Elle n’est pas fan de shopping et ne s’extasie pas devant les défilés des grandes maisons de couture. Plus jeune, elle ne rêvait même pas de fonder son propre label. Sans vouloir être chauvine, Sarah de Saint Hubert n’a rien d’une créatrice ordinaire. À l’instar de ses collections qui sont à la fois féminines, masculines, raffinées, boyish, subtiles et rock’n’roll, la créatrice belge est une femme de contrastes. Rencontre avec cette styliste hypersensible et affirmée qui déteste les évidences.

Fashion is a medium, not a purpose. Tels sont les premiers mots de votre bio. Que vous inspirent-ils ?

« La mode n’est pas une passion en soi. Je ne suis pas une personne qui fait beaucoup de shopping ou qui suit tous les défilés. Pour moi, la mode est un moyen d’expression au même titre que l’art ou la musique. C’est une manière de délivrer un message à travers une certaine esthétique. »

Quel message souhaitez-vous véhiculer ?

« La phrase qui résume le mieux mon label, c’est « Follow your Wild Love ». Avec ma marque, j’invite les gens à suivre leur instinct, leurs désirs et leurs rêves. Depuis que je suis petite, j’ai le sentiment que nous sommes ici pour un but précis, pour transmettre ce que l’on a de meilleur en soi. Suivre ses rêves et tout faire pour les réaliser, c’était le plus beau message que je pouvais transmettre. »

Vous parlez de l’importance de suivre son instinct. C’est lui qui vous a guidée jusqu’ici ?

« En tant qu’hypersensible, je suis une personne instinctive de nature. C’est une approche spontanée, je serai incapable d’avancer autrement. Même si, en tant qu’entrepreneur, on ne peut pas uniquement se fier à l’instinct, il faut également développer un esprit structuré et organisé. »

Quel est votre plus ancien souvenir lié à la mode ?

« Ma grand-mère maternelle possédait une fabuleuse garde-robe. Elle me montrait ses beaux vêtements fabriqués à la main, parfaitement coupés et dans des matériaux nobles. La vue de ces pièces en soie et en dentelle a éveillé quelque chose en moi. Le travail manuel me touche particulièrement. Quand je regarde un vêtement, je pense toujours aux personnes qui l’ont fabriqué, à la beauté du geste. Les vêtements ont, en quelque sorte, une âme puisqu’ils portent l’histoire de ceux qui les ont portés. »

À quel âge avez-vous pris conscience que vous étiez faite pour ce métier ?

« Cela a pris beaucoup de temps… (rires). Même après mes années d’études et ma première grosse expérience mode chez Ann Demeulemeester (où elle a travaillé pendant 4 ans en tant qu’assistance, NDLR), je n’étais pas certaine que ce métier m’était destiné. Mais au fil des années et de l’expérience acquise, j’ai compris que j’étais compétente dans la voie que j’avais choisie. À 36 ans, je me suis dit que si je voulais lancer mon label, je devais agir rapidement. La vie nous apprend que rien n’est jamais acquis et que la meilleure façon d’avancer, c’est d’être dans l’action et de ne pas passer son temps à se poser mille questions. »

Tergiverser, c’est un peu le défaut des hypersensibles. Comment avez-vous réussi à en faire une force ?

« J’ai pris conscience que le mieux à faire était d’utiliser cette sensibilité pour créer. Aujourd’hui, je la considère comme un cadeau. Avec les années, on apprend à s’ancrer dans ce que l’on est pour mieux affronter les tempêtes que notre hypersensibilité nous fait traverser. »

Qu’est-ce que le confinement vous a apporté ?

« Au début, j’étais vraiment perdue, mais après quelques semaines, j’ai mis ce temps à profit pour réfléchir à mon approche de la mode et ça m’a fait un bien fou. J’ai réduit mes budgets et j’ai proposé des collections plus petites : bref, je me suis débrouillée pour trouver des solutions, ce qui m’a permis de faire de belles rencontres. Au lieu de faire appel à des mannequins, j’ai, par exemple, demandé à des amies de porter mes créations pour les shootings. J’ai trouvé cette approche encore plus authentique ! »

D’où vous vient ce côté rock ?

« Mes parents écoutaient beaucoup de musique rock. Je suis très sensible à ce style musical, car il dégage une certaine liberté qui coïncide parfaitement avec ma philosophie de suivre son instinct. »

La mode n’est pas votre seul média, vous communiquez aussi à travers la musique. Quelle est la chanson qui vous définit le mieux ?

« High-Low Temple la dernière chanson que j’ai écrite et qui est le soundtrack de ma nouvelle collection. Je l’ai composée avec Rafael, mon compagnon, qui est musicien et luthier de formation. Elle colle non seulement très bien à ma personnalité, mais s’inscrit aussi dans l’air du temps : elle parle de l’ascenseur émotionnel que l’on traverse en ce moment. Je voulais un morceau frais, sensuel, apaisant et lumineux, car en ces temps bousculés et sombres, j’avais moi-même besoin de me lover dans cette atmosphère pour y trouver refuge. »

C’était important pour vous de concilier votre passion pour la mode et la musique ?

« Au départ, je ne rêvais pas d’avoir ma propre marque de vêtements, j’avais l’impression que ce n’était pas pour moi. Mais avec l’expérience, j’y suis arrivée. Je me disais que le pied total serait de combiner de beaux vêtements, des shootings photos et vidéos de qualité ainsi que la musique. Quelle chance d’avoir pu entreprendre ce projet, de le voir perdurer et de pouvoir y mettre tout ce qui m’anime. Je suis chanceuse d’être aussi bien entourée et je ne pourrais pas m’imaginer travailler autrement. »