Jochen Zeischka fait partie de ces athlètes discrets, évoluant loin des podiums et des projecteurs, quelque part loin au-dessus des cimes. Pourtant, le deltiste flamand, un temps 17ème mondial, aligne les exploits et vient juste d’inscrire un record du monde.

Comment vous est venue l’idée de vous mettre au deltaplane ?

C’est une amie qui a trouvé un stage d’initiation dans ma 29e année. Et dès les premiers essais sur la pente-école, dès que mes pieds ont commencé à quitter le sol, j’ai compris que c’était un sport pour moi. Comme enfant, c’est dans un livre d’aventures à travers le monde que j’ai vu des photos incroyables de ce sport et pendant ce stage d’initiation, j’ai découvert qu’il y avait des deltistes en Belgique. Plus jeune, j’avais déjà envisagé un temps le planeur, mais il faut un club, c’est une organisation plus élaborée, il faut partager le planeur, réserver le vol. Quand j’ai découvert le delta, j’ai compris que là je serais plus libre et que l’expérience serait aussi plus pure, plus physique, à l’air libre. Rien ne s’approche plus du vol des oiseaux que le deltaplane : quel rêve ! Alors, quand j’ai appris que ça existait aussi en Belgique, je me suis lancé. Quelque temps après le stage, j’ai rejoint une école belge, en 2 week-ends nous avions appris les bases sur la pente-école et nous sommes partis dans le sud de la France pour faire les premiers vols de montagne.

En effet, la Belgique n’est pas vraiment réputée pour son relief, ça n’a pas été un obstacle ?

Non, parce qu’on a d’autres méthodes pour décoller Il y a le treuil : un peu comme un enfant qui joue avec un cerf-volant, on est attaché à un câble et tracté dans les airs. Il y a un club en Belgique qui le pratique sur une piste d’avion militaire :  là, on peut tirer un deltaplane à 800m. C’est différent de la pente naturelle, mais c’est très pratique. Une autre méthode très utilisée consiste à faire un remorquage par ULM : comme avec un planeur, le deltaplane est tiré par un avion.

Et quel est le type de décollage le plus pratiqué en Belgique ?

Chez nous, le plus pratique c’est le remorquage avec un ULM. Plus on est bas, moins on a de chance de trouver des thermiques, des ascendances. Le remorquage, c’est pratique parce que si on atterrit rapidement la première fois, il suffit de faire un deuxième remorquage pour une nouvelle tentative. Et puis, on n’est pas trop dépendant de la direction du vent. Bien sûr, le plus beau, c’est la pente naturelle mais chez nous, c’est un peu la loterie, nos collinessont très basses, environ 80 mètres : on est au sol en 2 minutes si on ne trouve pas de thermiques. Mais il y a des possibilités : mon plus long vol, je l’ai fait au départ de Beauraing jusqu’au sud de Paris, entre Troyes et Orléans, un vol de 275km en ligne directe. Il n’y a pas de réglementation stricte pour passer les frontières : c’est impossible d’avoir les données pour faire une déclaration de vol officiel chez les autorités, il y a donc une certaine tolérance. Après, il s’agit aussi de suivre la bonne route entre les espaces aériens : là, il n’y a pas de tolérance !

Qu’est-ce qui a été le plus difficile avec ce sport ?

La logistique, je dirais. Le transport de l’aile vers les compétitions internationales, ce n’est pas toujours facile.

Apprendre le delta, c’était assez intuitif. J’ai aussi eu le luxe d’être bien encadré par un instructeur très expérimenté qui savait vraiment bien expliquer les choses. Cet instructeur a vu le talent en moi et m’a poussé à l’exploiter. C’était une aide formidable pour progresser.

Ainsi, été 2020, vous avez battu un record mondial détenu par un Tchèque en réalisant un circuit à trois balises (triangle FAI) de 25 km en 23 minutes et 20 secondes, donc une moyenne de 65 km/ heure. Dites-nous en plus.

Pour moi, le deltaplane, c’était avant tout un sport contre moi même : je voulais savoir ce que je pouvais faire avec une aile. Les vols de distance, ce n’est pas si facile et je voulais savoir ce qu’il était possible de faire, jusqu’où je pouvais aller. Et une des manières de me positionner était de faire de la compétition. Il y a là les meilleures références d’Europe (en Europe, nous avons des pays leader en deltaplane, comme l’Italie, la République tchèque et l’Autriche). Le record du monde en distance est de 760km : en compétition, au contact des autres pilotes, on apprend beaucoup de ces records. J’avais conscience d’être bon en vitesse. Et puis, suite à une blessure aux ligaments croisés, je n’ai pas pu faire de vols longs l’été passé. Aussi, avec le manque de compétitions dû au Covid, j’ai sérieusement songé à m’attaquer aux records sur des distances courtes. Sur le triangle de 25 km, le record était à 50km/h, ça m’a semblé jouable en trouvant le bon endroit. Je suis allé en France pendant une semaine : c’était toute une organisation, car il fallait y aller avec un juge. J’ai fait mieux que ce que j’espérais puisque j’ai fait monter le record de 50km/h à 65km/h. J’ai donc battu haut la main le Tchèque Tomás Suchánek, un pilote légendaire du delta, dont le record avait 20 ans.

Aux Belges qui aimeraient marcher dans vos pas, ou plutôt voler dans vos traces, que diriez-vous ?

 C’est accessible à beaucoup de gens. Pour ceux qui aiment ce « feeling of motion », le ski par exemple, ou la vitesse en général, ce n’est pas compliqué. Les ailes-écoles sont très faciles à piloter et on peut vraiment apprendre le delta en sécurité. Il faut simplement trouver une école et faire un essai. Croyez-moi, c’est un sport incroyable. Il n’y a pas beaucoup de sensations qui peuvent être comparées à une thermique qui vous lève en haut vers les nuages à 5 m/s. Et si des amis, ou même des aigles voire des vautours vous rejoignent, ce sont des moments inoubliables !