STÉPHANE DE GROODT
« Affirmer ce que l’on est plutôt que de s’enfermer dans ce que les autres aimeraient que l’on soit »
Mots : Barbara Wesoly
Photo : Pascal Ito
Six ans après « L’ivre de mots », Stéphane
de Groodt revient à l’écriture par le biais de l’autobiographie. « En mémoire de mes souvenirs » raconte le pilote de course épris de vitesse comme l’homme en quête de lumière, le comédien virtuose des mots autant que l’individu qui, de ses fragilités d’enfance a fait le socle de son talent. Un récit de vie(s) d’une singulière authenticité.
Vous expliquez avoir, par ce livre, revisité les ruelles de votre existence. Pourquoi ce choix d’y retourner pour vous y balader ? Le point de départ est venu de mon éditrice, qui m’accompagne depuis les débuts de mon aventure littéraire. Elle souhaitait me ramener à l’écriture et m’a un jour demandé pourquoi je ne raconterais pas mon histoire. Sur le moment, ça m’a semblé absurde. Je n’imaginais pas qui cela pourrait intéresser. Mais quelques semaines plus tard, m’est venue une première phrase. D’autres s’y sont petit à petit ajoutées, à mesure que dans mon esprit se formait une réflexion plus globale sur ce qui compose un parcours de vie. J’avais envie de la partager et ainsi de convoquer ceux qui le liront dans un récit qui pourrait également être, d’une certaine façon, le leur.
En mémoire de mes souvenirs aborde des sujets aussi intimes que la perte de votre maman, votre TDAH, votre rapport à l’amour et à votre rôle de père. Cette forme de mise à nu était-elle un exercice évident ou difficile ? C’est fascinant comme démarche, cette revisite de ce qui a pu nous animer. Une fois que les souvenirs revenaient en surface, il était assez simple de m’y replonger. Le plus dur était de trouver un fil rouge, la raison d’être de les coucher sur papier. Je suis quelqu’un de très pudique et parler de sentiments et d’événements aussi personnels m’a confronté à la question de ce qu’il faut garder pour soi ou non. Mais je sais que chaque moment de ce parcours m’a construit. C’est ce qui m’a décidé à oser en aborder toutes les étapes.
Vous écrivez : « J’aurai cherché toute ma vie ce regard et cette main posée en guise de réconfort, pour me signifier que je suis attendu et que j’existe ». Cet ouvrage a-t-il été celui d’une réconciliation avec vous-même ? Je pense en effet que dire permet d’atteindre une forme d’apaisement. On planque souvent des sentiments sous le tapis, nous obligeant ensuite à avancer sur un terrain mouvant, accidenté. Il faut parfois accepter de regarder ce qui se cache sous la surface, d’enlever les aspérités encombrantes pour pouvoir marcher plus facilement. C’est une image, mais qui reflète profondément ce que j’ai ressenti. Notamment en évoquant mon ex-femme et mes absences, en m’exprimant sur cette part de mon passé comme je ne l’avais peut-être jamais fait. Je me rends compte que je n’aurais pu écrire ce livre il y a dix ans.
En vous offrant aussi le droit à éprouver une certaine fierté pour ce parcours multiple et atypique ? La fierté est une notion dans laquelle je ne me retrouve pas. Peut-être parce que plus jeune, j’ai eu le sentiment d’en avoir eu beaucoup et de l’avoir mal placée. J’en ressens aujourd’hui à l’égard de mes proches, mes enfants en particulier, mais étant un éternel insatisfait, m’accorder cette reconnaissance à titre personnel est difficile. Comme je le dis dans cet ouvrage, je suis dans un mouvement perpétuel, où le présent n’existe pas. Accepter d’être fier voudrait dire m’y inscrire.
Tout au long de ce récit de vie, vous affirmez en effet « nourrir la passion des promesses et des éternels recommencements ». Quels en seront les prochaines étapes ? « En mémoire de mes souvenirs » marque la fin de plusieurs chapitres, voire de plusieurs livres, dans la bibliothèque de mon parcours. C’est un premier bilan, avec ses espoirs, ses réalisations et ses actes manqués. Celui aussi de ce que je ne ferai plus. Je ne rentrerai plus par la fenêtre pour exister. Il y a désormais de la place pour d’autres rêves et ce livre a remis de l’encre dans mes ambitions et mes envies. J’aimerais reprendre la plume pour une deuxième pièce de théâtre, un long-métrage, un roman. Je trouve un plaisir infini dans l’écriture.
En guise de fin, retournons aux premiers mots de votre ouvrage. Ceux où vous vous interrogez sur sa raison d’être et de vous raconter. Vous y affirmez éviter de vous concentrer sur ces questions, pour vous focaliser sur les réponses. Les avez-vous trouvées ? Je me pose encore énormément de questions et heureuse- ment d’ailleurs. Mais j’ai malgré tout répondu à celle qui me taraudait depuis le début. Aujourd’hui, je sais que je l’ai écrit avec l’envie que ceux qui le liront y trouvent la force d’aller au bout de leur rêve, de tout tenter pour se réaliser et pour vivre. Je ne pensais pas arriver à coucher des mots au-delà de la troisième page. Le livre illustre en lui-même l’importance d’oser, y compris dans l’abrupte, quand il n’y a pas de voie tracée. Je suis heureux de le voir exister.
En mémoire de mes souvenirs, Stéphane De Groodt, aux Éditions de l’Observatoire.

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