PETER IVENS : « Je préfère l’âme et le caractère à la perfection »
PETER IVENS
« Je préfère l’âme et le caractère à la perfection »
PETER IVENS
« Je préfère l’âme et le caractère à la perfection »Mots : BARBARA WESOLY
Photos : EEFJE DE CONINCK & SENNE VAN DER VEN
C’est la vie qui s’impose au cœur de la vision de Peter Ivens. Celle, expressive et vibrante, qui nourrit une architecture intérieure à l’élégance chaleureuse et au minimalisme habité. Une empreinte d’authenticité et d’exception, qu’il cultive seul, comme en duo, avec la décoratrice Bea Mombaers.
Vous l’affirmez, chaque lieu possède sa propre histoire personnelle. Quels sont ceux qui vous ont menés sur le chemin de l’architecture ? Étonnamment il s’agissait de boutiques de mode. Je viens d’une famille de maîtres tailleurs depuis cinq générations. Mes parents possédaient donc des magasins, et, espérant que je leur succède un jour, ils m’ont chargé d’en retravailler l’intérieur. Découvrant cette rénovation, certains de nos clients m’ont à leur tour sollicité pour des projets architecturaux, notamment résidentiels. Cela m’a passionné et j’ai décidé d’en faire mon métier. C’était finalement presque un hasard, gouverné par les rencontres. Et cela n’a pas changé. Tout demeure question de personnes et d’interaction. J’ai besoin de sentir une véritable connexion avec ceux pour qui j’imagine des lieux.
Hôtels, maisons de maître et même granges, vos réalisations sont aussi éclectiques que votre style est élégant et intemporel. Comment le perpétuez-vous au fil de projets si multiples ? Peu importe qu’il s’agisse d’un penthouse à la mer ou d’une maison en béton, le fil rouge reste une forme de poésie, qui passe par l’artisanat, le fait-main et le soin des détails. Et un lien intense avec la nature qui me pousse à travailler uniquement des matériaux organiques et chargés d’histoire comme des pierres douces, du bois et du métal patinés. J’aime aussi créer à partir d’obstacles et de contraintes. Je les trouve plus intéressants qu’une page blanche. On a trop tendance à rechercher la perfection. De mon côté, j’apprécie ce qui a du caractère, même si ce n’est pas lisse. Les fissures sur les murs, les matériaux qui évoluent. C’est de la vie que naît le charme, l’âme et la personnalité unique d’un endroit.
Après près de trente ans de création, 2024 a vu la publication de « Houses », votre première rétrospective. Qu’avez-vous souhaité que l’ouvrage raconte ? Le livre présente dix projets de maisons issus des cinq dernières années. Dix architectures d’intérieur variées, autant par leur style que leur conception. Mon but était de montrer différentes facettes de mon univers, tout en conservant une forme d’unité. C’est la signature photographique qui accomplit ce lien. Les clichés ont été réalisés en analogique, pour avoir un grain, une couleur, une lumière, qui reflètent tout ce que je désire transmettre, notamment cet équilibre entre sophistication et simplicité et cette harmonie issue d’une forme d’authenticité, à laquelle je suis très sensible. C’est une fenêtre sur mon travail, mais aussi de celui de Bea Mombaers qui a signé l’aménagement d’une majorité des lieux.
Bea Mombaers, votre complice de longue date. Qu’est- ce qui fait la force de votre tandem ? Entre Bea et moi, c’est un vrai coup de foudre amical, une histoire entamée il y a 25 ans, lorsque nous nous sommes rencontrés à la mer, en pratiquant la voile. Elle est comme une sœur pour moi. Nous voyageons même ensemble pour trouver des objets et des inspirations. Nous sommes complémentaires et possédons une passion commune pour le minimalisme chaleureux, le mélange d’influences et les lieux habités, éclectiques, vintage, mêlant mémoire et modernité. C’est ce qui nous permet de flouter les limites entre décoration et design pour atteindre une cohérence esthétique.
Vous acheviez d’ailleurs récemment ensemble la rénovation de l’hôtel Julien à Anvers. Quel était l’axe de cette transformation ? Nous connaissions bien les lieux, ayant réalisé une exposition sur place il y a onze ans. Les deux bâtiments datant du 18e siècle et devant être préservés en raison de leur richesse historique, il n’était pas question de toucher à la structure et à l’agencement intérieur, mais plutôt de travailler l’atmosphère, pour lui apporter de la chaleur, grâce aux matériaux, à la lumière et au mobilier. L’éclairage met l’accent sur les détails architecturaux, le bois massif et les lambris se marient aux moulures, les tons terracotta, écru et gris et les textures mélangées, créent une combinaison raffinée de luxe et de convivialité.
Quels sont vos projets en préparation, seul ou en duo ? Ils sont nombreux et nous les signerons presque tous à quatre mains. De petites maisons à Port Grimaud, sur le Golfe de Saint-Tropez, une résidence historique à Bruges, une immense finca du côté de Marbella, des rénovations ainsi que des espaces à construire. Petits ou grands chantiers, finalement à mes yeux cela importe peu. Ce qui me rend fier est de revenir des années plus tard sur les lieux que j’ai conçus pour découvrir que ceux qui les habitent continuent de faire vivre et évoluer l’âme que j’ai voulue y insuffler.
Bea Mombaers - L’élégance instinctive
Bea Mombaers
L’élégance instinctive
Mots : Olivia Roks
Photos : DR
En Belgique, le nom de Bea Mombaers est devenu synonyme de raffinement discret et d’esthétique intemporelle. Styliste d’intérieur et designer, elle a su imposer son univers singulier en suivant une voie atypique : celle de l’instinct, plutôt que de la formation académique.
Bea Mombaers, qui êtes-vous ? D’où vous vient cet amour pour la décoration ? Je suis une femme plus très jeune mais toujours passionnée, obnubilée par la décoration depuis mon plus jeune âge. J’aime assembler mobilier, accessoires, objets pour former un bel ensemble. Petite, je passais mon temps à réaménager ma chambre, à changer la disposition des meubles. Mes débuts se sont faits dans un magnifique magasin de mobilier. Puis, entre chine et organisation de ventes, j’ai affiné mon regard avant de ressentir le désir d’ouvrir ma propre adresse. Items a vu le jour il y a une vingtaine d’années à Knokke. La boutique a très vite plu. Bien sûr, en parallèle, de fil en aiguille, j’ai commencé à aménager de plus en plus d’intérieurs.
Aujourd’hui, la liste est longue. Des intérieurs harmonieux, une boutique, un livre, des collaborations avec Serax, des sacs en cuir… Vous aimez vous entourer de belles choses. Contez-nous l’histoire de ces aventures variées. La collaboration Serax a commencé par hasard. J’étais en charge de la décoration d’une maison à Knokke et je cherchais des canapés. Je souhaitais quelque chose de simple, sobre et intemporel qui pourrait se marier à tous les styles. Du coup, j’ai fait faire un canapé à mon image. Le patron de Serax, Axel, l’a vu et l’a adoré, il a alors souhaité le commercialiser. Et cette collaboration s’est poursuivie avec la création d’autres objets comme des tables basses, des lampes ou encore un seau en inox pour les bouteilles.
Outre du mobilier pour la marque belge Serax, vous avez aussi créé de superbes sacs en cuir ? Oui, d’ailleurs leur commercialisation est en pleine expansion. J’ai toujours désiré imaginer un sac. Dès leur création, main dans la main avec Liesbet Verstraeten (studio Cuoio), ils ont remporté un franc succès. Désormais, depuis un an, ces sacs ont conquis le monde entier prenant place dans de très belles boutiques en Europe, en Suisse mais aussi aux USA (notamment à New York), en Corée ou encore à Tokyo. Une très belle aventure… Ce sont des sacs à la fois élégants, intemporels et fonctionnels. Il y a plusieurs modèles déclinés dans des cuirs de différentes couleurs (noir, brun, blanc, vert…). Notre sac iconique reste notre premier modèle, le Shopper. Un sac unisexe, super pratique et qui peut se porter de diverses manières. Aujourd’hui il est décliné du S au XL ! Mais nous avons aussi d’autres modèles et de petits accessoires pour utiliser les chutes de cuir. Ils sont disponibles sur simple message Instagram ou, si vous préférez, directement dans ma boutique.
Justement, votre boutique Items est une institution à Knokke ! Elle ravit les passants depuis de nombreuses années… Depuis une vingtaine d’années… Pour ma boutique Items, je n’achète que ce qui me plaît. Mais vu que j’aime une panoplie d’objets, on y trouve aussi bien de l’art de la table que des coussins, des planches en bois, des œuvres d’art, des luminaires que des meubles. C’est une adresse qui rassemble mes coups de cœur, c’est important de s’entourer de choses qu’on aime. Mon style est minimaliste sans être austère : j’aime la sobriété, mais toujours teintée de chaleur. J’adore le bois, le métal, l’alpaga, principalement des matières naturelles. Travailler avec de nouveaux talents et artisans, tels que Céline Nassaux et Tim Dubus, est également important à mes yeux.
Vous imaginez depuis une quinzaine d’années des projets d’aménagement intérieur en duo avec Peter Ivens. Vous semblez inséparables. Qu’est-ce qui vous unit et vous différencie ? On s’est rencontré à Knokke. On a très vite été sur la même longueur d’ondes. Peter a étudié l’architecture d’intérieur, il a un bureau avec cinq personnes qui travaillent pour lui. Quand on travaille ensemble, on associe nos idées et tout coule de source. On décide vraiment tout, main dans la main. Ce qui nous unit, c’est sans nul doute de ne rien dire et de penser pareil, se comprendre sans parler. Quelle facilité ! Ce qui pourrait nous différencier est que Peter gère toute la technique, les plans… Dans les projets, lui se tourne volontiers vers le bois sombre, alors que j’ai un faible pour les teintes plus claires, que je trouve plus lumineuses. J’associe le bois foncé à une dimension plus masculine.
L’une de vos dernières réalisations en duo est l’hôtel Julien à Anvers. Quelle atmosphère vouliez-vous créer ? Un hôtel se doit d’offrir chaleur et confort, un lieu où l’on souhaite rester, s’éterniser. Sans toucher à la circulation ni à la structure du lieu, on l’a repensé dans une approche à la fois sobre et sophistiquée, discrète et raffinée. Du mobilier sur mesure a été conçu et créé pour la réception, le salon, le bar et de beaux objets viennent agrémenter le lieu dans des tonalités de beige et de brun… L’hôtel entre dans une nouvelle ère, tout en conservant son âme.
Quels sont vos projets futurs ? Mon appartement bruxellois qui me sert aussi de showroom et de galerie va déménager avenue Molière. Un gros projet qui, peu à peu, touche à sa fin, l’ouverture est pour cette fin d’année.
Tristan Montabord-Marc, entre sublime et sensibilité
Tristan Montabord-Marc, entre sublime et sensibilité
Mots : Barbara Wesoly
Photos : Alexander Popelier, Caféine, Klas Verdru
Dans le paysage architectural belge, Tristan Montabord- Marc s’impose par une voix singulière, celle d’émotions qui révèlent et de lieux qui racontent. Alliance d’équilibre et de matières nobles, les lieux qu’il dessine se distinguent par leur singularité et leur sentiment d’appartenance intérieure.
Fondé il y a cinq ans à Lille, votre studio d’architecture intérieure, a déménagé récemment pour Bruxelles, au sein d’un nouvel espace que vous décrivez comme l’incarnation de votre approche. Quelle est-elle ? Elle est guidée par une sensibilité particulière à l’espace, au foyer, à la notion de chez soi. Enfant je vivais seul avec ma mère, nous déménagions beaucoup et je ressentais profondément le besoin d’avoir un point d’ancrage. Ce principe reste fondamental pour moi. Après avoir créé des projets pour un promoteur immobilier, j’avais le souhait d’exprimer cette philosophie de façon personnelle. Je me suis installé à Lille car j’y avais grandi mais Bruxelles est une ville dont j’aime l’énergie. Depuis près d’un an, j’ai donc investi cette maison de l’avenue Louise, dont j’ai refaçonné les espaces, afin qu’elle devienne une vitrine à part entière, racontant mon travail et ma vision bien plus que les mots ne pour- raient le faire. Un cadre libre qui traduise ma recherche d’authenticité et d’harmonie porteuse de sens, façonnée par la qualité des détails, même les plus minimes.
Il s’agissait aussi, en partie, d’un retour aux sources, puisque vous êtes belge par votre maman. Estimez-vous que cette identité ait influencé votre vision du design et de l’aménagement ? Dès le lancement du studio, je n’ai souhaité collaborer qu’avec des artisans belges, que j’estime être les meilleurs au monde. Un talent si précieux pour quelqu’un qui, comme moi, considère les finitions comme le reflet d’une forme d’exigence ultime. D’autant que je m’attache à employer des matériaux bruts et purs, qui doivent être travaillés avec énormément de savoir-faire et finesse. Je ressens un profond respect pour la nature. J’aime la sensation qu’elle suscite en nous, entre connexion profonde et intimidation, par sa dimension qui nous dépasse. Une notion de grandeur, que j’aspire à reproduire dans les endroits que je conçois, par les proportions, la hauteur, la matérialité.
Vous expliquez souhaiter que vos réalisations permettent de « vivre l’exceptionnel au quotidien, notamment par les rituels du quotidien et les gestes humains ». Une forme d’art d’habiter un lieu ? Il s’agit surtout d’écoute. C’est elle qui construit le projet et qui lui donne une véritable justesse. Je ne vise pas la performance mais la connexion. Pour imaginer un foyer, je dois m’ancrer dans la vie et les besoins et les rêves de ses futurs occupants. Un simple rendez-vous ne suffit pas. Avant d’accepter un projet, je leur pose des dizaines de questions et découvre leur habitation actuelle. J’ai besoin de savoir ce qu’ils désirent en conserver et emporter avec eux, objets comme émotions. Et je me rends sur le chantier futur, avec mon tabouret et de la musique. Je reste là plusieurs heures, à regarder simplement la lumière changer et ressentir l’atmosphère. Comprendre un endroit comme une personne demande un vrai partage, une forme d’intimité, qui ne se remplace pas.
C’est un principe qui ressemble aux débuts d’une histoire d’amour ? En effet. Mon souhait est qu’en entrant dans ce lieu, ceux pour qui je l’ai créé aient l’impression d’y avoir toujours vécu, comme on peut, lors d’un coup de foudre, avoir la sensation de connaître l’autre depuis très longtemps. Un sentiment d’évidence. Et, comme pour une histoire d’amour, j’aime aussi les lieux qui ne révèlent pas tout au premier regard. Cela se traduit par l’organisation des espaces, la hauteur des plafonds, le chemin de circulation. Le vrai luxe pour moi est de pouvoir y marcher. Cela me permet de me sentir libre.
Vous avez aussi créé une collection de mobilier, nommée Auguste. Les objets ont-ils un rôle essentiel à jouer dans la conception d’un intérieur ? Cette philosophie passée qui considérait le mobilier comme l’extension naturelle de l’architecture m’inspire beaucoup. Les réalisations les plus passionnantes sont celles que l’on peut faire naître dans leur globalité. C’est aussi important de laisser une place aux objets qui comptent pour leurs propriétaires. Il n’y a rien de plus beau que de pouvoir intégrer au projet une table ou un cadre ayant une valeur affective. Auguste était aussi l’occasion pour moi de créer une collection indépendante, qui puisse vivre par elle-même ou m’accompagner au fil de plusieurs réalisations.
Rejoint-elle une ambition plus vaste, pour l’avenir de votre studio ? Oui, parmi mes souhaits, il y a celui de travailler sur des lieux éphémères, comme des hôtels, en imaginant également les meubles intérieurs. Habiter un endroit seulement quelques heures ou jours est une démarche différente, une autre forme de lecture du chez soi. Et une relation à part.
FLAMANT : quand l’élégance devient art de vivre
FLAMANT
Quand l’élégance devient art de vivre
Mots : Barbara Wesoly
Photos : Jon Verhoeft, Lieven Dirckx
Plus qu’un univers décoratif, FLAMANT raconte l’émotion du beau. Une enseigne d’âme, où le design fait écho à la douceur intemporelle autant qu’à la tradition revisitée.
Rencontre avec Michèle Beerlandt, CEO de la Maison, qui perpétue cet éloge du style.
Au fil de quarante-sept ans d’existence, FLAMANT s’est imposé comme référence du design d’intérieur. Quelles sont les valeurs qui ont inspiré et porté cette exceptionnelle success story ? FLAMANT s’est façonné autour de valeurs profondes d’authenticité, d’élégance et de chaleur humaine. D’un art de vivre qui honore l’excellence et le détail et aspire à l’harmonie. Chaque pièce, chaque espace que nous imaginons a pour vocation de raconter une histoire, et d’inviter au bien-être. Cet esprit fondateur a traversé les décennies avec justesse car il touche à l’essentiel, le désir universel de se sentir bien chez soi.
Comment la Maison parvient-elle à un équilibre entre identité et modernité, héritage et empreinte contemporaine ? Par une alliance d’intemporalité, de qualité artisanale et d’émotion. En ayant à cœur de préserver notre âme tout en restant profondément ancrés dans notre époque. De réinventer nos classiques et d’enrichir saison après saison notre signature, d’un regard neuf. Cela passe par le jeu subtil des matières, des finitions, des couleurs et des proportions, autour de collections pensées pour durer et se patiner avec le temps et les souvenirs heureux et de modèles prêts à devenir complices du quotidien.
En prenant les rênes de l’enseigne, à la fin de l’année 2023, souhaitiez-vous marquer un tournant ? Depuis 1978 et la transformation par Alex Flamant du magasin d’antiquités de son père en concept dédié à la décoration et au design, FLAMANT s’est construit autour d’un savoir-faire exigeant et d’une esthétique sobre, chaleureuse et empreinte d’authenticité. Une alchimie unique, qui lui a permis de commencer son parcours international mais aussi de devenir Fournisseur Breveté de la Cour de Belgique. Mon ambition n’a jamais été de bouleverser l’essence de la Maison, mais plutôt de l’animer d’une énergie nouvelle. En tant qu’architecte d’intérieur, j’ai appris à penser chaque lieu comme un cadre vivant, voué à comprendre les véritables besoins des gens, au-delà des styles, avec une attention particulière pour la cohérence des volumes, le dialogue entre les textures, l’équilibre permettant à l’espace de respirer. Il était essentiel pour moi de renforcer le lien entre design, architecture et émotion et d’ouvrir de nouvelles perspectives tout en restant fidèle à ce qui fait la magie de FLAMANT.
Ces quatre décennies ont vu se succéder de multiples gammes. Quelles sont pour vous les pièces emblématiques de la marque, celles qui ont gardé leur sublime malgré le passage du temps ? Certains modèles sont devenus au fil du temps de véritables icônes de la Maison, indissociables de son histoire et de sa définition de l’art de vivre. La bibliothèque Baltimore par exemple, qui mêle élégance classique et modularité et a trouvé sa place dans tant d’intérieurs. La collection Togo qui raconte une histoire de tradition, de qualité et de design éthique, intrinsèque à FLAMANT. Et puis il y a les créations Manhattan et leur esprit cosmopolite, sophistiqué et intemporel, propre à toutes nos gammes. Des pièces que nous voyons vivre et se transmettre, continuant année après année à exprimer l’âme de l’enseigne.
Chaque collection FLAMANT est déterminée par une atmosphère, une émotion particulière. Quel est le fil rouge de la gamme Automne-Hiver et ses nouveautés ? Nous avons travaillé des matières plus brutes, des textures chaleureuses, des touches de velours et de lin notamment, une palette inspirée par la nature et sa transformation automnale, avec des bruns profonds, des verts mousseux, des accents cuivrés. De nouvelles silhouettes plus fluides viennent aussi apporter de la légèreté et quelques pièces audacieuses dialoguent avec nos classiques. La douceur y est omniprésente, tout comme un raffinement empreint de convivialité.
Comment préparez-vous le rayonnement de l’enseigne pour les années à venir ? Je vois FLAMANT comme une Maison en mouvement, ancrée dans ses racines et en même temps tournée vers demain. Nous travaillons sur de nouveaux concepts de vente et renforçons toujours plus nos services sur-mesure, permettant de composer un espace personnalisé, à l’image de nos clients ainsi que notre collaboration cuisine et salle de bain entamée en 2024, avec MODULNOVA. Rencontrant un réel succès, elle ajoute une facette supplémentaire à notre métier de « curateur de l’intérieur ». Nous aspirons aussi à continuer de grandir. 400 boutiques internatio- nales distribuent déjà des produits de l’enseigne. Un écho de cette vision unique de l’art de vivre, qui dépasse nos frontières, mais qui se construit avec autant de passion que d’exigence. Il ne s’agit pas de chercher des points de vente, mais des ambassadeurs, qui transmettront l’élégance discrète et la sobriété douce qui habitent notre univers.
AFILO : designers d’émotions
AFILO
Designers d’émotions
Mots : Barbara Wesoly
Photos : Jon Verhoeft,Gary EDW
Pour Samantha Jacot et Thomas Ersoch, plus qu’un bel espace, l’aménagement intérieur se veut une histoire à vivre et à ressentir, guidée par la maîtrise technique, le savoir-faire artisanal et le goût de l’élégance. À la mesure de la superbe villa nichée sur les hauteurs de Marbella, dont le duo a récemment conçu les espaces, avec l’exclusivité et l’expertise qui caractérisent Afílo.
Quels sont les fondements de l’univers d’Afílo ? Samantha : C’est un profond mélange d’universalité et de sur-mesure. Le premier s’affirme par l’excellence des matériaux mais aussi des technologies et des procédés de création, des principes fondateurs auxquels nous ne dérogeons jamais. Le second, par la personnalisation qui accompagne chacune de nos réalisations et l’attention du détail capable de magnifier l’expérience et d’amener l’ergonomie, le design et l’émotion, à leur pleine mesure.
Émotion, un mot qui revient fréquemment dans le vocabulaire d’Afílo. En a-t-elle inspiré la création il y a vingt-cinq ans ? Thomas : L’essence d’un endroit reste son émotion. Aussi bien pour nous, qui tombons amoureux de chaque projet que nous élaborons, que par le sentiment que nous cherchons à transmettre aux lieux. En italien, on le traduirait par la « goduria », la joie, le bonheur.
Samantha : Chaque réalisation représente en moyenne deux ans de travail, de passion et d’implication pour concevoir un intérieur où l’on a envie de partager et de savourer. Et nous adorons surprendre ceux qui font appel à nous par des éléments inattendus qui les amèneront à sortir de leur zone de confort tout en comblant leurs attentes.
Thomas : L’émotion est essentielle mais elle ne définit pas à elle seule notre bureau. L’expertise en est aussi un aspect majeur, notamment celle que j’ai acquise avant Afílo, en travaillant pour un producteur italien, spécialisé dans la création de cuisines. Cette connaissance des procédés de fabrication et de leurs contraintes techniques a représenté un immense atout, non seulement de répondre aux souhaits de nos clients mais aussi pour leur proposer une approche innovante. Et puis, il y a 10 ans, Samantha m’a rejoint, forte de sa profonde expérience dans le domaine de l’architecture d’intérieur, amenant une belle synergie créative entre nous.
Derrière ce nom aux accents chantants se cache un terme italien, signifiant « fil à plomb » et évoquant la technicité de vos projets ainsi que les racines transalpines de Thomas. Jusqu’où s’impose cet héritage ? Thomas : L’histoire d’Afílo est directement liée à celle des designers qui ont élevé le made in Italy en référence du mobilier contemporain. C’est une source d’inspiration, mais aussi de savoir-faire puisque nous ne travaillons qu’avec des marques et fabricants italiens, dont la maîtrise et la qualité demeurent inégalées. C’est cette excellence qui nous permet une vraie réinterprétation des produits. Ils sont également précurseurs, notamment en matière d’alternatives respectueuses
de l’environnement. Or c’est de la durabilité et de la qualité des matières premières que peut naître l’intemporalité d’un design.
Si Afílo met à l’honneur le made in Italy, c’est bien en Espagne que vous a conduit l’un de vos projets les plus ambitieux. Samantha : Nous avons en effet achevé l’aménagement intérieur d’une immense villa de 1000 m2 et 400 m2 de terrain, construite sur un rocher, au cœur d’une zone protégée près de Marbella. En être partie prenante dès le début de la construction nous a donné l’opportunité de gérer les espaces et les volumes intérieurs ainsi que le travail de lumière, magnifié par d’immenses baies vitrées qui dévoilent les montagnes environnantes. Nos clients souhaitaient un espace de vie contemporain et épuré, que nous avons travaillé par l’emploi prépondérant du bois et de la pierre, afin de créer une harmonie entre l’espace et la matière.
Aspirez-vous à toujours plus de projets mêlant ailleurs et nouvelles constructions ? Thomas : Nous avons eu la chance de concevoir de très belles résidences à Saint-Barthélemy, à Montréal ou encore en Suisse, mais nous aimons tout autant travailler à des rénovations, parcellaires ou complètes, comme celles que nous réalisons actuellement pour l’ancienne ambassade d’Autriche ou la transformation, tout juste entamée, d’un bâtiment en multiples appartements. Il est beau de voir un lieu se métamorphoser, s’imprégner d’une nouvelle atmosphère.
Vous avez récemment achevé votre déménagement, marque-t-il une nouvelle ère pour Afílo ? Samantha : Totalement. Nous ne quittons pas le bâtiment ixellois où nous étions installés, mais nous en avons investi un autre emplacement, afin de donner vie au Afílo Studio. Après de nombreuses années à proposer un espace de vente en parallèle à un bureau d’études, nous entamons aujourd’hui un nouveau chapitre, avec une structure consacrée uniquement à la conception et au sur-mesure. Un lieu de rencontre où nos clients pourront s’immerger dans notre univers. Un nouveau cadre d’émotion.
SIMON DE BURBURE : « Les défis alimentent ma créativité »
SIMON DE BURBURE
« Les défis alimentent ma créativité »
Mots : Barbara Wesoly
Photos : Caféine
Les challenges le guident vers l’excellence et les proportions rigoureuses nourrissent sa recherche de
douceur. Pour Simon de Burbure, l’architecture résidentielle se fait l’écho d’une aventure humaine, dont les lieux ouvrent la voie à une approche épurée et sensible.
Certains architectes trouvent leur vocation dans un héritage familial, d’autres dans l’admiration des bâtiments ou des paysages. Quel a été pour vous le socle de cette passion ? Dès douze ans, j’ai compris que le lycée sous sa forme classique ne me convenait pas. Il était impossible pour moi de rester aussi passif. J’avais besoin de laisser s’exprimer ma créativité, de la mettre en pratique. Aimant dessiner, j’ai intégré à seize ans une école d’art à Gand qui proposait des cours d’architecture, avant de continuer à me former à la KU Louvain. J’ai ensuite rejoint le bureau de Bernard De Clerck pour lequel j’ai travaillé durant cinq ans. En parallèle à son approche très classique, je réalisais des projets plus personnels sous mon propre nom. Cette activité a grandi, jusqu’à devenir centrale. Et depuis 2018, je m’y consacre entièrement.
Comment de cette immersion dans une architecture classique, en êtes- vous venu à une signature nettement plus contemporaine ? Cette première expérience m’a amené sur des chantiers en Italie et en France, ainsi qu’à restaurer des châteaux en Irlande. J’ai été fasciné par les proportions et la symétrie des bâtiments anciens, cette forme de rigueur guidée par des principes stricts. Et je m’attache en effet à réinterpréter ces lignes à l’aune d’une architecture plus contemporaine mais finalement assez hybride. Je n’aime pas la stérilité des designs trop modernes. Une maison doit demeurer chaleureuse. Cette alchimie naît de multiples éléments tels que l’emploi de teintes naturelles, une attention particulière accordée à la transparence et aux vues, ainsi qu’une certaine forme de douceur.
Pourquoi avoir fait le choix de vous concentrer exclusivement sur le résidentiel ? Pour l’infinité de ses possibilités, sa constante réinvention. Chaque projet développe un nouveau concept. Chaque lieu est imaginé sur-mesure. Lorsqu’un client fait appel à moi, je passe des heures à analyser sa façon de se mouvoir dans l’espace et de l’habiter, ses habitudes et les besoins qui en découlent. C’est une adaptation permanente de l’architecture à l’humain. Le résidentiel se détache de certaines contraintes et me permet d’employer pleinement ma créativité. Ces espaces, que je dessine durant deux ou trois mois, je les imagine comme un cadre où j’aimerais habiter. C’est une approche très personnelle, celle d’un refuge vivant, tactile. C’est ce qui m’amène à choisir des matériaux patinés, texturés, à aimer travailler notamment avec de l’argile. À côté de la beauté, la gestion de l’espace et des finitions est également essentielle. L’humidité, l’acoustique, font tout autant partie de l’expérience et du plaisir à vivre dans un lieu.
Quel projet raconte le plus intimement votre approche ? Il y en a tellement. Notamment une belle maison située à Courtrai et qui donne l’impression d’être perdue au milieu des bois. L’intégration de l’architecture à la nature est un élément prégnant pour moi. Elle se trouvait déjà sur une butte, mais je l’ai encore surélevée, faisant en sorte que la cuisine semble installée au milieu des arbres. Cela donne un résultat organique, presque sauvage. Il y a aussi la VC House, une résidence de 1200 m2 à proximité du golf de Knokke, dont les surfaces travaillées dans une palette de tons neutres s’ouvrent sur la végétation. Même si j’estime que créer un univers intérieur est la base de toute architecture, j’utilise l’équilibre et la symétrie pour obtenir un dialogue entre l’espace et le jardin. En alignant par exemple les arbres selon certains axes des lieux.
Vous n’acceptez que huit projets par an. Quels sont vos critères de choix pour ceux-ci ? Les rencontres. J’aime les gens qui me challengent par leur sensibilité. Ceux qui collectionnent les œuvres, sont fous de chevaux ou ont des désirs très spécifiques. Leur passion nourrit la mienne, me pousse dans mes retranchements. J’ai ainsi réalisé une maison pour un client possédant 300 pièces d’art et dont les murs, mais aussi la vue, devaient être pensés en fonction de celles-ci. Huit n’est pas un nombre gravé dans le marbre, mais je me limite afin de pouvoir m’immerger totalement dans chaque réalisation. Je viens d’achever la rénovation d’un petit château face à la plage, auquel est venu s’ajouter une annexe moderne de 700 m2. J’ai égale- ment retravaillé récemment une résidence pour lui donner une approche brutaliste. J’apprécie la diversité et plus encore les défis. Je rêve de construire une maison sur un rocher ou bordant la mer. Et de pouvoir créer chaque meuble au sein d’un endroit. Aller au plus loin, au plus profond d’un projet, vers tou jours plus de complexité.
L’HÔTEL JULIEN SE RÉINVENTE SANS PERDRE SON ÂME
L’HÔTEL JULIEN SE RÉINVENTE SANS PERDRE SON ÂME
Mots : NICOLAS DE BRUYN
Photos : YVES DRIEGHE
Vingt ans après son ouverture, l’Hôtel Julien, pionnier des boutique-hôtels à Anvers, a rouvert ses portes après une métamorphose ambitieuse. Sous l’impulsion du duo formé par Bea Mombaers, décoratrice d’intérieur, et Peter Ivens, architecte d’intérieur, l’adresse emblématique conjugue aujourd’hui patrimoine et raffinement contemporain, tout en préservant l’atmosphère intime qui a forgé sa réputation.
Au cœur historique d’Anvers, derrière les façades du XVIe siècle de la Korte Nieuwstraat, l’Hôtel Julien s’est imposé, dès 2004, comme un refuge élégant et discret. Avec ses 21 chambres, son bar, sa terrasse sur le toit et son espace wellness, l’établissement s’est rapidement taillé une place à part dans le paysage hôtelier anversois. Mais après deux décennies, l’heure était venue d’offrir une nouvelle dynamique à cette adresse emblématique.
La propriétaire, Mouche Van Hool, souhaitait offrir un nouveau souffle à l’hôtel sans en trahir l’esprit d’origine. Elle a donc choisi de confier la rénovation à deux complices de longue date : Bea Mombaers, décoratrice d’intérieur au style de luxe discret, et Peter Ivens, architecte d’intérieur reconnu pour sa capacité à révéler l’atmosphère des lieux. Un duo qu’elle connaît et admire, et en qui elle a trouvé la garantie d’une transformation fidèle à la philosophie de l’Hôtel Julien : un boutique-hôtel intime, chaleureux et raffiné, pensé comme une maison d’amis.
Leur intervention a consisté à réinventer sans bouleverser. Pas question de toucher à la circulation originelle, mais de renforcer l’atmosphère avec des matériaux massifs et patinés, du mobilier sur mesure et une mise en lumière pensée avec PS Lab. Dans le salon, le bar ou la salle du petit-déjeuner désormais servis à la carte, tout respire la sophistication sans ostentation.
Cette rénovation marque aussi une première : si Mombaers et Ivens signent depuis quinze ans des projets résidentiels remarqués en Belgique comme à l’étranger, l’Hôtel Julien est leur première incursion dans l’hôtellerie.
Cette métamorphose ne change pas l’essentiel : à l’Hôtel Julien, on oublie vite l’extérieur. On y vient pour dormir, mais on y reste pour l’atmosphère : un verre au bar feutré, un moment suspendu au spa, un petit-déjeuner hyper savoureux. Ici, le temps ralentit, les volumes apaisent, la lumière caresse la pierre. Une adresse qui se vit autant qu’elle se décrit.
Erased Studio - Créateur de tous les possibles
Erased Studio
Créateur de tous les possibles
Mots : Barbara Wesoly
Photos : DR
Mixte, multiple, hybride, la créativité selon Erased Studio ressemble à une perpétuelle redéfinition, où s’entremêlent au gré des projets, scénographie, architecture, design d’intérieur et direction artistique. Rencontre avec ses fondateurs, Elliott Housiaux et Paul-Emile De Smedt, qui ont fait de l’expérimentation une œuvre esthétique à part entière.
Erased, effacé en anglais. Un terme qui semble taillé pour votre studio créatif, dont les réalisations gomment les définitions classiques. L’avez-vous choisi justement pour raconter cette approche polymorphe qui peut vous amener à concevoir un jour l’aménagement du café-restaurant bruxellois BATCH et le lendemain à réaliser une structure scénique pour le Voodoo Village ? Elliott : C’est en fait notre premier évènement, le Erased Festival, qui nous l’a inspiré. Créé en 2019, et installé en pleine forêt, il mêlait durant douze heures de live, l’art, l’architecture et la musique électronique. Après le succès de celui-ci et au fil de ses trois éditions, les demandes pour d’autres créations ont afflué, nous amenant à donner un vrai cadre à notre projet. D’abord en parallèle à nos activités professionnelles, puis supplantant petit à petit celles-ci jusqu’à travailler pleinement pour le studio depuis 2023. Le nom du festival répondait au stage design sur le thème de l’art abstrait. Un courant qui présente une rupture avec la conception traditionnelle de l’art et dont le principe correspond en effet à la dynamique de notre studio et ses réalisations éclectiques.
Paul-Emile : Cette variété amène de nombreuses personnes à ne pas comprendre en quoi consiste exactement notre activité. Mais ce flou est très enrichissant, car il nous amène à être contactés pour des réalisations inédites et complexes.
Au lancement de l’Erased Festival, vos parcours respectifs d’architectes vous avaient conduits à travailler pour de prestigieux cabinets, comme ceux de Bernard Dubois, Charles Kaisin ou Nicolas Schuybroek. Vous rêviez en parallèle d’un projet « out of the box » ? Paul-Emile : Aimant tous deux le monde de la musique, c’était une évidence, mais qui venait aussi d’un souhait plus global. Déjà à l’époque de notre rencontre sur les bancs de l’UCLouvain Bruxelles, nous partagions la même volonté de créer des concepts qui dépasseraient le cadre de l’architecture classique, pour y mêler la scénographie et une dimension artistique. Pouvoir gérer chaque aspect d’un évènement ou du design d’un lieu, lui donne une cohérence globale bien plus forte et profonde. Et nous permet par une symbiose de ces éléments d’arriver à un résultat épuré et minimal qui soit en parallèle visuellement puissant. BATCH est un excellent exemple de notre process. De la création de meubles à l’identité graphique en passant par l’architecture intérieure, chaque élément créait une pertinence d’ensemble entre esthétique et concept.
Elliott : Mais, malgré l’alliance de ces multiples dimensions, nous restons avant tout des architectes et je pense que c’est ce qui fait toute la particularité de nos projets. Nous allons d’abord analyser le contexte de l’endroit d’origine et y intégrer ses particularités. Penser un plan avec des éléments structurels, comme des colonnes ou des cloisons, afin de subdiviser le lieu de manière architecturale. C’est cette approche et cette rigueur qui nous définissent.
Qu’il s’agisse de dessiner une tiny house comme CLBK Cabin ou du dîner de lancement de l’album de Lous and the Yakuza, s’agit-il toujours et avant tout de raconter une histoire ? Elliott : Nous n’allons jamais poser un geste artistique gratuit, mais toujours l’ancrer en effet dans un contexte et une réflexion. En parallèle, l’expérimentation reste une pleine part de l’identité du studio.
Paul-Emile : C’est cette exploration qui nous amène à des projets comme cette installation spatiale que nous avons conçue pour un mariage. Des voiles verticaux suspendus sous le plafond d’un gigantesque hangar transformaient l’atmosphère du lieu au passage du jour à la nuit. Il y avait derrière l’optique esthétique un système mécanique et constructif en amont. C’était l’aboutissement d’une réali-
sation monumentale et simple à la fois.
Où pourra-t-on découvrir vos prochaines créations ? Paul-Emile : Chez Ökēn notamment, dont nous avons réalisé récemment le design, transformant le parking en sous-sol du club TheMérode en bar à cocktails. Nous l’avons imaginé comme un speakeasy tout en restructurant l’espace avec différentes vues et perspectives afin de créer de multiples expériences et permettre de goûter à un verre intime au bar comme à un moment festif sur le dancefloor. Nous revenons aussi tout juste du festival Waking Life au Portugal, dont nous avons réalisé pour la seconde fois le stage design et travaillons aux scénographies de tournées d’artistes belges et internationaux. Nous n’aurions jamais imaginé l’ampleur que prendrait Erased Studio. Et nous avons encore tant à rêver et à explorer.
Bernard Dubois - L’élégance des évidences
Bernard Dubois
L’élégance des évidences
Mots : Barbara Wesoly
Photos : DR
Chaque lieu tel une histoire, chaque détail tel une promesse. Entre approche rigoureuse et raffinement feutré, héritage et réinterprétation, Bernard Dubois trace, aux quatre coins du monde, sa voie architecturale avec une subtilité singulière. Redéfinissant par un minimalisme habité, le luxe de l’espace.
Des boutiques couture de Courrèges et Lanvin à la galerie de l’artiste Xavier Hukens ou encore au restaurant PNY, mais aussi de Paris à New York, vos projets multiplient les domaines et les destinations. Sont-ils guidés par une recherche permanente de réinvention ? Fondamentalement, comme la plupart des créatifs, j’aspire à concevoir et bâtir le beau. Même si sa définition est bien sûr subjective et contextuelle, liée à l’époque ou au lieu. C’est une recherche permanente de ce qui va résonner, par son élégance, sa singularité, son optique contemporaine. On ne crée pas une galerie d’art comme un objet de design ou l’aménagement intérieur d’un hôtel, mais par ces nombreux contextes et ces différents espaces, l’essentiel reste de tendre vers ce qui me captive. Le travail de la forme et le développement d’un langage architectural, d’une narration spatiale.
Vous évoquez souvent vos influences plurielles de courants et d’époques, qu’il s’agisse de design, d’architecture ou d’art. Brouiller les frontières est-il pour vous une forme de signature ? Je cherche à m’inscrire dans une continuité historique sans pour autant céder à la reproduction littérale. Certains architectes demeurent des références depuis l’époque de mon cursus à La Cambre, comme Mies van der Rohe qui a défini les règles de l’architecture moderne, ou Rem Koolhaas qui m’a beaucoup inspiré. Tout comme je puise dans une série de codes, qui sont principalement ceux du 20e siècle, mais en y attisant une forme d’ambiguïté et de remise en question. En choisissant d’enfreindre une part de ces notions, voire de s’en jouer, par le volume, la matière ou les proportions. C’était notamment le cas pour un projet comme l’hôtel The Standard, où se mélangent le modernisme assez classique des sixties et une évocation des années 30. Où le rez-de-chaussée rappelle le style fonctionnaliste d’André Jacqmin, tandis que le Lila29, restaurant à la terrasse panoramique du dernier étage s’inspire de Miami et de son atmosphère ensoleillée. J’aime déplacer les éléments hors de leur contexte d’origine pour leur donner une autre échelle et forme inédite de matérialité.
Après plusieurs années de travail, The Standard vient en effet d’ouvrir ses portes à Bruxelles. Si entre-temps, vous avez conçu le Cap d’Antibes Beach Hotel et l’Hôtel Bouchardon à Paris, cette première expérience garde-t-elle une saveur particulière ? Oui, même si je réalise une majorité de mes projets à l’international, la Belgique reste un lieu de retour aux sources. Par ailleurs, un projet d’une telle ampleur est plein d’enjeu, notamment celui d’être toujours actuel et contemporain plusieurs annéess après avoir entamé son processus créatif. Cela demande une réinvention constante afin de conserver une pleine cohérence à l’époque et au cadre. Il était également primordial pour moi de créer un lieu qui s’écarte de l’anonymat pour révéler une âme et une authenticité.
Vous définissez votre approche par sa rigueur analytique. Qu’implique ce processus lors d’un nouveau projet ? J’apprécie cette citation de Brassens qui dit que « sans technique, un don n’est rien qu’une sale manie ». C’est ce qui m’a amené à mettre en place une forme de méthode systématique. Qu’il s’agisse de créer un espace, un siège ou un bâtiment, peu importe, je réalise des croquis, qui deviennent des modèles 3D. Vingt, trente, quarante versions différentes, destinées à expérimenter pratiquement tout le champ des possibles, jusqu’à trouver l’option qui fonctionne et que l’on développe en détail. Avec une nouvelle fois l’enjeu du beau, axé sur le ressenti, le coup de cœur. Cette philosophie s’inscrit aussi dans l’héritage du début du 20e siècle, où les architectes créaient d’office non seulement le lieu mais son mobilier. Cela permet de développer le plein vocabulaire de celui-ci et de lier vraiment le design au contexte. C’est un principe que j’applique énormément, non seulement pour les hôtels mais aussi pour nombre d’autres projets, comme récemment pour le showroom Thierry Mugler ou pour la Galerie Mitterrand, tout juste achevée.
Votre architecture cultive une simplicité maîtrisée, un langage minimaliste et subtil. Que disent-ils de votre univers ? J’aime parler d’évidence. Et qu’un projet fini résonne vraiment comme tel, comme l’évidence qu’il n’aurait pu en exister d’autre. C’est une notion qui me guide et passe aussi par un apaisement, une absence de bruit et de perturbation, y compris visuelle. Dans mon environnement quotidien, je suis souvent heurté par le fracas des interférences, de ce qui est déséquilibré. La vraie question n’est pas d’aspirer au luxe ou à la grandeur, mais à une réelle harmonie.
Jan Verlinden - « Chercher l’équilibre entre la nature et l’humain est ce qui fait sens dans ma vie »
Jan Verlinden
« Chercher l’équilibre entre la nature et l’humain est ce qui fait sens dans ma vie »
Mots : Barbara Wesoly
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Quand il raconte les jardins, Jan Verlinden parle de familles végétales, d’amour et d’émotion, mais aussi de l’importance pour l’humain de s’y inscrire avec écoute et humilité. Une nature qu’il façonne autant par ses mains qu’avec âme, telle une sculpture dont émerge l’harmonie.
Vous vous définissez comme un « sculpteur de paysages ». Quel sens revêt ce terme pour vous ? L’expression d’une appartenance à la nature comme à l’humain. Et la quête d’une harmonie entre eux. C’est pour moi une forme de mission de vie. Comme un peintre œuvre à coups de pinceaux, je redessine les paysages, j’adoucis les frontières, je remodèle le terrain, avec un crayon, comme avec une pelleteuse. En cassant et en reconstruisant, mais surtout en écoutant. Le sol, les plantes, la lumière. La nature tient le rôle principal et c’est en son sein que nous devons explorer la présence humaine et sa mesure. Beaucoup de gens pensent qu’une végétation sauvage implique une forme de chaos, or la nature est histoire d’équilibre et de respiration. Il faut seulement apprendre à la magnifier, sans chercher à la dominer.
D’où vous vient cette recherche de symbiose entre le végétal et l’homme ? Mon père était fermier. Il m’a transmis sa relation instinctive au vivant et sa connexion profonde à la terre. Je me souviens qu’à six ans, j’arrachais les jolies fleurs que je croisais pour les replanter dans mon jardin, en espérant qu’elles y poussent, ce qui bien sûr ne fonctionnait pas. J’ai toujours recherché cette paix qui s’enracine dans la nature. Et puis à l’adolescence, j’ai rejoint une école professionnelle d’horticulture et découvert là-bas que créer des jardins pouvait devenir un métier. Vers seize ans, alors que je travaillais en alternance pour une entreprise, j’ai commencé à imaginer mes propres espaces et à réaliser de petits travaux d’entretien chez des particuliers le week-end. C’est ainsi qu’une cliente m’a un jour demandé si je pouvais créer un plan d’aménagement paysager pour son terrain. J’ignorais tout des aspects techniques, mais j’étais surexcité. J’ai dessiné toute la nuit sur un grand support bricolé avec deux feuilles de papier. Le lendemain, je me suis empressé d’aller lui montrer le résultat et elle m’a proposé de le réaliser. Ça a été mon premier projet, celui d’un jardin très sobre et simple. Mais il a marqué le point de départ du voyage. Et il figure dans « The Poetry of Landscaping », le livre qui présente mon histoire et ma vision à travers huit projets marquants, publié par Beta-Plus Publishing.
Vous affirmez que « les meilleurs projets tournent autour de l’émotion et de l’émerveillement. Ils expriment qui nous sommes et ce en quoi nous croyons ». Qu’est-ce qui, pour vous, fait d’un lieu une source d’émerveillement ? On sous-estime souvent la puissance du mystère. C’est fondamental pour moi qu’un jardin ne se dévoile pas entièrement dès les premiers pas, mais qu’il y ait un vrai parcours d’exploration. Parfois, au lancement d’un projet, j’arrive avec dix camions remplis d’arbres et de végétation et les clients m’observent abasourdis, en se demandant où je vais bien pouvoir placer tout ça. Mais ensuite ces plantes se fondent dans le décor, semblant avoir toujours été là. On ne plante pas vingt fois le même arbre, mais une famille, une mère, un père, des grands-parents. Ils ont tous leur caractère, et jouer avec les tailles et les formes de chacun permet d’obtenir un équilibre naturel en même temps qu’une expression artistique. C’est cette beauté de la disparition qui m’émerveille. Et je remarque que les enfants jouent énormément dans mes jardins. Ils se cachent, se perdent dans les recoins, s’approprient des endroits secrets. Façonner ainsi de nouveaux mondes est magique.
Quels sont les jardins qui deviennent à vos yeux une histoire singulière et unique ? Chaque lieu est unique. Mais plus qu’un jardin, qu’il soit grand ou petit, ce sont les gens qui rendent une expérience exceptionnelle. Il s’agit aussi d’instinct, de ressenti. Je partirai dans quelques mois pour un projet à Saint-Martin, dans les Caraïbes. Je ne connais pas la flore locale, mais je n’en ai pas besoin. En arrivant, je regarderai leur comportement, les arbres poussant droits vers le ciel, ceux qui rampent au sol, la façon dont ils se connec-tent. Cela me montrera comment les respecter. La dynamique est la même pour un étroit jardin belge évoquant la douceur sicilienne ou pour un vaste resort à Majorque, comme celui que je prépare actuellement. Un domaine de cent hectares dont la vue sublime plonge vers l’océan et le Cap de Formentor et qui accueillera un hôtel, des villas et des vignobles. Les murs en pierre sèche des ruines de l’ancienne ferme y rencontrent la nature brute et somptueuse et il s’agit une nouvelle fois de trouver l’équilibre, entre lâcher prise et intervention. En connectant l’humain au paysage, laissant ainsi le beau l’irriguer, comme un cœur qui bat.
































































