Poète et romancier belge, Antoine Wauters a marqué les esprits avec « Mahmoud ou la montée des eaux » qui a décroché, entre autres, le Prix Marguerite Duras en 2021. Avec  « Le Musée des contradictions », son nouvel opus, il fustige avec la puissance de son verbe, les maux de notre société. « Est-ce un livre désespéré ? Oui ! Est-il également plein d’espoir ? Oui ! »  Rencontre.

A la lecture du « Musée des contradictions », on fait connaissance avec douze protagonistes, leurs vies, leurs questionnements, leurs tiraillements. Vous sentez-vous particulièrement proche de l’un d’entre eux ? Le coup d’envoi du roman, c’est le premier discours, celui des jeunes. J’ai été très sensible à la manière dont le confinement à bouleverser leur vie. Ils ont vu leur horizon se réduire à néant. Ne plus pouvoir se rendre sur la côte belge, se baigner et se régénérer un peu, m’a fait terriblement mal au cœur. Quelle violence ! Le monde fermé à double tour, le trousseau de clés jeter au vent …

« Le Musée des contradictions », un titre accrocheur ! Êtes-vous à l’image de cet intitulé ? C’est un livre très personnel. Je suis présent dans chaque tiraillement, chaque  questionnement, chaque contradiction, de chacun de mes protagonistes. 

Étiez-vous prédestiné à écrire ? Je viens d’une famille où on lisait peu. Mes premiers souvenirs de livres remontent à Tintin, que me racontait mon grand-père, un excellent conteur d’histoires. Mes premières lectures sont tardives. Elles datent de ma rhéto où j’ai découvert Marguerite Duras. J’ai compris à quel point l’écriture est fascinante et la liberté qu’elle offre, notamment celle de choisir des mots parfois incongrus.

Enfant, vous étiez passionné d’athlétisme. Votre accident, un booster ? Bizarrement, il y a des ponts entre l’écriture et l’athlétisme. Comme une grande liberté ! La course, la vitesse, le sprint, le saut en longueur, étaient mes plaisirs d’enfant. Mon frère a été champion de Belgique de sauts en hauteur et comme lui, j’étais un athlète de bon niveau. A l’adolescence, une blessure a mis fin aux compétitions. Je me suis alors désintéressé du sport, privilégiant la musique et le monde de la culture. Un accident de parcours en somme.

Pensez-vous que chacun d’entre nous, hésite, souffre, espère et doute ? On doit tous faire semblant d’avoir des avis assez tranchés, presque choisir son camp et se justifier alors qu’on est plein de tiraillements et pas très sûr de soi. Fondamentalement, douter est important !

Est-il impossible d’accorder nos pensées à nos actes ? C’est la véritable question du livre ! On le remarque chaque matin en se disant « je vais être plus responsable, plus écolo » et une heure plus tard, on n’assume plus forcément. Ou encore : « aujourd’hui, je vais enfin dire ce que je pense  à mon patron !» mais, dans la vraie vie, c’est très difficile d’être cohérent. Tout comme pour la Covid où un matin, on veut se faire vacciner et, le lendemain, on remet tout en question. Avoir la certitude de convertir nos dires en actes, est-ce souhaitable ?  J’aime l’idée de pouvoir être ambivalent et de suspendre son jugement. 

Quelle réaction espérez-vous susciter chez vos lecteurs lorsqu’ils achèveront la lecture de votre livre ? Ce qui me rendrait le plus heureux est qu’on cesse d’opposer l’espoir et le désespoir. Le livre l’évoque. Alors, est-ce un livre désespéré ? Oui ! Est-il plein d’espoir ? Oui ! Le livre raconte les oppositions qui ont été construites selon un système de valeur qui confronte le bien et le mal, la vérité et le mensonge, la lumière et l’opacité. Pour moi, ces principes vont main dans la main, l’un n’empêche pas l’autre.