Jean-Marie Ghislain ou la poésie des profondeurs
Jean-Marie Ghislain ou la poésie des profondeurs
MOTS : BARBARA WESOLY
« Qu’arrive-t-il lorsqu’on se confronte à nos peurs ? » Telle est l’interrogation avec laquelle Jean-Marie Ghislain nous interpelle, au détour de son site. Une question qui fut fondatrice pour l’artiste, qui fit de l’apprivoisement de sa phobie de l’eau et des requins, le point de départ d’une quête initiatique mais aussi d’un travail photographique aux confins de l’humain et du vivant.
Votre rapport à l’eau a débuté très jeune, par une terreur profonde et viscérale. Peur, que vous avez décidé, à la cinquantaine, de combattre en conscience, d’abord en apprenant à plonger puis via la photographie. Pensez-vous que l’on peut magnifier les angoisses qui nous étreignent ? C’est une intime conviction. Mon souhait est d’inviter les gens à aller voir au-delà de la perception qu’ils ont de l’objet de la peur, de manière à petit à petit la tutoyer pour l’apaiser. Elle n’est bien souvent pas la résultante d’un trauma mais de constructions mentales liées à l’imaginaire, à l’instinct ou au collectif, comme la crainte des serpents, des loups ou des requins. Dans le cas de l’eau, se laisser apprivoiser nécessite d’oser aller vers elle. Et découvrir qu’il y a énormément de douceur à son contact.
L’eau est le point d’ancrage de vos clichés, quel est votre lien avec elle aujourd’hui ? Je me laisse toujours plus guider par et vers elle. L’eau compose intrinsèquement chaque être, qu’il soit humain, animal, végétal, et c’est grâce à elle que nous entrons en résonnance avec les autres. Je découvre qu’elle possède des propriétés encore trop méconnues, dont une véritable mémoire. Mais également qu’une eau n’est pas l’autre et que chacune présente des caractéristiques particulières. Lors de mon travail « Réconciliation », photographié en piscine, j’ai réalisé qu’en changeant de bassin, je révélais d’autres aspects du kaléidoscope émotionnel. Tout comme l’océan, en fonction de l’emplacement où l’on se trouve, va permettre d’aborder d’autres réalités. L’eau possède un champ d’exploration infini.
Justement, votre projet « Réconciliation » aborde la nudité, physique comme émotionnelle et la représentation du corps féminin, « Sharks » offre une plongée fusionnelle en compagnie des requins, « Impermanence », explore les profondeurs intimes des fonds marins. Chacun s’accompagne de textes et réflexions. Est-il essentiel pour vous de transmettre, au-delà des images ? C’est mon but premier. Amener, grâce à ma prise de conscience personnelle, le plus grand nombre à faire grandir sa réflexion et surtout son ressenti. L’on évolue dans un monde ou le cartésien est dominant, or il y a une multitude de possibles qui ne sont pas associés à la pensée mais sont reliés aux sentiments. Et il en va de même pour la photo. Elle doit être vectrice d’émotions et court-circuiter le mental. En favorisant un lien de sympathie, d’empathie puis d’amour avec le vivant, on amène les spectateurs à souhaiter spontanément le protéger.
Quel est d’ailleurs votre rapport au vivant ? A la nature au-delà de son existence aquatique ? Elle m’est essentielle. Je travaille actuellement sur une exposition baptisée « Le Printemps Urbain », qui fixe des éléments, parfois macroscopiques, observés en ville, en vue de questionner l’érosion de notre conscience et notre capacité à nous émerveiller. Je constate chaque jour que si l’on veut préserver une espèce, terrestre ou sous-marine, cela doit intrinsèquement passer par la protection d’un écosystème et pour cela, il est essentiel de réapprendre à « être en amour » du vivant. C’est là l’une des clés pour amener notre monde à évoluer vers une dynamique sensible.
Dans « Peur Bleue » Au milieu des requins, je suis devenu un homme libre » ouvrage autobiographique publié en 2014, vous racontez votre parcours des abîmes vers la rencontre de la beauté marine. Quelle forme prend aujourd’hui la liberté pour vous ? Ne pas reporter au lendemain. Faire à l’instant ce qui empêche d’avoir un véritable espace de liberté dans le cœur et l’esprit. Nous sommes sans cesse divisés. Si l’on souhaite revenir à davantage d’unicité intérieure, il faut faire le vide pour se remplir de ce qui est réellement autour de nous. Tout est synonyme de beauté, pour peu qu’on soit prêt à accueillir les possibles.
Vous exposez actuellement pour Silly Silence, au milieu des arbres du bois de Silly. Comment percevez-vous cette rencontre des éléments ? En découvrant les précédentes réalisations de ce collectif, j’ai été très touché par la scénographie. Et je m’émerveille à chaque retour face à l’exposition de la magie de cette osmose, cette symbiose avec la forêt, un véritable écrin accueillant parfaitement les images du milieu marin. Avec le soleil, sous la pluie, dans la grisaille, elle vibre différemment en fonction de la lumière. C’est une expérience unique.
L’exposition Silly Silence invite Jean-Marie Ghislain est à découvrir jusqu’au 29 septembre 2023
www.silly.be
www.ghislainjm.com
MOUS LAMRABAT, hymne à l’A(r)mour
MOUS LAMRABAT
Hymne à l’A(r)mour
Mots : Barbara Wesoly
Photos : Mous Lamrabat
Photo portrait : Lisa Lapauw
Ses photographies évoquent des mirages oniriques à l’abordage du réel, aussi poétiques qu’impertinentes. Tout à la fois surréalistes et d’une actualité brûlante, figuratives et spirituelles. Après plus de dix ans à dévêtir notre société de ses convenances et clichés, Mous Lamrabat expose tout l’été son envoûtante nouvelle série, baptisée A(r)mour, au MAD Bruxelles.
Vos clichés ressemblent à des mosaïques, fusion de pop culture et de traditions, aux accents surréalistes et aux teintes flamboyantes. Ils convoquent Magritte, mais aussi les paysages et la culture du Maroc où vous êtes né. Était-ce un choix ou cette dynamique s’est-elle imposée à vous ? En réalité, j’ai le sentiment de ne pas connaître grand-chose à l’art. Je suis issu d’une famille qui ne baignait pas dans ce milieu et après des études d’architecture d’intérieure à l’Académie des Beaux-Arts de Gand, j’ai commencé à pratiquer la photo, car j’étais en recherche d’un domaine où exprimer ma créativité. Cela a toujours été un proces- sus très spontané et profondément personnel. L’inspiration peut venir d’un objet chiné comme d’un fait d’actualité, de mon environnement, ou d’une part de nostalgie. J’utilise des éléments habituellement considérés comme antagonistes ou je les place dans des cadres incongrus, mais toujours avec une recherche d’esthétique et le souhait d’aller un pas plus loin que la réalité. Tout est pour moi matière à expérimenter, mais les gens cherchent à analyser une œuvre, à lui trouver des influences et un sens, alors que de mon côté j’aime le mystère.
Ces rencontres inédites entre niqab et champagne, prière et fastfood, voile et superhéros, que proposent vos photos, font-elles écho aux influences multiples que l’on retrouve dans notre société ? Elles visent plutôt à questionner le sens que nous donnons à la normalité. Nous avons des référen- ces issues de l’enfance, des idées préconçues quant à ce que doit être le monde. J’essaye de penser et créer hors des lignes établies et de montrer toute la beauté de l’inattendu. Ce patchwork parfois improbable, d’influences et d’idées c’est aussi ce que je suis. Et lorsque je réalise des expositions, je peux constater à quel point ce métissage est enrichissant. J’y retrouve des individus attirés par l’aspect traditionnel de mes photos, d’autres par ses références au hip-hop ou encore par les marques qu’elles mettent en avant. Tous ces gens qui habituellement ne se côtoient pas, se retrouvent alors dans un même lieu, à discuter et échanger, c’est formidable.
Vous inaugurez une nouvelle exposition, au MAD de Bruxelles, baptisé A(r)mour. Que signifie ce terme ? Nous portons tous une armure, une protection qui nous tient à distance et pour beaucoup elle commence par les vêtements. Or à l’intérieur de celle-ci, il y a notre être véritable. Il y a l’amour. Je souhaite inciter à sortir de ce carcan, pour voir plus loin et laisser place à l’essentiel. Délaisser l’armure pour l’amour.
Pour celle-ci, vous avez arpenté les rues de Bruxelles, avec une valise remplie de créations de jeunes designers bruxel- lois. Un clin d’œil au début de votre carrière, en tant que photographe de mode ? J’adore travailler avec de jeunes designers car ils façonnent encore leur style, osent une vraie recherche de matière et de forme. Tout comme j’aime collaborer avec des étudiants d’académie, car dans leur travail, art et mode se confondent, loin de l’aspect commercial.
Vous y traitez en toile de fond du poids du vêtement sur l’identité, du choix non anodin d’un logo. Un thème qui revient fréquemment dans votre travail. Votre réflexion sur celui-ci évolue-t-elle au fil du temps ? J’aimais et j’aime toujours les logos, les sigles. Enfant j’étais fasciné par eux car les vêtements de marques étaient impayables pour moi. J’épluchais leur catalogue, rêvant désespérément de rejoindre le clan de ceux qui en portaient. Ils sont pour moi fondamentalement liés à une appartenance à un esprit, à une vision. Une forme particulière de connexion aux autres.
Sur quoi travaillez-vous actuellement ? Pour l’instant sur de nombreuses expositions. Au MAD à Bruxelles, mais aussi en Italie, à Istanbul et Chicago et en septembre à ma participation à la Biennale d’Ostende. Je réalise aussi sur un premier livre rassemblant une part de mes photos.
Et s’il ne devait rester qu’une unique photo ? Un cliché de mon grand-père, l’un des derniers que j’ai pu prendre de lui. Son visage y est caché par ses mains. C’est l’une des premières photos qui m’a amené à me sentir véritablement un photographe. La première aussi qu’on a voulu m’acheter. J’étais fier quoi qu’embarrassé et j’ai donné un prix avant de faire machine arrière. Je ne pouvais pas vendre mon grand-père. Tout est à vendre, excepté ce dont la valeur émotionnelle n’appartient qu’à nous. En photo c’est pareil. C’est ce qui différencie le cliché du souvenir.
L’exposition A(r)mour de Mous Lamrabat se déroule du 9 juin au 2 septembre 2023 au MAD Bruxelles.
Bil&Gin - « On refuse de se laisser enfermer dans un seul style musical »
Bil&Gin
« On refuse de se laisser enfermer dans un seul style musical »
MOTS : SERVANE CALMANT
PHOTOS : ANTHONY DEHEZ
Nashville, Paris, Berlin, Dakar, Buenos Air, Kiev, Mindelo … Reliant dix villes qui les inspirent, Bil&Gin, le duo bruxellois de DJ et compositeurs formé par Michel de Launoit et Stéphane Grégoire, livre « City Stop », un album électro-pop-jazzy, élégant, éclectique et qui sort des clous. Stimulant.
Avant un shooting, Be Perfect discute longuement avec ses invités pour déterminer un endroit inspirant. Le Jam Hotel Brussels, c’est le choix de Michel de Launoit, « Lionet Jadot qui en a défini le style architectural brut, est un ami, et Jean-Paul Putz, l’actuel propriétaire du Jam Hotel est également celui du Mima. » C’est donc l’amitié qui dicte ce choix. Et d’amitié, il en sera encore question lors de notre interview…
Quel est le parcours de chacun pour arriver à Bil&Gin?
Michel de Launoit :
Je suis un entrepreneur culturel bruxellois, cofondateur de « L’Impro Session », producteur au sein de « Tourne Sol » de capsules humoristiques (« Faux contact » notamment), cofondateur et exploitant du « Mima » (le musée bruxellois dédié à la culture urbaine) et fondateur d’ « Akamusic » (un site de crowfunfing pour des projets musicaux).
Stéphane Grégoire :
Je suis ingénieur du son et multi-instrumentiste, je joue notamment du piano, du synthé, du saxo. C’est en devenant le représentant pour le Benelux de « Flam Music »(un collectif international de mixeurs, réalisateurs, compositeurs et beatmakers) que j’ai rencontré Michel. J’ai également cofondé « Purple Airplane », une société qui s’occupe de création de musique, habillage identitaire (notamment celui de La Une et de La Trois/RTBF), bruitage, mixage de sons, etc.
Stéphane, ne soyez pas modeste, vous avez également récemment reçu des prix pour votre travail ! En octobre 2022, l’Urbanworld Film Festival à New York m’a en effet décerné le prix de la meilleure conception sonore pour « Le voyage de Talia », le dernier long-métrage du belge Christophe Rolin.
Et vous, Michel, vous poursuivez votre route … Oui mais cette fois, je travaille la « matière », les sons. J’aime ça. Les machines, c’est l’instrument d’aujourd’hui.
Et le chant ? Oh non, je savais pertinemment bien que je ne savais pas chanter ! Sur le single « Paris », j’ai donc choisi le récitatif, la parole plutôt que le chant.
Venons-en à l’album « City Stop ». De l’électro pop comme fil conducteur et de nombreuses influences musicales …
Michel :
C’est un album concept composé de 10 titres inspirés par 10 villes définies par un genre musical, une histoire marquante ou des souvenirs personnels. « City Stop » est donc inclassable, car il ne suit aucune règle. On a en effet refusé de se laisser enfermer dans un style musical, préférant alimenter l’album de sonorités urbaines, africaines, des îles, en fonction de notre inspiration. On carburait à l’instinct, au moment. Chaque titre doit être considéré comme un voyage musical unique et singulier, jamais folklorique cependant. On aurait pu imaginer une escale sur Mars et voir ce que la planète rouge nous inspirait comme son !
Stéphane :
Notre seule contrainte, c’était de produire de la qualité et de ne pas nous laisser aller à la facilité. Pour le morceau « Dakar », qui m’a été inspiré par le film « Le voyage de Talia », on a invité l’immense chanteur sénégalais, Woz Kaly. Quel honneur.
Michel :
Et pour « Kiev », composé au moment où les Russes déclenchaient les hostilités contre l’Ukraine, on a samplé le discours de Gorbachev de décembre 1991, quand il annonce à la télé qu’il démissionne, signant ainsi la fin de l’Union soviétique.
Au fait, qui est Gin ?
Michel :
Bil&Gin, c’est nous, l’union de deux jeunes fous, une véritable aventure artistique que nous menons à deux. S’opère ensuite une magie fusionnelle. Peu importe qui est Gin ou qui est Bil.
Michel aurait-il fait ce projet sans Stéphane ? Stéphane, même question !
Michel et Stéphane :
Non, car on se complète.
Michel :
Stéphane possède un sacré atout : multi-instrumentiste, il rode un morceau quasi instantanément. Ce que je fais dire est volontairement prétentieux mais si Mozart avait rencontré Herbert Von Karajan, Stéphane serait Mozart …
Stéphane :
C’est en effet prétentieux ! (Rire). Michel est un audacieux, un fonceur. Sans lui, je n’aurais pas osé l’aventure Bil&Gin.
Bil&Gin, un clin d’œil à …
Michel :
A Michael Jackson évidemment, mais c’est juste un clin d’oeil. Bil&Gin, c’est surtout un nom à la belle sonorité et un chouette logo. A ce titre, il me faut citer Thierry De Prince, notre graphiste, qui nous suit depuis le début. C’est à lui que l’on doit notre identité visuelle artistique. C’est important les histoires d’amitié.
Bil&Gin, un projet artistique que vous menez de bout à bout …
Michel :
En effet, nous avons sorti « City Stop » sur notre propre label, même si nous ne sommes pas du tout réfractaires à l’idée de signer avec un grand label qui nous offrirait un solide coup d’accélérateur.
Que les fans de Bil&Gin et les collectionneurs soient mis au parfum : vous avez édité 300 albums vinyles de « City Stop » …
Stéphane :
C’est un objet d’art unique. Un album numéroté et signé par Bil&Gin et par Elzo Durt, un immense illustrateur bruxellois qui a notamment réalisé les pochettes de Laurent Garnier et la nôtre !
Bérangère McNeese « J’aime le travail solitaire de l’écriture et du jeu »
Bérangère McNeese
« J’aime le travail solitaire de l’écriture et du jeu »
MOTS : SERVANE CALMANT
PHOTOS : ANTHONY DEHEZ
COIFFEUR ET MAKE-UP ARTIST : LUC DEPIERREUX
Actrice belgo-américaine, elle s’impose à la télévision dans deux séries qui ont fait un récent carton, « HPI » et « Des gens bien ». Scénariste et cinéaste, elle obtient le Magritte du meilleur court-métrage pour son film « Matriochkas ». Non contente de gagner sur tous les tableaux, la brune piquante a du caractère à revendre, le rire franc, la frange élégante et un charme fou. Et Bérangère McNeese de devenir peu à peu incontournable…
Le shooting de Bérangère McNeese a lieu au Soko Rooftop, au 11e étage du building aux escargots, au niveau du carrefour des Quatre Bras de Tervueren. Ce bar haut perché festif propose une vue à 360 degrés sur la forêt de Soignes. Bérangère a passé 15 ans à Paris, le Soko, elle le découvre à la faveur de notre interview. « Quel spectacle. Je n’imaginais pas Bruxelles aussi verte. Je reviendrai en soirée. » Elle a bien raison, d’autant que de tout là-haut, voir le soleil se coucher est un event en soi !
Vous êtes née à Bruxelles d’un père américain et d’une mère belge. Une double culture dans laquelle vous avez puisé une richesse … J’ai principalement grandi en Europe, à Bruxelles puis à Paris où je suis partie dès l’âge de 18 ans. Dans le Kentucky, aux Etats-Unis, je m’y rendais surtout en été et à Noël. Ado, je fantasmais sur le lycée américain et je rageais d’être coincée en Belgique. Aujourd’hui, je suis fière d’être européenne, et intimement, je me sens belge.
Vous venez d’une famille d’artistes ? Oui, du côté paternel. Ma grand-mère était comédienne, mon père, Barry McNeese, est bassiste, il a joué avec les plus grands (Adamo, Bashung, Philippe Lafontaine, nda). Il a cependant quand même flippé quand je lui ai annoncé que je voulais faire du cinéma ! Mais comme j’ai commencé très jeune à tourner dans des pubs et des courts-métrages, on a vite compris, dans ma famille, que je voulais absolument jouer et que j’allais tout faire pour devenir actrice.
Pour réussir, beaucoup d’artistes belges montent à Paris. Vous y êtes d’ailleurs restée 15 ans… Partir à Paris à 18 ans, après mes études secondaires, m’a permis de rencontrer mon tout premier agent, qui m’a mis le pied à l’étrier. Je n’oublie pas que la France et le public français, à travers notamment le succès phénoménal de « HPI », m’ont apporté une reconnaissance incroyable.
« HPI » a réalisé sur TF1 un record d’audience, « Des gens bien », une coproduction RTBF/ Arte, a également cartonné, vous avez du flair ! Ce fut un jeu d’enfant d’endosser pareils personnages (Daphné la policière procédurière et Linda qui monte une arnaque à l’assurance, nda) parce que leur psychologie, leurs émotions, leurs actions ont été soigneusement écrites. L’écriture, c’est la base.
Jouer Linda Leroy, le rôle féminin principal de la série « Des gens bien », devait être particulièrement jubilatoire… Oh oui, car la série oscille entre le drame social et la comédie noire. Il me fallait rester sérieuse même dans les scènes à l’humour décapant. C’était jouissif, en effet.
Il y a un an, vous quittez pourtant Paris pour revenir à Bruxelles… Oui mais j’ai gardé un pied-à-terre parisien. Je dois vous avouer que je suis une travail-
leuse acharnée qui essaie depuis un an de prendre le temps de se poser. Pendant longtemps, toute ma vie même, un grand besoin de reconnaissance m’a poussée à travailler beaucoup, pour me prouver « je ne sais quoi ». J’ai décidé de faire la paix avec cette course en avant. Cette volonté de ralentir le rythme correspond à mon retour à Bruxelles où il me sera plus facile de trouver l’espace mental et l’inspiration nécessaires à l’écriture de nouveaux projets.
Vous avez également écrit et réalisé trois courts-métrages, tous primés en Belgique et à l’international, dans un registre plutôt social. Quels sont les thèmes qui vous bottent ? J’aime écrire la richesse des relations et la complexité des rapports humains, avec un ancrage social en effet, et des personnages féminins.
Pourquoi vous tiennent-elles à cœur, ces femmes ? Parce que je puise dans mon expérience personnelle. Les filles de mes courts-métrages ont entre 16 et 34 ans. Quand j’ai écrit et tourné « Le Sommeil des Amazones », en 2014, j’avais 25 ans. Mes personnages s’inspirent de mon ressenti, à une époque donnée.
En revanche, quand vous êtes actrice, vous vous lâchez ! Ah oui, j’aime expérimenter de nouveaux uni-
vers et genres cinématographiques. « Braqueurs » est une série sur les gros bas, « Des gens bien » flirte avec le burlesque, la comédie « HPI » plait pour sa légèreté. Et prochainement, je serai à l’affiche de « Veuillez nous excuser pour la gêne occasionnée », une comédie du Belge Olivier Van Hoofstadt (Dikkenek, Go Fast, Lucky, nda) avec, comme d’habitude chez Olivier, une galerie de personnages secondaires bien trempés.
Une jeune carrière éclectique qui vous évite de vous voir coller une étiquette … Exactement. Après le succès d’« HPI », ce serait dommage de recevoir uniquement des propositions de comédie policière !
Dites, trois courts, en voilà un bon tremplin pour un premier long ! (Rire). Mon premier long-métrage est écrit, ce sera une coproduction franco-belge en mode financement à l’heure où je vous parle. Mais je ne peux pas vous en dire plus, je suis trop superstitieuse. Et j’ai un deuxième projet, un film d’époque, qui est en phase d’écriture…
Deux projets d’écriture, carrément. Etes-vous une hyper active ? Je suis percée en plein jour !
Etre scénariste vous rend-il plus exigeante dans le choix de vos films ? Probablement, mais en tant que comédienne, j’adore me laisser surprendre. J’accepte des rôles que je n’aurais sans doute jamais écrits moi-même. Parallèlement, réaliser des films m’aide énormément dans mon travail d’actrice, car j’ai pleinement conscience de tout le travail fourni par le réalisateur en amont d’une journée de tournage. J’ai une plus grande empathie pour le métier de réalisateur, ce qui me permet d’appréhender mon métier d’actrice différemment.
Des trois casquettes, quelle est votre préférée ? Ecrire et jouer. Réaliser, c’est être chef d’orchestre, je préfère le travail plus solitaire de l’écriture et du jeu.
Bérangère sera à l’affiche de :
« Veuillez nous excuser pour la gêne occasionnée ». La comédie du Belge Olivier Van Hoofstadt sortira dans nos salles fin juillet.
« Braqueurs » (saison 2). A voir sur Netflix.
« Des gens bien ». Les Belges Matthieu Donck, Stéphane Bergmans et Benjamin d’Aoust, les créateurs de la série, ont confirmé une saison 2 pour 2024.
« HPI ». Une 4e saison est actuellement en cours d’écriture.
RORI : « Je suis contente de n’avoir rien lâché »
RORI
« Je suis contente de n’avoir rien lâché »
Mots : Servane Calmant
Photo : Anthony Dehez
Coiffeur et Make-up artist : Luc Depierreux
« Docteur », tube pop dansant de l’année 2022, Rori l’a inclus dans « Ma saison en enfer », premier EP bien plus réjouissant que son titre ne le présage. Rencontre avec une artiste discrète à la ville, qui a trouvé les bons codes pour prendre sa place sur les ondes et dans les cœurs.
Nous accueillons Rori au Mirano, notre QG dans les années 80. Après un relooking complet, la célèbre discothèque a rouvert en 2019, sous la direction de la société Art Blanc de Jérôme et Jonathan Blanchart. Oups, l’instant nostalgie quand on aperçoit la célèbre piste de danse tournante… L’âme des lieux n’a guère changé : les anciens gradins de cinéma ont été conservés et sur les murs, le plâtre a été remplacé par des lambris de bois, « comme en 1934 », nous dit-on. Nous n’étions pas née. Rori, 25 ans, non plus.
Rori, nous vous accueillons pour une séance photo au Mirano. Connaissez-vous cette mythique boite de nuit bruxelloise ? Non, désolée. Je viens de la région liégeoise, mais je suis installée à Bruxelles depuis cinq ans, je pourrais donc connaître le Mirano, sauf que je n’aime pas sortir.
Vous n’êtes donc pas un oiseau de nuit ? Au risque de surprendre, non, pas du tout ! Je ne bois pas, je ne fume pas, j’aime être chez moi et la solitude ne me fait pas peur
Une Liégeoise qui a quitté le bord de Meuse, ça existe ? Je ne suis pas attachée à un lieu. En revanche, j’aime beaucoup la Belgique, mon pays, pour son ouverture d’esprit.
Rori ou Camille pour l’état civil… Camille, c’est mon véritable prénom. En tant que nom de scène, il était déjà pris. Alors j’ai choisi Rori, qui me plait tout simplement. Je ne peux même pas rattacher ce choix à une belle histoire que j’aurais aimé vous raconter… Rire.
Rembobinons la cassette de votre vie. A 16 ans, vous chantez au sein du groupe huttois « Beffroi ». Votre comparse Valentin, 20 ans, décède, vaincu par la maladie. Comment êtes-vous arrivée à surmonter cette épreuve ? Seul le temps permet d’adoucir la douleur. La musique a également servi de thérapie. Je tenais à poursuivre l’aventure musicale qui avait été la nôtre, mais d’une autre manière.
D’un duo, vous avez bifurqué vers un projet musical solo où désormais vous chantez en français… Ma mère écoutait Depeche Mode et The Cure ; mon père, Nile Rodgers & Chic. J’ai bien profité de leur éclectisme musical, mais je n’ai vraiment pas été biberonnée à la chanson française. En revanche, la nouvelle génération qui aborde la chanson française à travers un prisme pop/rock, m’a incitée à chanter dans ma langue. Sur le plan purement musical, je voulais m’affranchir de « Beffroi », grandir, explorer un autre genre, notamment la pop énergique et dansante que j’envoie aujourd’hui.
Vous n’aimez pas sortir ; en revanche, vous appréciez la scène… Oui, le live, c’est le moment où ma musique prend vie. C’est un grand instant de part- age. Ma timidité s’efface, j’arrive à tout donner, boostée par l’énergie de la scène.
Sur scène où vous devenez un groupe…Ce premier EP est le fruit d’une collaboration avec Hadrien Lavogez, également mon producteur, qui me rejoint sur scène comme guitariste. La présence d’un batteur renforce encore l’énergie qui se dégage du set. En live, Rori est plus organique, les arrange- ments différents et le son plus rock.
Dans « Docteur », véritable tube de l’ année 2022, vous ne cachez pas votre nature anxieuse. Dans « Ma place », nouveau single, vous êtes une fille fragile qui doit se battre pour trouver sa place. Votre place, vous l’avez trouvée ? Je ne fais pas référence à trouver sa place dans la société, ça je m’en fiche. Trouver ma place, cela signifie être cohérente avec moi-même, faire preuve d’honnêteté. Alors, oui, je commence à la trouver, cette place. Je dois encore améliorer la confiance en soi. Je suis sur la bonne voie.
Le succès de « Docteur » en 2022 et plus récemment de « Ma Place » a dû renforcer cette confiance en soi ! Je suis contente d’avoir travaillé, de ne rien avoir lâché, de ne pas avoir succombé à la tentation de la facilité… De tout cela, oui, je suis fière.
Avez-vous des relations privilégiées avec la scène musicale belge actuelle ? Oui, avec Doria D, Charles, Illiona. C’est encourageant de rencontrer des gens qui partagent une même passion, chacune dans un style singulier, qui lui est propre. Quelle diversité, quelle richesse.
Qu’est-ce qui vous fait peur ? La routine.
Qu’est-ce qui vous enthousiasme ? La satisfaction d’un travail bien fait, avant même la validation par le public.
La gestion des réseaux sociaux, une source d’angoisse ? Si je ne faisais pas de la musique, je serais absente des réseaux. Ce n’est pas dans ma nature de m’exposer, de m’exhiber. Mais je ne porte aucun jugement. C’est dans l’ère du temps. Et en tant qu’artiste, je suis évidemment présente sur les réseaux… Mais quand j’entends que le nombre de followers est déterminant pour passer ou non à la radio, là je dis : stop !
Vous êtes originaire de la région liégeoise comme « Filles à Papa », la marque de vêtements que vous portez pour la séance photo. Leur positionnement rock et rebelle vous parle-t-il particulièrement ? J’aime beaucoup leur univers, leur identité, qui me colle bien à la peau. Pour la pochette du single « Ma Place », je suis d’ailleurs également habillée en « Filles à Papa ».
Dans quels festivals vous verra-t-on cet été ? Aux Francofolies de Spa, aux Solidarités à Namur, à Ronquières …
Emilien Vekemans, on le voit partout !
Emilien Vekemans
On le voit partout !
MOTS : SERVANE CALMANT
PHOTO : ANTHONY DEHEZ
MAKE UP ARTIST : AVA CORBIN AVEC BOY DE CHANEL
En travaillant sans relâche, il est sur tous les fronts. Sur Netflix, au théâtre et au sein du Canine Collectif créé par ses potes comédiens de l’IAD pour raconter des histoires. Trentenaire passionné, le Belge Emilien Vekemans mène bien sa barque.
Pour les lecteurs qui ne vous connaitraient pas encore, qui est Emilien Vekemans ? Comédien, j’ai 32 ans, suis né à Bruxelles et j’ai en poche un diplôme de l’IAD à Louvain-la-Neuve, en interprétation dramatique. Je bosse entre Bruxelles, Paris et Londres. Je fais également partie du Canine Collectif avec 10 autres potes. 11 têtes issues de la même promo qui ont décidé de travailler ensemble et de raconter des histoires.
Parmi ces histoires, on retient la série « La théorie du Y » sur la pansexualité et la web-série « Typique » diffusée en 2012 qui raconte la vie d’un jeune étudiant et de sa bande de potes … Oui, dans cette dernière, j’interprète Max, un doux rêveur. La série a remporté pas mal de prix, ce qui constitue un beau tremplin pour tous ceux qui y ont collaboré …
Chaque membre du Canine Collectif a évidemment le droit de s’investir ailleurs. Aussi vous retrouve-t-on en 2022 à l’affiche de la série « The Bastard Son & The Devil Himself » basée sur la trilogie « Half Bad » de l’auteure britannique de fantasy, Sally Green. La première saison est à voir sur Netflix. C’était une chouette aventure. Sally Green est très populaire en Angleterre, l’écriture de Joe Barton qui joue sur l’émotion et l’humour fait mouche, le personnage espiègle de Gabriel me convenait bien et j’adore le fantastique, un genre auquel j’adhère tout de suite. L’intrusion du surnaturel dans un cadre réaliste offre beaucoup de liberté à l’acteur. C’est un fan d’ «Harry Potter» et du « Seigneur des anneaux » qui vous parle. Rire.
Une suite en cours de préparation ? Malheureusement non, Netflix n’ayant pas souhaité une deuxième saison.
En 2023, on vous retrouve sur les planches. Avec la reprise de « Régis » au Théâtre Jean Vilar à Louvain-la-Neuve, en avril. La genèse de cette pièce, c’est toute une histoire. Avec les 10 potes du Canine Collectif, nous nous sommes pointés à l’improviste chez quelqu’un que l’on ne connaissait pas, une soirée entière. On a tout filmé, créé une performance vidéo qui a servi de matériau pour écrire la pièce. L’idée étant de mettre en scène un individu seul face à un groupe, ainsi que onze individus face à eux-mêmes. Cette pièce, édifiante, a trouvé une belle résonance auprès des ados. En avril toujours, je joue à nouveau dans « Kill Fiction », au Théâtre Jardin Passion à Namur, une parodie délirante des codes du cinéma américain écrite et mise en scène par un membre du Canine Collectif. C’est une comédie d’action au théâtre, du Quentin Tarantino sur les planches !
En 2020, la RTBF s’est engagée à développer la série « Dopamine », la suite de « Typique », avec les mêmes comédiens dont vous, avant de se retirer du projet … Comment vit-on sa vie d’artiste en Fédération Wallonie- Bruxelles ? Ce n’est pas facile ! Chaque projet nécessite beaucoup de paperasserie pour espérer une aide financière pour notamment couvrir l’écriture du scénario et le tournage d’un pilote. C’est fatigant. Quand on est artiste, on a envie de créer, de jouer. Mais avant, il faut convaincre à travers des dossiers chronophages, pour la constitution desquels nous n’avons pas été formés. La passion ne suffit pas. Des projets sont désamorcés avant d’être lancés, faute de financement. Ce qui engendre pas mal de frustrations…
Etes-vous un hyper actif ? Je suis d’un tempérament calme, passionné, et proactif plutôt qu’hyperactif… J’ai un agent à Paris et je viens de signer avec un agent en Angleterre il y a un mois. Une nouvelle corde à mon arc.
Que fait Emilien quand il ne travaille pas ? J’ai une vie normale. J’ai aménagé avec ma copine à Forest, je vois des amis, je me balade et je fais mes courses dans les magasins bio. On est ce que l’on mange.
Pascale Seys, philosophe et conteuse
Pascale Seys
Philosophe et conteuse
MOTS : BARBARA WESOLY
PHOTO : JY LIMET
Tisser des ponts subtils entre Histoire et présent comme entre références et questionnements. Si le dernier ouvrage de Pascale Seys, philosophe et professeure, évoque l’importance du lien fondateur qui unit la mythologie à nos existences, son œuvre tout entière rayonne d’un équilibre délicat entre humanisme et poésie.
Dans votre nouveau livre, Le Complexe du Sphynx, en écho de vos chroniques les Mythes de l’Actu, présentées jusque fin 2022 sur Musiq3, vous abordez la genèse d’expressions usuelles et de personnages mythologiques qui résonnent toujours dans notre vocabulaire. À quel point, selon vous, les mythes imprègnent-ils encore nos existences modernes et ce monde centré sur la rationalité ? À une époque où il est bon d’être hyper performant et de s’autodéterminer, nous avons tendance à oublier que nous n’avons choisi ni cet univers ni même la langue que nous parlons. L’intérêt du mythe, par rapport à la rationalité, c’est son appel à l’imaginaire. Un imaginaire qui nous permet non plus subir ce monde, mais de développer une capacité d’invention. Les comportements n’y sont pas rationnels mais soumis au destin. Le héros traverse des épreuves initiatiques et gagne en connaissance de lui-même. Les Grecs étaient convaincus que la seule façon d’acquérir l’immortalité réservée aux dieux est de marquer l’histoire par actes valeureux. C’est encore ce qui alimente nos récits contemporains comme le Seigneur des Anneaux ou Harry Potter. La part de nous qui aspire à accomplir de grandes choses se nourrit de fictionnel, l’amenant ainsi à une part de véracité.
Sont-ils également une manière de relativiser le contexte actuel de nos vies, de le replacer dans une Histoire au sens large ? Et d’y puiser des clés pour nos lendemains et les défis auxquels l’humanité fait face, notamment écologiques ? Certainement. Nous vivons une ère fatiguée d’utiliser la première personne du singulier en permanence. Les mythes eux, parlent de ce qui fait un monde commun, relie les êtres. Leur analogie aujourd’hui, c’est peut-être l’écologie. Régénérer notre rapport au vivant. La nature est une force supérieure possédant ses propres lois. L’enjeu c’est le faire-monde. Ce qui fait monde. Et pour cela, il faut un récit commun. La mythologie, c’est toujours la tentation du désordre et de l’effondrement et la volonté du rétablissement d’un ordre cosmique. Trouver la sagesse, le point d’équilibre entre les extrêmes. Les Grecs condamnaient le principe de démesure, qu’ils appelaient « ubris ». Se prendre pour un dieu, de ne pas connaitre la limite et en être puni. Mais avec en parallèle cette racine commune entre le mot humain et humilité qu’est le terme « humus », qui signifie trouver sa juste place.
Vous avez écrit La poésie comme mode d’emploi du monde, questionnant sur la possibilité pour celle-ci de faire de nous des êtres meilleurs. Partage-t-elle ce dessein avec la mythologie ? Tout à fait. La mythologie est une vision poétique de l’existence, nous obligeant à nous questionner. Or rester dans un lieu de tous les possibles, c’est rendre droit à quelque chose que la rationalité a tué, à savoir la confrontation à nombre d’énigmes. Et tant mieux ! Je trouve ça plutôt enthousiasmant. Peut-être que la beauté c’est ça. Savoir qu’il y a un horizon ouvert, non établi, non maitrisé.
Vous êtes docteur en philosophie et enseignez celle-ci. Cette notion de transmission est-elle essentielle pour vous, également par le biais de vos livres ? C’est peut-être simplement cela vivre. Exister, transmettre, se reproduire. On a des enfants, on écrit des livres, on se parle. Toute prise de parole est une transmission. Et nous sommes les uns pour les autres, des courroies de transmission permanentes. Le philosophe espère que la transmission infuse toujours d’une part de vérité. Pas la vérité absolue, mais en s’accompagnant de la possibilité de douter, de faillir, d’hésiter.
Vous avez récemment été nommée Chevalier dans l’Ordre des Arts et des Lettres de la République française. Est-ce un aboutissement ? Plutôt une responsabilité. L’impression, d’une certaine façon de devoir en répondre. Or, un philosophe comme un artiste fait une proposition. Avec l’idée de ramener les choses à leur source et à ces questions qui restent en suspens. Et ce qui est propice à la question c’est d’accepter de se laisser surprendre et féconder par tout ce qui nous entoure.
Kid Noize
KID NOIZE
« Ce sentiment d’accomplissement me rend heureux »
Mots : Servane Calmant
Photos : Guillaume Kayacan, Eric Jaminet, Gaetan Caputo
Avec la sortie synchrone de « Nowera », 3e album d’électro-pop, et « L’héritage de Nowera », 3e tome de la BD dont il est co-auteur et protagoniste, Kid Noize boucle un projet artistique ambitieux et atypique. Confidences d’un artiste pluridisciplinaire à la fois musicien, DJ, producteur et personnage d’un monde parallèle.
Quel est le projet artistique derrière l’homme ? Je suis graphiste de formation et musicien par passion. Le projet « Nowera » m’a permis d’allier les deux. J’ai créé un véritable univers, musical évidemment mais aussi graphique et visuel. Un véritable concept… Oui, j’ai toujours été en admiration devant Kraftwerk, Daft Punk ou Gorillaz, l’ambitieux projet de Damon Albarn, génie créatif.
C’est où Nowera ? C’est nulle part et maintenant, dans un monde parallèle. A travers la musique et la BD, j’invite mon public à rejoindre ce monde de rêve qui devient un rêve réel. Le rêve nous transporte loin…
Décodez-moi ce « rêve réel »… Il fait référence à ce travail que nous accomplissons tout au long de notre vie pour accomplir nos rêves d’enfant.
Quelle symbolique se cache derrière la tête de singe ? Ce n’est pas un singe mais un homme-singe qui pose la question de nos racines. D’où venons-nous ? Où allons-nous ? Plus cette question ultime : que faisons-nous sur Terre ? « Nowera » apporte une réponse : nous sommes ici pour réaliser nos rêves …
Vous êtes né dans les années 80 ; avez-vous l’impression en 2023 d’avoir exaucé vos rêves de môme ? (Il réfléchit longuement). Oui. Avec l’âge, je ressens une forme d’apaisement. Ca fait dix ans que je bosse jour et nuit sur le projet « Nowera », j’ai réussi à sortir trois albums/CD et trois BD. Ce sentiment d’accomplissement me rend heureux.
Êtes-vous un doux rêveur ou un super business man ? (Rire). Un super rêveur. Mais j’adore faire du business, car la notion d’échange en est le moteur. L’échange pour élever le produit, les idées, la conscience.
Si vous refermez la trilogie, doit-on comprendre que Kid Noize va nous concocter un autre univers ? Je préfère dire que la trilogie est complète plutôt que bouclée. Il m’a fallu deux ans pour venir à bout de chaque album, un nouveau projet BD s’inscrira donc, disons, dans le futur…
Dans le 1e tome de la BD, Kid Noize se déplace dans la Vieille Ville. C’est Charleroi, lieu avec lequel vous, le Bruxellois d’origine, vous entretenez un lien affectif particulier… J’ai toujours eu de l’affection pour les outsiders ! J’ai vu Charleroi comme un nouveau Berlin, mais il faudra encore longtemps pour que ce soit le cas … Reste que la ville s’est complètement approprié Kid Noize et que le lien qui m’unit à Dupuis, mon éditeur BD, a renforcé cette envie de faire un clin d’œil à Charleroi dans le tome I.
En 2019, vous débarquez dans l’univers de la BD jeunesse où vous cosignez le scénario avec le Carolorégien Lapuss, dessin et couleurs d’Octoto. Comment s’est déroulée votre intronisation dans cet univers ? Un travail de longue haleine. Je pensais naïvement que la musique et la BD formaient un même monde, celui de la création. Non, c’est un monde à part. Ma rencontre avec Dupuis a précipité l’aventure. Le projet BD fait complètement écho à mon projet musical, à l’instar des clips et des concerts où Kid Noize prend vie sur scène. Tous ces ingrédients donnent corps au projet.
Parlons musique, trois albums en dix ans. De la pop dansante taillée pour les radios et de l’electro dance destination des festivals et des clubs, avec des voix féminines en sus. La signature Kid Noize ? Mon premier album était riche en voix de femmes. Je les avais délaissées pour le 2e album, histoire de ne pas me répéter. « Nowera » signe leur grand retour avec des singles 100% voix féminines en effet…
Comment est-ce chez vous, dans votre maison ? Est-ce peuplé de super héros ? Je vais vous envoyer une vidéo ! Dans mon bureau, je suis entouré de tous mes jouets qui font en effet partie intégrante de mon univers.
Un univers rétro eighties … Oui, mais je ne suis pas du tout passéiste ni nostalgique. Je me rends juste compte que l’on vit dans les rêves des années 80. Ce monde hyper connecté, ce règne de la technologie, nos montres qui nous parlent, notre quotidien en 2023 était le sujet des films d’anticipation d’alors…
Vous nous avez préparé un nouveau show. A quoi doit-on s’attendre ? À beaucoup d’énergie et, en salle, à un max de vidéos, ainsi qu’à la projection en 3D de douze images issues de l’univers de la BD « Nowera ». Je compte bien faire voyager mon public dans ce monde parallèle.
Où peut-on vous voir ce printemps et cet été ? Dès le 7 avril au Reflektor, puis à l’Inc’rock, au Feel Good Festival, au Ronquières Festival, à Scène sur Sambre, etc. Et en octobre, à la salle de La Madeleine à Bruxelles.
CD « Nowera », Universal Music Group.
BD, « L’héritage de Nowera », 3 tomes, Editions Dupuis.
www.kidnoize.com
L'élégante plume d'Odile d'Oultremont
L'élégante plume d'Odile d'Oultremont
MOTS : ARIANE DUFOURNY
PHOTO : CHARLOTTE KREBS
Tuer accidentellement une personne sans pour autant être jugé coupable. Odile d’Oultremont interpelle le lecteur dans « Une légère victoire », roman d’un style exquis sur la rédemption et l’accomplissement de soi. Rencontre avec une autrice magnifique, dans tous les sens du terme.
Comment est née l’idée d’« Une légère victoire » ? J’avais envie de raconter l’histoire d’une personne qui tue une autre accidentellement sans qu’aucune « punition » pénale ne soit retenue à son encontre. En apprenant que c’était arrivé à mon père lorsqu’il était très jeune, la thématique m’a semblé intéressante. D’autre part, mon premier roman « Les Déraisons » a été sélectionné pour une rencontre en milieu pénitentiaire. Cette séance de lecture et l’atelier d’écriture avec des prisonniers de longues peines m’ont profondément bouleversée, au point de vouloir écrire sur l’univers carcéral.
« C’est ahurissant à quel point une phrase, une seule, constituée des mêmes mots, en tous points pareils, a suffi à rendre à Nour son monde entier et à faire éclore en Ponthus les prémices d’une vérité dont aucun parent ne voudrait. » … La culpabilité de cette femme est libérée par les mots du père de la « victime », alors que les mêmes mots répétés par sa famille et ses amis n’ont pu l’extraire de sa souffrance, un espace où elle est prisonnière. Un parallèle avec cet homme, prisonnier dans sa culpabilité d’avoir tué plusieurs personnes. Sa prison, par extension, est proprement physique.
En somme, une histoire de rédemption et d’accomplissement de soi ? On est libéré par les autres, dans une certaine mesure et à un certain point, de la culpabilité qu’on s’impose à soi-même. La réparation se fait de soi à soi.
A sa façon, ce nouveau roman explore- t-il l’histoire de plusieurs renaissances comme vous l’aviez abordé différemment dans vos précédents romans ? Oui, avec le recul, la renaissance et l’accomplissement de soi, sont des thèmes qui m’inspirent.
Lors de la sortie de votre précédent roman « Baïkonour », vous avez déclaré « Je suis fascinée par les individus ordinaires ». Est-ce votre moteur pour écrire ? Je suis très inspirée par la normalité qui par essence se démultiplie. J’aime fouiller chez mes personnages autre chose que ce qu’on attend d’eux.
Il y a pléthore d’écrivains mais peu avec une telle plume. Quel est votre secret ? La musique de l’écriture, expression assez rébarbative, m’est très importante. (Rire). Ça m’intéresse, m’amuse et ça me prend en moi. (Émotion). J’essaye d’y mettre de l’âme.
Pas de recette magique. Même pas une petite confidence ? Quand je regarde mon parcours, ce que j’écrivais il y a 20 ans et que je vois ce que j’écris aujourd’hui, il y a un lien avec la réinvention de soi-même. J’arrive toujours au même constat que j’essaye de transmettre à mes enfants : ce qui apparait avant de le vivre comme quelque chose d’infranchissable ou qui peut nous affaiblir, nous blesser terriblement ou nous détruire en partie, ne se passe pas comme un phantasme négatif de ce qu’on va vivre. Après coup, j’en ai retiré une force incroyable. De même, pour l’écriture où je me suis autorisée une liberté que je n’aurais pas osée auparavant.
Vous appartenez à une grande famille de la noblesse belge qui existait avant la naissance de la Belgique. Qu’est-ce qu’on vous y a appris ? La tolérance, l’ouverture d’esprit. J’ai une grande chance d’être née dans une famille où la curiosité intellectuelle était de mise.
Et l’écriture ? C’est le fil rouge de ma vie dès mon enfance. J’inondais mes parents et grands-parents de poésie rédigée sur des petits papiers.
Votre nom a souvent été associé à celui de Stéphane De Groodt, qu’on adore. Avec une telle plume, peut-on s’attendre à lire prochainement : « Qui est l’ex-mari d’Odile d’Oultremont ? ». Ça m’amuse car ce n’est pas la première fois qu’on me pose la question depuis la sortie de mon troisième roman. J’aime beaucoup Stéphane, je n’ai aucune revanche à prendre. Par contre, j’en ai une en tant que scénariste où je n’ai pas été prise au sérieux parce que je suis blonde aux yeux bleus. Je suis contente d’avoir été tenace !
Vous dédicacez votre roman « A mes filles et leurs courages ». Ça a piqué notre curiosité, pouvez-vous nous en dire davantage ? En tant que femme et maman, je me rends compte que nous sommes encore dans des schémas complètement inconscients, même si ces dernières années, ça va mieux, à bien des égards. Il faut beaucoup de cran pour être une femme « libre » aujourd’hui. Mes filles ont du courage, bien plus que si elles étaient des garçons.
Peut-on espérer une adaptation cinématographique de vos romans ? Je viens de terminer le scénario de « Baïkonour » qui sera produit par Versus Production. Jacques-Henri Bronckart est notamment le producteur de « Nobody has to know » de Bouli Lanners et co-producteur de « La Nuit du 12 » et de « Close » de Lukas Dhont.
Jean-Dominique Burton, 50 ans sur le terrain
Jean-Dominique BURTON
50 ans sur le terrain
Mots : Servane Calmant
Photos : JEAN-DOMINIQUE BURTON
S’il est devenu photographe, c’est parce qu’il voyage le cœur ouvert. S’il aime les portraits, c’est parce qu’il provoque la rencontre. Quant à sa plus belle photo, c’est celle qu’il n’a jamais osé prendre, de peur de briser l’instant présent. Grand nom de la photographie belge, Jean-Dominique Burton est un doux rebelle, intarissable sur les anecdotes de sa vie de globe-trotter. Il se raconte en images à travers « Visions », beau livre qui condense 50 ans de terrain et une expo à l’Hospice Pachéco.
On rencontre Jean-Dominique Burton dans son loft, sous les toits des anciennes papeteries de Genval. Son chez-lui, on l’a imaginé comme une invitation à voyager. Bien vu. Des étagères garnies de statuettes africaines et asiatiques, des drapeaux de prières tibétains pour apaiser l’atmosphère et, aux cimaises, des photos en grand format. Ainsi celle de ce roi du Burkina Faso qui nous fixera durant toute l’interview. Autour de la table, nous serons trois : Jean-Dominique a invité son chat, un somptueux Maine Coon. « La nuit, il s’aventure jusqu’au lac de Genval. On me l’a volé. Je l’ai récupéré. Je pourrais lui interdire de sortir la nuit. De quel droit. Il est libre. » A l’image de son maître ?
Vous souvenez-vous du jour où tout a commencé… Oh oui, j’avais 13 ans, j’étais dans un Centre PMS (psycho-médico-social) et la psychologue me demandait : que voulez-vous faire plus tard ? J’ai répondu : parcourir le monde pour apprendre des autres. Elle a rétorqué: tu rêves d’être Tintin, mais il n’existe pas ; reporter, ce n’est pas un métier.
Le voyage vous a conduit à la photographie, pas l’inverse… En effet. Mon grand-père et mon père étaient photographes amateurs, mais comme ils représentaient l’autorité, j’ai refusé qu’ils m’initient à leur passion. Je voyageais beaucoup, mais toutes mes impressions et mes rencontres de l’époque, je les couchais sur un carnet de voyage. Plus tard, j’ai entamé des études d’imprimerie et de graphisme, la sérigraphie m’a donné envie de m’intéresser à la photo. Mais sans les voyages, je ne serais probablement pas devenu photographe.
L’appareil photo, un sésame qui vous a pourtant ouvert beaucoup de portes… Il m’a surtout permis, dans un premier temps, de gagner ma vie ! J’ai été photographe des Halles de Schaerbeek pendant 10 ans, animateur d’ateliers de photo au sein du Groupe Instant avec lequel j’ai créé un café- galerie, « Trompe l’œil », pour montrer les photographes qui nous intéressaient et non ceux qui payaient pour y être exposés. J’avais un esprit très libre, très indépendant. Que j’ai conservé. (rire). Petit à petit, j’ai ramené des photos de mes voyages, et monté mes premières expositions…
Esprit libre, doux rebelle, vous être notre John Lennon ! (rire). Lennon, c’est mon Dieu !
Photographe en agence de presse, y avez-vous pensé ? Non. Ni travailler pour un magazine. Je me vois mal me couler dans un moule. Au contraire, je me suis offert du temps. C’est fondamental à l’exercice de ma passion. Quand je décide de rester trois mois dans un pays, pour m’immerger complètement dans sa culture, je m’offre ces trois mois, je mange local, je dors local, je rencontre local. C’est mon luxe.
Comment vous y prenez-vous pour aller chercher l’autre ? C’est un long apprentissage. Il faut éviter que se pose d’emblée la question de l’argent, car je ne paie pas la personne que je prends en photo. Mais par ricochet, l’exposition que je vais monter va profiter à tel village ou à telle collectivité. Alors, j’ai mis au point un petit rituel : je pose mon sac photo par terre, je dépose mon boitier sur ce sac, bien en vue, et je fais connaissance. Arrive un moment où les personnages qui font autorité dans le village se demandent pourquoi je ne fais pas de photos. La demande est alors inversée. Et tout rapport d’argent a disparu. Mitrailler vite fait bien fait des sujets, ce n’est pas mon truc. Je refuse d’être vu comme un « violeur ». Avant de prendre une photo, je dois installer un climat de confiance propice aux échanges entre le modèle et moi.
Vous ne photographiez jamais de « vedettes » ? Non. Ce qui m’intéresse ce sont les gens. Pas le vedettariat. Dans « Visions », apparaît Elvis Pompilio. A l’époque du portrait, il n’était pas encore le célèbre chapelier qu’il est devenu…
Le livre “Visions” qui raconte 50 années sur le terrain invite à découvrir quatre continents… L’Europe occupe une place importante dans le livre à travers les séries sur les masques et traces, les collectionneurs, les écorces, Bruxelles/Canal, les sans-papiers ; et l’Asie, une place dans mon cœur. L’Inde et le Népal représentent 20 ans de ma vie, mais mon travail a été détruit par un dégât des eaux…
L’Afrique a une saveur toute particulière pour vous … L’Afrique m’a toujours émerveillé. De nombreuses visites en famille au Musée royal de l’Afrique centrale à Tervuren avaient éveillé mon intérêt pour ce continent. Pourtant, j’ai voyagé en Afrique sur le tard. En 2004, je me suis rendu au Burkina Faso et lors d’un périple de 6000 km en pleine brousse, avec un studio photo mobile, j’ai réalisé des portraits des chefs traditionnels burkinabés de différentes ethnies, parés de leurs attributs royaux. À partir de cette série « L’Allée des Rois », j’ai monté une exposition qui a notamment été présentée au 10e Sommet de la Francophonie à Ouagadougou, au Musée d’Afrique à Tervuren, en France, en Allemagne, aux Etats-Unis, au Bénin également.
Quelles rencontres ont été les plus déterminantes dans votre vie professionnelle ? Il y en tellement. Mes rencontres en 78 avec le Dalaï-Lama à Dharamsala qui vont me motiver à rendre hommage à la résistance du peuple tibétain pour l’affirmation de ses droits. Mon initiation au vodoun au Bénin…
Racontez-nous ! Après la série « L’Allée des Rois », je me suis intéressé au Bénin, la terre du vodoun. On m’a d’emblée mis en garde : on ne touche pas au vodoun ! On m’a suggéré de faire une deuxième allée des rois, au Bénin cette fois. Hors de question. Après de nombreuses réticences, la Fondation Zinsou créée au Bénin a financé mon projet : photographier le vodoun que l’on ne pouvait pas voir. Il fallait donc que je sois initié, moi, un blanc. J’ai préparé mon sujet pendant deux ans et je suis parti seul voir les grands initiés à Porto-Novo. C’est la « vieille » de Cotonou, la mamy watta la plus respectée de l’univers vodoun au Benin qui m’a initié. La série Vodoun/ Vodounon est la preuve matérialisée des échanges entre moi photographe et les sujets de cette série. Des échanges forcément nourris de confiance.
Une initiation qui a changé votre rapport même à la photo… Oui, à l’instar des portraits de « L’Allée des rois » en noir et blanc, j’avais commencé la série Vodoun/Vodounon avec un appareil très ancien, un Rolleiflex, jusqu’au moment où je me suis rendu compte que la couleur était déterminante dans l’initiation au vodoun. J’ai donc alterné l’argentique et la photo digitale. Je dispose d’une imprimante grand format chez moi. Au plaisir de développer mes photos, s’est ajouté celui de les voir sortir de l’imprimante digitale !
Le sacré vous fascine car en parallèle de votre série Vodoun/Vodounon, vous poursuivez en Belgique un travail sur les rebouteux … Des rebouteux qui ont reçu un don, de mystérieux guérisseurs toujours discrets qui soulagent un mal, des arbres à clous qui extirpent le mal, dit-on … Un travail qui pourrait m’emmener à nouveau sur les routes du continent européen.
50 ans de terrain. Les clés d’une telle longévité ? L’humilité face au sujet. Et le respect et la bienveillance à son égard. Je ne m’imagine pas travailler autrement.
Exposition à l’Hospice Pachéco du 24/04 au 18/9/2023