Jean-Paul Knott
L’amour pour muse
Mots : Barbara Wesoly
Photos : DR
Lorsqu’on l’interroge sur sa définition d’un beau vêtement, il cite son mentor, Yves Saint Laurent qui affirmait que « Sans élégance de cœur, il n’y a pas d’élégance ». Une formule qui raconte pleinement Jean-Paul Knott et sa signature d’une mode d’âme, au raffinement empreint d’émotion. Et, alors que son label célèbre ses 25 ans d’existence, le créateur continue d’œuvrer passionnément à façonner un vestiaire luxueux et ludique, comme à son art délicat de révéler les êtres.
2025 marque les 25 ans du label JEANPAULKNOTT. Votre regard sur la mode a-t-il évolué au fil de ces années ? Le monde a énormément changé en un quart de siècle, mais ma conception du style demeure la même. Tout comme mon choix de ne pas faire de mode mais de créer des vêtements. J’ai récemment retrouvé un carnet entamé après mon départ de chez Saint Laurent et dans lequel j’avais couché des mots, comme une note d’intention : « No age, no sex, no color, no seasons, no fashion, just clothes ». Cette démarche est toujours mienne.
Après 10 ans de stylisme aux côtés d’Yves Saint Laurent, qu’est-ce qui justement vous a amené au début de l’an 2000 à souhaiter créer sous votre nom ? Je ne m’imaginais tout simplement travailler pour personne d’autre. C’est un métier ou l’on ne peut être et créer que pleinement, prêt à donner le meilleur de soi. Pour lequel le respect doit s’unir à une identité partagée. Et puis c’est aussi un récit d’amour. Je conçois des pièces pour habiller les gens que j’aime et pour permettre à tous ceux qui les portent de s’aimer un peu plus. Je viens d’une époque où le vêtement était une manière essentielle de s’exprimer et il reste pour moi le transmetteur d’une forme d’âme et de sensibilité.
Etes-vous toujours cet étudiant qui avait intégré le Fashion Institute of Technology de New York avec l’ambition de devenir un créateur ? C’était il y a plus de quarante ans, mais ce qui m’inspire, me fait vibrer, reste similaire aujourd’hui. Après avoir grandi en Afrique, j’ai passé mon adolescence dans le Londres des années 80, influencé par le courant punk, et où tous les genres, âges et cultures se rencontraient et se mélangeaient. Ensuite il y a eu New York, qui m’a ouvert l’esprit sur un monde plus libre encore et où l’art était partout, dans les galeries comme dans la rue. Celui-ci reste au cœur de mon travail. Dans le mouvement de la danse que je transmets par le port d’un vêtement, l’allongement d’une silhouette. Par l’architecture qui imprègne les patrons et les coupes d’une tenue. Par le cinéma aussi, cette forme d’émotion qui me permet de rêver et de m’évader et alimente mon univers. Quant à la photographie j’ai toujours été passionné par les clichés de mode et par la possibilité de capter une histoire en un instant. C’est tout cela qui m’amène à collaborer avec un artiste différent à chaque saison. Le premier était mon ami le photo-graphe Karel Balas, il y a aussi eu le graffeur Zeus ou la créatrice Anna Lehmusniemi. Et c’est ce qui m’a poussé à ouvrir il y a 15 ans la KNOTT Gallery, où j’exposais mes créations en parallèle avec celles de vidéastes, peintres, sculpteurs, … Elle n’existe plus mais ma boutique reste un espace qui dépasse les frontières du prêt à porter et de la couture. La mode seule est selon moi un peu futile ; c’est le discours, le partage, le lien à d’autres qui lui donnent du relief et du sens.
Quelles sont les inspirations qui ont guidé cette collection Printemps/Eté 2025 ? Était-elle spéciale en raison de cet anniversaire ? L’intemporalité toujours. Une élégance qui mélange les codes du masculin et féminin et repose sur une fluidité de la forme et du tissu. Mais, même si je questionne sans cesse ma vision, ma philosophie première est celle de vêtements à collectionner plutôt qu’à solder et de pièces qui saison après saison vont venir se coordonner avec les précédentes et se sublimer mutuellement. Cette collection est une nouvelle fois une fusion, entre les tissus bruts et délicats, les textures et les styles. S’habiller doit rester une forme d’expérimentation ludique.
Et si vous deviez résumer ces 25 années à ses moments les plus intenses ? Sans aucun doute la création des costumes de Brel & Barbara, le spectacle de Maurice Béjart. Je reconduis d’ailleurs chaque saison une pièce issue d’une collection précédente et cette fois, il s’agit de celle que je nomme la robe Béjart. Voir Loulou de La Falaise se lever pour m’applaudir à la fin de mon premier défilé parisien. Et puis lorsqu’une cliente quitte ma Maison en m’embrassant et en me remerciant de lui avoir permis de se sentir belle et heureuse. Des instants étonnants et magiques, chacun à leur manière.
Quel est aujourd’hui votre plus grand défi ? Continuer à faire ce que j’aime et dès lors à rester naïf et innocent. Curieux. Avec le désir de me lais-ser porter par la merveilleuse philosophie du Japon. Là-bas y résonne le sentiment que seul on n’est rien, mais qu’à plusieurs, on est plein. Sans amour, on perd tout sens.

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