Olivier Dwek, de l’architecture… à l’art
Mots : Agnès Zamboni
Photos : DR
Alors que sa première monographie internationale et bilingue Olivier Dwek à la lumière de la modernité – Olivier Dwek in the light of modernity, publiée aux éditions Rizzoli, New York, vient de sortir, l’architecte bruxellois évoque son intérêt pour les lieux culturels, sa passion pour le mobilier design du cœur du XXe siècle, pour l’art contemporain…
Dans cet ouvrage, les réalisations sélectionnées sont éclairées par les écrits de Philip Jodidio, reconnu comme l’un des auteurs les plus importants dans le domaine de l’architecture. La première image, accompagnant son texte d’introduction, est celle de la façade de la boutique Louis Vuitton à Bruxelles, un bâtiment néo-classique du XIXe siècle, dont Olivier Dwek a entièrement redessiné l’intérieur. Alors jeune architecte de 28 ans, il se frotte déjà aux codes du luxe. Et aux côtés de maisons de rêve comme la Silver House, réinterprétant l’architecture vernaculaire hellénique, en blanc et bleu, 30 % de sa production architecturale correspond à des fondations d’art : ce n’est pas un hasard ! Enfin, passons aux questions… car la culture, c’est essentiel !
Quelle architecture défendez-vous ?
Celle de l’intemporalité. L’architecture n’est pas un geste gratuit condamné à disparaître. Chaque coup de crayon, chaque acte a un sens. Le dialogue avec les éléments, la nature est très important. Lorsque je regarde les photos de la Silver House, je suis satisfait car aujourd’hui, après 15 ans, j’aurai fait la même chose. En cela, l’architecture se rapproche de la philosophie. Dans le terme de « luxe sobre », je me reconnais. Le mur impressionnant de 42 m2, en marbre vert italien, dans l’espace de la Collection New Hope, c’est du luxe pur, de la haute couture. Travaillé à livre ouvert, le joint de la pierre est invisible. Son dessin rappelle une cascade…
Et concernant les lieux dédiés à l’art ?
Ayant étudié l’histoire de l’art, toutes mes passions se rejoignent en dessinant des fondations. Mon modèle, c’est la Fondation Beyeler imaginée par Renzo Piano. Il a tout compris et en particulier que la meilleure lumière du monde pour éclairer une œuvre, c’est la lumière naturelle. Ce maître a su parfaitement la filtrer et la maîtriser. Tel un magicien, son travail magnifie les œuvres. Légères, elles flottent dans l’espace. L’architecture doit être au service de l’art et non l’inverse. Il faut bien sentir la distance, la hauteur, la profondeur de chaque œuvre, travailler les angles qui permettent de faire dialoguer entre elles les différentes pièces présentées.
Quelles autres particularités pour ce type d’espace ?
L’espace doit être aussi modulable pour accueillir différents types d’œuvres, du mobilier, des objets… On doit anticiper les potentialités d’un espace d’exposition pour lui assurer une longue vie. Je me démarque complètement de la démarche de Frank Gehry, de son trait très puissant. Pour la Fondation CAB, située dans un ancien bâtiment art déco des années 1930, j’ai créé un espace ouvert et polyvalent. Il faut y aller pour comprendre !
Et pour la Collection New Hope ?
J’ai conçu ce lieu en dialogue direct avec le musée Victor Horta pour qu’il garde une vue sur son parc, comme à l’époque de sa construction. Côté jardin, j’ai réinterprété et actualisé les gestes de l’architecte en jouant la même symphonie, avec les instruments de mon temps. Aux lignes souples Art nouveau de sa façade répondent les traits modernistes, lignes verticales, horizontales et obliques des années 2020. A l’intérieur, l’espace a été entièrement redessiné tout en conservant la volumétrie existante.
Architecte, architecte d’intérieur, curateur… pourquoi assurer toutes ces fonctions ?
Architecte d’intérieur ? C’est un drôle de nom. Tout doit être pensé en continuité avec le bâtiment pour effacer les frontières entre l’extérieur et l’intérieur. Le geste est le même, c’est juste une question d’échelle. Je conçois mon travail comme une maîtrise complète pour faire dialoguer tous les éléments. Mon intérêt se porte aussi spontanément sur les objets tridimensionnels, le mobilier et les objets. Au début du XXe siècle, alors que les métiers d’architectes d’intérieur et de designers n’existaient pas, les architectes dessinaient non seulement le bâtiment mais aussi les poignées de porte et jusqu’à la petite cuillère. Ils étaient des ensembliers.
« Il faut un certain recul pour réussir à sélectionner ce qui n’est pas que de la décoration. »
Comment faire de bons choix?
Dans le domaine de l’art, ma connaissance s’allie à un certain flair pour choisir ce qui, je pense, va rester, ce qui relève de l’universel. C’est à la fois un jeu et une prophétie. Regardez l’artiste Richard Prince, avec son image de cowboy « volée » à Malboro, il y a moins de 20 ans, il a imaginé le monde d’Instagram et de Facebook. Côté design, je suis particulièrement attiré par le mobilier des années 1930 aux années 1970. Mon plaisir de la sélection s’attache aussi dans le choix de pièces de céramique, avec une prédilection pour les années 1950 et les artistes français comme Georges Jouve. Cet artiste e a commencé à créer des pièces figuratives pour aller ensuite après une période de transition vers l’abstraction.
« Les grandes œuvres d’art posent des questions mais ne donnent pas de réponses. »
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