Très attaché à l’élégance à la française, Bernard Depoorter semble imperméable aux tendances. Il nous reçoit dans son atelier à Wavre, au milieu des patrons, ciseaux et bobines de fil, pour parler des sources d’inspirations – l’art, le quotidien et les nouvelles technologies – qui influencent ses créations …

MOTS : SERVANE CALMANT
PHOTOS : GERARD UFERAS

Il est tombé dedans tout petit…  pas dans le chaudron magique du druide, mais dans une malle, entreposée dans le grenier de la maison familiale. « Elle contenait de véritables trésors : un costume militaire de mon grand-père avec galonnage et passementerie, des robes haute couture de mon arrière-grand-mère qui s’habillait chez Paul Poiret et les tenues de rêve de ma grand-mère signées Cardin et Balenciaga. » 

Le brodé, le drapé, le soyeux, l’élégance à la parisienne, façonnent l’univers d’un Bernard Depoorter alors gamin… « J’avais 8 ans, et j’étais fasciné par le travail des tailleuses de ma grand-mère, j’observais chacun de leurs gestes. Je leur dois, sans nul doute, mon sens aigu de l’observation. »

De fil en aiguille. Sur les bancs de l’école, le môme rêve de dessins, absolument pas d’algèbre ni d’équations savantes ! « Mon grand-père maternel m’emmenait faire le tour des musées ; c’est lui qui a éveillé mon intérêt pour les arts décoratifs et pour le monde qui nous entoure, pas l’école ! » 

Autodidacte, Bernard Depoorter ne poussera jamais les portes de l’Académie de la Mode à Anvers ni celles de la Cambre, deux écoles trop avant-gardistes pour un créateur d’emblée fasciné par le chic parisien. « Mon ascension, je l’ai faite à l’ancienne : je suis monté à Paris, mon book à la main, et j’ai sonné aux portes des grandes maisons de couture. » S’ensuivent des stages chez Dior, chez Jean-Louis Scherrer, dans des ateliers de broderie, de chapellerie…  A 25 ans, Bernard Depoorter quitte Paris et revient sur ses terres, à Wavre, dans la maison de famille du 18e qu’il restaure peu à peu. C’est là qu’il ouvre son atelier et lance, en 2003, une première collection… « J’étais quand même fort ambitieux ! » (Il rit)

« J’ai principalement une clientèle parisienne, établie notamment à Uccle. Je n’ai peut-être pas un style très belge ! »

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Femmes modernes, je vous aime. Perméable à la vie, à l’art, plus mature aujourd’hui qu’hier, Bernard Depoorter ne se défile pas quand il analyse l’évolution de son style. « De 2004 à 2016, mes collections étaient très empreintes de nostalgie, de baroque, de gothique aussi; aujourd’hui, je me sens bien dans mon époque et c’est l’art contemporain qui me nourrit. Ma fiancée, l’artiste Kaixuan Feng, n’étant certainement pas étrangère à cette évolution ! Elle fait partie de ces femmes pour lesquelles j’ai envie de créer : des femmes libres, modernes, indépendantes. » Pour preuve : la collection prêt-à-porter du couturier wavrien invite à découvrir des vêtements élégants et intemporels, mais également pratiques et confortables, comprenez : des vêtements qui offrent une réelle liberté de mouvement ! Smoking pantalon, pantalon cigarette ou droit à pinces, blazer bleu marine et jupe crayon composent le dressing-room de la femme sublimée par Bernard Depoorter. « J’ai une clientèle très parisienne, établie notamment à Uccle. Je n’ai peut-être pas un style très belge. » (Il rit). 

Dans l’atelier de Bernard Depoorter

Des murs intérieurs de brique, une impressionnante charpente en bois, des bobines de fil, des mannequins tailleurs, des croquis et pas mal de toiles à patron choisies en fonction du rendu recherché. Un chat aussi. Et quelques machines à coudre – peu, en fait ! Bernard questionne mon regard : « Il y a peu de machines à coudre, n’est-ce pas ? C’est parce que je fais tout, tout seul : croquis, patrons, toiles, tout le processus de création de A à Z, de manière artisanale. Pendant 16 ans, je ne suis pas parti en vacances. J’accepte tous les sacrifices au nom de ma passion ! »

Ce que vous ne savez (peut-être pas) sur Bernard Depoorter …

Sa définition de la mode ? « Un éternel recommencement. Tous les grands couturiers réinterprètent le passé et métissent des courants existants. Aujourd’hui, je ne connais que deux seuls créateurs qui innovent encore : la créatrice néerlandaise Iris Van Herpen dont le travail sculptural s’inspire du numérique, notamment de l’impression 3D, et le Français Stéphane Rolland qui innove vraiment dans le mouvement. J’aimerais, dans un avenir proche, intégrer plus de technologie dans mon travail… »

Sa couleur fétiche ? « Le noir. »

Une association parfaite de matières ? « Velours de soie et cuir. »

L’invention vegan qu’il soutient ? « Le cuir d’ananas ! Je suis très sensible à la cause animale. Le cuir d’ananas, c’est la solution pour sauver la peau des animaux. »

L’accessoire féminin indispensable pour prendre un homme dans ses filets ? « Les talons aiguilles – super érotiques -, les gants et la voilette ! » 

Quelle femme rêve-t-il d’habiller ? « Toutes ! »

Son mentor ? « Pierre Cardin. Et Karl Lagerfeld pour sa rigueur, sa culture et… la taille de sa bibliothèque ! » (Il rit)

Quand Bernard Depoorter ne dessine pas un patron, que fait-il ? « Je bouquine tout le temps et partout. Parfois six livres à la fois ! Je dévore la presse également, pour capter l’air du temps… Une journée normale dans la vie de Bernard Depoorter, c’est 20 heures ! »

La pire faute de goût ? « Les tatouages corporels – c’est une agression ! Je pourrais imaginer tatouer du cuir. Mais le corps ! »

La tendance qu’il ne suivra jamais ? « Le string qui dépasse du jeans et la mode des jeans troués – je ne comprends pas cette tendance ! » 

Les personnalités qu’il a habillées ? « La reine Mathilde, la princesse Claire, Lara Fabian et… Typh Barrow (article et shooting en p X)

Quel est l’endroit en Belgique où l’on a la chance de pouvoir le rencontrer ? « Je sors peu ! Le bois de Lauzelle (entre Louvain-la-Neuve et Wavre), Le Perroquet au Sablon et, à Paris, le Palais-Royal. »

BENARD DEPOORTER COUTURE

Du lundi au vendredi de 10h à 18h

Rue du Béguinage, 39 -1300 Wavre
Tel : 010/22 36 21

www.bernarddepoorter.com