Be-Diamond, nouveau joyau de la joaillerie belge
Be-Diamond, nouveau joyau de la joaillerie belge
Mots : Barbara Wesoly
Photos : DR
Entre classicisme intemporel et créativité affirmée, Be-Diamond fait souffler un vent de fraîcheur sur l’univers du diamant made in Belgium, tout en honorant le patrimoine précieux de l’excellence anversoise.
Le diamant est souvent synonyme d’héritage et de transmission, mais pour Nathalie De Sentis, il raconte également le commencement d’une deuxième vie. Un renouveau amorcé lors d’une escale à Barcelone, par l’esquisse d’une bague. A l’époque pilote de ligne depuis 12 ans, la jeune femme est contrainte de renoncer à voler pour raisons médicales. Un revers laissant toute latitude à cet élan créatif de se transformer en carrière. Et de voir naître Be-Diamond. « Ce bijou agrémenté d’un trio de diamants noirs était un hommage à ma grand-mère. Je rêvais de posséder une pièce symbolique que j’aurais dessinée et c’était un désir d’autant plus accessible que mon mari est diamantaire et qu’il m’était dès lors possible de bénéficier de son expérience. Puis en la découvrant, de nombreuses amies m’ont demandé de concevoir des parures pour elles. La passion a ainsi progressivement laissé place à un véritable label » explique Nathalie De Sentis.
Le noir pour signature
Il s’agissait alors de la première affirmation de l’amour de la créatrice pour le diamant noir, devenu entretemps l’illustration de l’élégance agrémentée d’un twist aventureux, chère à Nathalie De Santis. « Nous proposons aussi des collections en diamant rose, blanc, combinant plusieurs coloris ou encore du sur-mesure, mais le noir reste notre emblème. Tout comme le choix des diamants naturels, à la pureté et à la qualité incomparable. » Après une vitrine à Anvers et une autre Bruxelles, la marque s’exportera en Italie en septembre pour la Fashion Week de Milan et dévoilera ses modèles phares dans un concept store new-yorkais, en une étincelante première à l’international.
La Collection - Duo d’art et d’élégance
La Collection
Duo d’art et d’élégance
Mots : Barbara Wesoly
Photos : DR
C’est en couple que Florence Cools et Artur Tadevosian signent les créations raffinées de La Collection. Des modèles qui redéfinissent l’intemporalité et s’ancrent au croisement du vêtement et de l’expression artistique, forts d’influences architecturales et d’un savoir-faire artisanal.
Ensemble, vous avez lancé La Collection, en 2017, vos parcours respectifs vous destinaient-ils à la mode ? Florence : Ni Artur ni moi n’avons évolué dans cet univers. De mon côté, j’ai découvert toute petite l’art et le dessin. Je griffonnais sans cesse et pouvais passer des heures à esquisser des personnages. En grandissant, j’ai commencé à vouer une grande admiration à la mode. Mais, même si je retravaillais constamment les vêtements que j’achetais pour créer des pièces uniques, je n’imaginais pas d’avenir à cette passion. Et puis j’ai rencontré Artur et il m’a transmis la conviction que rien n’est impossible à accomplir et la certitude d’être aux commandes de mon propre chemin. C’est ce qui m’a conduit à un cursus de technologie de la mode et puis vers ce métier.
Jusqu’à imaginer lancer votre propre label ? Artur : L’idée a germé comme ça, un jour, alors que nous roulions dans les rues de Paris. Nous avions à l’époque déjà lancé depuis plusieurs années Damoy, un concept store multimarques qui fonctionnait très bien. Mais il y avait cette frustration à devoir composer avec des tissus et un processus de fabrication qui ne correspondaient pas toujours à nos valeurs. Nous nous sommes donc lancés, avec une étrange facilité. Du moins jusqu’à nous retrouver face aux impératifs techniques et réaliser que nous n’avions aucune expérience de création d’une marque. Deux ans ont alors été nécessaires pour sélectionner les meilleurs partenaires et perfectionner l’atelier. Notre recherche d’excellence n’a pas simplifié le processus, mais réaliser des compromis sur l’éthique et la qualité n’était pas une option.
Florence : Notre fonctionnement en duo est une force. Nous n’avons jamais eu besoin de définir des rôles clairs, ceux-ci s’expriment instinctivement, en fonction de nos sensibilités. Je déve-loppe la vision artistique du label et Artur les aspects liés à la gestion d’entreprise. La marque est aussi née de la certitude que le système traditionnel, sa course constante à la productivité et sa demande perpétuelle de nouveauté, ne fonctionnait pas pour nous.
La Collection se définit comme un point de rencontre entre mode, art et architecture. Florence, ces trois domaines sont-ils vos moteurs lorsque vous façonnez vos modèles ? Définitivement. Les frontières qui les séparent sont pour moi extrêmement fines et poreuses. Je préfère d’ailleurs m’éloigner des influences du stylisme pour puiser l’inspiration dans les musées et les expositions. C’est ce mélange qui donne son esthétique à La Collection, tout à la fois luxueuse et effortless, minimaliste et traditionnelle. Envisageant l’élégance comme un véritable art de vivre, une manière d’être.
Vous affirmez également que chaque pièce naît de la rencontre d’une histoire et d’un décor. Quels lieux et éléments font office de références pour vous ? Le beau, dans sa globalité. Lorsque je me lance dans un processus de création, je marche dans la ville, afin d’en prendre le pouls et la culture. Vivre entre Anvers et Paris offre un merveilleux patchwork d’inspirations. Mais le voyage, en général est un moteur, qu’il soit géographique ou artistique. Un petit café du sud de la France comme les nuances d’un tableau d’Antoni Tàpies. C’est ce qui amène chacune de nos pièces à posséder une histoire et à être pensée au-delà de toute étiquette.
L’Appartement, inauguré à Paris fin 2023, Paris s’inscrit-il dans cette continuité ? Artur : Cela faisait plusieurs années que nous rêvions d’un espace où l’on pourrait venir découvrir les modèles de la Collection mais aussi l’âme qui l’habite. Pas une boutique, mais un lieu de vie, dont chaque aspect, mobilier, décoration, jusqu’à la tasse dans laquelle on vous sert un café, refléterait nos goûts et raconterait notre passion. Et qui n’aurait rien d’un endroit réservé aux VIP, mais au contraire chaleureux, convivial et ouvert. D’abord imaginé comme temporaire, l’Appartement devient aujourd’hui permanent, pour notre plus grand bonheur.
Autre lancement majeur, celui, début février, d’une gamme de bijoux. D’où venait cette envie ? Florence : Je n’avais pas d’attrait particulier pour la joaillerie, jusqu’à ce que la maman d’Artur me fasse don d’une bague, qu’elle avait reçue de son époux, le père d’Artur. Ce geste signifiait pour elle : tu es importante et désormais liée à notre famille. J’ai trouvé cette symbolique tellement belle que depuis, elle ne quitte plus mon doigt. Et en cours de route, ce petit morceau d’or au magnifique éclat est devenu une source d’inspiration. C’est de là qu’a grandi l’envie de concevoir une collection de bijoux, dont les pièces seront destinées à perdurer et à se transmettre au fil de l’amour et des générations. Et qui ne fera que s’étoffer avec le temps.
Jusqu’où souhaiteriez-vous amener La Collection à grandir ? Artur : Nous cherchons à installer de nouveaux Appartements à Anvers, Bruxelles ainsi que Londres et New York. Mais aussi et avant tout à avoir un impact réel sur l’industrie de la mode. C’est rêver très grand mais avec cette certitude, toujours, que rien n’est impossible.
Virginie Morobé et Bernard T. Sestig - Duo au sommet
Virginie Morobé et Bernard T. Sestig
Duo au sommet
Mots : Barbara Wesoly
Photos : Morobe
Son nom comme sa signature broche évoquaient déjà un raffinement flamboyant qu’on se languissait de porter à nos pieds. Après huit années consacrées à la chaussure, Morobé étoffe son univers avec une gamme d’accessoires, sous l’égide de sa fondatrice mais aussi de son nouveau directeur artistique, Bernard T. Sestig.
Une gamme homme, une collection d’accessoires et surtout l’arrivée de Bernard T. Sestig à la direction artistique. On ne compte plus les nouveautés Morobé de ces derniers mois ! Virginie, souhaitiez-vous entreprendre un véritable virage créatif ? Cela s’est imposé à moi. L’ouverture des boutiques de Knokke puis d’Anvers, a marqué un tournant majeur. Glenn et Bernard Sestig les ont conçues pour refléter l’esthétique Morobé, dans les moindres détails de design et de mobilier. Soudain la chaussure qui avait jusque-là été l’élément central, devenait partie intégrante d’un univers, ouvrant le champ de tous les possibles. De là est venue l’envie de développer une gamme d’accessoires et le besoin de trouver quelqu’un capable de la gérer. Lorsque nous travaillions ensemble aux futurs magasins, Bernard ne cessait de proposer des aménagements et des idées, dévoilant sa vision de Morobé. Et c’est devenu une évidence. C’était la première fois que quelqu’un qui comprenait de manière aussi viscérale l’ADN de la marque et la direction que nous souhaitions lui donner.
Bernard : Mon rôle de directeur artistique du cabinet Glenn Sestig Architects m’a amené à travailler à de nombreuses reprises dans l’univers de la mode. Un domaine qui m’a toujours passionné. En concevant l’intérieur des boutiques Morobé, je ne pouvais m’empêcher d’aller un pas plus loin, d’imaginer l’agencement d’une vitrine ou de futurs produits. Lorsque Virginie et David Damman, son mari, également à la tête de la marque, m’ont proposé de les rejoindre, j’ai d’abord hésité, me demandant si j’en étais capable. Mais cela m’électrisait. Et une semaine après, je leur proposais 70 concepts d’accessoires. Des sacs, mais aussi des chapeaux ou des diadèmes.
Les sacs à main comme les ceintures ou les bijoux, sont désormais partie intégrante de l’identité de Morobé. Vous sentiez-vous, à force, limitée par la chaussure ? Virginie : La chaussure demeure mon coup de cœur, mais avec désormais la certitude que l’identité de Morobé peut exister au-delà de celle-ci. Cela se voit avec notre logo en broche, connu sur nos boots ou sandales et désormais décliné en poufs pour la boutique mais aussi sur nos sacs, en motif de nos ceintures ou en solitaire porté sur une chaîne. Des détails qui façonnent une signature, un label. Mais je n’imaginais par contre pas le défi technique que cela représenterait, surtout pour la conception de sacs, qui ne demande pas moins d’une année. La moindre pièce, plus petit anneau de chaque modèle est fabriqué sur mesure, avec le concours de Julie De Taeye, qui avait travaillé 11 ans chez Delvaux, afin de correspondre à l’exigence de qualité synonyme de Morobé.
Êtes-vous plutôt alignés sur vos choix ou complémentaires ? Bernard : Les deux. Nous avons une connexion très forte. Nous sommes le plus souvent sur la même longueur d’onde, parfois sans même avoir besoin de se parler. Et avec une grande confiance mutuelle. Je pense que ma force est de ne pas vouloir imposer ma vision, mais au contraire renforcer et transposer l’univers de Virginie et l’image de Morobé.
Virginie : On partage la même sensibilité. Mais Bernard a aussi la capacité de changer mon regard, moi qui me fiais jusque-là à mon seul instinct. J’ai failli annuler deux fois notre sac Pare-Choc, car je n’étais pas convaincue. Mais lui l’était et aujourd’hui j’adore ce modèle et je le porte très souvent. C’est un lien entre nous qui ne s’explique pas.
Bernard, vous définissez le style Morobé comme “balnéaire », expliquant que ce principe est le catalyseur de vos créations. A quel niveau ? C’est un mot qui s’est directement imposé à moi. Morobé, c’est Saint-Tropez, Capri, Saint-Barth. C’est un univers estival, coloré, lumineux, qui fait surgir dans mon esprit des inspirations au parfum de vacances et de bord de mer mais aussi une certaine notion de la féminité. Aujourd’hui, en plus de la direction artistique, je suis aussi responsable de l’identité visuelle de la marque, des campagnes photos à la communication sur les réseaux et elle est imprégnée de cette atmosphère balnéaire.
Les mois à venir annoncent-ils de nouvelles surprises ? Virginie : Bernard voit les choses en grand et ne s’arrête jamais de créer. Un jour il entre dans nos bureaux et déclare ainsi qu’on va réaliser un bracelet pour les fêtes, qui peut se transformer en choker, ou des serviettes de bain pour l’été prochain. Ce sont des évolutions spontanées, naturelles. Et l’on va continuer à s’ouvrir à de nouveaux domaines sans pour autant renoncer à nos classiques. Et toujours avec le même indispensable : des modèles que je porterais moi-même sinon rien.
Estelle de Merode - Déclaration d’amour et de mode
Estelle de Merode Déclaration d’amour et de mode
Mots : Barbara Wesoly
Photos : Enamoure
Elle délaisse les tendances, leur préférant l’intuition et une créativité guidée par l’émotion. Si, en lançant sa marque Enamoure, la princesse Estelle de Merode désirait esquisser avec raffinement sa vision de la maroquinerie de luxe, il s’agissait aussi d’y instiller les valeurs d’authenticité et de liberté qui lui sont chers.
Le nom de votre marque vient du verbe Enamourer, qui, en ancien français signifie s’éprendre, être charmé, enflammé. Un terme qui vous correspond ? Je trouvais qu’Enamoure évoquait d’une manière charmante l’attachement profond que je ressens vis-à-vis de mes sacs. Il me permettait également d’opter pour un double E en acronyme, qui rappellerait ainsi mon prénom. C’est un clin d’œil autant qu’une belle déclaration. Il représente l’espoir que je nourris de voir celles qui les portent en tomber profondément amoureuses.
Votre histoire avec la mode a-t-elle démarré par un coup de foudre ? Elle vient du cœur, c’est sûr, mais aussi d’avoir été bercée par cet univers. A deux jours à peine, mes parents m’emmenaient déjà dans leur usine de textiles. Une habitude qui a perduré durant toute mon enfance. Ma maman y avait une pièce remplie de tissus, qui m’apparaissait comme un véritable rêve. Pour m’occuper, j’assemblais les matières et j’imaginais des modèles. Puis, vers mes treize ou quatorze ans, de m’essayer à la couture à l’aiguille et ensuite sur machine, en fabriquant des petits modèles puis des sacs crossbody. Je me rappelle encore ma première vraie création, une pochette avec un intérieur en cuir lisse argenté et de la fausse fourrure sur l’extérieur. Très – trop – tape à l’œil pour mes goûts actuels, mais je savais déjà ce que je voulais.
Après un cursus à l’Istituto Marangoni de Milan et au Central Saint Martin’s College of Art and Design de Londres, vous avez eu pour employeur la joaillerie Harry Winston, Oscar de la Renta, Zac Posen… Pensiez-vous déjà à un jour, fonder votre propre label ? J’ai toujours été très imaginative. Assez rebelle également, et je sentais qu’il me fallait oser la créativité et lancer un projet qui me correspondrait et m’appartiendrait véritablement. J’ai commencé par travailler comme étudiante lors des Fashion Weeks de Paris et Londres. C’était intense et épuisant mais aussi passionnant d’être plongée dans les coulisses de tels évènements. Intégrer ensuite des maisons prestigieuses représentait pas mal de défis, surtout dans un univers aussi compétitif, mais toutes ces expériences ont clairement renforcé ma détermination à donner vie à ma vision.
Les envies qui font battre votre cœur aujourd’hui, sont-elles les mêmes que lors du lancement d’Enamoure, en 2021 ? Plus le temps passe, plus je grandis en tant qu’entrepreneuse et l’identité de ma marque avec moi. Je suis reconnaissante d’avoir réussi à traverser la tempête qu’a représentée un démarrage en plein Covid. Et fière en repensant à ce premier modèle de sac baguette kaki ayant directement rencontré le succès. C’était une belle consécration. Mais tout en ayant à cœur d’être toujours plus alignée avec les souhaits de mes clientes, en me focalisant sur les best-sellers, je tiens à laisser de l’espace pour l’expérimentation et la créativité.
Votre collection AW23 est inspirée par le rêve. Quelle forme cet onirisme y prend-il ? Il s’agit d’une atmosphère plus que d’éléments concrets. La collection mise sur la finesse et l’élégance précieuse, aux tonalités chaleureuses et fortes. C’est seulement une fois les modèles créés que je les entoure d’un univers. J’aime donner à chaque gamme de sacs une note d’intention quant à l’ambiance qu’elle devra dégager. Je finalise ainsi actuellement la collection à venir, prévue pour fin décembre, début janvier, sans savoir encore quelle sera sa thématique. Cela dépendra de mon humeur et de mes inspirations du moment.
Cet été, vous avez épousé le prince Aurèle de Mérode, devenant ainsi princesse. Que signifie ce titre à vos yeux ? Je suis extrêmement respectueuse de ce statut, comme de la famille de mon mari. Mais je reste avant tout fidèle à celle que je suis et à mes valeurs, tout particulièrement l’authenticité. Et je pense que c’est une part de ce qu’il aime chez moi. Cette franchise, très directe.
Quels beaux lendemains peut-on vous souhaiter ? J’ai la tête pleine de rêves. J’ai toujours eu l’envie de créer une Maison de couture plutôt qu’une marque. Je désire amener Enamoure à grandir et pas uniquement en proposant des sacs. A côté de cela, je me passionne pour la culture coréenne. Je suis d’ailleurs un cursus en langue et littérature à Bruxelles. Ce pays m’influence profondément. Je m’imagine aussi concevoir une gamme de vêtements. Je ne veux me contraindre à aucune limite et j’espère insuffler ce principe à travers mes modèles. Donner à celles qui les portent le sentiment de pouvoir être exactement qui elles désirent, en toute liberté.
Edouard Vermeulen « Ce livre, je le dédie à la passion »
Edouard Vermeulen
« Ce livre, je le dédie à la passion »
Mots : Barbara Wesoly
Photos : DR
Après une exposition emblématique à l’espace Vanderborght de Bruxelles, Natan offre un dernier chapitre flamboyant à ses célébrations du 40e anniversaire de la Maison, avec son ouvrage « Edouard ». Un recueil d’archives, autant qu’un objet d’art et d’élégance, au diapason des créations de son fondateur.
Photos des coulisses et des défilés, croquis, archives de campagnes et de fabrication. Ce livre est tout à la fois un mélange d’esthétique et d’émotion. A l’image de Natan ? Oui, il était essentiel pour moi qu’il incarne l’ADN de la Maison. On m’avait déjà proposé de le réaliser à l’occasion de notre trentième anniversaire, mais je trouvais alors la démarche trop prétentieuse. Dix ans plus tard, j’estime que s’il faut laisser une trace, c’est maintenant. Mais avec une démarche artistique et une véritable vision. Les clichés ne suivent pas un ordre chronologique et l’on n’y trouve pas d’interminable biographie. Ce n’est pas une rétrospective des décennies écoulées, plutôt un ouvrage avec une âme, porteur d’histoire par l’image. Un bel objet avec pour fil rouge l’amour de la mode et du vêtement, qui anime Natan.
« Edouard Vermeulen c’est Natan et Natan c’est Edouard Vermeulen », affirme le designer d’intérieur Jean-Philippe Demeyer dans cet ouvrage. Il s’intitule d’ailleurs simplement “Edouard ». Souhaitiez-vous l’aborder à la manière d’un journal intime ? Il est surtout le reflet de ce qu’a été ma vie et de ces quarante dernières années que je n’ai pas vu passer. La passion a été le moteur de mon existence et elle m’a habité du premier instant à aujourd’hui. Elle est au cœur de ce livre.
Vous l’évoquez comme “le document d’une vie”. Représente-t-il aussi une forme de passage à la postérité pour la Maison ? C’est une forme d’accomplissement, c’est certain, mais qui ne s’inscrit pas dans l’immobilité. Il est la preuve tangible que le vêtement couture européen, et belge de surcroît, doit exister et a toute sa raison d’être. Et il a été également conçu pour être une représentation de notre travail et de notre définition du vêtement – dans son essence contemporaine, élégante et minimaliste – notamment à l’étranger. Il s’achève sur les photos du défilé Natan Couture, réalisé à l’Hôtel de Salm de Paris pour nos quarante ans, car elles évoquent à merveille la philosophie de célébration qui nous est si chère, mais cela n’empêche pas cet ouvrage d’être profondément intemporel et non pas restreint par une ligne du temps. Cela lui permettra d’être toujours aussi actuel et inspirant dans une ou plusieurs décennies.
Une photo de celui-ci vous émeut-elle particulièrement ? Celle en compagnie de la reine Paola et qui s’accompagne d’un petit mot de sa main, sur la longue histoire qui l’unit à Natan. Sa présence au premier défilé de la Maison, en 1986, a été un point de départ marquant et reste, à mes yeux, intimement lié au début de mon métier.
Avez-vous le sentiment qu’il dévoile des facettes de l’univers de la Maison, jusqu’ici méconnues du public ? On y découvre en tout cas l’envers du décor de nos ateliers tout comme une part des détails de mon intérieur, de mon dressing. Proposer une expérience et permettre la compréhension de ce savoir-faire reste essentiel à mes yeux. Nous avons d’ailleurs transformé l’étage de notre siège historique de l’avenue Louise afin que l’espace d’essayage s’ouvre sur les salles de confection de nos créations couture, pour un moment d’autant plus immersif.
En en reparcourant les pages, quel regard portez-vous sur ces quatre décennies ? Je suis avant tout frappé par l’évolution de la mode, ces changements d’usage et de société au niveau vestimentaire. La disparition des barrières générationnelles notamment, qui a bouleversé les codes et nous a amenés à repenser à maintes reprises nos créations et les silhouettes de celles-ci. Sans parler de l’influence omniprésente d’internet et des réseaux. Quand je songe par exemple au fait que Balenciaga était le créateur m’ayant le plus inspiré en matière de haute couture et qu’aujourd’hui, la griffe est connue par la nouvelle génération pour ses modèles de sneakers, je me dis que cette constante évolution a un aspect fascinant.
Et si vous deviez en écrire le prochain chapitre, à quoi ressemblerait-il ? Fin décembre s’achèvera la célébration de ce quarantième anniversaire. L’occasion d’un nouveau départ, même si l’on conservera l’énergie créative qu’on y avait insufflée. J’aime cette dynamique de retour à une page blanche, de remise à zéro deux fois par an. En janvier nous dévoilerons la collection printemps-été 2024 à la résidence de l’ambassadeur de Belgique, à Paris. Et nous avons aussi l’objectif de repousser toujours plus les frontières et pourquoi pas, d’ouvrir une boutique à Madrid, une ville dont l’atmosphère, comme Munich ou Zurich, rencontre l’ADN de la Maison. Et continuer d’écrire en beauté l’histoire de Natan.
Van Esser- Un prestige intemporel
Van Esser
Un prestige intemporel
Mots : Barbara Wesoly
Photos : Van Esser
Le parcours de Denis Van Esser n’est en rien le fruit du hasard mais bien de l’audace. Celle de lancer une marque éponyme qui élèverait ses créations vers les sommets de la joaillerie. Celle aussi de se réinventer ensuite, au travers de sa passion de l’horlogerie. Quarante ans plus tard, et forte de la complicité d’une nouvelle génération, le label poursuit son voyage d’orfèvre à travers le temps.
Le slogan de Van Esser est « Not A Detail ». Qu’est-ce qui vous l’a inspiré ? Il a été imaginé par l’un de mes fils. En matière de luxe, il existe beaucoup de frivolité et l’on tenait à marquer notre différence. Un bijou Van Esser est une pièce d’exception, réalisée avec une exigence extrême de qualité. Tout sauf un détail.
En 1983, vous inauguriez votre première boutique située à Hasselt. Un pari osé pour vous qui n’étiez pas issu d’une famille liée à la joaillerie. Comment, jeune bijoutier encore inconnu, affirme-t-on sa vision ? J’ai en effet grandi dans un petit village à la frontière hollandaise, bien loin de cet univers. Mais mon frère ainé qui aimait fabriquer de petits bijoux, a entamé une formation en joaillerie et m’a transmis la passion de ce métier. Et celle-ci n’a fait que grandir durant mes études. J’ai donc rapidement ouvert mon enseigne et commencé à fabriquer mes propres modèles et à les signer. A l’époque c’était encore très rare. Apposer son nom sur un bijou signifie qu’on croit en sa valeur, qu’on promet un label, une excellence. Et c’est ce qui permet à certains d’entre eux d’apparaître aujourd’hui dans les plus grandes salles de vente.
Et puis, en 2002 vous finalisiez un garde-temps exclusif baptisé Van Esser A One Automatic. La réalisation d’un rêve nourri par votre premier emploi, à Chaux-de-Fonds, la capitale de l’horlogerie Suisse ? Chaux-de-Fonds a été un tremplin incroyable. J’y travaillais pour une marque qui s’exportait dans le monde entier. De là est né mon souhait de créer une montre d’excellence. Depuis vingt ans, nous n’en n’avons en effet développé qu’une, conçue en Belgique et fabriquée en Suisse. Elle a la spécificité d’avoir une épaisseur asymétrique, plus fine à 6h qu’à 12h, mais surtout de se suffire à elle-même. Pourquoi en sortir une autre tous les ans si l’on a conçu un modèle intemporel et abouti ? Mes fils m’ont d’ailleurs fait acter qu’elle serait jamais transformée.
Après avoir ouvert 2019 une seconde adresse, anversoise cette fois, vous avez en effet été rejoint par vos deux fils, Anthony et Alexander, également bijoutiers, à la tête de Van Esser. Était-il important pour vous de leur transmettre cet héritage ? Cela s’est fait instinctivement. Ils ont grandi dans un univers familial ou l’on parlait, lisait, vivait la joaillerie. Chacun d’entre eux est un jour venu vers moi pour me demander à intégrer la société familiale. Au fond, c’est ainsi que nait une dynastie
Quel est, le secret de votre réussite depuis près d’un demi-siècle ? Ne pas reculer ni abandonner ses valeurs. Refuser les compromis sur la beauté, la qualité, le précieux.
L’histoire de Van Esser s’écrit désormais en trio, comment en imaginez-vous le futur ? Développer notre notoriété mais restant exclusifs plutôt que de vouloir grandir à tout prix. Préserver nos modèles phares comme la bague Chameleon ou le bracelet Donatella tout en proposant des nouveautés. Nous avons par exemple lancé la gamme Happy Sound, des pendentifs qui en se touchant produi-sent des bruits délicats. C’est original, élégant et unique. Marque de fabrique de Van Esser.
Les trésors d’authenticité d’Axelle delhaye
Les trésors d’authenticité d’Axelle delhaye
MOTS : Barbara Wesoly
PHOTOS : Camille Doyen
C’est à proximité de la place Brugmann qu’Axelle Delhaye héberge sa passion des bijoux. Un lieu qui reflète à merveille l’éclectisme lumineux et féminin de sa marque, AXL Jewelry, abritant nouvelles créations comme parures vintages.
A quoi peut-on s’attendre en franchissant les portes de votre boutique ? A y découvrir des pièces anciennes, uniques et riches d’une histoire mais aussi à des modèles issus d’ateliers assez confidentiels des quatre coins du monde, bien souvent artisanaux et réalisés en quantité limitée. A une forme de petite joaillerie, c’est-à-dire une bijouterie précieuse mais restant relativement accessible, accompagnée d’un accueil chaleureux, où l’on se sent comme à la maison, s’installant sur notre canapé pour essayer, se laisser conseiller.
Vous avez étudié la peinture à Firenze, ainsi qu’à La Cambre. Qu’est-ce qui vous a amené à quitter cet univers ? La peinture c’est tellement fort et intense. On se marie avec l’art. J’aurais dû m’y donner pleinement. Je voulais des enfants, une vie de famille et les bijoux me permettaient une autre forme de créativité. J’avais aussi suivi un cursus en antiquariat à Louvain-la-Neuve et j’ai toujours été fascinée par les objets qui ont vécu. Cela leur offre une part de mystère. Et j’ai donc commencé à chiner, il y a une trentaine d’années, d’abord du mobilier, de la décoration, puis des pièces de joaillerie originales et éclectiques, que j’accompagnais de mes propres créations.
Un principe qui demeure encore l’âme d’AXL Jewelry aujourd’hui ? Oui, à mes yeux l’ancien nourrit le contemporain. C’est une vision que je tiens de ma grand-mère, véritable collectionneuse qui possédait énormément de bijoux des années 40-45, typiques de la période de l’art décoratif. J’apprécie particulièrement ceux de l’ère victorienne, mais il peut aussi s’agir de trouvailles des seventies, du 19e siècle ou actuelles. Cela peut être très décoratif ou au contraire particulièrement sobre. Les pièces viennent à moi, me parlent. Et j’aime multiplier les genres comme les inspirations. Il y a aussi ces modèles anciens que des clients m’apportent pour que je leur offre une seconde vie, c’est une autre forme de lien à l’histoire.
Une diversité que vous développez encore en proposant des piercings de luxe et des piercings party ? J’ai en effet débuté ce concept il y a sept ans, à une époque où il était totalement novateur en Europe. Je l’avais découvert à Soho, en rencontrant la créatrice Maria Tash, avec laquelle je collabore encore aujourd’hui. Je vois les piercings et studs comme des bijoux précieux à part entière et c’est finalement devenu l’une de nos spécialités.
Comment s’annonce l’automne chez AXL Jewelry ? Avec pas mal d’éme-raudes et d’or blanc. Un retour de l’argent aussi. Je diversifie en permanence les pierres comme les matières, selon les saisons. J’étudie les tendances, mais je fonctionne surtout à l’instinct. Au coup de cœur aussi. La boutique se compose exclusivement de modèles que j’imaginerais porter.
Imagineriez-vous ouvrir une deuxième boutique ? Non, mais j’aimerais par contre réaliser plus de partenariats avec des pop-ups stores, pour diversifier les lieux. C’est d’ailleurs en préparation, notamment avec une adresse à Anvers. Tout comme pour les créateurs avec lesquels je collabore, il est impor-tant pour moi de favoriser le durable, l’artisanal, les marques plus intimes.
En un mot…
Or ou argent ? Or.
Piercing ou boucle d’oreille ? Piercing.
Pierres colorées ou diamants ? Pierre colorée.
Finesse ou exubérance ? Les deux.
Les deux, impossible de choisir.
Des pièces pour toujours ou changeant au gré des envies ? Changeant au gré des envies.
Votre modèle phare ? Une pièce vintage, des années 60, en corail, désormais interdit, et petits diamants. Elle représente une tête de bélier sculptée. Je ne peux m’empêcher de me demander ce qu’elle représentait et qui était celle à qui elle a appartenu.
Pierre Degand, allure et savoir-vivre intemporels
Pierre Degand, allure et savoir-vivre intemporels
MOTS : Barbara Wesoly
PHOTOS : DR
En cinq décennies, Pierre Degand a su imposer sa vision d’un prêt-à-porter masculin luxueux dont le classicisme s’étoffe de modernité. Mais également conserver sa passion du style et son goût pour l’excellence, empreintes de la Maison Degand.
Vos premiers pas dans la mode remontent à 50 ans et à l’ouverture de votre première boutique à Knokke, alors que vous n’aviez que 19 ans. Pensez-vous qu’une telle aventure serait encore possible aujourd’hui ? Il est clair que j’ai eu énormément de chance de baigner dans ce milieu depuis l’enfance, grâce à ma mère Yvonne Degand, qui possédait une maison de couture pour dames. De la voir travailler et de découvrir les ficelles de ce métier ainsi que de pouvoir y réali-ser mes premiers pas à 14 ans, au sein d’un magasin dont elle connaissait les propriétaires. Mais pour moi, tout est possible lorsque l’on a de la détermination et de la volonté et que l’on agit par passion et non pas par profit. Et quand l’on fait le choix de privilégier le label de qualité aux marques et la personnalité aux effets de mode. Cela fait toute la différence.
Être aujourd’hui considéré comme une institution, est-ce un compliment ? Oui, c’est certain. Ces cinquante années d’existence n’auraient pas été possibles sans liens de fidélité et de confiance qui s’est créé au fil du temps avec nos clients. Ce qu’on construit avec eux est primordial. Plus que le prêt-à-porter pour hommes, mon métier, c’est avant tout le conseil. Je n’aime rien tant qu’aider chacun à mettre en valeur son identité, par une forme d’élégance qui lui corresponde.
Habiller le Roi Philippe et en parallèle Stromae pour la couverture de son album « Multitudes » comme pour son passage en télévision, est-ce une manière de se jouer des codes ? C’est surtout totalement différent. Paul est arrivé un jour en boutique, avec sa femme, Coralie, pour trouver un costume à porter le lendemain, lors du journal de TF1. Je l’ai imaginé avec un blazer croisé bleu marine, avec une cravate unie et une chemise blanche. Et au final, cette allure folle a contribué à une part du buzz qui en a suivi. L’on n’est plus familiarisé avec cette forme de raffinement dans l’habillement des chanteurs. Quant au Roi, je l’habille depuis de nombreuses années et ses tenues ont évolué via de discrets changements, mais qui n’en sont pas moins essentiels, comme le pliage de sa pochette, modifié après son accession au trône. Il ose désormais des détails parfois fantaisistes, comme lors du Bal national du 21 juillet, où il arborait une pochette colorée Degand réalisée en partenariat avec le peintre Malel. Une manière d’être distingué sans être guindé.
Cinquante heures sont nécessaires à un tailleur de la Maison Degand, pour confectionner un costume sur mesure. Sublimer le moindre détail est-il la clé en matière de mode ? La justesse des détails l’est. Ils sont notam-ment la clé du casual chic. Le motif d’une chemise, la mise d’une pochette, les bonnes chaussures, permettent une dose d’audace sans pour autant tomber dans l’ostentation. Et l’artisanat et la qualité s’observent tout particulièrement dans les finitions. M’habiller est un plaisir personnel, une part de cette qualité que j’aime retrouver dans chaque aspect lifestyle, de la cuisine aux voyages, en passant par la mode. Et le bon goût que je recherche, comme celui que je souhaite proposer via la Maison Degand, se dessine aussi dans les aspects les plus subtils.
Qui symbolise pour vous l’élégance ? Steve McQueen assurément. Il reste un emblème de celle-ci. Il suffit de regarder L’Affaire Thomas Crown pour voir que son style n’a pas pris une ride. Qu’il s’agisse de porter une casquette avec un blouson ou un pantalon chino et des baskets, cela fonctionne parfaitement et colle en même temps à son caractère. Le charisme et la personnalité sont des éléments indissociables d’une tenue, tout comme le contexte dans lequel on la porte.
Cet anniversaire marquera-t-il un tournant pour la Maison ? Et pour vous, à titre personnel ? Oui, il s’agit d’une date très symbolique. D’un triple anniversaire. Les 50 ans de la Maison, mais aussi ses 90 ans, si l’on compte les années sous la direction de ma mère. Cela marque aussi mes 70 ans. Je continue d’être un entrepreneur et de souhaiter de nouvelles surprises, de nouvelles découvertes. Nous ne savons pas encore comment nous allons le célébrer, mais certainement par le biais du restaurant Emily, que nous nous apprêtons à rouvrir. Un établissement dédié à ma fille, que j’avais malheureusement perdu après y avoir mis tant d’énergie et de cœur et que je suis si heureux d’avoir pu récupérer. Mode ou gastronomie, les rencontres, la passion et la beauté sont mes moteurs.
Que reste-t -il à accomplir à la Maison Degand ? Je dois encore la finaliser pour qu’elle corresponde à cette vision que j’en avais déjà petit garçon. La vraie réussite pour moi, ce sont les œuvres que l’on crée en suivant ses rêves d’enfant.
Les racines précieuses DE JENNIFER ELLIOT
Les racines précieuses DE JENNIFER ELLIOT
Mots : Barbara Wesoly
Ses modèles ciselés et délicats ont fait d’Elliot & Ostrich l’une des plus élégantes références de la joaillerie belge. Derrière ceux-ci, l’on retrouve l’empreinte de la créatrice Jennifer Elliot, portée par ses influences et son histoire cosmopolite.
Vous êtes née et avez grandi à l’autre bout du monde, fruit d’un métissage d’origines belges, britanniques et africaines. Votre marque a-t-elle éclos au croisement de ces cultures ? Totalement. J’ai vécu jusqu’à mes sept ans au Botswana, près des mines de diamants où mon père travaillait pour une grande compagnie, avant d’avoir sa propre société. Ma mère était orfèvre et avait sa propre ligne de bijoux. J’ai donc évolué dans ce milieu précieux, mais sans imaginer l’intégrer un jour, ayant ensuite étudié le droit et le business. Mais je ressentais un manque, l’impression d’être destinée à autre chose. Puis vers trente ans, alors que j’avais quitté la Belgique pour suivre mon ex-mari en Afrique où il avait obtenu un poste, un inconnu l’a contacté. Sa compagne et lui avaient découvert par hasard nos photos de mariage sur internet. Et ayant eu un coup de foudre pour ma bague de fiançailles, désiraient en connaître la marque, pour se la procurer en vue de leur union. Or, il s’avérait que je l’avais dessinée et créée avec ma maman. J’étais alors en pleine réflexion sur moi-même et en recherche d’un travail. Cet inconnu devint mon premier client. Et c’est à ce hasard que je dois d’avoir compris que je désirais lancer ma propre marque de bijoux.
Une griffe dont le nom se veut énigmatique ? Surtout très personnel. Je souhaitais un patronyme qui me raconterait intimement, d’où le croisement de mon nom de famille et du mot ostrich, qui signifie autruches en anglais. Des oiseaux qui m’ont toujours fascinée par leur puissance et leur vitesse, mais aussi leur élégance. Selon la philosophie africaine, ils cachent leur tête dans leur sol lorsqu’ils ressentent le danger, de façon à se connecter au plus près à la terre et à la nature. Je trouvais cette représentation particulièrement belle.
Est-ce cette invitation au voyage qui anime Elliot & Ostrich ? La nature inspire en effet directement mes créa- tions. Le contact de la mer, du soleil, des paysages d’exception, m’amène à me sentir grandie et au plus proche de moi-même. Tout comme cet équilibre entre le brut et le délicat, que l’on retrouve dans mes modèles est directement issu de mes racines mêlées. De l’Afrique, un lieu tout à la fois pur et chaotique et en parallèle, beau, libre et empreint de joie. Et de ce raffinement et cette qualité typique de la joaillerie belge.
Certains de vos modèles sont minimalistes et aux tons neutres, d’autres colorés et lumineux. Deux univers graphiques qui vous correspondent ? Au lancement d’Elliot & Ostrich, nos pièces étaient résolument pures, fines, sobres. Aujourd’hui, je m’autorise à être plus audacieuse, à prendre des risques. C’est l’occasion d’exprimer ma créativité, même si mon but premier demeure de raconter l’histoire de mes clients, de créer des pièces qu’ils considèreront comme des extensions de leur être.
Vous affirmez sur votre site, qu’un bijou est le présent le plus porteur de sens qui soi. Est-ce l’histoire qu’il véhicule qui vous touche particulièrement ? Dans mon enfance, nous ne recevions pas beaucoup de cadeaux mais pour les évènements importants, mon père n’hésitait pas à nous gâter. Nous pouvions choisir un objet que nous désirions et surtout que nous pourrions conserver. Parfois il s’agissait de bijoux. Ils ont aujourd’hui une symbolique toute particulière pour moi. Mon père est décédé il y a plusieurs années et ils demeurent les seuls objets que je possède encore de lui. Et c’est ce que je trouve magnifique à propos de la joaillerie. Porter tout contre soi une personne ou un message essentiel, à travers le temps.
En plus des bagues, qui représentent l’essence d’Elliot & Ostrich, vous réalisez aussi des bracelets, boucles d’oreilles, colliers… Avec le même plaisir ? Proposer une majorité de bagues est lié à notre évolution naturelle, avec des collections destinées aux évènements importants de la vie, tels que le mariage, les fiançailles, la naissance d’un enfant. Mais nos autres créations me procurent la même joie. Nous lançons d’ailleurs une nouvelle gamme de boucles d’oreilles. Des pièces pour le quotidien comme les moments festifs, et pouvant se combiner selon les envies, en des déclinaisons uniques.
Vous signez une collaboration avec le styliste Tom Eerebout, autour d’une collection de bijoux unisexe baptisée « My ring. My Story ». Qu’est-ce qui relie vos deux univers ? Nous partageons une passion commune pour les matériaux précieux, à l’excellence inégalée et au savoir-faire authentique. En parallèle chacun de nous se démarque avec audace des conventions et normes établies, pour affirmer son indépendance artistique. Avec cette capsule unisexe, composée d’une bague, de deux chevalières et d’une boucle d’oreille, nous avons l’ambition de rendre la haute joaillerie plus accessible aux hommes et tout particulièrement les bagues, en tant que pièce phrase. Et ainsi de briser les barrières qui cantonnent encore les bijoux à un domaine résolument féminin. La tourmaline verte est au centre de collection, car l’on prête à ce cristal un grand pouvoir de guérison et d’harmonie, tout comme elle s’inspire de l’usawa, qui signifie équilibre en swahili. Un équilibre entre yin et yang mais aussi entre masculin et féminin.
Alors que se profilent les cinq ans de votre marque, qu’imaginez-vous pour son futur ? Je nous souhaite de grandir, mais en conservant notre essence. En continuant de fabriquer nos bijoux en Belgique, à la main. Un principe d’au- tant plus beau et précieux qu’il devient de plus en plus rare. Des pièces de qualité et sans compromis. Je considère Elliot & Ostrich comme un multiplicateur de bonheur, destiné à inspirer les gens à vivre plus intuitivement et à suivre leur cœur et dès lors destiné à toujours plus se développer.
ALEXANDRA VAN REMORTEL, EN PLEIN SOLEIL
ALEXANDRA VAN REMORTEL
EN PLEIN SOLEIL
Mots : Barbara Wesoly
Photo portrait : Kathleen Claes
Sa marque, Alex Antwerp respire le sable chaud et les envies d’ailleurs. Alexandra Van Remortel pare nos évasions de matières aériennes et de lignes tout en finesse et revisite la mode swimwear avec une lumineuse beauté.
Qu’est-ce qui vous a mené, d’un cursus en marketing et d’un emploi dans l’immobilier, à la création en 2021, d’une marque dédiée aux maillots et vêtements de plage ? J’ai toujours aimé la mode et tout particulièrement la lingerie et les tenues de bain. Ma maman travaillait avec des enseignes spécialisées et reconnues à l’international dans ces deux domaines, j’imagine qu’elle m’a transmis une part de cette passion. Je travaillais comme développeuse de projet en compagnie de mon mari, dans une société où je gérais notamment le contact client et la logistique, tout en caressant depuis longtemps l’envie de lancer ma propre griffe. Mais imaginer les difficultés que cela impliquerait me retenait. Progressivement, il m’est devenu de plus en plus dur de trouver suffisamment de satisfaction dans mon emploi. Cela a fini par être le facteur déclenchant qui m’a poussé à ne plus reculer le moment de me lancer. Je me suis décidée juste avant le début de la crise sanitaire et j’ai commencé à concevoir la collection aux prémices de l’épidémie. Ce n’était pas le meilleur des timings, mais il était essentiel pour moi que mon emploi soit source de bonheur et d’enrichissement personnel. Et j’ai fini par y arriver.
Quels sont les piliers de l’esthétique d’Alex Antwerp? Le style, la qualité et l’intemporalité. En tant qu’acheteuse, même s’il existe de superbes marques de maillots sur le marché, je ressentais toujours cette frustration de découvrir un point de détail qui ne me plaisait pas totalement. Un coloris, un motif, une ligne qui ne correspondait pas véritablement à ce que je recherchais. Ce principe m’a amené à réaliser qu’il restait un créneau à développer dans le domaine du swimwear. Trop souvent, les modèles forcent à un choix entre confort et féminité. De mon côté, je me refusais à réaliser l’un au détriment de l’autre. Un maillot ou un bikini doit demeurer une pièce élégante à part entière et habiller celle qui le porte avec style
Tout comme vous vous refusez à intégrer le circuit d’une production de masse ? En effet. C’est la manière dont personnellement je consomme et choisis mes vêtements. Je préfère investir dans des pièces de qualité, promises à durer dans le temps. Et c’était une obligation pour moi, en créant Alex Antwerp. J’ai longtemps cherché les tissus adéquats, les fabricants d’exception. Nos modèles sont produits au Portugal et c’est également lié à une volonté de durabilité. De même qu’il n’est pas question de sortir des nouveautés tous les mois, comme le font certaines marques, mais d’œuvrer à une mode slow, avoir son fabricant en Europe permet aussi de travailler plus étroitement avec lui à la réalisation des collections et ainsi de pouvoir y prendre part dans les moindres détails.
Qu’il s’agisse des maillots et bikinis, de pantalons ou robes de plage ou encore de bandeaux, chacune de vos pièces porte le nom d’une femme qui vous inspire. Cet esprit de sororité est-il très important pour vous ? En créant mes premières pièces, je les imaginais portées par l’une ou l’autre de mes proches. J’ai donc voulu leur donner le nom de celles-ci. C’est une façon de rendre hommage à mes amis et ma famille, essentiels à ma vie et soutiens indéfectibles. D’où le fait que la collection, quoiqu’exclusivement féminine, comprenne aussi des noms d’hommes. Mais il est clair que je souhaite que ma marque amène celles qui la porte à se sentir véritablement elles-mêmes, fières de qui elles sont. Sûres d’elles et belles, peu importe leur âge, leur poids ou l’opinion extérieure.
Appeler votre griffe Alex Antwerp était-il par ailleurs une forme d’hommage à la Belgique ? Antwerp est bien sûr un clin d’œil à mon pays, mais surtout à Anvers pour son prestige dans le domaine de la mode. Et aussi car il s’agit de ma ville d’origine. J’ai également opté pour le diminutif de mon prénom car Alex est court, se retient facilement et a une consonance unisexe et internationale. Si pour l’instant je préfère élargir nos collections et me concentrer sur une gamme forte, créer des modèles masculins ne serait pas inenvisageable dans le futur. Ce qui est certain par contre, c’est mon souhait de nous voir toujours plus représentés, en Belgique mais aussi au-delà de nos frontières.