Valérie Cohen
Un joli parterre de ronces
Mots : Ariane dufourny
Photo : Eric Matheron-Balaÿ © Flammarion
Et si les arbres généalogiques comportaient une case pour les amis de toujours, les amours défuntes, les maîtres à penser, les sauveurs ? A quoi ressemblerait le vôtre ? La romancière bruxelloise Valérie Cohen souligne avec brio que le destin de chacun ne tient qu’à un fil. Ou à un mensonge.
Qu’est-ce qui vous a inspiré pour écrire ce roman et le titre afférent ? Fan de développement personnel, je m’intéresse à la psychogénéalogie. Un de mes enfants a voulu faire un test ADN et j’ai adhéré aussi. Comme une écolière attendant ses résultats, j’ai été frustrée de n’apprendre aucune révélation fracassante (rire). Mon roman se penche sur la dynamique sous-jacente à la famille : son système social, ses règles, ses rôles, ses secrets, son système de pouvoir. « Qu’importe la couleur du ciel », dit l’une de mes héroïnes, et ça signifie que la famille reste la famille. On a beau vouloir s’en défaire, on est fait des branches de son arbre généalogique, on est fait de ce bois-là !
Une famille se reconnaît-elle par les liens du cœur ou par les liens du sang ? C’est un subtil mélange des deux et au-delà, il y également tout ce qui est tu : les morts qui sont invisibles mais pas absents, les secrets de famille, les fidélités inconscientes, ce qui ne s’est pas raconté de génération en génération. On fait partie d’une lignée, qu’on le veuille ou non.
« Vitale et mortelle à la fois, organisme vivant aux multiples facettes. La famille un joli parterre de ronces ». Est-elle la source de nos bonheurs ou celle de nos névroses ? Les deux ! On porte nos propres douleurs et névroses, plus celles non digérées par nos ancêtres. On rêve tous ce cette famille idéale, source d’ancrage et de bonheur, mais ça pique toujours quelque part !
Qu’importe les secrets détenus, muselés. Le mensonge a-t-il des vertus ? Toute vérité n’est-elle pas bonne à dire ? Il est plus facile de vivre de façon confortable en taisant un secret qu’en le révélant. Révéler un secret peut être dévastateur pour soi-même et surtout pour notre entourage mais également terriblement libérateur. Pour nous-mêmes et les générations futures, les secrets doivent être partagés.
Avant de vous consacrer à l’écriture, vous étiez juriste. Qu’est-ce qui a motivé cette reconversion professionnelle ? Être juriste était une erreur de casting et je me suis profondément embêtée durant neuf ans. Écrire a toujours été mon mode de communication le plus facile… Une double fracture de l’épaule et ses six semaines d’arrêt, ont été l’occasion de réfléchir à ce que je voulais faire de ma vie. Avec le recul, c’est la plus belle chose qui me soit arrivée.
« Mettre de la lumière sur nos ombres », un trait caractéristique de votre plume ? C’est très lié à ce que je suis. Mes enfants vous diront que je suis allumée parce que j’adore les formations de développement personnel et de spiritualité. J’aime infiniment le travail que ça me fait faire sur moi-même. Cela m’aide à transmuter les ombres et les blessures en quelque chose de positif ou de plus léger à vivre.
« Ma légende familiale raconte que dès mon premier cri, je me suis illustrée par un tempérament d’acier mêlé à une grande douceur ». Est-ce que votre histoire personnelle intervient dans vos romans ? Je suis dans tous les personnages, non par rapport à ce qu’ils ont vécu mais dans des émotions qu’ils peuvent ressentir. Celui-ci, je l’ai dédié à Sybille Bauwer qui est une prostituée qui a sauvé mes grands-parents pendant la Shoah. Tenancière d’une maison close, elle les avait cachés dans son grenier où ma grand-mère a accouché. Appeler un de mes personnages Sybille, c’est ma manière de lui rendre hommage et d’en faire une « juste parmi les nations ».
« Une phrase dans un livre peut questionner, faire sourire et ouvrir des portes en nous » ? J’espère que mes livres provoquent du bien et invitent les personnes à se questionner. (NDLR – Ce fut mon cas ! Roman coup de cœur).
La famille parfaite existe-t-elle ? Non, heureusement ! Qu’est-ce qu’on s’ennuierait. En revanche, si on pouvait arriver à cheminer parfaitement avec cette famille en nous, le monde serait magnifique ou du moins plus sage.
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