S’il est un nom qui, en cette rentrée est sur toutes les lèvres, c’est bien celui de John-Alexander Bogaerts. A l’origine ? Un fils à papa bruxellois que tout le monde trouvait fort sympathique mais sur lequel néanmoins personne n’aurait véritablement parié. A l’arrivée pourtant, à 49 ans, l’homme vient d’annoncer la reprise du mythique Cercle de Lorraine avec Bruno Pani (Profirst) non sans avoir au préalable révolutionné le modèle du club d’affaires en créant le sien, le B19. Entre tout cela, il lançait même une école de codage, tout en reprenant en main l’hebdomadaire satirique PAN. Enfin et depuis septembre, c’est la radio et la télé qui se sont jetées sur lui.

Mais pour comprendre le succès de John Bogaerts, il est nécessaire de partir de son père Rudy. Un professeur-pédagogue qui récupérait les gosses éjectés du système scolaire pour les préparer au Jury en leur offrant la chance d’avoir le choix de leur avenir, parmi ceux-ci on y trouve même le Prince Laurent. En parallèle, le père dirige l’hebdo satirique Père Ubu. Et c’est dans cette ambiance que naît John, l’aîné de 3 garçons qui passera son enfance entre le quartier du Prince d’Orange et Knokke, un noceur, le genre « star de la bande », surnommé depuis « Le shérif du Fort Jaco ». Le reste ? Pas terrible. John Bogaerts se distingue surtout par son sens de la fête et son beau carnet d’adresses, pas de job sauf d’étudiant depuis ses 15 ans, en un mot, c’était plutôt mal parti. Mis à part Papa et Mamy Georgette, sa grand-mère, non personne ne croyait en lui, pas même lui. A 25 ans tout de même, l’enfant terrible se réveille et, avec son ami  John-John Goossens, lance « 4J concept », une petite boîte d’événementiel qui organisait des soirées privées corporate, avant de créer le KNAL, haut lieu des soirées bruxelloises. Parmi leurs clients, Porsche, pour lequel le duo imagine un magazine gratuit pour promouvoir le lancement de la fameuse « Cayenne », l’idée étant alors de photographier du people à côté de la voiture lors de toutes les soirées chics de l’été. Porsche décline, « trop cher comme promo » mais comme l’idée est bonne, les deux John décident de se lancer, non pas avec un annonceur à 150.000 € mais avec 75 annonceurs à 2.000€, Zoute People est né. Le succès est tel qu’il se déclinera ensuite en Hockey People, Golf People, Art People, Cars People, Charity People. Pour finalement ne garder que les deux premiers. Mamy Georgette le prédisait : « Tu verras, l’événementiel ce ne sera qu’un tremplin, tu iras beaucoup plus loin ! ». Même si John Bogaerts est déjà soulagé de gagner sa vie, il sent qu’à un moment il faudra penser à demain. D’autant qu’il vient de se marier avec Jeanne et que le couple songe à une famille.

Mais tout s’accélère en 2007 lorsque Rudy Bogaerts décède inopinément, l’homme laisse derrière lui 3 fils, une école à Uccle et un hebdo controversé « Père-Ubu », qui traine alors 22 procès derrière lui. John reprend le bâtiment avec son frère David, loue les salles de réunions à des entreprises membres tandis que son cadet reprend l’école. Quatre ans plus tard, la Bogaerts international school déménage et John Bogaerts s’associe avec Silversquare pour transformer le bâtiment en espace de coworking. Et alors que le concept cartonne dans toutes les capitales, le duo lui se prend un gros bouillon. 2012, une annus horribilis pour John, un jeune père à qui on vient en plus de diagnostiquer un cancer. Une chimiothérapie préventive durant 6 mois, l’occasion pour lui de souffler et de penser sérieusement à l’avenir. Si les cercles d’affaires n’avaient jamais été son truc, le style « mignon de veau sauce aux morilles en écoutant un politique parler le midi », deux événements percutèrent sa trajectoire, non seulement le Cercle de Lorraine avait déserté le quartier Prince d’Orange pour le centre mais surtout le jeune entrepreneur eut vent que le Club rechignait à accueillir des commerçants ou des petits entrepreneurs parmi ses membres, aussi successfull soient-ils. L’idée du B19 était née. La différence ? Pas de lunch le midi, un fee à 600€ et des membres issus autant des TPE, des PME que les grosses boîtes. Rien de pompeux, de la modernité, ici on « business » à l’heure du breakfast ou de l’apéritif en écoutant les stories et conseils de tous ceux qui ont très bien réussi. Des stars du business, du BEL 20 ou du CAC 40 mais aussi des hommes comme Dany Boon. Bref, du lourd ! « A l’époque, tout le monde me prenait de haut, aucun cercle ne voulait s’associer à mon idée alors je me suis lancé seul, mon rêve était d’atteindre les 500 membres un jour ». Au départ de 280 inscrits, le B19 s’enorgueillit aujourd’hui de compter plus de 1700 membres. Son objectif à présent ? Le double dans 3 ans. Et après s’être attaqué naturellement au Brabant Wallon, Liège et le Luxembourg, cap est ensuite mis sur la Flandre, Gand et Anvers évidemment. C’est grâce à un de ses invités conférenciers, le ministre Jan Jambon qui s’exclamait 6 fois dans la soirée « B19, wat een fijne formule ». Quand à la prochaine étape, elle est déjà prévue, ce sera Paris en mars 2021.

« Ma chance, c’est qu’on m’en a laissé plusieurs dans ma vie, quand j’étais jeune et que je faisais des conneries mon père lui ne m’a jamais lâché, il refusait de me laisser rater ma vie » résume-t-il aujourd’hui. Une raison qui le poussait à créer l’Ecole 19 en 2017 avec son ami Ian Galienne. L’idée ? Recréer l’Ecole 42 de Xavier Niel (Paris) pour former des jeunes à l’écosystème digital en leur permettant de trouver un job directement à l’issue de leur formation. Du 100% bénévolat pour le duo Bogaerts-Galienne mais surtout du 100% gratuit pour les étudiants, l’école étant financée exclusivement par des entreprises mécènes en quête de ces talents qu’elles sponsorisent. Après 3 ans d’existence seulement, l’Ecole comptera en janvier prochain plus 450 étudiants. « Offrir aux autres la chance que mon père m’a donnée, c’est ça qui me permet de bien dormir la nuit » conclut-il alors.

Après avoir abordé le business et l’Ecole 19, qu’en est-il à présent de la presse ? Un secteur difficile, d’autant plus pour un Père UBU qui en 2007 sent fortement le souffre. A l’époque, tout le monde lui conseille de le vendre sauf Christian Van Thillo, le patron de DPG media, le gigantesque groupe de presse flamand « Quand on a la chance d’avoir un journal, on le garde ! » lui dit-il. Petit à petit, Père UBU remonte la pente et se refait une beauté avant pour John Bogaerts d’acquérir avec Arnaud Van Dosselaer son concurrent et de fusionner ensuite les deux titres pour ne garder que celui de « PAN ». Un mariage réussi, chiffres à l’appui, 2.000 ventes par semaine, pour 1.500 abonnements « Y’a pas à dire Pan est redevenu un très chouette canard » s’exclame son éditeur. C’est ainsi et naturellement que le fondateur du B19 finit lui-même par taper dans l’œil des autres médias, une personnalité hors-norme, de l’humour et un sacré franc-parler, pourquoi s’en passer ? Certainement pas LN24 qui vient de lui confier sa propre émission « The John late show » deux vendredis par mois et pour Radio Judaïca de l’inviter dans la foulée tous les lundis matins sur antenne. Si son père n’aura jamais vu la réussite de ce fils dans lequel il avait toujours cru, Mamy Georgette elle, si. Elle ne manquait pas de le lui rappeler d’ailleurs « Tu vois, je te l’avais toujours dit ».

Un peu grande gueule dans les dîners et les réceptions, question réussite, John Bogaerts se la joue très modeste même s’il reconnaît sourire en coin quand on lui dit aujourd’hui « j’ai toujours cru en toi ». De son parcours, il retient surtout deux choses, d’abord que tous les jeunes ont droit à une 2 ou une 3ème chance mais aussi que personne n’échoue s’il a vraiment beaucoup travaillé. A la question de ce qui le faisait autant courir, il ne saurait vous le dire, en revanche, ce qui le touche le plus c’est lorsqu’on lui dit : « Tu sais John, malgré tout ce qui t’arrive, tu es toujours resté le même ».


www.b19.be
www.s19.be
www.pan.be