Hôtel van Eetvelde
Le retour de Victor Horta
Mots : Olivia Roks
Photos : Luc Viatour
Bruxelles se dévoile comme la capitale de l’Art nouveau en 2023 avec entre autres comme actualité l’ouverture au public de l’étonnant Hôtel van Eetvelde signé Victor Horta. En prime, un espace de promotion de l’Art nouveau, le LAB.AN s’y est aussi implanté. Avis aux amoureux de ce style artistique.
En 1900, alors que la révolution industrielle bat son plein, Bruxelles est le terrain d’expérimentations d’un style subversif : l’Art nouveau. Un style ? Non, un état d’esprit et une foi insatiable dans la modernité. La Belgique et surtout Bruxelles occupent une place particulière dans l’histoire de ce style souvent peu considéré qui a été redécouvert dans les années 1970 et qui a finalement regagné ses lettres de noblesse. Parmi les fleurons de l’Art nouveau, l’ouverture récente de l’Hôtel van Eetvelde, conçu selon les dires de Victor Horta lui-même comme étant « le plus audacieux qu’il ait fait jusque-là ». Rencontre avec Hortense de Ghellinck coordinatrice au sein du LAB.AN et de l’Hôtel van Eetvelde.
Rappelez-nous l’origine historique de cette demeure ? Edmond van Eetvelde achète le bâtiment en 1895. Il a des fonctions de plus en plus importantes auprès de Léopold II et finit par être ministre du Congo. Ses besoins de réception grandissants, il a développé cette maison, conçue par Victor Horta, avec comme inspiration l’Art nouveau, une nouveauté fascinante à ses yeux. Ensuite la maison revient à son fils, puis à la famille d’Antoine Pouppez de Kettenis et enfin, de 1950 à aujourd’hui, à la Fédération des Industries du gaz.
Dans quel cadre la restauration de cet Hôtel a eu lieu ? Une première restauration a eu lieu en 1988 et une seconde en 2000. Le bâtiment était occupé par des locataires membres de la fédération. Le Covid est passé par là, l’idée de restaurer était déjà dans les esprits, mais cela a accéléré les démarches. Ce bâtiment, étant classé, a eu droit à des subsides, et dans les négociations, l’Hôtel, bien privé, peut être visité par le public durant cinq ans.
Une demeure signée Victor Horta. On dit que cela serait une de ses créations les plus abouties, comment expliquez-vous cela ? C’est une demeure incroyable située dans le quartier des Squares à Schaerbeek. On pourrait passer trois heures à la visiter. Rien que sa façade rideau métallique est exceptionnelle, elle est la seule existante au monde. Tout est extrêmement bien pensé, il n’y a pas un centimètre qui est perdu. L’organisation des espaces et des circulations est subtile, chaque pièce est pensée dans les moindres détails. La verrière est l’une des plus belles de la ville esthétiquement parlant mais d’un point de vue technique aussi. Le système de ventilation, naturel, est aussi très ingénieux pour l’époque. Tout se mêle parfaitement. Le génie Victor Horta a réussi à traiter l’architecture et la décoration comme un tout, atteignant un sens de l’unité extraordinaire grâce à la conception minutieuse du moindre détail du bâtiment, depuis la poignée de porte ou la sonnette, jusqu’à la moindre pièce de mobilier de chaque pièce.
Avant de se quitter, quelques mots sur le LAB·AN qui se trouve au sein même de l’Hôtel van Eetvelde ? Dans le cadre de l’année Art nouveau et l’ouverture de ce bâtiment au public, nous avons créé un centre d’interprétation et de promotion de l’Art nouveau. Les visiteurs peuvent y découvrir une exposition présentant les caractéristiques principales de ce courant. L’objectif est d’en faire un lieu de dialogues avec la création contemporaine, mais aussi un espace de recherches et de débats. L’un des objectifs fondamentaux est la création d’un espace qui valorise et met en relation les partenaires et bâtiments de ce style existants à Bruxelles, en Belgique et en Europe. Une sorte d’émulation positive permettant de faire rayonner Bruxelles, la Belgique et l’Art nouveau dans le paysage culturel national et international.
3 questions à Katrien Mestdagh, directrice et maître verrière
L’un des éléments étonnants de l’Hôtel van Eetvelde est la fameuse coupole. Qu’est-ce qui la rend extraordinaire ? Il est très rare qu’une coupole de cette époque soit à ce point préservée. Ici, la plupart des vitraux sont d’origine. Il faut aussi souligner le caractère exceptionnel de la structure de ses vitraux et la manière dont ils épousent la courbe de cette coupole. C’est un travail extrêmement difficile à réaliser actuellement car il exige une très grande maîtrise de la part des concepteurs et des artisans. Cette prouesse technique la rend aussi exceptionnelle !
Quels ont été les défis les plus techniques ? Le démontage des vitraux car personne ne savait exactement comment ils avaient été placés. Cela s’est plutôt bien passé, bien mieux que ce que nous avions prévu, car les vitraux étaient en bon état. Un autre défi pour ce type de restauration de chefs-d’œuvre, consiste à trouver le verre le plus adéquat pour remplacer les pièces cassées ou manquantes car les verres fabriqués à l’époque sont désormais introuvables. Notre alternative consiste à juxtaposer deux types de verre afin qu’on ne voie pas de différence entre les originaux et les autres.
Et la plus belle surprise ? L’une des étapes les plus agréables a été le nettoyage, car les vitraux étaient opaques et jaunes. En les nettoyant, nous avons constaté qu’ils étaient imprégnés de nicotine. Le verre est apparu d’un blanc éclatant, presque bleu.
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