ALBERT BARONIAN 50 ans d’art
ALBERT BARONIAN
50 ans d’art
Mots : Olivia Roks
Photos : Fabrice Schneider, Leila Johnson
Figure majeure de l’histoire des arts visuels en Belgique, Albert Baronian est aussi à l’origine d’une des plus anciennes galeries belges en activité. Cette année, elle fête ses 50 ans avec une exposition anniversaire à la fondation CAB. Échange avec ce galeriste atypique.
Comment vous êtes-vous épris d’amour pour l’art et plus particulièrement l’art contemporain ? Après mes études, pour apprendre l’an- glais, mes parents m’avaient envoyé à Londres où j’étais garçon au père. Pendant mon temps libre, comme tout touriste, je visitais la ville. Je me suis rendu à la Tate Gallery et je suis tombé sur des tableaux de Rothko. J’étais étonné car le musée était plutôt sérieux, tout comme les Anglais. En quittant le musée, je suis passé à la boutique et je suis reparti avec des livres sur l’art abstrait. De retour en Belgique, je cherchais à croiser la route de l’art contemporain… C’est devenu un virus. Je n’ai pas fait histoire de l’art mais des études en sciences politiques et sociales. Mais parallèlement, j’étais obsédé par l’art contemporain. J’ai appris seul, sur le tas, par passion, par amour.
Et vous voilà cette année à fêter vos cinquante ans de galerie, un chiffre incroyable, rappelez-nous vos débuts, la naissance de la galerie… J’ai fait la rencontre de Jo Delahaut, peintre abstrait, décédé aujourd’hui. Il m’a permis de rencontrer d’autres artistes. En septembre 1973, j’ai proposé à Antonio Odias de faire une petite exposition d’éditions dans mon appartement bruxellois boulevard Saint-Michel mais il est arrivé avec des œuvres uniques. De fil en aiguille, tout s’est enchaîné : plusieurs expositions à l’appartement, des œuvres qui s’accumulent jusqu’à la cuisine et enfin le besoin de chercher un autre espace pour exposer. Je me suis retrouvé dans un magnifique espace rue des Francs et ensuite les lieux se sont succédé jusqu’à celui-ci, rue Isidore Verheyden, dans le quartier Louise.
Au fil de ces années, quelle a été l’évolution de vos choix artistiques ? Au début je m’intéressais beaucoup à la peinture analytique, ensuite est venu l’arte povera, un mouvement fort et très politisé à l’époque. Mais dès le départ je n’avais pas de ligne conductrice stricte, j’étais plutôt dans l’éclectisme, avec une certaine rigueur et un choix très personnel. A l’époque, avec moins de collectionneurs, moins de galeries, moins d’artistes, le choix était, il me semble, plus facile, il y avait des évidences. Aujourd’hui, l’art contemporain (avant appelé art d’avant-garde) est devenu très à la mode, il y a une pléthore d’artistes, de galeries… L’art est aussi un bien économique. L’émergence de pays comme le Brésil, la Chine, le Japon a amené la spéculation des artistes et cette spéculation est aussi amplifiée par les salles de ventes. De jeunes artistes peuvent avoir des cotes folles en quelques années. Je le dis souvent, ces dernières années, le marché de l’art a pris le pas sur l’histoire de l’art…
Autodidacte, éclectique, vous avez un profil de galeriste atypique… Dans le paysage bruxellois belge, c’est vrai, on me l’a déjà dit, je revendique en quelque sorte cet atypisme. Je viens d’une famille d’immigrés arrivés en Belgique en 1930, mes parents ont travaillé pour que leurs cinq enfants fassent des études. Ils ne viennent pas du milieu de l’art mais ma mère nous a inculqué le goût des belles choses. Je suis devenu galeriste sans savoir ce qu’était être le métier de galeriste en amont, j’ai commencé avec rien. Aujourd’hui devenir galeriste, c’est bien différent…
A travers ces années, quelle est votre plus grande fierté ? La fierté d’être toujours là cinquante ans plus tard. La fierté aussi d’avoir fait connaître certains mouvements importants, d’avoir eu l’amitié de Jan Hoet…
Depuis début septembre, une expo- sition à la Fondation CAB retrace vos cinquante années de galerie, qu’allons-nous y découvrir ? J’ai voulu montrer une trentaine d’artistes qui ont été importants pour moi à un moment dans mon histoire, des artistes qui prouvent aussi que j’ai aussi été précurseur en les choisissant comme Lynda Benglis, Lionel Estève, Gilbert & George, Matt Mullican, Alain Séchas, Philippe Van Snick, Stanley Withney entre autres. Une condition du directeur, Hubert Bonnet : pas d’artistes figuratifs. Le CAB est très minimal, conceptuel. Donc ce n’est pas une rétrospective, il manque nombreux artistes pour retracer idéalement mon parcours. Une exception tout de même pour Gilbert & George qui ont répondu présent à mon invitation à l’inauguration de l’exposition. Je me suis dit « mon Dieu, ils ne peuvent pas être là sans la présence d’une de leurs œuvres », surtout après quatre ou même cinq expositions sur leur travail ! Quand Gilbert & George vous offrent une exposition, c’est un cadeau, il ne faut jamais oublier cela !
En parallèle, qui peut-on venir découvrir à la galerie actuellement ? De septembre à novembre, on retrouve Gilberto Zorio, sculpteur, Giulio Paolini, vraie star à l’époque et Giorgio Griffa, peintre, trois artistes de la même génération.
La fin du monde de THOMAS GUNZIG
La fin du monde de
THOMAS GUNZIG
Mots : Barbara Wesoly
PHOTOS : Anthony Dehez
C’est dans un univers au seuil de son anéantissement, où ne demeure de l’humanité qu’une famille retirée sur une île à distance du chaos, que nous emporte Thomas Gunzig, dans son nouveau roman « Rocky, dernier rivage ». Un fascinant huis clos à ciel ouvert, prétexte à évoquer avec le romancier belge son rapport au monde et à l’écriture.
« Rocky, dernier rivage » raconte l’effondrement de notre civilisation. Si le survivalisme est largement abordé dans la littérature, la vision d’une famille millionnaire, préservée par son argent est bien plus rare. Pourquoi ce choix ? Les récits de fin du monde sont souvent très âpres. Les gens y sont généralement affamés et en proie à la brutalité. J’avais envie de raconter une histoire où la survie est assurée, avec assez de nourriture et de confort, mais où les conditions sociales sont compliquées. De me demander ce qu’il advient de l’identité humaine, une fois devenus les derniers sur terre et alors que toute forme de culture s’est éteinte. Qui sommes-nous fondamentalement lorsqu’on retire le vernis de civilisation ? Que sont nos souvenirs, qu’est-ce qu’un lien familial ? Et qu’est- ce qui relie encore les humains quand toute société a disparu ?
Vos quatre personnages principaux, le père, la mère et les deux enfants adolescents évoluent sur cette île, dans l’enfermement profond de leurs senti- ments et du deuil de cet avenir qu’ils ne connaîtront pas. A qui vous êtes-vous identifié parmi ces survivants ? A chacun d’entre eux. Un roman se construit toujours avec des morceaux de son être, même si l’exercice qui m’intéresse le plus est d’arriver à les métaboliser pour en faire des récits qui ne sont pas les miens. J’aime ce geste qui consiste à ne pas croire que sa propre histoire soit forcément digne d’intérêt. Inventer est une des choses les plus étonnantes et extraordinaires qui soit.
La solitude y est aussi un personnage à part entière. Apportée par le silence le plus absolu, lorsque toute musique, littérature ou cinéma s’est tu. Supporteriez-vous de vivre à distance du monde ? C’était en effet l’occasion de me poser la question du rôle de la fiction et de l’art. L’imaginaire est selon moi le bien le plus précieux du survivaliste, dans son adaptation face à l’impensable. J’ai par ailleurs toujours eu un désir de solitude très fort. J’enviais presque mes personnages pour leur vie en autarcie. C’est un vieux fantasme, mais j’ai des enfants que j’aime et qui me maintiennent bien ancré ici.
Votre livre évoque les enjeux environnementaux et l’obsession du profit, de la réussite. Et rappelle ainsi votre roman « La vie sauvage ». L’histoire de cet adolescent, qui après avoir grandi dans la jungle, suite à un accident d’avion, retrouve à seize ans sa famille en Belgique et doit faire face au choc d’un univers aseptisé, pollué et nourrit à la surconsommation. Souhaitiez-vous questionner une nouvelle fois notre oubli de l’essentiel ? Oui. J’ai cette conviction que les humains ne se considèrent pas comme faisant partie du champ du vivant, mais en propriétaires de notre planète. Qu’on en dispose et qu’on l’enlaidit. D’un côté il y a ce regard d’un adolescent sur un univers dominé par l’homme et de l’autre, d’individus ultras civilisés aux prises avec un monde qui redevient dominant et qu’ils tentent encore de dompter.
L’un des héros de « Rocky, dernier rivage », y rédige un livre dont il ne sait s’il sera un jour parcouru par quelqu’un. De votre côté, écrivez-vous pour ces lecteurs qui seront au rendez-vous au-devant de ces pages, ou avant tout par plaisir personnel ? Je n’ai pas du tout sa pureté. Je pense que chez tout auteur, se mêlent deux parts. Celle qui cherche à créer le meilleur et celle qui espère être lue et appréciée par le plus grand nombre. Si l’on me disait demain que mes livres ne seraient plus lus que par ma maman et mon chat, c’est sûr, j’arrêterais. Le désir de reconnaissance, d’amour et de partage est bien trop profond.
Justement, si vous aviez un fantasme en matière d’écriture ?
J’aimerais me plonger dans un fait historique complexe ou aller à la découverte d’une profession méconnue. Mais surtout je souhaite désormais écrire sans craindre la manière dont cela sera accueil- li et seulement en fonction de mes désirs profonds. Mais d’abord, accueillir la sortie de « Rocky, dernier rivage ». Et surtout le voir adapté pour le cinéma. Les droits sont vendus à la société de production de Jaco Van Dormael. Nous travaillons à quatre mains au scénario, avant qu’il ne réalise le film. J’en suis particulièrement heureux. Nous déjà partagé de multiples projets et Jaco a cette qualité très rare d’élever les talents de ceux avec qu’il collabore et la beauté des œuvres qu’il transpose. »
TOM D. JONES, narrateur du vivant
TOM D. JONES
Narrateur du vivant
Mots : Barbara Wesoly
Photos : Tom D. Jones
Photo portrait : Sylvia Jones
Une part de ses clichés capture la beauté des paysages solitaires et des contrées inhabitées. L’autre apprivoise au plus près le regard indompté des animaux sauvages. Mais toutes les œuvres du photographe d’art Tom D. Jones ont pour essence une envoûtante sérénité.
De la photographie ou de la nature, quel était votre premier amour ? Ma femme et moi sommes tous deux photographes et en 1999, nous avons lancé notre studio à Knokke. Celui-ci a rapidement rencontré le succès mais avec lui, le stress et les délais serrés. Je me suis retrouvé à passer la majorité de mon temps derrière un ordinateur plutôt qu’un appareil, trop occupé par la pré et postproduction. Mon échappatoire consistait alors à aller marcher sur la plage. Durant ces balades, j’ai commencé à capturer des images du littoral et de la mer. C’est comme cela que mon intérêt a évolué vers la photographie artistique. Ma fascination pour les animaux a, elle, débuté lors d’un voyage en Tanzanie en 2012. Je m’y suis découvert une véritablement connexion avec la savane et la quiétude incomparable des contrées reculées d’Afrique de l’Est.
Vos clichés de panoramas déserts côtoient ceux d’une vie sauvage bouillonnante. Demandent-ils une pratique différente de votre métier ? L’un comme l’autre sont de véritables challenges. Les paysages impliquent de choisir un cadre et d’y attendre que la lumière et l’horizon se modifient doucement. Immortaliser la faune nécessite une tout autre maîtrise, plus proche de la photographie de portraits. Quand on travaille sur du vivant, on ne peut rien contrôler et les animaux ne sont absolument pas coopératifs. Il s’agit de capturer l’instant parfait. Et c’était d’autant plus complexe, sachant que je me suis toujours refusé à photographier des animaux qui n’évolueraient pas en totale liberté. Malheureusement derrière de trop nombreuses photographies animalières se cachent des conditions de captivité horribles.
Vous ressentiez le besoin de révéler leur vérité plutôt que celle dictée par l’homme ? L’humain ne laisse pas de place aux autres espèces et à leur épanouissement. Si nous continuons, cette voie causera notre perte. Ce projet m’a amené à voyager dans de multiples pays, mais les seuls endroits où j’ai pu observer des animaux véritablement libres étaient au Kenya et en Tanzanie. Il existe en revanche tellement de réserves privées où les animaux sont traités comme des objets touristiques.
Lions, rhinocéros, ou encore éléphants. Comment parvient-on à des photographies d’une telle proximité et des échanges de regards d’une telle profondeur ? Par l’apprivoisement et la patience ? En commençant ce projet, je n’avais aucune connaissance de la faune et de ses habitudes, mais au fil des ans j’ai appris énormément au contact des animaux mais aussi des rangers et guides qui m’accompagnaient, c’est pourquoi je retournais continuellement dans les mêmes parcs nationaux du Kenya. Prendre de tels clichés nécessite d’abord de découvrir l’environnement idéal. C’est pour moi l’élément déterminant. Et, lorsqu’on arrive sur le territoire d’un animal, il y a toujours au départ une forme de tension, une extrême conscience de notre présence en tant qu’intrus. Il faut rester calme, silencieux jusqu’à ce que soudain, il recommence à agir normalement. Un rapprochement devient alors possible. Certaines espèces sont également curieuses, comme les éléphants ou les gorilles des montagnes, qui soudain étaient à côté de moi. C’était inouï. Tout cela demande une immense patience et de nombreux jours sans être productif, sans même prendre la moindre photo.
Après la publication en août du livre True Wildlife, dédiée à vos portraits animaliers, vous inaugurerez en septembre une exposition éponyme, à Knokke. Celle-ci comprendra plus de 50 clichés, saisit durant sept ans. Aviez-vous prévu de la documenter si longtemps ? Pas vraiment, mais c’était sans doute inévitable vu ma façon de travailler. Être photographe artistique implique de réaliser des images destinées à l’impression en grande taille. Le résultat ne laisse aucune place à l’erreur. Et surtout, il n’était pas question pour moi d’utiliser un téléobjectif, comme le fond beaucoup de photographes animaliers. Leurs clichés longue distance sont souvent incroyables, mais volent ces instants aux animaux. Je tenais privilégier l’intimité avec eux.
Retournez-vous prochainement au Kenya, pour débuter une nouvelle série ? Pour l’instant, je m’occupe des derniers détails de l’exposition et de la promotion du livre. Une fois achevé, je pense prendre le temps de voyager pour me reposer. Je prépare des projets au Groenland et je demeure toujours à la recherche de nouveaux challenges, mais j’ai besoin de respirer et de me laisser inspirer. C’est ainsi que ma créativité pourra à nouveau pleinement émerger.
TRUE WILDLIFE
Centre culturel Scharpoord de Knokke-Heist, du samedi 23 septembre au dimanche 12 novembre.
L’envol d’ AMÉLIE NOTHOMB
L’envol d’ AMÉLIE NOTHOMB
Mots : Barbara Wesoly
PHOTOS : JEAN-BAPTISTE MONDINO
Ses mots résonnent comme une libération. Et nous entrainent dans l’abîme de sa souffrance puis à la genèse de sa renaissance portée par l’écriture. Avec « Psychopompe » son 32e ouvrage, Amélie Nothomb se livre avec profondeur et guide sa plume au zénith.
« Psychopompe » s’inscrit comme le troisième volet d’un triptyque, commencé avec « Premier Sang » et « Soif ». C’est aussi l’un de vos livres les plus personnels, racontant des évènements très traumatiques de votre enfance et adolescence. L’écrire s’est-il révélé une forme de catharsis ? Certainement mais plus encore, il m’a permis de comprendre énormément sur moi-même, dont cette obsession de l’oiseau, devenue consciente à l’âge de onze ans. Ce livre m’a amené à enfin percevoir le rôle qu’elle avait joué dans mon existence, notamment dans sa relation intrinsèque à la mort, elle qui m’a toujours obsédé également. Or l’oiseau est un très puissant vecteur de vie. Et avoir hautement conscience de sa mortalité ne rend pas morbide, au contraire, cela donne envie de vivre encore plus fort.
Le « Psychopompe » se définit dans la mythologie comme celui qui guide l’âme des défunts. Dans cet ouvrage vous questionnez ainsi le sens de l’existence tout autant que celui de l’après. A-t-il fait progresser vos réflexions ? Ma propre mort n’est pas du tout un problème pour moi, au contraire, c’est presque un motif de réjouissance. Je suis sure que mourir doit être une expérience très intéressante et je l’attends de pied ferme. Le départ des êtres chers c’est par contre terriblement grave. En expliquant être moi-même psychopompe, je raconte comment finalement contre toute attente, le décès de mon père s’est très bien passé. Cela a d’abord été une tragédie, dont j’ai beaucoup souffert, mais finalement, je me suis rendu compte que mon père avait parfaitement réussi sa mort. Et j’y vois un message d’espoir. J’avais de très bonnes relations avec lui de son vivant mais elles sont encore meilleures depuis qu’il n’est plus vivant. C’est prodigieux et cela prouve qu’il n’est jamais trop tard.
Votre rapport à la mort est aujourd’hui apaisé ? Je suis convaincue que la mort n’est pas une terre étrangère et c’est terriblement salvateur. J’ai perdu deux êtres que j’aimais d’un très grand amour, dont mon père, et j’ai longtemps cru que je ne m’en remettrais jamais. Or, finalement il y a un extraordinaire soulagement à s’apercevoir qu’il reste un lien dans l’après et que l’évolution de la relation ne s’arrête pas à ce départ. La mort n’est pas la cessation de l’amour, en aucune manière.
La quatrième de couverture de « Psychopompe » pose comme derni- ers mots : « Écrire c’est voler ». Au-delà de ce besoin que vous décriv- ez comme vital, on en ressent une part spirituelle. Oui, je suis définitivement une mystique. J’appartiens à une famille très catholique mais cela ne me suffit pas. J’ai besoin, non seulement de m’abreuver de toutes les croyances mais surtout de nourrir mon propre rapport à la transcendance. Je me considère comme une bricoleuse métaphysique.
Convoquer ces blessures vous amène- t-il à cultiver de la bienveillance envers vous-même ? L’écriture m’a sauvé la vie, très concrètement. Ce n’est pas une métaphore. Mais pour en atteindre un tel degré, il faut convoquer sa sensibilité et l’on en ressort forcément fragilisé. La bienveillance envers moi-même, c’est vraiment mon talent d’Achille. Mais je sais que je dois y aspirer donc je m’y contrains. Et, aussi étrange que cela puisse paraître, raconter mon propre viol à l’âge de douze ans et demi est un mouvement en ce sens. Le plus grand danger était que cette épreuve soit frappée d’irréalité, ce qui correspondrait à une double peine. Ce qui m’est arrivé n’a pas été constaté. Pour moi l’écrire c’est dire « je n’ai que mon témoignage à vous apporter, mais il suffit ».
Est-il complexe d’écrire à nouveau après être allé aussi loin dans l’intime ? C’est à la fois monstrueusement difficile et totalement salvateur. On ne peut pas rester sur quelque chose d’aussi grave que « Psychopompe », il faut changer de registre, continuer à vivre. C’est indispensable. Je ne dirai par contre rien sur le livre que je suis en train d’achever. J’ai toujours affirmé ne pas pratiquer l’échographie parce qu’en l’occurrence, elle serait très dangereuse. Ce ne serait pas sans influence sur le bébé et là j’en suis au stade où je protège mon ventre de tous mes bras.
JACQUES-HENRI BRONCKART : « Les rencontres avec les cinéastes guident mes choix de producteur »
JACQUES-HENRI BRONCKART
« Les rencontres avec les cinéastes guident mes choix de producteur »
MOTS : SERVANE CALMANT
PHOTOs : ANTHONY DEHEZ
Depuis 20 ans, Jacques-Henri Bronckart permet au cinéma belge et étranger d’éclore sur grand écran. Le Liégeois a le nez fin ! Assez pour produire coup sur coup « Nobody has to know » de Bouli Lanners, « Close » de Lukas Dhont et « La nuit du 12 » de Dominik Moll. Des films incontournables, multiprimés chez nous et à l’international.
Vous avez fondé Versus Production en 1999 pour produire, dans un premier temps, des courts-métrages belges, notamment ceux de Bouli Lanners et d’Olivier Masset-Depasse. A l’époque, c’est l’amitié qui guidait vos choix. En 2023, est-ce toujours le cas ? Plus de 20 ans dans la production. Quand je regarde dans le rétroviseur, j’en ai le vertige, ça passe tellement vite. La motivation est cependant restée la même, je fais toujours ce métier par amour du cinéma et des auteurs. Mais la profession a évolué : au début, nous produisions de manière plus artisanale, nous montions des projets un peu fous que nous portions sur nos épaules en rêvant de les voir se concrétiser avec une certaine naïveté. C’est toujours le cas, sauf qu’aujourd’hui, la production s’est complexifiée et les projets que nous portons ont une autre envergure. Notre back-office s’est sensiblement renforcé : pour gérer nos productions, on a besoin de nombreuses compétences qui vont de la fiscalité au juridique. Et la spécificité de la Belgique n’arrange rien ! Il faut solliciter trois niveaux de pouvoir, le Fédéral pour l’aspect fiscal (le Tax-Shelter), les Régions pour le côté économique, la Fédération Wallonie- Bruxelles pour le culturel. Bref, produire en Belgique, c’est beaucoup de paperasserie mais c’est aussi une place stimulante qui nous pousse, pour atteindre l’ambition de nos films, à coproduire avec d’autres pays.
Qu’est-ce qui guide vos choix ? Pas la paperasserie en tout cas ! (Rire) Ce sont les rencontres avec les cinéastes qui guident clairement mes choix.
Vous avez produit tous les films de Bouli Lanners, d’Olivier Masset- Depasse. Versus Production est fidèle ! Oui, la collaboration sur le long terme permet d’apprendre à connaître les auteurs et d’aller plus loin.
Et quand l’envie disparaît ? Il faut décider d’arrêter l’aventure. Ne jamais se forcer, écouter son instinct.
Versus Production montre égale- ment un goût prononcé pour les auteurs flamands à l’univers singu- lier… Nous avons en effet accompagné Tim Mielants, Fien Troch, Patrice Toye, Lukas Dhont. Et sortira bientôt le premier long-métrage de Veerle Baetens, « Débâcle », adapté du roman de Lise Spitz.
Vous êtes également gérant d’une struc- ture de distribution de films, O’Brother. Etait-ce une nécessité ? Plutôt une volonté de maîtriser également le circuit de la distribution. Cela nous permet de soigner la sortie de nos films.
Quand vous produisez un premier film, vous prenez beaucoup de risques ? Pas plus que sur un 2e ou 3e film. C’est très excitant de mettre son expérience et son regard au service d’un premier film. Le travail que j’ai initié depuis plusieurs années avec Delphine Girard est passionnant. Son court-métrage, « Une sœur », nous a amenés aux Oscars et nous venons d’achever la postpro- duction de son premier long qui est très réussi et que je me réjouis de sortir.
L’accompagnement, c’est le cœur de métier de votre travail ? Produire consiste en effet à offrir aux réalisateurs l’espace nécessaire et sécurisé pour leur permettre d’aller au bout de leur ambition. Ce qui ne signifie nullement leur donner carte blanche. Car il faut tenir compte des nombreux obstacles qui jalonnent la fabrication d’un film. Confronté aux objectifs artistiques et financiers, le producteur joue le plus souvent les équilibristes.
2022, quelle année pour Versus Production ! « Nobody has to know »,de Bouli Lanners, « Close » de Lukas Dhont, « La nuit du 12 » de Dominik Moll, tous ces films que vous avez produits ou coproduits ont été primés en Belgique et à l’étranger. Que nous réservez-vous pour 2024 ? On vient de terminer la postproduction de deux films qui devraient sortir en 2024 : « Quitter la nuit » de Delphine Girard que j’ai déjà évoqué et « Sous le vent des Marquises » de Pierre Godeau, avec François Damiens et la jeune Bruxelloise Salomé Dewaels. Une très belle histoire de réconciliation père-fille. Mais ce qui nous occupe particulièrement pour le moment, c’est le tournage de « Le prix de l’argent » d’Olivier Masset-Depasse, adapté de la BD éponyme (avec Tomer Sisley et James Franco dans les rôles principaux). C’est un film d’aventure ambitieux, avec un budget important, que nous avons financé en plein Covid, en nous heurtant de front à la frilosité d’un marché complètement déboussolé. Avec Olivier, on sort de notre zone de confort et on relève un challenge extrêmement excitant : faire un film d’aventure qui remplit le cahier des charges de la franchise « Largo Winch », tout en lui apportant une dimension actuelle et une touche assez émotionnelle. Le film sortira sur nos écrans au deuxième semestre 2024. Depuis trois ans, nous avons également collaboré avec Netflix qui a considérablement bousculé le circuit de distribution des films. Nous avons produit « Balle Perdue » et sa suite, « Balle Perdue 2 », le troisième opus est en préparation. Nous avons également produit des séries TV, notamment « La Corde » ou « No man’s land » diffusée en 2021 et 2022 sur Arte et d’autres séries sont actuellement en développement avec des auteurs maisons.
L’atelier sedanais de Serge Anton
L’atelier sedanais de Serge Anton
Mots : Olivia Roks
Le photographe franco-belge qui manie à la perfection l’art du portrait revient sur le devant de la scène avec un bel atelier à son image, une exposition où ses photographies mettent en lumière ses voyages et ses rencontres mais aussi une collaboration avec l’innovant support digital belge Ionnyk.
Votre atelier à Sedan est fin prêt. Un projet qui vous tient très à cœur... Mon père est né dans cette ville et j’y suis revenu car j’ai récupéré une maison. Ensuite, j’y ai acheté une presqu’île. C’est un ancien hangar à bateaux, au départ il n’y avait que quatre murs. Après trois années de travaux, je m’y suis fait un super atelier. J’avais envie d’être dans la nature, au bord de l’eau. Le plus important pour un photographe c’est la lumière. Et dans ce bâtiment, j’ai douze fenêtres au-dessus et l’eau tout autour, j’ai donc une lumière extraordinaire. à l’intérieur, j’ai un studio photo fermé, et à l’extérieur, un studio à la lumière du jour. On a l’impression d’être au milieu de nulle part mais je suis à cinq minutes du centre-ville. Pour travailler c’est parfait, j’ai de plus en plus de mal avec la ville. Ici, je trouve une énergie particulière.
Dans cet atelier qui est également votre studio, vous allez proposer des expositions. Qu’avez-vous à l’agenda ? Actuellement et jusque fin août, il y a une exposition mettant mes kasbahs du Maroc à l’honneur. Les clichés se déclinent via trois supports : les cadres digitaux Ionnyk, des tirages chromalux et du papier recyclé. J’ai photographié des kasbahs, ces lieux historiques et spirituels, vus du ciel depuis un hélicoptère il y a une dizaine d’années. Cette exposition s’inscrit principalement dans le cadre d’un gros festival photo : Urbi & Orbi, la biennale de la photographie et de la ville à Sedan. Un parcours artistique à travers différents points d’exposition. L’exposition présentera aussi des portraits de gens vivant dans des kasbahs et des photos de vues aériennes. Mais par la suite, d’autres expositions seront aussi à l’honneur, et pas spécialement sur la photo. Par exemple, j’aime beaucoup la céramique.
On retrouve vos mythiques clichés issus de la collection Faces sur des cadres digitaux Ionnyk. Rappelez-nous l’origine de ces incroyables photos ? Faces est en fait le nom de mon livre qui est malheureusement épuisé. Il reprend trente ans de travail mais surtout beaucoup de portraits du monde, principalement d’Asie et d’Afrique. Depuis mes seize ans, je photographie des visages, tous racontent une histoire. Je travaille au feeling, à l’instinct, à la beauté qui me touche.
Pourquoi l’envie de collaborer avec une start-up belge proposant des cadres digitaux sans câble ? Qu’est-ce que cela représente pour vous d’être passé au digital ? La femme du propriétaire adorait mes photos et de fil en aiguille ce partenariat très respectueux s’est mis en place. Je ne suis pas sectaire et je suis ouvert à tout. Je sais que certaines personnes vont dire « ce n’est pas du tirage photo ». Mais moi je suis bluffé, ça a la qualité d’un tirage photo, avec une netteté, une matière incroyable et même un passe-partout comme un tirage photo. Les gens sont souvent trompés par le résultat. La technologie est incroyable.
Qu’est-ce que ce type de cadre apporte en plus à vos photographies ? Le plus grand avantage est l’étendue du catalogue Ionnyk. Sur abonnement, Ionnyk donne accès à une application qui offre un catalogue avec une série de clichés issus de Faces. Mes visa-ges sont très puissants, il faut pouvoir les assumer, et ici, impossible de s’en lasser. On peut changer la photo selon ses envies, ses humeurs ou les gens que l’on reçoit chez soi.
Avant de se quitter, des projets à dévoiler ? Je reviens d’un voyage humanitaire, c’était incroyable, je n’avais plus fait cela depuis longtemps. Pourquoi pas réitérer ! J’ai aussi terminé le shooting pour la campagne Baobab Collection de la saison prochaine. Un client pour lequel j’ai toujours énormément travaillé. Enfin, mon éditeur souhaiterait que je fasse un nouvel ouvrage, je dois donc repartir en voyage faire des photos. à suivre donc !
LAETITIA VAN HOVE : « Accompagner les artistes belges, c’est ma mission »
LAETITIA VAN HOVE
« Accompagner les artistes belges, c’est ma mission »
MOTS : SERVANE CALMANT
PHOTOS : DR
Au sein de l’agence « Five Oh » qu’elle a fondée à Bruxelles en 2015, Laetitia Van Hove gère la communication de Clara Luciani, de Flavien Berger, de Zaho de Sagazan et d’une flopée d’artistes belges, Angèle, Charlotte Adigéry & Bolis Pupul, Lous and the Yakuza, Juicy, K.ZIA, ML, Frenetik, Glauque, parmi beaucoup d’autres. Laetitia et sa team accompagnent des artistes, ainsi que des événements musicaux dont le fameux festival de Dour dont l’agence à assuré pour la première fois la mise en avant.
Pourquoi avoir créé Five Oh? J’ai travaillé sept ans chez EMI à Bruxelles, puis j’ai rejoint à Paris un petit label indépendant. De retour en Belgique, j’ai lancé, en 2015, « Five Oh » avec l’envie de défendre à 100% des artistes coups de cœur. J’avais l’intention de travailler avec peu d’artistes, quitte à devoir refuser certains contrats. Mon élan était, et est toujours, celui du coeur, ce qui explique la longévité de ma société.
En quoi consiste concrètement votre travail ? Je gère la communication des artistes, c’est-à-dire que je suis le lien entre un artiste, son actu (la sortie d’un album, d’un EP, d’un concert, d’un événement spécial) et les médias de la culture. C’est le job de l’attachée de presse, avec lequel je renoue pleinement, puisque depuis janvier 2023, c’est Sacha Estelle, qui travaille depuis 5 ans pour « Five Oh », qui occupe désormais le poste de directrice. Je reste la fondatrice, mais je repars de plus belle sur le terrain, là où je donne ma pleine mesure.
Un travail de terrain ? Sont-ce les artistes qui viennent à vous ou vous à eux ? Les deux cas de figure cohabitent. Angèle, par exemple, est venue vers nous, elle avait entendu parler de notre travail. J’ai débuté seule ; aujourd’hui, nous sommes cinq, car on reçoit en effet de plus en plus de demandes d’artistes émergents qui recherchent une équipe de communication dynamique.
La première fois, c’était avec qui ? (rire) Avec Raphael. Nous avions travaillé ensemble quand il était sous contrat avec EMI. Quand il s’est retrouvé sans label, il m’a recontactée. Puis Clara Luciani. Avant de devenir chanteuse, elle a accompagné Raphaël sur scène, pendant un an, en tant que claviériste. Quand elle a signé son premier EP chez Universal, je me suis occupée de la présenter aux médias belges. Son premier succès radiophonique avec « La grenade », c’est à la Belgique qu’elle le doit, bien avant la France !
Quand vous présentez un nouvel artiste à la presse, essuyez-vous parfois/souvent un refus ? Oh oui ! C’est même l’histoire de ma vie. Et c’est normal. Spotify présente chaque jour 60 000 nouvelles chansons ; en Belgique, en radio, les médias doivent recevoir des centaines de nouveautés. Il faut donc batailler ferme pour placer un artiste dans la presse. C’est mon job de convaincre de l’intérêt de tel ou tel artiste pour tel ou tel média, en fonction de tel ou tel événement ou festival, par exemple.
Alors pourquoi tel artiste ? Parce qu’il partage nos valeurs. « Five Oh » a à cœur de défendre un équilibre entre des artistes masculins et féminins et les personnes racisées. On privilégie le relationnel avec nos artistes pour coller au plus près du message qu’ils souhaitent passer. Oui, nos valeurs sont au coeur des relations que nous nouons et défendons avec les artistes et les journalistes.
Est-ce une fierté de défendre des artistes belges ? Plus qu’une fierté, c’est une mission. En Belgique, nous avons des artistes fabuleux, originaux, qui n’ont pas peur de sortir des clous, d’oser, d’y aller… Est-ce dû à la complexité du pays ? Peut-être…
Five Oh gère la com’ d’artistes musicaux mais vous créez également des événements musicaux… Depuis 2016, j’organise les « Fifty Session », un événement mensuel qui présente un artiste émergent belge et un artiste international dans un lieu bruxellois. Le show se passe en soirée, dure 25 minutes, est gratuit mais sur invitation uniquement via nos médias partenaires. C’est un véritable tremplin médiatique. J’ai ensuite, en 2019, créé les « Fifty Lab », soit trois jours de marché à Bruxelles pour permettre aux jeunes artistes de se faire découvrir par des programmateurs de vingt festivals musicaux internationaux. Ainsi le groupe belge Ada Oda a reçu cinq invitations pour venir jouer dans des festivals européens et a été programmé par Radio Nova en France. C’est une belle reconnaissance !
Du tac au tac avec Sacha Estelle, nouvelle directrice de Five Oh
Le point fort de Five Oh ? Nous sommes une équipe à taille humaine aux goûts musicaux très diversifiés, rock indé, pop, rap, électro, qui défendons uniquement les artistes et projets que nous aimons. Cette relation de très grande proximité avec nos artistes nous permet de développer un relationnel sur le long terme et des campagnes créatives.
L’artiste belge qui a fait récemment appel à vous ? ML avec laquelle on travaillait déjà quand elle était la chanteuse du groupe Sonnfjord. Preuve de notre belle complicité avec les artistes.
Dour, pour la première fois, c’est du lourd ! Nous représentons des festivals de taille diverse, Les Aranulaires à Arlon, Horst à Vilvoorde et… le Dour Festival, pour la première fois. On a assuré les relations presse du festival et de tous leurs artistes (notamment Lomepal, Orelsan, Damso). Un magnifique challenge car Dour se renouvelle chaque année.
www.fiveoh.be
L’art de la fête selon BART ROMAN
L’art de la fête selon
BART ROMAN
Mots : Barbara Wesoly
Photos : Anthony Dehez et Alexander Popelier
C’est sur la plage de Zeebrugge que renaît chaque année WECANDANCE, au son des meilleurs artistes électro, pop et dance. Pour sa dixième édition, le festival se pare d’un thème chatoyant, véritable ode à la mer, baptisé Sea, Sand & Sun. Sans oublier quelques surprises, comme le raconte son fondateur Bart Roman.
WECANDANCE célèbre cette année ses dix ans. Une décennie qui l’a vu prendre toujours plus d’essor. Quel est, selon vous, le fondement de ce succès ? De moins de 1500 visiteurs par jour, durant un week-end, à une édition de quatre jours, rassemblant journalièrement 6000 festivaliers, nous avons en effet parcouru un incroyable chemin. WECANDANCE se conçoit au-delà du concept de fête et de live, en une expérience exclusive, tout à la fois musicale, vestimentaire, culinaire et bien-sûr humaine. C’est la raison d’être de ce thème que nous renouvelons totalement chaque année, aussi bien par son décor que par son cadre. Il a pour but d’insuffler une dynamique joyeuse et étincelante au festival, en créant une véritable alchimie entre les participants, grâce à un style et une fantaisie commune. C’est ce qui apporte l’étincelle à part.
Comment vous est venue l’idée de créer le festival ? J’ai toujours travaillé dans l’évènementiel. J’ai eu des clubs, des bars, des restaurants. En 2008, après un évènement à Knokke, j’ai réalisé qu’aucun important rassemble festif n’était proposé à la côte belge en été. De là est née l’idée de lancer un festival, qui aurait la particularité de se dérouler en journée et soirée, pour une atmosphère inédite et qui se situerait à Zeebrugge. Calvi on the Rocks, le superbe festival corse, a été une grande source d’inspiration. Tout en conservant ce postulat de style cool et de mode, nous l’avons repensé à destination de la Belgique.
Cette édition accueillera 7 scènes sur la plage. Ce cadre maritime entraîne-t-il des contraintes particulières ? En 2019 nous avons affronté une violente tempête. C’était extrêmement stressant pour nous mais en parallèle une atmosphère incroyable s’est emparée de WECANDANCE lorsque les éléments se sont déchaînés. Certes il faut prévoir des générateurs et des abris, aussi bien pour parer au soleil qu’au mauvais temps, mais chaque lieu a ses particularités.
Comment envisagez-vous l’avenir de WECANDANCE ? Resignez-vous pour 10 ans ? J’ai la conviction que nous serons toujours là dans dix ans. Si notre public des premières éditions avait entre 25 et 35 ans, aujourd’hui nous y retrouvons aussi des cinquantenaires accompagnés de leurs enfants. Cela amène une dynamique incroyable. Je travaille aussi sur une dimension supplémentaire, encore secrète, pour le festival. Créer et innover en permanence est ce qui m’anime et la force même de WECANDANCE.
RENCONTRE AVEC LAURA PRAET
Vous êtes la directrice artistique de WECANDANCE depuis sa création. Où puisez-vous vos inspirations pour chaque édition ? Notre référence première est la mode. Nous suivons les défilés du printemps/été à venir, pour y déceler les tendances phares, toujours liées à la mer et à l’invitation au voyage, qui font l’essence de WECANDANCE et ainsi orienter le style de la future édition. Ensuite, nous insufflons celui-ci à chaque aspect du festival. Cette année, le thème Sea, Sand & Sun fait référence au mermaidcore, sirène iridescente à la silhouette fluide et aérienne, agrémentée de satin et de sequins.
Cette édition 2023 s’intitule Sea, Sand & Sun et se présente comme une ode étincelante au monde maritime. Peut- on s’attendre à des surprises pour ces célébrations ? Fêter cet anniversaire était pour nous l’occasion d’un hommage à la mer et ses couchers de soleil à admirer en dansant sur la plage, un délicieux cocktail à la main. Nous célèbrerons le sable, avec des installations incroyables mais aussi les fonds marins puisque l’une de nos scènes revêtira un décor d’aquarium. Je vous laisse la surprise du reste…
WECANDANCE, 5,6,12 & 13 août 2023, à Zeebrugge.
K.ZIA : « L’artiste qui m’a le plus influencée ? Ma mère. »
K.ZIA
« L’artiste qui m’a le plus influencée ? Ma mère. »
MOTS : SERVANE CALMANT
PHOTOS : TATJANA HUONG HENDERICKX et ILYA SAFONOV
Chanteuse, compositrice, directrice artistique et fille de Marie Daulne alias Zap Mama, K.Zia se met à nu avec « Kintsugi Heart », un nouvel EP qui égrène des confidences enveloppées d’un chaleureux mélange
de R&B, de pop et d’afrobeats.
Vous êtes la fille de Marie Daulne (Zap Mama) et d’un papa acrobate martiniquais. Parlez-vous souvent musique avec votre maman ? Oh oui, c’est un sujet qui a toujours été présent entre nous.
Elle vous conseille ? En tant que mère et en tant qu’artiste, elle m’accompagne dans toutes mes décisions. Et j’ose espérer pouvoir profiter de ses conseils après dix voire vingt albums. (rire)
Et Marie Daulne sollicite-t-elle souvent votre avis ? Oui oui, parce que j’ai un regard neuf et différent du sien sur notre métier, sur l’art d’une manière générale, sur des stratégies de communication ( j’ai un master en relations publiques en poche), sur l’industrie musicale et son évolution… Maman qui aime être au fait des choses, est définitivement dans le dialogue.
Vous êtes née à Bruxelles, vous avez été biberonnée aux voyages, vous vous définissez d’ailleurs comme une citoyenne du monde. Pourquoi avoir posé vos bagages à Berlin plutôt qu’à Bruxelles ? J’ai décroché un master à Bruxelles mais j’ai cherché un stage à Berlin, car j’avais besoin de bouger pour être stimulée par un nouvel environnement. Berlin est une grande ville très cosmopolite, très ouverte, où tous les vilains petits canards ont une chance de devenir des cygnes.
Depuis cinq ans, vous travaillez la musique à temps plein, si j’ose dire. Avez-vous réfléchi longtemps avant d’emprunter cette voie ? Lors de mon stage, j’ai compris que travailler dans un bureau n’était définitivement pas fait pour moi. Je ne peux pas vivre sans musique. Je n’ai donc pas hésité bien longtemps…
Vous venez de sortir deux singles « Love is » et « Rise », deux puissants hymnes pop/R&B qui figurent sur votre EP 6 titres, « Kintsugi Heart ». Cet EP, disponible depuis ce mois de juin, est une véritable mise à nu … Oui, il fait référence à une période de ma vie assez sombre. Il y a deux ans, j’ai souffert d’une dépression. Au fil de l’enchainement des titres, je revis. « Happy » parle d’une relation où on s’autorise à aimer et à être aimé.e, le titre suivant « Hold on » évoque les premiers orages, « Pressure » fait référence au moment où l’orage est passé mais où l’on broie du noir, « Rise », c’est l’instant où on retrouve de l’énergie et de la lumière pour s’élever, « Trust » décrit cette phase de reconquête de la confiance en soi, « Kintsugi Heart », le dernier chapitre, convoque cette étape de la vie où on a recollé les morceaux avec de la colle dorée !
Vous avez puisé dans votre douleur et votre guérison, pour la partager avec votre public … Absolument, l’écriture fonctionne comme une thérapie. Et si mes chansons accompagnent et réconfortent des gens qui ont vécu la même histoire que moi, j’en serai la plus heureuse. La musique me confère un super pouvoir !
Le single « Rise » est accompagné d’un clip vidéo que vous avez réalisé vous- même. Aimez-vous avoir le contrôle total sur votre univers artistique ? D’une certaine manière oui, car je suis curieuse de tout, mais ce n’est pas toujours délibéré. Je suis une artiste indépendante sans label, donc pour des raisons financières, je suis obligée de mettre la main à la pâte, de concevoir ma pochette, de traduire ma vision en clip… Je ne ferme cependant pas la porte à une collaboration avec un label, pourvu qu’elle fasse sens.
Quel est le moteur de votre métier ? Le besoin de m’exprimer, j’ai véritablement besoin de chanter, un besoin physique.
Quelles sont vos influences musicales ? Il y en a tellement, j’aurais peur en citant des noms d’artistes, d’en oublier d’autres, ce serait injuste.
Un seul nom… La plus grande à mes yeux, celle qui m’a le plus influencée : ma mère.
J’ai lu que vous n’aimiez pas être cataoguée « World Music », pourquoi ? Parce que cette notion occidentale est terriblement réductrice ! Comment ranger dans une seule et même catégorie, la musique du Brésil, du Mali et du Japon ?
Où pourrons-nous avoir la chance de vous voir en concert en Belgique cet été ? Notamment au NYX Festival à Meerhout, à l’AfritDrongen, au Sfinks Mondial, etc.
PRINCESSE DELPHINE DE SAXE-COBOURG ou la positive attitude
PRINCESSE DELPHINE DE SAXE-COBOURG
Ou la positive attitude
PRINCESSE DELPHINE DE SAXE-COBOURG
Ou la positive attitudeMots : Olivia Roks
Photos : Wim Van De Genachte - Jim O Hare
Sur le thème « Love Imperfection », la princesse Delphine égaille cet été les allées de Maasmechelen Village avec son art coloré et positif mais aussi son amour et son bon goût pour les créateurs de talent. Derrière ses œuvres, beaucoup de messages qui reflètent sa positivité. Pour l’occasion, un tête-à- tête à Bruxelles, depuis son salon.
On vous retrouve tout au long de l’été dans un projet artistique à Maasmechelen Village, un lieu au public très large, comment est née cette collaboration ? Je ne connaissais pas le lieu et j’ai adoré ! Mais ce qui a motivé ma participation c’est principalement que j’affectionne tout particulièrement soutenir les jeunes créateurs. Je suis dans l’art depuis trente-sept ans et je sais que les débuts peuvent être extrêmement compliqués. Alors si je peux les mettre en lumière, je n’hésite pas ! Ensuite, je demeure une artiste qui aime faire passer des messages, mon art n’est pas purement décoratif. Ce parcours artistique, c’est aussi donc l’occasion de partager et transmettre un message qui me tient très à coeur, ici en l’occurrence : « Love Imperfection ».
Vous êtes une artiste polyvalente et touche-à-tout. Maasmechelen Village vous a presque octroyé carte blanche en vous donnant le rôle de directrice artistique et en vous proposant un projet très complet… Qu’est-ce que le visiteur peut venir y découvrir ? Au gré du village, on retrouve des installations interactives qui rappellent certaines de mes valeurs. Il y a Delphineke-Pis, c’est moi en XXL (six mètres de haut !), elle est remplie d’humour avec son petit chapeau, ses lunettes, ses chaussures à plateforme. C’est important pour moi et je l’inculque aussi à mes enfants : ne pas se prendre au sérieux. On ne rigole pas des autres mais beaucoup de soi-même. Une autre installation présente un jeu de miroirs où en se regardant dedans, on est déformé.
L’idée est d’aimer ses imperfections, physiques mais également au-delà, des imperfections dans notre vie familiale ou professionnelle. Il y a aussi le wish tree à qui on peut poser trois questions. Un peu partout, on retrouve également mes cœurs colorés, ils remplacent les mots souvent utilisés dans mes œuvres. Quel que soit l’âge, on connait la signification du cœur… Enfin, immanquable, le Creative Spot. Une boutique mettant à l’honneur quelques jeunes créateurs belges que j’ai choisis avec mon ami Jody Van Geert qui est de bon conseil. Tous représentent mes valeurs, ma vision, ma personnalité avec de belles créations (prêt-à-porter et accessoire) à la clé réalisées en Belgique… Ils sortent de l’ordinaire et sont indéniablement des bosseurs passionnés.
Comme thème et comme fil conducteur : Love Imperfection. Des mots qui vous suivent dans votre vie professionnelle et privée… Un message à faire passer ? La vie et la société actuelles vous semblent trop faussement parfaites ? Je pense que c’est important, dans sa vie, de ne pas tenter d’atteindre la perfection. C’est toxique, c’est quelque chose qui va peut- être ou même certainement vous freiner dans votre parcours. J’ai des enfants, je vois leur intérêt pour les réseaux sociaux où tout semble si beau, et cela fait peur. C’est de la fausse perfection, où est la réalité dans tout cela ? J’ai envie de rappeler, surtout aux jeunes, que la perfection n’existe pas.
Assiettes, robes, peintures, quel que soit le support qui vous sert de toile créative, on retrouve vos mots, ici en l’occurrence des cœurs pleins de sens. Que représentent ces mots ou ces symboles hautement colorés ? Les mots sont très importants, ils peuvent construire, rendre heureux. A l’inverse, ils peuvent blesser, résonner en tête tout au long d’une vie. Les mots ont donc une telle puissance qu’ils deviennent extrêmement intéressants à mes yeux. Je suis aussi dyslexique, donc quand je vois un mot, il se dévoile comme un dessin qui me semble très joli. Dernièrement, j’ai beaucoup écrit le mot « Love ». Passé la cinquantaine, je me suis rendu compte que beaucoup de gens vieillissent et deviennent parfois aigris. Je me suis dit : vais-je aussi devenir comme ça ? Et j’ai commencé à écrire de manière obsessionnelle des « love » partout. J’en ai fait des expositions, des créations de toute taille, et cela m’aide à ne pas devenir négative, à aimer la vie, à croire en soi et surtout en les autres… Il faut en profiter !
Il y a eu le mot«blabla»aussi à vos débuts... Oui, c’est le premier mot que j’ai utilisé de manière obsessionnelle, en continuité. Je l’ai tant écrit qu’aujourd’hui encore parfois j’en ai mal au poignet ! « Blabla », car c’est l’allergie aux ragots, aux paroles qu’on dit dans le dos des gens. Je ne supporte pas cela. Cela peut détruire certaines personnes.
Et là, en l’occurrence à Maasmechelen village, il s’agit du cœur qui est mis en avant… Oui ! Plein de cœurs colorés et joyeux. Toujours à répétition. La répétition, comme le jogging, est quelque chose qui me calme.
Vous voguez tous azimuts ! D’autres projets à venir ? Oui, mais hélas je ne peux encore rien vous dire (rires).
Love Imperfection au Maasmechelen Village, du 24 juin à fin août.