Quand on a un rêve, que ce rêve devient une passion, puis que la passion est reconnue dans le monde entier, on a de quoi être fier. Et c’est une belle épopée belge puisque c’est Pierre Leclercq qui l’a conduite. Designer automobile, ce Bastognard pure souche déroule un CV à faire pâlir les plus grands du secteur. Après avoir parcouru le monde entier pour dessiner ses voitures, il est revenu, à 46 ans, en Europe, pour devenir le directeur du style de la marque Citroën.

MOTS : YVES MERENS

J’ai toujours rêvé de dessiner des voitures. Tout petit, je faisais des croquis de mes Matchbox », s’amuse-t-il les yeux brillants. C’est le logo du légendaire Pininfarina qui l’attirait le plus. Plus tard, au cours de design industriel à Liège, un prof a demandé à sa classe ce que chacun voulait dessiner. « Ceux qui ont répondu « des voitures » se sont fait engueulés parce que la meilleure école de design auto était en Suisse et pas à Liège. Moi, je n’ai rien osé dire… » Mais son ambition a fait le reste et, diplôme liégeois en poche, Pierre a posé ces valises sur les bords du lac Léman, et est devenu designer automobile grâce au prestigieux Art Center College of Design de Pasadena.

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Le Papa de la X6

La suite semble presque facile. Ce talent national a été vite repéré puisqu’après un cours stage chez Zagato, une autre référence, «pour dessiner des charriots élévateurs », sourit-il, c’est Ford à Turin et surtout BMW qui lui ont donné pleine confiance.

D’abord à Los Angeles dans le bureau américain de la marque premium allemande, c’est finalement à Munich, la maison mère, que Pierre a, pesons nos mots, marqué le design automobile mondial. Car Pierre Leclercq est l’homme qui a dessiné la fameuse BMW X6. Sorti en 2008, le premier SUV coupé n’a laissé personne indifférent. Il s’en souvient évidemment « Lorsqu’un designer « gagne » une voiture, il est tout seul. Ce projet était issue d’un de mes sketches (dessin : ndlr), c’est mon bébé. » Ca fait du bien à l’égo du designer ça, Pierre, c’est évident. Et, un bébé pareil, cela assied aussi une réputation. Chapeau !

Un design et un produit

« Ce qui m’intéresse le plus, c’est le design du produit. Il faut penser les proportions, l’architecture du futur modèle avec les ingénieurs et toutes les équipes en fonction des besoins de mobilité. Le design pur n’est qu’une partie de ce processus. » On rentre alors dans une autre dimension puisque Pierre est devenu designer en chef d’une grande marque chinoise, puis de KIA en Corée, avant de relever ce nouveau défi à Paris, à la tête de 70 designers pour Citroën.

« Aujourd’hui, après de très nombreuses discussions, les équipes me présentent leur travail. Je passe du temps à tout regarder, en détail, centimètre par centimètre, puis je valide ou pas. Mon job, c’est de leur permettre de donner le meilleur. »

Un travail de longue haleine puisqu’il faut 2 à 3 ans pour dessiner une voiture. « A notre époque, il faut pouvoir intégrer beaucoup plus de normes qu’il y a 10 ans. Cela ne me dérange pas. Par exemple, la protection obligatoire des piétons ne permet plus de créer n’importe quel capot, les pare-chocs doivent être dessinés autrement. »

Forcément en avance, Pierre Leclercq croit en l’avenir. « Je pense que l’histoire automobile pourrait passer par une révolution, comme lorsqu’on est passé du cheval au moteur. Les gens aiment les voitures ou pas, mais ils peuvent devoir y passer 2 heures pour faire seulement 2 kilomètres. Nous devons proposer autre chose. On y réfléchit beaucoup, » dit-il en clignant de l’œil. A suivre dans quelques mois, quelques années dans les showrooms… Le temps que ses futurs projets de chef designer aboutissent.

Les voitures préférées de Pierre Leclercq, vrai passionné automobile, sont évidemment des références : la De Tomaso Pantera et l’AC Cobra.