Benjamin Laborie
Sous l'étoile, La Table
Mots : Servane Calmant
Photo : Anthony Dehez
Benjamin Laborie a ouvert « La Table » à Ohain, dans le Brabant wallon, en décembre dernier. Quatre mois plus tard, le 13 mars précisément, il récolte 1 étoile au guide Michelin qui vient récompenser un parcours belge fulgurant. « La France m’a formé, la Belgique m’a apporté la reconnaissance. Je ne l’oublierai pas », parole de chef.
Formé chez Michel Guérard et chez Michel Bras, deux légendes triplement étoilées de la gastronomie française, Benjamin Laborie arrive en Belgique en 2009. A Bruxelles, chez « Bowery », le chef obtient le prix Gault & Millau du « Meilleur nouveau restaurant ». Ensuite, dans le Brabant wallon, il rafle 1 étoile Michelin venue récompenser sa créativité. Décembre 2022, il ouvre « La Table » à Ohain, où il est désormais seul maître à bord, et c’est à nouveau la consécration : Michelin lui accorde 1 étoile.
Les gourmets du BéWé se souviennent certainement du « Try Bara », du « Bliss » et du « Maxan ». C’est entre ces murs de vieilles pierres que Benjamin officie avec notamment la complicité de Guillaume Vegreville, son fidèle et diligent maître d’hôtel, qui nous reçoit au salon. Cette vaste pièce qui fait la part belle au bois, est flanquée d’un feu ouvert et garnie de fauteuils club aux couleurs vitaminées. On s’y installe pour prendre l’apéro et savourer quatre premières mises en bouche. Le chef, généreux, en a prévu sept. Le salon s’ouvre sur une salle à manger aux tables nappées parfaitement espacées. De quoi nous éviter de manger sur les genoux du voisin. Un cadre élégant et convivial à la fois, et une parfaite organisation de l’espace, voilà de quoi nous mettre d’emblée en confiance.
Benjamin, félicitations ! En votre for intérieur, saviez-vous que vous remporteriez si rapidement 1 étoile Michelin ? Sincèrement, non. En revanche, autour de moi, tout le monde y croyait. Mon équipe, et les clients qui me disaient que je la méritais. Moi, je calmais plutôt les ardeurs. A mon équipe, j’ai suggéré de savourer l’instant, c’est-à-dire le succès d’un restaurant qui ne désemplit pas après quatre mois d’exploitation. Et le 13 mars, je décroche l’étoile. Une double consécration : un succès public et la reconnaissance du Michelin. Je suis un chef heureux.
Cette étoile récompense le travail d’une équipe. Notamment Guillaume Vegreville, votre fidèle maître d’hôtel que vous connaissez depuis très longtemps… Depuis 18 ans, nous nous sommes rencontrés chez Michel Bras, une belle aventure commune. Dans mon équipe, il y a aussi une nouvelle génération qui m’a suivi quand j’ai lancé le projet « La Table » et je leur suis très reconnaissant. Sans eux, pas d’étoile, croyez-moi.
1 étoile, c’est une franche récompense mais une sacrée pression… Détrompez-vous : le guide Michelin n’impose rien aux chefs. L’étoile vient récompenser l’amour du travail bien fait et la sincérité de la cuisine. Si je conserve ce sentiment du devoir accompli, et c’est mon but, je n’ai rien à craindre. Mais je ne vous cache pas que la veille de la cérémonie des Michelin, je ne passe pas la meilleure des nuits.
« La Table », ce nom résonne comme une invitation. Exactement. C’est un peu l’idée de la table d’hôtes. Je ne propose pas de carte mais des menus plusieurs services (4, 5 et 7 services, et un lunch en trois temps) qui me permettent de m’affranchir de toute contrainte et d’être libre dans mon travail créatif. Je dors peu, il m’arrive la nuit de réfléchir à un plat et de le concrétiser le lendemain. Quand le client passe la porte d’entrée de « La Table », il accepte de se laisser guider, d’entrer dans mon univers, et c’est parti pour trois heures de découvertes culinaires. Je reste évidemment attentif aux intolérances des uns et aux aversions alimentaires des autres.
« La truffe noire parfumée et un bouillon intense d’oignons donnent une nouvelle dimension à cette soupe à l’oignon 2.0 » écrit le Michelin. Cette revisite d’un classique, la soupe à l’oignon, à base d’oignons des Cévennes, sabayon au vin jaune, crouté à la truffe Tuber Melanosporum, on l’a goûtée, tenaillée par une irrésistible envie de lécher l’assiette. C’est votre plat signature ! Merci. Mais je vais peut-être vous décevoir : la saisonnalité étant au cœur de ma cuisine, il faudra attendre un an avant de retrouver cette soupe au menu, et encore, je n’apprécie pas forcément le concept de plat signature et je ne refais jamais deux fois la même assiette. L’hiver prochain, je vais donc surprendre avec d’autres plats.
Parlons saison alors. En avril, quel aliment va-t-on retrouver au menu ? Les asperges vertes et blanches, les petits pois, les morilles, j’attends chaque saison avec impatience. C’est la nature et les maraichers qui dictent mon assiette. Au printemps, elle sera verte, en septembre rouge. Je mets quicon- que au défi de trouver meilleure tomate que celle récoltée en septembre. Je suis mes envies également, j’ai changé trois fois de menus en trois mois.
Vous êtes également le roi des sauces ! Quel est votre secret ? (Rire). Michelin a en effet souligné la qualité de mes sauces. Mon secret : je ne monte jamais mes sauces au beurre, je préfère travailler le bouillon ou la graisse sèche de l’animal, ce qui les rend plus légères.
Avec une somptueuse terrasse braquée sur des prairies et des champs vallonnés, « La Table » affiche encore un atout séduction … L’été, je compte ouvrir la terrasse et la salle intérieure du restaurant, à la bonne convenance du client. Mais je ne compte pas augmenter le nombre de couverts, je plafonne à 36 convives, pas davantage afin d’assurer un service convivial et attentionné.
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