MOUS LAMRABAT
Hymne à l’A(r)mour
Mots : Barbara Wesoly
Photos : Mous Lamrabat
Photo portrait : Lisa Lapauw
Ses photographies évoquent des mirages oniriques à l’abordage du réel, aussi poétiques qu’impertinentes. Tout à la fois surréalistes et d’une actualité brûlante, figuratives et spirituelles. Après plus de dix ans à dévêtir notre société de ses convenances et clichés, Mous Lamrabat expose tout l’été son envoûtante nouvelle série, baptisée A(r)mour, au MAD Bruxelles.
Vos clichés ressemblent à des mosaïques, fusion de pop culture et de traditions, aux accents surréalistes et aux teintes flamboyantes. Ils convoquent Magritte, mais aussi les paysages et la culture du Maroc où vous êtes né. Était-ce un choix ou cette dynamique s’est-elle imposée à vous ? En réalité, j’ai le sentiment de ne pas connaître grand-chose à l’art. Je suis issu d’une famille qui ne baignait pas dans ce milieu et après des études d’architecture d’intérieure à l’Académie des Beaux-Arts de Gand, j’ai commencé à pratiquer la photo, car j’étais en recherche d’un domaine où exprimer ma créativité. Cela a toujours été un proces- sus très spontané et profondément personnel. L’inspiration peut venir d’un objet chiné comme d’un fait d’actualité, de mon environnement, ou d’une part de nostalgie. J’utilise des éléments habituellement considérés comme antagonistes ou je les place dans des cadres incongrus, mais toujours avec une recherche d’esthétique et le souhait d’aller un pas plus loin que la réalité. Tout est pour moi matière à expérimenter, mais les gens cherchent à analyser une œuvre, à lui trouver des influences et un sens, alors que de mon côté j’aime le mystère.
Ces rencontres inédites entre niqab et champagne, prière et fastfood, voile et superhéros, que proposent vos photos, font-elles écho aux influences multiples que l’on retrouve dans notre société ? Elles visent plutôt à questionner le sens que nous donnons à la normalité. Nous avons des référen- ces issues de l’enfance, des idées préconçues quant à ce que doit être le monde. J’essaye de penser et créer hors des lignes établies et de montrer toute la beauté de l’inattendu. Ce patchwork parfois improbable, d’influences et d’idées c’est aussi ce que je suis. Et lorsque je réalise des expositions, je peux constater à quel point ce métissage est enrichissant. J’y retrouve des individus attirés par l’aspect traditionnel de mes photos, d’autres par ses références au hip-hop ou encore par les marques qu’elles mettent en avant. Tous ces gens qui habituellement ne se côtoient pas, se retrouvent alors dans un même lieu, à discuter et échanger, c’est formidable.
Vous inaugurez une nouvelle exposition, au MAD de Bruxelles, baptisé A(r)mour. Que signifie ce terme ? Nous portons tous une armure, une protection qui nous tient à distance et pour beaucoup elle commence par les vêtements. Or à l’intérieur de celle-ci, il y a notre être véritable. Il y a l’amour. Je souhaite inciter à sortir de ce carcan, pour voir plus loin et laisser place à l’essentiel. Délaisser l’armure pour l’amour.
Pour celle-ci, vous avez arpenté les rues de Bruxelles, avec une valise remplie de créations de jeunes designers bruxel- lois. Un clin d’œil au début de votre carrière, en tant que photographe de mode ? J’adore travailler avec de jeunes designers car ils façonnent encore leur style, osent une vraie recherche de matière et de forme. Tout comme j’aime collaborer avec des étudiants d’académie, car dans leur travail, art et mode se confondent, loin de l’aspect commercial.
Vous y traitez en toile de fond du poids du vêtement sur l’identité, du choix non anodin d’un logo. Un thème qui revient fréquemment dans votre travail. Votre réflexion sur celui-ci évolue-t-elle au fil du temps ? J’aimais et j’aime toujours les logos, les sigles. Enfant j’étais fasciné par eux car les vêtements de marques étaient impayables pour moi. J’épluchais leur catalogue, rêvant désespérément de rejoindre le clan de ceux qui en portaient. Ils sont pour moi fondamentalement liés à une appartenance à un esprit, à une vision. Une forme particulière de connexion aux autres.
Sur quoi travaillez-vous actuellement ? Pour l’instant sur de nombreuses expositions. Au MAD à Bruxelles, mais aussi en Italie, à Istanbul et Chicago et en septembre à ma participation à la Biennale d’Ostende. Je réalise aussi sur un premier livre rassemblant une part de mes photos.
Et s’il ne devait rester qu’une unique photo ? Un cliché de mon grand-père, l’un des derniers que j’ai pu prendre de lui. Son visage y est caché par ses mains. C’est l’une des premières photos qui m’a amené à me sentir véritablement un photographe. La première aussi qu’on a voulu m’acheter. J’étais fier quoi qu’embarrassé et j’ai donné un prix avant de faire machine arrière. Je ne pouvais pas vendre mon grand-père. Tout est à vendre, excepté ce dont la valeur émotionnelle n’appartient qu’à nous. En photo c’est pareil. C’est ce qui différencie le cliché du souvenir.
L’exposition A(r)mour de Mous Lamrabat se déroule du 9 juin au 2 septembre 2023 au MAD Bruxelles.

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