A la table de Karen Torosyan
Fermez les yeux. Imaginez que vous mangez à la table de Victor Horta. Imaginez ensuite un pâté en croûte au porc noir de Bigorre, canard et foie gras d’oie du Sud-Ouest, tellement parfait que vous hésitez à le trancher. Imaginez le goût d’une gaufre de Bruxelles aux algues, la saveur des cornichons de votre grand-mère et la fraiche acidité d’une mousse à l’oseille. Ouvrez les yeux, vous êtes chez Karen Torosyan, chef artisan cuisinier au Bozar Restaurant.
Mots : Servane Calmant
© Dirk Kerstens/Gaetan Miclotte
Une vaste salle située sur le flanc gauche du Palais des Beaux-Arts de Bruxelles. Bozar, Horta ! Exact ! Ce soir les ami.es, on mange dans un lieu d’exception : un restaurant dessiné en 1928 par Victor Horta – carrément !
Le décor est épuré, l’ambiance délicieusement surannée. Et intemporelle à la fois. Popularisés dans les années ’30, les philodendrons aux racines aériennes et feuilles perforées confèrent une touche graphique à la scène. Un détail ? Non, un soucis réel de cohérence. Et de respect. Ainsi, en 2018, quand le studio de conception et atelier de haute maroquinerie bruxellois Niyona réaménage le Jardin d’Hiver si cher à l’architecte belge, il le fait en s’inspirant de cet endroit unique. Résultat : une salle à manger d’une parfaite cohérence, à la franche authenticité, sans chichis, et résolument en dehors des modes. Ca tombe bien : Karen Torosyan se fiche éperdument des diktats de la mode. Ce qui intéresse ce chef belge d’origine arménienne, c’est « être en phase avec lui même ». Le trentenaire étoilé avoue aimer « laisser parler son cœur et sa générosité. Car la cuisine, c’est avant tout le partage». Voilà qui est dit.
“ Je suis le Belge le plus français dans ma cuisine ! KAREN TOROSYAN
Quoi de neuf ?
Février 2018, Karen Torosyan, 38 ans, s’offre le Bozar Brasserie dans lequel il officie depuis 8 ans et en change le nom. Mais continue avec la même équipe. « C’est grâce à eux que j’ai pu faire le grand saut. » Une équipe rodée, soudée, qui s’active silencieusement devant nous, dans cette cuisine ouverte sur une vaste salle où trônent des tables rondes jupées de cuir – on like !
Aura-t-on droit ce soir au pâté en croûte ? C’est le plat signature de Karen. Correction : c’est l’un de ses plats-phares, et sans conteste le plus médiatisé. Faut-il rappeler que le chef est passé maître dans sa confection au point de remporter en 2015 le titre envié de Champion du monde de pâté en croûte ? Le pâté, le voilà, présenté avec une fierté non feinte par Arnaud De Schepper, maître d’hôtel et sommelier. Qui aurait crû s’extasier devant la perfection d’un pâté en croûte ? Porc noir de Bigorre, canard et fois gras d’oie, pistache et poivre frais, chaque bouchée ravit. Comment ce mets, plat patrimonial français, a-t-il pu disparaitre de presque toutes les cartes ? Karen est son sauveur. Normal pour un chef qui se revendique fervent défenseur de la gastronomie française. D’ailleurs, il ne s’en cache pas : « Je suis le Belge le plus français dans ma cuisine !».
L’Aventure (gastronomique), c‘est l’Aventure…
D’origine arménienne, le Belge Karen Torosyan a fait ses armes chez Jean-Pierre Bruneau et Pascal Devalkeneer, avant de rencontrer David Martin, chef étoilé de La Paix…
2010 : David Martin crée Bozar Brasserie et propulse Karen au rang de chef.
2015 : Karen devient Champion du monde de pâté en croûte.
2017 : L’étoile Michelin attribué à Bozar Brasserie couronne son talent.
2017 : Deux récompenses : 16/20 au Gault & Millau et titre du Meilleur artisan-cuisinier de l’année sur le blason de Bozar Brasserie.
FÉVRIER 2018 : Karen Torosyan s’offre Bozar Brasserie où il of cie et en change le nom : Bozar Restaurant.
Les incontournables (parmi d’autres !)
Handmade évidemment ! Pour la petite anecdote, la cuisine de production du Bozar Restaurant à la taille de la salle. Pas question de transiger avec la qualité des produits !
Il constitue une première mise en bouche : le petit chou à la crème de parmesan. Un véritable péché mignon.
On la recommande vivement : l’huître Gillardeau n°3 à peine raidie, escortée de quelques grains de caviar, servie avec une gaufre de Bruxelles aux algues – quelle gourmandise !
Il nous a envoyé au 7e ciel gastronomique : le fameux pâté en croûte du maître, aussi bon que beau, croquant et moelleux à la fois, agrémenté d’un cornichon et d’un pickles de légumes. Saisissant jeu de saveurs et textures.
Ils ont ravi notre palais : le maquereau mariné aux agrumes, brousse de brebis, jus à l’oseille, délicat et parfumé. La volaille ô combien goûteuse simplement escortée de légumes de saison.
On a carrément demandé pour vous la recette au chef ( cf. p 10 ) : l’anguille au vert.
On y retournera pour goûter : le lapin à la Kriek, la côte de boeuf Holstein rôtie au four Josper et l’éclair à la vanille bourbon praliné noisette – ce soir là, désolée, mais on a déclaré forfait pour le dessert, la faute au généreux et ô combien savoureux pâté en croûte !
BOZAR RESTAURANT
Ouvert midi et soir du mardi au vendredi ainsi que le samedi soir.
Rue Baron Horta 3 – 1000 Bruxelles T : 02/503 00 00
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