Lous and the Yakuza
« Je suis moins la victime de mon masque »
Mots : Jason Vanherrewegge
Photo : Ernest Joe
Trois ans après « Iota », Marie-Pierra Kakoma, alias Lous and the Yakuza, introduit une nouvelle ère avec la sortie de son mini-EP « No Big Deal ». En prélude à son prochain album, cette mise en bouche se décline en trois titres qui explorent davantage toute sa fragilité, mais aussi nous rappellent ses origines rwandaises et congolaises, teintées de français et d’anglais.
De nombreux artistes avancent une certaine pudeur pour expliquer leur volonté de chanter dans une autre langue. Cela ne semble pas être votre cas, puisque vos sons, qui jonglent avec une facilité déconcertante entre la langue de Molière et celle de Shakespeare, sont particulièrement authentiques. Effectivement, ça ressemble plus à mon quotidien. Le français et l’anglais ne se travaillent cependant pas de la même façon. Ce sont deux langues distinctes qui expriment des choses différentes et qui ont une consonance propre. C’est donc plus pour matcher avec ma personne.
Comment cela s’exprime-t-il dans vos textes, finalement ? On ressent beaucoup de mélancolie alors que l’on vous connaissait particulièrement solaire.Mes nouvelles chansons vont montrer une partie de moi qui est plus fragile. Dans les deux premiers albums, le hip-hop était quelque chose vers lequel j’allais. Ça m’a toujours parlé, et ça me parlera toute ma vie parce que c’est une forme d’art qui permet d’exprimer une certaine énergie. Dans le début de ma vingtaine, j’étais très énergique, battante, mais j’ai toujours eu cette autre part de moi qui est plus mélancolique. Dans mes premiers morceaux, je parlais déjà de choses hyper dures, de sujets très compliqués. Dans l’EP et dans les titres qui vont venir, je montre la face émotionnelle de cette dureté.
Est-ce la maturité et l’approche de la trentaine, vous qui avez 29 ans depuis peu, qui vous font changer de trajectoire ? Oui ! J’ai plus accepté qui je suis. Je suis moins la victime de mon masque. On a tous des masques, et j’ai un peu commencé à l’effacer. Je le sens dans mon écriture. Il y a bien plus d’inspirations issues de mon enfance comme Michael Jackson, Pink Floyd, Etta James… Je vais davantage chanter aussi. Dans l’EP, le chant y est plus présent que le rap. La méthode est beaucoup moins saccadée et donc plus mélodieuse.
Vous insistez d’ailleurs sur le côté pur et organique de l’EP. Pour parvenir à vos fins, vous vous êtes entourée de nombreux grands noms de la musique dans les étapes de création du disque et pour apporter des influences variées entre rock, pop et R&B. Les deux premiers albums, je les ai faits avec un seul producteur principal, El Guincho (derrière Rosalía), qui est extrêmement structuré. Face à ma folie et à ma jeunesse, j’étais partie chercher quelqu’un qui représente exactement l’opposé, pour que l’on puisse être complémentaires. Aujourd’hui, je suis devenue quelqu’un d’extrêmement structurée. Je suis donc partie chercher la folie avec un producteur nommé Fred Ball (Beyoncé, Rihanna), qui en incarne parfaitement l’esprit. Je fais avec lui des arrangements, et on travaille ensemble en permanence à la finalisation de mes morceaux. Les producteurs avec qui je décide de collaborer ont toujours un rapport avec le moment où j’en suis dans la vie.
Avec la réalisation du clip de « Good to know », vous jouez désormais un nouveau rôle. Expliquez-nous comment cela s’est passé. J’ai adoré l’expérience. J’ai envie que ça continue, et de réaliser d’autres projets pour moi-même ou pour d’autres personnes. J’ai vraiment envie que ça fasse partie de mon identité à part entière. Après, j’ai toujours co-réalisé presque tous mes visuels et toutes mes performances scéniques. J’ai toujours été un peu dans l’ombre de ma réalisatrice Wendy Morgan, qui a conçu quasiment tout ce que j’ai fait visuellement. Ici, elle m’a beaucoup encouragée et aidée à trouver ma voie, à ne pas avoir peur.
Je suis une grande cinéphile. Je regarde énormément de films et de séries par semaine. J’aime bien le vieux cinéma, et c’est la raison pour laquelle je me mets à la pellicule, parce que je voulais ce grain, ce petit côté-là, mais ça rend le tournage bien plus stressant, car chaque seconde compte. Travailler en équipe, gérer une équipe et prendre les décisions, c’était vraiment un processus intéressant. C’est un gros travail de préparation pour lequel je n’étais pas prête.
C’est comme être chanteuse : tu es le chef et tout le monde se réfère à toi. Dans la musique, j’ai l’habitude, et je n’ai aucun mal avec ça. Mais pour la réalisation, c’était particulier. Je n’étais pas stressée, car je déteste les processus pénibles. Je pensais plus à l’efficacité. Et c’était inhabituel de réaliser en étant son propre sujet.
Qui dit EP dit sortie prochaine d’un album. On imagine que vous avez réfléchi à la suite. Bien sûr, mais c’est une surprise ! L’EP est un petit avant-goût. Il faudra être ouvert d’esprit.
Instagram : lousandtheyakuza

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