Les écuries d’Arville sont, autant pour les hommes que pour les chevaux, un paradis bucolique : un lieu fort inspirant pour une cavalière fort inspirée ! Lara de Liedekerke avance avec une implacable détermination pour continuer son rêve et celui de sa famille. Elle nous livre le prestigieux chemin qu’elle a suivi pour arriver au sommet, avec la force et la douceur qui la caractérise. Anecdotes d’enfance attendrissantes, victoires et revers, la cavalière raconte son parcours avec une étonnante sincérité.

Vous avez débuté votre carrière très jeune : l’équitation, vous êtes tombée dedans toute petite ?

D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours monté à cheval. Mon grand-père maternel a toujours eu des chevaux dans les Ardennes. Il a touché un peu à tout, au complet comme à l’attelage et, avec mes cousines, nous y passions des vacances très conviviales, des étés entiers à monter nos Shetlands. J’ai très vite accroché, ce n’est pas passé inaperçu.

 

Il y a donc beaucoup de cavaliers dans votre famille…

Ma maman monte presque tous les jours à cheval. Mes cousines n’ont pas toutes continué même si l’une d’entre elles participe à des Grands Prix en CSO. Je suis la seule à être allée si loin.

  

Mais vous avez fait au préalable des études de commerce, vous ne pensiez pas à une carrière dans le monde du cheval ?

En fait, j’ai toujours eu en tête la chute de Karin Donckers au JO de Sydney qui a failli la paralyser à vie. Il fallait avoir une autre corde à son arc. Mes parents aussi étaient prêts à financer ma carrière mais à la condition que je fasse des études supérieures, un accident ou autre peut arriver dans la vie, je n’étais pas assurée de pouvoir faire du cheval jusqu’au bout. J’ai obtenu un Master en sciences commerciales à l’ICHEC et je dois dire qu’au final que finalement, les cours de comptabilité et de management m’aident beaucoup dans la gestion de ma carrière et des écuries.

 

Et vous avez combiné sport de haut niveau et études supérieures ?

Oui, grâce à mon statut de sportive de haut niveau, j’ai pu profiter d’un étalement des crédits. Ces études, c’était aussi une leçon de vie, en ratant ma première année, j’ai pris ma première claque dans la vie, je n’avais pas connu de grands échecs ni à l’école ni à cheval ! J’ai eu de la chance d’aller à lICHEC, ils ont été très flexibles et arrangeants, notamment sur les horaires.

 

Est-ce aussi l’influence de votre grand-père qui vous a poussé à faire du cross ?

J’ai, en effet, des souvenirs de soirée avec mes cousines chez mon grand-père à sauter les coussins dans les couloirs : on faisait des cross à la maison ! Là-bas aussi, je m’amusais avec mon Shetland sur les arbres tombés dans la prairie. Mais un jour, nous sommes allés voir mon oncle en cross, et il a chuté dans l’eau, je me souviens que l’on ne les voyait plus, ni lui ni son cheval ! Ma mère m’a alors demandé si je me voyais quand même faire du cross un jour et j’ai répondu d’un ferme « non, jamais ! » (Rires). Plus tard, on m’a trouvé un cheval de concours complet, je suis devenue très proche de son ancienne propriétaire et j’ai ainsi fait mon premier complet. Mon grand-père suivait ça de près, même si c’était très différent de ce qu’il avait connu et qu’il ne comprenait pas bien l’évolution du concours complet, avec des obstacles plus étroits, plus directionnels, rien à voir avec les immenses fossés d’autrefois ! Mais il était fier de m’y accompagner. Puis, un jour, après quelques concours, j’ai entendu mon grand-père dire à ma mère qu’il ne pensait pas que ça vaille le coup d’investir dans une carrière de concours complet pour moi, que j’aimais galoper dans les prairies mais que je n’avais pas cette envie de gagner. J’avais 12 ou 13 ans et je me suis dit « mais qu’est-ce qu’il raconte ? C’est ça que je veux faire ! ». Et ça a été un déclic, probablement !

 

Et c’est aussi avec lui que vous avez eu le déclic pour Badminton ?

Oui ! On s’y est rendu avec mon grand-père et ce fut un peu la même chose qu’avec mon oncle tombé dans l’eau : un cavalier a chuté et son cheval a marché sur sa main qui s’est retrouvée en sang, trouée par les crampons. Mon grand-père m’a alors demandé si je me voyais faire Badminton un jour et j’ai répondu « Non, c’est bien trop grand pour moi » (rires). Si mon grand-père était encore là, il jubilerait de me voir à Badminton.

 

 Quels étaient vos points faibles et vos points forts ?

 Dans un premier temps, je dirais que mon premier point faible, c’était la vitesse. Au fond, j’étais la cavalière que mon grand-père décrivait, je profitais de l’instant, je me suis disais que ce n’était pas bien grave de ne pas être assez rapide, j’étais contente si mon cheval sautait bien, je n’avais pas une approche très compétitive. J’adorais mes chevaux, je sortais en concours et ça m’allait bien. Et puis, un jour, comme beaucoup de cavaliers, je pense, je me suis demandé pourquoi je sortais en concours, est-ce que je voulais être meilleur que les autres ? J’ai essayé de développer mon mental, avec l’aide d’un coach et un sophrologue. Du coup, mon mental, c’est devenu un point fort !

Pour revenir au manque de vitesse, le niveau est si précis, chaque détail compte, j’ai dû bosser énormément. Je n’ai pas le talent des autres, je travaille vraiment beaucoup et je pense que ça a fait de moi une cavalière complète.

 

Chaque année est organisé sur vos terres le concours complet international d’Arville ? Qui a eu cette idée ?

 On était au Championnat d’Europe junior à Saumur et mon père fait remarquer qu’il était dommage qu’il n’y ait plus de concours complet en Belgique. Il a ajouté que s’il y avait bien une famille qui pouvait le faire, c’était la nôtre (rires). Et qu’Arville était parfait pour ça. On a laissé cette idée de côté et, à la fin de l’année, nous avons reçu un appel de la Fédération qui demandait si l’hypothèse d’un concours à Arville était sérieuse. Ma mère a consulté son père et celui-ci pensait que l’idée était bonne. En 2006, nous avons donc tenu la première édition d’Arville. C’était très bucolique, je ne dirais pas amateur car le niveau d’exigence était élevé, mais c’est vrai que nous ne savions pas trop organiserun concours. Finalement, ma mère s’est prise au jeu et 14 ans après, le concours existe toujours, avec un niveau toujours plus exigeant !

 

 Nous n’avons pas évoqué vos chevaux. Pouvez-vous nous en parler ?

 Il y a 2 chevaux qui ont marqué ma carrière d’avant. Même s’ils coulent des jours heureux à la retraite à Arville aujourd’hui, on ne peut pas parler de ma carrière sans évoquer Nooney Blue et Ducati. Avec la première, j’ai fait mes trois premiers championnats d’Europe junior et les 2 premiers en jeune cavalier ainsi que mes premiers championnats du monde au Kentucky en 2010. Quant à Ducati, c’est un cheval que mon oncle avait acheté pour la chasse à courre et qui a atterri dans mes écuries. C’est avec lui que je suis allée à Badminton. J’ai aujourd’hui la chance d’avoir une dizaine de chevaux que j’adore, ils sont tous très complémentaires et me correspondent très bien. Aussi étonnant que cela puisse paraître, je n’ai jamais vraiment cru en Alpaga d’Arville et pourtant il me permet de rester dans l’équipe nationale et de faire des concours 5 étoiles. Il marquera aussi ma carrière.

 

 Quels sont vos projets pour l’avenir ?

 De rester une femme épanouie, grâce à mes 2 enfants et mon mari qui font de moi une femme équilibrée. Je suis une maman avant d’être une cavalière. Mes motivations de cavalières, elles, se renouvellent chaque année. En ce moment, je dois dire que les JO de Paris m’inspirent pas mal !