L'élégante plume d'Odile d'Oultremont
MOTS : ARIANE DUFOURNY
PHOTO : CHARLOTTE KREBS
Tuer accidentellement une personne sans pour autant être jugé coupable. Odile d’Oultremont interpelle le lecteur dans « Une légère victoire », roman d’un style exquis sur la rédemption et l’accomplissement de soi. Rencontre avec une autrice magnifique, dans tous les sens du terme.
Comment est née l’idée d’« Une légère victoire » ? J’avais envie de raconter l’histoire d’une personne qui tue une autre accidentellement sans qu’aucune « punition » pénale ne soit retenue à son encontre. En apprenant que c’était arrivé à mon père lorsqu’il était très jeune, la thématique m’a semblé intéressante. D’autre part, mon premier roman « Les Déraisons » a été sélectionné pour une rencontre en milieu pénitentiaire. Cette séance de lecture et l’atelier d’écriture avec des prisonniers de longues peines m’ont profondément bouleversée, au point de vouloir écrire sur l’univers carcéral.
« C’est ahurissant à quel point une phrase, une seule, constituée des mêmes mots, en tous points pareils, a suffi à rendre à Nour son monde entier et à faire éclore en Ponthus les prémices d’une vérité dont aucun parent ne voudrait. » … La culpabilité de cette femme est libérée par les mots du père de la « victime », alors que les mêmes mots répétés par sa famille et ses amis n’ont pu l’extraire de sa souffrance, un espace où elle est prisonnière. Un parallèle avec cet homme, prisonnier dans sa culpabilité d’avoir tué plusieurs personnes. Sa prison, par extension, est proprement physique.
En somme, une histoire de rédemption et d’accomplissement de soi ? On est libéré par les autres, dans une certaine mesure et à un certain point, de la culpabilité qu’on s’impose à soi-même. La réparation se fait de soi à soi.
A sa façon, ce nouveau roman explore- t-il l’histoire de plusieurs renaissances comme vous l’aviez abordé différemment dans vos précédents romans ? Oui, avec le recul, la renaissance et l’accomplissement de soi, sont des thèmes qui m’inspirent.
Lors de la sortie de votre précédent roman « Baïkonour », vous avez déclaré « Je suis fascinée par les individus ordinaires ». Est-ce votre moteur pour écrire ? Je suis très inspirée par la normalité qui par essence se démultiplie. J’aime fouiller chez mes personnages autre chose que ce qu’on attend d’eux.
Il y a pléthore d’écrivains mais peu avec une telle plume. Quel est votre secret ? La musique de l’écriture, expression assez rébarbative, m’est très importante. (Rire). Ça m’intéresse, m’amuse et ça me prend en moi. (Émotion). J’essaye d’y mettre de l’âme.
Pas de recette magique. Même pas une petite confidence ? Quand je regarde mon parcours, ce que j’écrivais il y a 20 ans et que je vois ce que j’écris aujourd’hui, il y a un lien avec la réinvention de soi-même. J’arrive toujours au même constat que j’essaye de transmettre à mes enfants : ce qui apparait avant de le vivre comme quelque chose d’infranchissable ou qui peut nous affaiblir, nous blesser terriblement ou nous détruire en partie, ne se passe pas comme un phantasme négatif de ce qu’on va vivre. Après coup, j’en ai retiré une force incroyable. De même, pour l’écriture où je me suis autorisée une liberté que je n’aurais pas osée auparavant.
Vous appartenez à une grande famille de la noblesse belge qui existait avant la naissance de la Belgique. Qu’est-ce qu’on vous y a appris ? La tolérance, l’ouverture d’esprit. J’ai une grande chance d’être née dans une famille où la curiosité intellectuelle était de mise.
Et l’écriture ? C’est le fil rouge de ma vie dès mon enfance. J’inondais mes parents et grands-parents de poésie rédigée sur des petits papiers.
Votre nom a souvent été associé à celui de Stéphane De Groodt, qu’on adore. Avec une telle plume, peut-on s’attendre à lire prochainement : « Qui est l’ex-mari d’Odile d’Oultremont ? ». Ça m’amuse car ce n’est pas la première fois qu’on me pose la question depuis la sortie de mon troisième roman. J’aime beaucoup Stéphane, je n’ai aucune revanche à prendre. Par contre, j’en ai une en tant que scénariste où je n’ai pas été prise au sérieux parce que je suis blonde aux yeux bleus. Je suis contente d’avoir été tenace !
Vous dédicacez votre roman « A mes filles et leurs courages ». Ça a piqué notre curiosité, pouvez-vous nous en dire davantage ? En tant que femme et maman, je me rends compte que nous sommes encore dans des schémas complètement inconscients, même si ces dernières années, ça va mieux, à bien des égards. Il faut beaucoup de cran pour être une femme « libre » aujourd’hui. Mes filles ont du courage, bien plus que si elles étaient des garçons.
Peut-on espérer une adaptation cinématographique de vos romans ? Je viens de terminer le scénario de « Baïkonour » qui sera produit par Versus Production. Jacques-Henri Bronckart est notamment le producteur de « Nobody has to know » de Bouli Lanners et co-producteur de « La Nuit du 12 » et de « Close » de Lukas Dhont.
Abonnez-vous dès aujourd’hui pour recevoir quatre numéros par an à votre porte
Vous aimerez peut-être
Stéphanie Crayencour – « Perdre mon frère a marqué le point de départ de ce livre et de ma véritable histoire d’amour avec lui »
Stéphanie Crayencour, actrice entre Bruxelles et Paris, se tourne vers l’écriture avec Le Papillon…
Nicolas Bets « L’essence d’une photographie, c’est une personnalité, une aura, bien plus qu’une technique »
Nicolas Bets fusionne glamour et futurisme, créant des mondes où nymphes modernes et super-héros…
Stereoclip
Stereoclip, DJ belge, dévoile "Reflex", un album de techno festive très attendu, avec 11 titres…