Stephan Streker a plus d’une passion dans la vie. Parmi elles, le 7e art. Et le foot, qui lui vaut aujourd’hui d’être consultant sur l’émission de la RTBF consacrée au ballon rond, La Tribune. Ancien journaliste fou de cinéma, Stephan Streker est passé d’intervieweur à interviewé, quand en 2004 il réalise Michael Blanco, son premier long-métrage. Suivra neuf ans plus tard  Le Monde nous appartient et en 2016, Noces, succès critique et public. Il revient aujourd’hui avec L’Ennemi (en salle le 26 janvier), avec dans les rôles principaux Jérémie Renier et Alma Jodorowsky, librement inspiré de l’affaire Bernard Wesphael, cet homme politique wallon qui défraya la chronique, quand accusé d’avoir assassiné sa femme, Véronique Pirotton, à Ostende en 2013, il est acquitté trois ans plus tard.

Rencontre avec Stephan Streker dans les bureaux de ses producteurs de toujours, Michaël Goldberg et Boris Van Gils, dont le compagnonnage lui est précieux.

Vos films s’inspirent souvent de faits divers, le cas encore pour L’Ennemi. Qu’est-ce qui vous attire tant dans le fait divers ?

J’aime les films qui partent de faits réels, car cela rappelle souvent que dans l’art, ce qui compte c’est le point de vue, le regard. Confiez un même fait divers à trois cinéastes différents et vous aurez trois œuvres différentes.

Ce qui m’intéressait dans l’affaire Bernard Wesphael, c’est le substrat. Je pense que le film est né le jour où j’ai rencontré deux êtres humains, que j’aime et que je respecte énormément, qui m’ont défendu bec ongle et leur position. L’un persuadé de l’innocence du personnage de cette histoire réelle, l’autre de sa culpabilité. Je me suis rendu compte que leur point de vue en disait plus sur eux-mêmes que la réalité.

 

Pas de musique sur le générique de fin, mais le bruit des vagues. Pourquoi ce choix ?

Pour une raison évidente, le film commence à la mer et il se finit à la mer.  Par ailleurs, j’adore le bruit des vagues, c’est un son très apaisant. Surtout, c’est un son mouvant. Il n’y a rien d’arrêté… le doute reste.

Et je préférerai toujours les films qui posent des questions aux films qui apportent des réponses. La question ouvre, là où la réponse ferme. La question idiote n’existe pas, la réponse idiote… il y en a quantité !

 

Vous avez été journaliste cinéma, qu’est-ce qu’il vous reste de cette activité et de cette époque de votre vie ?

Tout d’abord, j’ai adoré faire ça. Je trouvais que je faisais le plus beau métier du monde. Quand je travaillais pour le journal Moustique, je faisais très peu de critiques, mais énormément d’interviews. J’ai pu rencontrer des réalisateurs dans des conditions incroyablement privilégiées : James Cameron, Francis Ford Coppola, Michael Mann, Claude Chabrol, Terry Gilliam, David Lynch, Sergio Leone …

Je suis un vrai cinéphile au sens premier : j’aime le cinéma. Ma nature est de plutôt fait que je vais retenir et célébrer les films que j’aime, plutôt que de critiquer ou de dire du mal des films que je n’aime pas.

Ce métier a été totalement décisif dans la carrière de cinéaste que j’ai embrassé.

 

Entre écouter par passion les cinéastes parler de leur travail et en devenir un soi-même, il y a une marge ! Comment on saute le pas ?  

Il y a eu un peu d’inconscience. Si j’osais un conseil, ce serait : action, décision… dans cet ordre-là.

Il faut d’abord sauter de la falaise pour se construire des ailes pendant la chute, plutôt que de se construire des ailes avant de se lancer.

 

Et si on s’écrase ?

Ça n’est pas grave !  C’est moins grave que de ne pas avoir sauté… parce qu’il n’y a pas la mort au bout. Il y a un problème, quelque chose… mais la vie c’est comme ça !

 

Une autre passion vous anime : le football. Y a-t-il un lien entre ces deux passions ?

Le lien le plus important, c’est de considérer que le football est aussi une expression artistique et que l’on peut dire des plus grands joueurs, qu’ils ont une indiscutable part de créativité. Une passe de Kevin De Bruyne envisagée et exécutée techniquement à la perfection, est à n’en pas douter un geste d’artiste. Les joueurs que j’admire le plus sont des joueurs créatifs et je leur reconnais un statut d’artiste.

Il est d’ailleurs intéressant de voir que bon nombre de cinéastes sont des passionnés de foot… Stanley Kubrick en tête.

 

Des projets ?

J’ai écrit le scénario d’un polar : Du sang sur les mains, une tragédie grecque déguisée en polar. Ça n’a rien à voir avec ce que j’ai pu écrire précédemment, et ça m’excite énormément.

J’ai toujours adoré le polar au cinéma. C’est une façon à la fois spectaculaire et plus légère de traiter de grands sujets.