Ou l’art de tailler un cocktail sur-mesure

« Cocktails & tailoring » précise cette nouvelle adresse délicatement feutrée de la rue Dansaert à Bruxelles. Cocktails au pluriel, l’invitation est franche. Cocktails sur-mesure, on salue la référence à cette ancienne maison de couture, en commandant un Monkey 47 de la Forêt-Noire, gin star aux 47 épices, sous l’œil complice d’un Italian bartender.

| Par Servane Calmant |

 

Samedi 17h30, on arpente la rue Dansaert, haut lieu de la branchitude bruxelloise. Il pleut, il fait moche. A-t-on idée de sortir par un temps pareil, sans même brandir le prétexte fallacieux du chien à promener ? Serait-ce par addiction aux baies de genévrier qu’on a trouvé motivation à enfiler son trench non imperméabilisé ? Pas faux. On a rendez- vous avec Francesco Ravo, au 67 de la dite rue, à 100 mètres d’un Archiduc fatigué, dans une ancienne maison de couture pour découvrir le nouveau-bar-à-gin-qui-fait-courir-le-tout-Bruxelles-depuis-janvier. On vient du Brabant wallon, c’est dire si on a soif.

Francesco Ravo, architecte italien qui a grandi à Bruxelles, ex-patron du Spirito (église convertie en club), ex-boss de l’historique Mirano et fondateur de la surréaliste Pharmacie anglaise (bar à gin) a racheté il y a deux ans Arthur Orlans, un immeuble de rapport néoclassique dont le rez-de-chaussée appartenait à un tailleur du nom… d’Arthur Orlans. Nom classé. Façade classée. Première salle classée. Les deux autres pièces en en lade sortent de nulle part ! « Ces deux pièces-là formaient initialement une cour. Tout est donc neuf : des colonnes d’apparat qui semblent être là depuis toujours au sol en granito qui a connu ses heures de gloire après la seconde guerre mondiale… – seule la cheminée est d’époque ! », précise Francesco, pas peu er de ses talents d’illusionniste.

Arthur-orlans

Monkey 47, gin star

Le temps semble suspendu dans ce nouveau bar à gin à l’élégance d’autrefois. On aime les fauteuils frangés en velours vert bouteille qui apportent la touche vintage. On like les papiers peints baroques qui irtent avec une moquette en laine à motifs écossais jalousés par tout Highlander qui se respecte. Dans la troisième et dernière salle (potentiellement privatisable, même si Francesco n’a nullement envie de transformer son antre en foire humaine), le Jungle Style fait de l’œil à un Chester eld patiné, belle invitation à se vautrer dans la paresse. Il ne faut guère forcer l’imagination pour se voir dans un boudoir à causeries. D‘ailleurs, chez Arthur Orlans, on cause, à voix basse. Et on sirote gin et cocktails, en badinant.

Pour se différencier de la Pharmacie anglaise, Francesco a fait une in délité au gin écossais Hendrick’s et invite à la carte d’Arthur Orlans, l’Allemand Monkey 47 Schwarzwald Dry Gin, breuvage artisanal haut de gamme dont les bouteilles en forme de vieux acons d’apothicaires et étiquettes rétro rappellent d’ailleurs le packaging imparable du concurrent Hendrick’s.

« Le Monkey 47 est fabriqué en Forêt-Noire et en famille par Alex Stein qui a commercialisé ses premières bouteilles en 2008 … Pernod Ricard a pris le contrôle de la distillerie de Stein il y a peu… Reste que Monkey 47 tire à quelque 150 000 bouteilles – une production somme toute timide qui rend le flacon encore plus attractif. », nous souffle Francesco. Et si mon cousin latin n’aime pas les cocktails ? « Il y a certes du vin, et une seule bière, à la carte chez Arthur Orlans, mais à un prix volontairement élevé ! », précise le maître des lieux, dissipant toute équivoque sur l’ADN d’un bar résolument à cocktails qui fonctionne en mode apéro dès 17h30 ou n de soirée vers les 2h.

Du sur-mesure

Certes le barman est un pro, certifié en bartending, c’est dire s’il peut s’adapter à toutes les exigences, notamment celles des clients qui boudent tel ou tel ingrédient et préfèrent commander un cocktail sur-mesure selon leur goût. Le Monkey 47, qui a choisi Arthur Orlans comme flagship mondial – « notre Wunder bar » précisent les Allemands -, se marie merveilleusement bien avec le citron et le sucre de canne. Ou se fume, pour une version Smoky résolument addictive. Du reste, à vous de choisir !

Un amour de singe

1945. L’officier Monty Collins vient s’installer dans un Berlin défiguré et se prend d’affection pour un singe du zoo. Ca ne s’invente pas. En manque de gin, Monty qui n’est pas anglais pour rien, découvre la richesse en genièvre de la Forêt-Noire et crée Scharzwald Dry Gin, fameux spiritueux qui disparaît de la carte avec la mort de son créateur.

Dans les années 2000, Alex Stein, ingénieur, est séduit par la recette perdue du gin de la Forêt-Noire. Il s’associe avec un maître-distillateur qui modi era la recette de Monty en y ajoutant des ingrédients plus exotiques, soit 47 plantes et épices (acacia, cardamone, camomille, clou de giro e, citron vert, lavande, piment, prune, rose sauvage, etc.). Stein définira lui-même le packaging : flacons d’apothicaire et étiquette clin d’œil au singe de Monty.

Commercialisée dès 2008, la marque Monkey 47 a été partiellement rachetée par Pernod Ricard en 2016, mais reste – alléluia – produite par Black Forest Distillers, sa distillerie de la Forêt-Noire. 2018, Monkey 47 a choisi le bruxellois Arthur Orlans comme flagship mondial – alléluia again !

ARTHUR ORLANS

Ouvert de 17h30 à 1h-2h du matin.
Fermé dimanche et lundi.

Rue Antoine Dansaert, 67 – 1000 Bruxelles
T: 02/241 00 00