Matthias Schoenaerts acteur, c’est une curieuse alchimie entre un physique qui aimante et un jeu d’une étonnante intériorité. Les réalisateurs, et non des moindres, tout autant que les spectateurs(trices !) ne s’y sont pas trompés. Les premiers en confiant à l’acteur des rôles jouant sur cette remarquable force (faussement) tranquille tellement « cinégénique » et les seconds(des) en devenant de véritables groupies.

MOTS : FRÉDÉRIQUE MORIN
PHOTO : DAZIRAM / GEISLER-FOTOPRESS

Un succès international qui tient aussi à une bonne hérédité avec un papa grand acteur de théâtre, Julien Schoenaerts surnommé le Depardieu de la Flandre, et aux trois langues que Matthias pratique couramment : le néerlandais (naissance et études à Anvers), le français (grâce à des grands-parents maternels francophones) et l’anglais. Ajoutez à cela une bonhomie à toute épreuve et l’on a une idée de cette séduction faite homme.

Physique de héros et rôles de antihéros… est-ce que l’on pourrait parler du fil rouge de votre filmographie en ces termes ?
C’est un super compliment ! Si je suis bien sûr conscient des choix que je fais, je n’ai ne les ai jamais fait avec cette pensée. C’est un trajet inconscient ! Je ne crois pas à la figure du héros, c’est un concept qui a mal servi l’humanité. Je crois que les gens sont capables d’actes héroïques, mais le héros absolu est un mensonge… et les mensonges ne servent à rien.

On ne vous verra donc jamais jouer un super héros ?
On ne sait jamais. Il ne faut jamais dire jamais !

On a pu vous appeler le nouveau Marlon Brando, vous comparer à Gérard Depardieu ou à Mickey Rourke… que faites-vous de ces compliments ?
Que dire ? Ce sont d’énormes compliments, que je peux comprendre. Je les prends comme tel. Ça me touche… et en même temps ça ne me sert à rien du tout ! (rires). En fait si… ça me sert… ça me donne un sourire. Et le sourire, il est très important, puisque quand on me dit ça, ça me rend heureux ! Après, chaque trajet de tout individu, de tout artiste est différent.

Les récompenses que vous avez pu recevoir vous font elles le même effet que ces compliments ?
Une récompense est aussi une forme de compliment, un compliment lié à un projet en particulier, à un moment donné. La vie est « éternelle »… les récompenses sont temporaires.

Comment concevez-vous le jeu d’acteur ?
Un film se construit vraiment avec des choses qui se produisent entre « action » et « coupé ». Il y a évidemment en dehors de ces deux instants toute une organisation pour que ces choses adviennent. La magie du cinéma opère entre ce « action » et ce « coupé ». Et là c’est le jeu ; là on s’abandonne dans l’imagination, dans la fiction. On sait très bien ce que l’on fait et en même temps on doit l’oublier pendant qu’on le fait … c’est le paradoxe du comédien… tout le temps. Savoir ce que l’on fait et prétendre que l’on ne le sait pas et même, essayer de l’oublier. C’est presque schizophrène.

Malgré tout, un rôle reste écrit, il est conçu par un réalisateur qui aura pensé à vous. L’imagination dont vous parlez se greffe-t-elle alors sur ce que vous lisez ? Devez-vous partager quelque chose de vous avec ce personnage à interpréter?… Comment faites-vous? Il y a tout ce qui tient au contexte, à l’histoire. Après, il convient de ramener de la vie, amener de la texture… c’est là que l’on laisse l’imagination œuvrer. On se demande comment le personnage bouge, s’il a des lunettes, quel genre de chaussures il porte… autant de petits détails pour lesquels le spectateur ne se posera pas de questions, mais que le comédien prendra peut-être des heures voire des jours à cerner, à travailler… là aussi c’est du jeu, du plaisir. Voilà pour la caractérisation physique… il en va de même pour la caractérisation psychologique !

Est-ce que vous avez besoin d’aimer votre personnage pour l’interpréter ?
Je ne sais pas si aimer est le bon mot, mais je dois quand même avoir envie de le défendre. Et si j’ai envie de défendre quelqu’un, c’est que probablement je l’aime ! Humaniser mon personnage me semble essentiel, quand bien même il s’agit d’un criminel… montrer que chaque individu est unique. Le criminel, l’homosexuel, le journaliste… c’est quoi ? Il convient à chaque fois d’aller au- delà de cette simple étiquette, et de rendre singulier le personnage que l’on incarne.

Qu’est ce que votre expérience américaine vous a apporté ?
Un sens de la liberté. J’adore la Belgique, mais en y restant trop longtemps pour y travailler vient le moment où vous rencontrez toujours les mêmes personnes. Je pense que ça peut être dangereux pour la créativité. Tout le monde s’in- stalle l’un par rapport à l’autre : untel est le sérieux, untel est le marrant, untel est l’engagé social … tout le monde est bien à sa place, tient une position. Le fait de pouvoir tourner en France, en Angleterre, aux États-Unis fait que tout reste ouvert et que je rencontre de nouvelles personnes… vraiment nouvelles et que je ne reverrais peut-être jamais !! C’est toujours nouveau et frais… j’adore ça !

Les essentiels dans la filmographie de Matthias Schoenaerts

 

Rundskop (Bullhead pour le titre en anglais) • 2011 :

Matthias avec 27 kilos de trop pour ce polar agricole de son compatriote Michaël R. Roskam. Le film de tous les succès.

De rouille et d’os • 2012 :

Matthias sous la direction de Jacques Audiard est aux petits soins pour une Marion Cotillard privée de ses jambes dans ce mélo XXL.

Blood Ties • 2013 :

Matthias en Amérique pour Guillaume Canet qui réalise le remake de son film : Liens du sang.

Les Jardins du roi • 2014 :

Aux côtés de Kate Winslet, Matthias tout de brocard et de collants vêtu pour interpréter André Le Nôtre, jardinier du roi Louis XIV… on y croit !

Loin de la foule déchaînée • 2015 :

Matthias romantique à souhait dans cette 6e adaptation du célèbre roman de Tom Hardy, signée Thomas Vinterberg.

A bigger splash • 2015 :

Matthias plus sensuel que jamais sous le soleil de l’Italie et au côté de Tilda Swinton dans ce remake très hot de La Piscine, film culte de 1969.

Le Fidèle • 2017 :

Matthias rempile avec son grand ami Michaël R.Roskam, et en compagnie d’Adèle Exarchopoulos, pour cette histoire d’amour fou déguisée en polar.

Red Sparrow • 2018 :

Matthias en agent du KGB et avec l’accent russe, en charge d’une bombe nommée Jennifer Lawrence.

Kursk • 2018 :

Matthias de tous les courages dans la peau d’un sous-marinier russe pour une histoire vraie (tournée à Anvers !) et pour Thomas Vinterberg (à nouveau !).