Nomade dans l’âme, Jean Paul Knott croit en la chance. Une humilité très belge. Très japonaise aussi. Des yeux translucides, une voix posée, une élégance naturelle, le styliste belge formé à New York, au Fashion Institute of Technology, deviendra l’assistant d’Yves Saint Laurent durant onze ans. En 2000, il lance sa collection Jean Paul Knott en Belgique et à l’étranger. Depuis, il a créé son alphabet. Et si sa chance n’était que le synonyme de son talent !

Mots : Ariane Dufourny
© Pierre Bairin

Nomade dans l’âme…

Je me sens partout chez moi et nulle part. Je suis né en Belgique, à Verviers, en 1966. A mes six mois, je suis parti au Congo-Kinshasa, à Elisabethville, où mes deux sœurs sont nées. Nous sommes rentrés en Europe, à Paris, puis en Belgique. J’ai surtout grandi en Angleterre, à Londres et ensuite à New York. J’ai eu beaucoup de chance d’avoir des parents qui nous ont baladés à travers le monde.

Styliste, une vocation…

Je ne sais rien faire d’autre. J’essaye de le faire le mieux que je peux. Tout est arrivé par chance. Chance de rencontrer les bonnes personnes. Coup de chance, comme la rencontre avec Maurice Béjart qui m’a annoncé une demi-heure après : « j’ai envie de travailler avec vous ».

A propos du talent…

Je crois que plein de gens ont du talent, mais qu’il n’y a pas de vrais élus. Avoir du talent ne suffit pas ! Dans mon domaine, priment les rencontres. Les bons amis au bon moment. Je n’arrive pas à travailler avec des gens que je n’aime pas.

Votre passion pour la mode, l’élément déclencheur…

Quand j’avais douze ans, j’achetais déjà le Vogue anglais, le trouvant fabuleux. Début des années 80, c’était un autre monde de la mode. Une époque où les vêtements avaient une raison sociale et active.

Le vêtement, aujourd’hui…

Il a toujours une raison sociale, mais la donne a totalement changé : la production de masse, la mondialisation. Acheter un vêtement pour le prix d’un sandwich alors qu’on sait que pour le produire, il faut cultiver du coton, le tordre, en faire du l, le tricoter, le couper, le monter et l’envoyer en Europe.

La belgitude…

J’ai quitté Yves Saint Laurent en 1999. Ensuite, je suis parti à New York où j’ai ouvert une entreprise de décoration avec un copain. Puis, je suis revenu ici me disant : je suis Belge ! Pour monter ma propre marque, il fallait d’abord que je sache qui j’étais. En 2000, j’ai créé ma ligne Jean Paul Knott.

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© Hidemi Iizuka

Une boutique Jean Paul Knott à Tokyo…

J’avais vingt-et-un ans la première fois que je me suis rendu à Tokyo. Petit employé chez Saint Laurent, j’y suis parti pour aider durant un défilé. J’ai été bluffé : il y avait des métros qui sortaient des immeubles, des autoroutes sur cinq étages. Dès lors, j’ai voulu y travailler.

Il y a une douzaine d’années, j’ai rencontré un monsieur étonnant, Hiroyuki Sasaki, qui possède des concept stores au Japon dont le groupe s’appelle Tomorrowland. Dans une rue derrière le salon du prêt-à-porter, je l’ai accosté et voilà…

Jean Paul Knott, Knott. La différence…

Deux formats différents. Il y a deux sortes de gens, des petits et des grands. Je suis un géant. Les Belges sont parmi les plus grands du monde. Il y a une réalité de format et de géographie climatique. Knott s’adresse à une clientèle plus japonaise et Jean Paul Knott est plus globale, globe-trotter.

Jean-Paul Knott, les ateliers…

Ici, on fait tout ! On dessine, on fait des recherches, des photos, le dispatching des collections sur la vente européenne et américaine (l’Asie est gérée du Japon). On travaille sur beaucoup de collections différentes. Jean Paul Knott sort quatre collections pour femmes et deux pour hommes par an. On fait de même au Japon avec Knott. Au total, douze collections par an plus du consulting pour d’autres entreprises en Chine, en Europe.

Votre mode de création…

J’aime être touche-à-tout. Chez Saint Laurent, j’étais assistant pour la Couture, styliste sur Yves Saint Laurent Rive Gauche, j’ai travaillé sur des licences de prêt-à-porter japonaises et deux cents autres choses à côté. J’aime ce mode de fonctionnement.

Une partie de mon travail est consacrée au développement de produits. C’est important dans ma réflexion, dans mes démarches. Il y a tellement de produits partout qu’il vaut mieux en faire moins et réfléchir à les rendre différents.

La production de vos réalisations…

Partout dans le monde. J’ai une fabrication à Bruxelles de produits faits à la main, une à Tokyo de roulotté main dans des impressions de soie, un fabriquant en Lituanie. Les tricots, les pièces sans couture, les réversibles sont réalisés à la main au Japon. J’ai un partenaire au Japon qui permet de développer des pièces que je ne pourrais plus fabriquer en Belgique et un partenaire belge en Roumanie, Marc Gysemans.

Vos sources d’inspiration…

Dans ma vie, mes amis, dans ce que je vois autour de
moi ! Je pense que la mode est de retranscrire une partie
d’actualités.

L’actualité de notre époque, vos coups de cœur…

L’art contemporain à Bruxelles, le design qui me fait réfléchir à mes vêtements comme un produit travaillé pour durer, pas pour être à la mode.

Votre fil conducteur…

Être honnête avec moi-même. Je pense qu’un manteau, c’est un manteau. Une veste, une veste… Ma démarche : mes vêtements doivent pouvoir être portés par des personnes que j’aime et dont j’apprécie la manière dont elles-ils s’habillent.

Les couleurs, des diktats…

J’aime les noirs, les blancs parce que c’est simple. J’aime aussi le bleu marine, les faux noirs, le beige, les neutres. Avant, j’étais très noir et blanc. Je suis devenu plus gris avec le temps. La couleur du ciel de la Belgique, j’aime suivre l’idée de la saison.

Vos matières de prédilection…

Il y a vingt ans, uniquement des matières naturelles. Aujourd’hui, des pièces qui sont lavables. Je travaille surtout sur l’idée du toucher, du poids de la matière. La vie est assez lourde sans s’encombrer davantage. Des pièces réversibles permettant d’être plusieurs personnes à la fois durant une journée.

Un vestiaire, une réflexion…

De quoi a-t-on besoin et comment en a-t-on besoin ? Après vingt ans, j’ai créé mon alphabet. Ce que je pense doit être une veste, un tee-shirt, un pantalon. Ensuite, rester droit par rapport à cette démarche, la continuer et évoluer avec le temps, les envies. Sans doute, d’ici septembre, se produira un changement radical ! Plus de pré-collections, collections principales, collections intermédiaires, mais des moments ! Quatre, cinq moments sur une année et arrêter de courir dans tous les sens.

Le vestiaire idéal de l’homme…

Un tee-shirt, un jeans (la seule chose que je ne fais pas car il faut les bons partenaires), une chemise blanche ou bleu ciel, une veste, un manteau, un sweat. Après, je décline, je dissèque, je construis, reconstruis autour de ce vestiaire.

Celui de la femme…

Le même que pour l’homme. En outre, une femme a besoin d’une robe, d’une jupe, mais pas dix par saison. Je réfléchis à celle qui va être la bonne ou plaire à un certain nombre et peut avoir plusieurs vies, le matin, la journée, le soir, en se portant de différentes manières. Il y a des produits justes, bien coupés, bien faits.

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© Hidemi Iizuka

JEAN PAUL KNOTT BRUSSELS

Rue Lebeau, 57 – 1000 Bruxelles
T : 02/511 66 56
www.jeanpaulknott.com