Jan Verlinden
« Chercher l’équilibre entre la nature et l’humain est ce qui fait sens dans ma vie »
Mots : Barbara Wesoly
Photos : DR
Quand il raconte les jardins, Jan Verlinden parle de familles végétales, d’amour et d’émotion, mais aussi de l’importance pour l’humain de s’y inscrire avec écoute et humilité. Une nature qu’il façonne autant par ses mains qu’avec âme, telle une sculpture dont émerge l’harmonie.
Vous vous définissez comme un « sculpteur de paysages ». Quel sens revêt ce terme pour vous ? L’expression d’une appartenance à la nature comme à l’humain. Et la quête d’une harmonie entre eux. C’est pour moi une forme de mission de vie. Comme un peintre œuvre à coups de pinceaux, je redessine les paysages, j’adoucis les frontières, je remodèle le terrain, avec un crayon, comme avec une pelleteuse. En cassant et en reconstruisant, mais surtout en écoutant. Le sol, les plantes, la lumière. La nature tient le rôle principal et c’est en son sein que nous devons explorer la présence humaine et sa mesure. Beaucoup de gens pensent qu’une végétation sauvage implique une forme de chaos, or la nature est histoire d’équilibre et de respiration. Il faut seulement apprendre à la magnifier, sans chercher à la dominer.
D’où vous vient cette recherche de symbiose entre le végétal et l’homme ? Mon père était fermier. Il m’a transmis sa relation instinctive au vivant et sa connexion profonde à la terre. Je me souviens qu’à six ans, j’arrachais les jolies fleurs que je croisais pour les replanter dans mon jardin, en espérant qu’elles y poussent, ce qui bien sûr ne fonctionnait pas. J’ai toujours recherché cette paix qui s’enracine dans la nature. Et puis à l’adolescence, j’ai rejoint une école professionnelle d’horticulture et découvert là-bas que créer des jardins pouvait devenir un métier. Vers seize ans, alors que je travaillais en alternance pour une entreprise, j’ai commencé à imaginer mes propres espaces et à réaliser de petits travaux d’entretien chez des particuliers le week-end. C’est ainsi qu’une cliente m’a un jour demandé si je pouvais créer un plan d’aménagement paysager pour son terrain. J’ignorais tout des aspects techniques, mais j’étais surexcité. J’ai dessiné toute la nuit sur un grand support bricolé avec deux feuilles de papier. Le lendemain, je me suis empressé d’aller lui montrer le résultat et elle m’a proposé de le réaliser. Ça a été mon premier projet, celui d’un jardin très sobre et simple. Mais il a marqué le point de départ du voyage. Et il figure dans « The Poetry of Landscaping », le livre qui présente mon histoire et ma vision à travers huit projets marquants, publié par Beta-Plus Publishing.
Vous affirmez que « les meilleurs projets tournent autour de l’émotion et de l’émerveillement. Ils expriment qui nous sommes et ce en quoi nous croyons ». Qu’est-ce qui, pour vous, fait d’un lieu une source d’émerveillement ? On sous-estime souvent la puissance du mystère. C’est fondamental pour moi qu’un jardin ne se dévoile pas entièrement dès les premiers pas, mais qu’il y ait un vrai parcours d’exploration. Parfois, au lancement d’un projet, j’arrive avec dix camions remplis d’arbres et de végétation et les clients m’observent abasourdis, en se demandant où je vais bien pouvoir placer tout ça. Mais ensuite ces plantes se fondent dans le décor, semblant avoir toujours été là. On ne plante pas vingt fois le même arbre, mais une famille, une mère, un père, des grands-parents. Ils ont tous leur caractère, et jouer avec les tailles et les formes de chacun permet d’obtenir un équilibre naturel en même temps qu’une expression artistique. C’est cette beauté de la disparition qui m’émerveille. Et je remarque que les enfants jouent énormément dans mes jardins. Ils se cachent, se perdent dans les recoins, s’approprient des endroits secrets. Façonner ainsi de nouveaux mondes est magique.
Quels sont les jardins qui deviennent à vos yeux une histoire singulière et unique ? Chaque lieu est unique. Mais plus qu’un jardin, qu’il soit grand ou petit, ce sont les gens qui rendent une expérience exceptionnelle. Il s’agit aussi d’instinct, de ressenti. Je partirai dans quelques mois pour un projet à Saint-Martin, dans les Caraïbes. Je ne connais pas la flore locale, mais je n’en ai pas besoin. En arrivant, je regarderai leur comportement, les arbres poussant droits vers le ciel, ceux qui rampent au sol, la façon dont ils se connec-tent. Cela me montrera comment les respecter. La dynamique est la même pour un étroit jardin belge évoquant la douceur sicilienne ou pour un vaste resort à Majorque, comme celui que je prépare actuellement. Un domaine de cent hectares dont la vue sublime plonge vers l’océan et le Cap de Formentor et qui accueillera un hôtel, des villas et des vignobles. Les murs en pierre sèche des ruines de l’ancienne ferme y rencontrent la nature brute et somptueuse et il s’agit une nouvelle fois de trouver l’équilibre, entre lâcher prise et intervention. En connectant l’humain au paysage, laissant ainsi le beau l’irriguer, comme un cœur qui bat.

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