Bien sûr qu’une construction transforme l’environnement. Mais un bâtiment peut aussi épouser la nature qui l’abrite. Il peut l’intégrer en la magnifiant, en la faisant rejaillir. Ramener le monde extérieur à l’intérieur, c’est là tout le talent de Bruno Erpicum, architecte passé maître en lecture de l’environnement et justesse des proportions, seul élément de décoration que le Belge s’autorise…

MOTS : NICOLAS DE BRUYN
PHOTOS : JEAN-LUC LALOUX

Un diplôme d’architecte décroché à Saint- Luc Bruxelles en poche, notre compatriote Bruno Erpicum s’en va découvrir l’Afrique du Sud et les Etats-Unis… Voici une info qui n’a rien d’anecdotique car c’est bien le somptueux théâtre de la nature qui va animer l’architecte. « Tout ce que je fais est éphémère mais si la nature peut reprendre ses droits une fois l’ouvrage terminé, c’est que je n’ai pas trop mal travaillé!», s’enthousiasme d’emblée ce fervent défenseur d’une architecture centrée sur l’essentiel, notion-phare de l’architecture moderniste du 20e siècle dont Mies van der Rohe fut l’un des illustres représentants.

« Je veux exposer les matières en m’interdisant toute forme d’habillage. »

Mais c’est quoi « l’essentiel » pour l’Atelier d’Architecture Bruno Erpicum et Partenaires (AABE), un bureau qu’il a créé en 1988 avec douze architectes actifs partout dans le monde ? En quelques mots, on pourrait dire que Bruno Erpicum balaie d’un revers de main tous les éléments qui parasitent le regard. A ses yeux, une construction doit laisser s’exprimer le terrain qui l’accueille, l’épouser pour le meilleur. « Le paysage », nous lance-t-il, « doit rentrer dans l’intimité du bâtiment. » Et la déco ? Il la rejette – la beauté d’un bâtiment s’exprimant par la justesse des proportions. La déco sans les éléments décoratifs, voilà son credo. Une épure qui n’enlève pourtant rien au caractère chaleureux des pièces à vivre, qu’il aime baignées de lumière. Pour vivre heureux, vivons avec la nature ! Architecte philosophe, Bruno Erpicum excelle dans l’art de ramener le monde extérieur à l’intérieur, c’est même là sa signature. Quant aux utilitaires, éclairage, prises, écran … , il intègre intelligemment ces éléments qu’il ne saurait voir dans l’architecture !

Du tac au tac avec Bruno Erpicum

Au commencement était… l’emplacement. C’est le terrain de jeu favori de Bruno Erpicum. « Un projet, c’est avant tout une attitude par rapport à l’environnement, une réflexion sur l’implantation du bâtiment sur son site. 90% des éléments d’un projet d’architecture sont dictés par le terrain. La notion d’intérieur/extérieur est d’ailleurs très stimulante. J’aime ce concept d’«être à l’extérieur à l’intérieur ». Pour tout vous avouer, durant ma première visite, je souhaite ne pas être accompagné par le client, pour ne pas être influencé. Et le jour où je me sens prêt, quelques coups de crayons suffisent pour donner vie au projet… »

La nature. « Je prends vie au projet même si, par la suite, le travail de mise au point reste important. Ainsi l’écorce d’un arbre : on a bâti une une maison qui accompagne l’écorce d’un arbre mais qui ne la suit pas. On a coulé du béton, 30 centimètres chaque jour sans le vibrer, le béton définissant la limite de l’écorce. A l’arrivée, on a créé une promenade autour d’un arbre. »

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A poil ! « J’aime le béton. On peut le lisser mais aussi le texturer. Il prend la forme que l’on veut et raconte son histoire. Step by step, au fil de l’évolution de ma réflexion sur l’architecture, j’ai d’ailleurs pris la décision d’enlever la peinture que je considère comme une forme de décoration. Je veux exposer les bâtiments en m’interdissant toute forme d’habillage. On construit le bâtiment et on enlève les coffrages. Une fois le coffrage enlevé, mon bâtiment est terminé : les annotations des ouvriers sur les voiles de béton faisant d’ailleurs partie de l’objet construit. »

La lumière. « Indépendamment des fenêtres, comment, par exemple, faire entrer de la lumière dans un bâtiment ? Comment jouer avec l’ombre ? Au Portugal, j’ai demandé à l’entrepreneur de laisser quelques grains de sable entre le coffrage et le sur-panneau de coffrage pour que la lumière puisse laisser s’exprimer la force de la matière. Les imperfections m’intéressent beaucoup car elles montrent le vrai caractère du matériau. »

« Je prône l’abolition de la décoration au profit de la justesse des proportions à travers la lumière, la matière, les textures, le toucher.

L’architecture, c’est la vie ! »

Les matériaux naturels. « J’aime beaucoup le travertin qui se patine et s’embellit au fil du temps, les plans d’eau qui ramènent le ciel sur la terre, la crête des arbres qui vient couronner un bâtiment, les croûtes de schistes clivées, quand il pleut – et il pleut souvent chez nous -, c’est super beau ! »

L’horizontalité. « Le premier balayage du regard est horizontal. Travailler de manière verticale, il faut vraiment le vouloir ! Ca m’est arrivé à Uccle où le terrain imposait de travailler dans la verticalité : j’ai voulu aller dans la terre, comme si j’allais dans le ventre de la Belgique pour prendre la pierre bleue, telle quelle, c’est à dire sous forme de croûtes non polies, non travaillées. On a fait une ode à la pierre bleue belge pour que le bâtiment vertical puisse sortir de la terre. »

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