Originaire de la campagne condruzienne en Belgique, Grégory Wathelet a le port majestueux et le regard brillant. Dansle top 30 mondial de saut d’obstacles, la discipline reine de l’équitation, il est sacré champion de Belgique des 7 ans avec Argentina de la Marchette élevée sur ses terres natales. Dans la foulée, il décroche, avec l’équipe belge, la médaille d’or aux Championnats d’Europe. Rencontre.

MOTS : ARIANE DUFOURNY
PHOTOS : SÉBASTIEN BOULANGER

L’équitation, une véritable passion. Quelles sont vos prémices ?

Mes parents étant agriculteurs, je suis né entouré d’animaux. Par hasard, on a eu un poney à la ferme que je montais après l’école. De fil en aiguille, j’en ai monté d’autres chez des voisins mais il a fallu du temps pour que cela devienne sérieux. Adorant le sport en général, je me suis lancé dans l’équitation. Avec le temps, c’est devenu un métier.

Vous n’êtes pas né avec un fer à cheval en or dans la bouche. Devenir un cavalier reconnu, le parcours du combattant ?

Réaliser des choses dans la vie n’est pas simple, pas que dans les chevaux. Pour y arriver, il a fallu beaucoup de sacrifices, de temps, de travail et un peu de chance. Dans les chevaux, des facilités financières peuvent aider au départ ; sur du long terme, je ne suis pas sûr que ça donne assez pour durer. J’ai dû gravir mes esca- liers moi-même, étape par étape, en ayant des bons moments et des coups durs. Faut apprendre de ses erreurs pour devenir plus fort et être persévérant.

Troquer sa nationalité belge pour l’ukrainienne durant deux ans. Un sacrifice que vous regrettez ?

Ce fut un choix compliqué parce que j’aime mon pays. Il y a eu des étapes dans ma carrière durant lesquelles j’ai dû faire des choix. J’ai eu la possibilité d’augmenter mon niveau sportif grâce à un financement pour gravir les échelons. De fait, j’ai dû porter le drapeau ukrainien mais ce ne fut pas la même satisfaction que de représenter les couleurs de la Belgique.

Iron Man Van De Padenborre

Un cheval devient une star entre vos jambes. Comment les choisissez-vous ?
Ils ne deviennent pas tous des stars mais certains le sont devenus. Je les choisis, en général, très jeunes afin de les former. Il faut beaucoup de temps pour les construire. Certains y arrivent, d’autres pas. Ceux qui sont devenus « spéciaux » étaient, à la base, plus doués que les autres. J’ai fait les bons choix et un travail durant des années pour les amener à ce niveau-là.

Gregory-whatelet

Voudriez-vous nous parler de votre piquet de chevaux.

J’ai quelques chevaux « de tête » : MJT Nevados S, un étalon gris de 11 ans avec qui j’ai gagné les Championnats d’Europe par équipe ; Iron Man Van De Padenborre, un étalon bai de 11 ans présent à Stephex Masters Bruxelles, Full House Ter Linden Z, un hongre bai de 9 ans qui a fait son premier grand prix récemment, Corée, une jument grise de 13 ans qui est malheureusement blessée pour le moment. J’ai aussi d’autres chevaux intéressants qui ne font pas des championnats mais de bonnes épreuves. Depuis quelques années, j’ai créé une structure où je forme les chevaux. Je ne me prétends pas éleveur mais je profite de mes infrastructures pour élever et faire naître des poulains moi-même. Parmi les chevaux que j’ai formés, il y en a trois qui sont vraiment très prometteurs pour l’avenir.

Champion de Belgique des 7 ans. Une double joie ?

Argentina de la Marchette, championne de Belgique des 7 ans, est née chez nous. Elle a bouclé cette semaine à Gesves sans la moindre faute. C’est une grande fierté pour moi de voir ce produit issu de notre élevage arriver à ce niveau.

Figurer dans le top 30 mondial. Votre impression ?

Je ne fais pas une obsession sur le ranking. Je fais mon plan en fonction de mes chevaux ce qui m’a permis de rester dans les trente meilleurs mondiaux. Je fais quelque chose de juste ou en tous cas j’essaye de mettre en avant le cheval avant ma carrière.

Comment rester au top niveau ?

En travaillant dur tout le temps. Pas relâcher ! Il faut se remettre en question et évoluer. On a gagné la médaille aux Championnats d’Europe à Rotterdam, le lendemain j’étais à sept heures aux écuries. Il faut profiter des bons moments, d’instants uniques et continuer à bosser.

L’équipe belge sacrée championne d’Europe par équipes de saut d’obstacles. Votre ressenti ?

J’ai gagné pas mal d’épreuves en individuel mais il me manquait une belle victoire en équipe. Les précédentes fois, en individuel, je me débrouillais assez bien mais l’équipe ne suivait pas ce qui était un peu frustrant. Cette année, notre équipe a été forte jusqu’au bout. En plus, une médaille d’or ! C’était la médaille qui manquait à la Belgique puisqu’elle est championne d’Europe par équipes de saut d’obstacles pour la première fois de son histoire. L’équipe belge décroche aussi sa qualification pour les JO 2020 de Tokyo.

Avoir ses propres écuries, le bonheur absolu ?

Ca a toujours été mon but. Je ne voulais pas être enfermé dans un système d’employé, je préfère prendre des risques. Quand l’occasion s’est présentée, j’ai construit mon écurie sur mes terres familiales à Clavier. Le bonheur également de mes parents et de mes grands-parents qui ont fait toute leur vie là-bas et qui y habitent toujours. Mon père s’occupe de la partie élevage et agricole. Une bonne équipe !

Parmi tous les chevaux que vous avez montés, une préférence ?

Je n’ai pas vraiment de préférés, je les aime tous. Il y a un an et demi, j’ai été très triste en perdant Forlap qui n’a pas survécu à sa fracture. J’ai l’impression d’avoir perdu mon meilleur ami ou même un membre de ma famille ! Depuis, je n’ai plus eu envie de m’attacher autant à un cheval car j’en ai trop souffert. Ce n’est pas forcément les chevaux les meilleurs auxquels je suis le plus attaché, ça dépend plus de l’histoire qu’on crée avec eux. Je m’attache forcément à Argentina, la jument que j’ai élevée avec mon père. Peu importe l’argent qu’on nous proposerait, on la gardera et elle finira sa vie chez nous.

L’homme et son cheval, une relation privilégiée ?

Oui, évidemment. Avec certains plus qu’avec d’autres mais pour leur demander un tel résultat, il faut des chevaux qui ont envie de se battre pour nous. Il y a aussi une complicité qui se crée avec le staff, particulièrement avec les grooms qui vivent avec eux. A la façon où les chevaux sont couchés le matin, ils savent directement s’ils vont bien.

Parlez-nous du « Luc Musette Mémorial Trophy » où les cavaliers du GHCR ont affronté les meilleurs cavaliers belges.

On est dans un sport un peu huppé où je trouve qu’on oublie les valeurs de base, les personnes, le respect. Luc Musette était un des plus grands chefs de piste au monde. Un Belge, quelqu’un de chez nous ! Un homme super sympa, simple et aimé de tous. Je m’entends très bien avec Jean-Christophe Meily qui a organisé ce Memoriam. Quand il m’a demandé de participer, j’ai accepté tout de suite. Même si on a un programme chargé, on se doit de prendre une demi-journée pour être présent.

Vos prochains objectifs ?

J’ai trois grandes échéances d’ici la fin de l’année. Par équipe, la finale de la Longines FEI Nations Cup qui aura lieu à Barcelone début octobre ; fin novembre, la finale de la Global Champions League à Prague et en décembre le CHI de Genève. Et plutôt sentimental, le Jumping International de Liège où je veux être présent.

Tokyo 2020 ?

C’est loin et vite en même temps. La Belgique est qualifiée d’office mais il faut encore gagner notre place. Mon cheval, MJT Nevados S, a prouvé qu’il était capable de gagner un championnat et donc probablement de faire les Jeux olympiques. Je ferai en sorte qu’il soit au mieux de sa forme l’année prochaine. Je ne suis pas le seul à vouloir y aller. A nous de faire la différence.

Gregory-whatelet