assiette et du vin évidemment, mais aussi de l’accueil, de l’infrastructure, parking, terrasse, nuitées… L’été, notre terrasse pavée qui jouxte une cascade et une rivière, est un atout considérable. La verrière inondée de lumière également…
Vous avez également pensé aux gourmets qui souhaiteraient ne pas reprendre la route à l’issue du repas… Nous proposons effectivement des chambres d’hôtes dans le Cube, posé à côté de L’Eau Vive, le long du ruisseau, et dans l’Espace Medissey, à trois kilomètres du restaurant, qui bénéficie également de chambres et même d’une piscine en plein air…
Revenons à l’assiette. Cuisine de produits et/ou cuisine technique. Où vous situez-vous ? Cuisine de produit. La technique, elle existe pour magnifier le produit. En fait, je n’aime pas les artifices. En revanche, les sauces…
Parlons-en. La tourte farcie de filet de pigeon et de foie gras, accompagnée de trois condiments de chou-fleur, est l’un de vos plats signatures. Le jus de cuisson du pigeon est carrément affolant. Vous êtes le roi des sauces ! Merci. à tout vous avouer, je passe tellement de temps à parfaire une sauce, qu’elle me coûte aussi chère que le produit. En revanche, garnir les assiettes de fleurs, ce n’est pas ma tasse de thé.
Les produits, forcément locaux ? Le plus souvent. Mon souhait serait de cuisiner 100% belge. Mais sans pression aucune : si tel produit est meilleur ailleurs, il aura mes faveurs.
Quel est le mot d’ordre le plus fréquent que vous adressez à votre brigade en cuisine ? Ponctualité et bonne humeur.
L’Eau vive, c’est votre bébé mais aussi celui de votre épouse, Anne. Cette complicité entre vous participe-t-elle également à votre succès ? En effet. En 30 ans de service, aucune dispute. Moi en cuisine, mon épouse en salle. C’est un TGV, Anne. (rire). Moi, je suis plus calme. Et chacun est parfaitement à sa place.
En 2012, vous surprenez agréablement avec Le Comptoir de l’eau vive, à Erpent … J’avais envie d’un lieu qui soit à la fois table gourmande et épicerie, pour que les clients puissent voir et acheter les produits avec lesquels je travaille.
Le 13 mars dernier, vous avez inauguré La Table du Tribeca, à Gerpinnes, dans un quartier résidentiel des hauteurs de Charleroi … Avec mon associé Laurent Wagner, entrepreneur gerpinois, nous avons donné une suite à l’histoire du restaurant Tribeca, qui devient La Table du Tribeca. à la carte, je propose une cuisine de brasserie authentique et généreuse, agrémentée de deux ou trois classiques de L’Eau Vive dont le mijoté d’asperge au vin muscat, croûtons et lardons.
Si Pierre Résimont a l’âme d’un entrepreneur, L’Eau Vive reste-t-elle sa priorité ? Oui, oui ! Je suis en permanence derrière les fourneaux de L’Eau Vive et je viens saluer les convives en salle plusieurs fois pendant le service. Cette proximité avec le client, j’y tiens énormément.
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