Jean-Paul Lespagnard Itinéraire d’un artiste libre
Mots : Barbara Wesoly
Photo : DR
Il a paré Manneken Pis de son 1000e costume au design futuriste, comme fouler les fashions weeks de Paris ou Shangaï avec ses collections. Exposer son parcours monographique aux Galeries Lafayette ou encore transformer la gaufre de Liège en œuvre aussi décalée qu’emblématique. Virtuose créatif à l’univers éclectique et à la sensibilité teintée d’audace, Jean-Paul Lespagnard s’affirme comme le plus cosmopolite des designers belges.
Les prix du public et prix 1.2.3, remportés lors de la 23è édition du Festival international de mode et de photographie d’Hyères en 2008 ont marqué les bases de votre reconnaissance artistique. Mais pas celles de votre parcours créatif. En effet. Devenir styliste était un rêve depuis tout petit. Mais lors de mes études d’arts plastiques puis de mes premières collections, j’ai compris que je désirais enraciner mes modèles dans une vision plus globale, un univers comprenant aussi des créations d’objets et d’œuvres plastiques. Mon noyau central c’est la mode, mais agrémentée d’influences et expériences. Elle va, pour moi, bien plus loin que le vêtement. Lorsque je parle de mode, j’évoque un mode de vie.
Des collections de prêt-à-porter et des costumes pour le théâtre et la danse, une boutique d’art et d’artisanat contemporain baptisée Extra-Ordinaire et même la conception d’emballages pour la chocolaterie Galler… Vous êtes en effet un formidable touche-à-tout. Est-ce une manière de renvoyer dans les cordes toute forme de carcan ? Lorsqu’on est designer, on regarde, on analyse, on donne sa version du monde. Pourquoi cela devrait-il se limiter à un domaine particulier ? D’autant que chacun est l’occasion de concevoir une vraie scénographie. En cela, mes deux réalisations les plus représentatives sont sans doute l’exposition réalisée au Musée Mode & Dentelle et la suite aménagée au 18e étage de The Hotel, à Bruxelles. Dans le premier, je mêlais un patchwork d’œuvres, de vêtments et de souvenirs venant de chez mes parents. Le second était une autre forme de plongée dans mon intimité, rassemblant des trouvailles glanées au fil de mes voyages comme issus de mes placards, pour obtenir un amalgame d’émotions et de styles et une expérience où tous les sens se retrouvaient en éveil.
Dans votre univers, un King Kong doré côtoie des chemises affublées d’extraits de journaux, des coques de smartphone se voient dotées de homards à joyaux et les foulards en soie s’ornent d’aigles et de billets de banque. Le moindre objet semble pour vous le point de départ d’un terrain de jeu infini. Votre cerveau est-il en constante ébullition ? Totalement. Tout m’inspire. La création est depuis toujours, bien plus vaste que la matière sur laquelle elle se travaille. Et quel qu’en soit le support, je cherche ce qui, d’une certaine façon, nous rassemble tous. Et à, au-delà de l’éclectisme de style, raconter la multiculturalité et le mélange social. Je voyage beaucoup, pour différents projets et cela influence forcément ce que je crée, mais pour moi, il s’agit avant tout de s’imprégner de ce qui m’entoure, peu importe le lieu, et d’en faire le cheminement de mon voyage intérieur.
Liégeois d’origine, vous avez aussi vécu à Bruxelles et Anvers, mais vous définissez comme nomade. Pourquoi ? J’ai aussi vécu à Berlin et New York entre autres. J’ai coutume de dire que je viens d’Harzé, dans la commune d’Aywaille, dans la région de Liège, en Wallonie, en Belgique qui est en Europe. Je suis aussi belge que citoyen du monde. Mon identité ne s’arrête pas aux frontières. Même si la diversité culturelle de notre pays m’a certainement influencée.
Participer à l’élaboration graphique du coworking Silversquare Guillemains, était-il malgré tout une forme de retour à vos racines ? Cela m’a fait très plaisir en effet de réaliser un projet à Liège et d’avoir cette dimension à la fois liée à l’artistique et au patrimoine, au local et à l’international. Ma philosophie est de miser sur une globalisation positive, en travaillant avec des artisans de proximité ou rencontrés dans des pays plus lointains mais tous issus de petites structures ou de familles, qu’elles soient de Liège, d’Inde ou du Maroc.
Vous retrouvez la grisaille bruxelloise après plusieurs semaines de travail au Mexique. Comment s’annoncent les mois à venir ? Oui, j’y avais installé mon Projet Nomade présentant mes créations un peu partout dans le monde. Cet été, il avait pris la forme d’un pop-up au sein d’une maison de pêcheurs sur l’île grecque d’Hydra, avant de s’exporter à Istanbul. Puis, jusqu’à mi-novembre, dans une boutique de Mexico City. Je me concentre désormais sur une collaboration encore tenue secrète avec une grande maison de luxe parisienne et dont le résultat sera révélé au mois de mars. J’en n’ai pas fini avec l’éclectisme ! Mais l’essentiel à mes yeux est de pouvoir continuer à aller à la rencontre du public et aborder avec lui cette créativité qui rassemble, l’art et son pouvoir d’unité.
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