Iliona
La rupture assumée
Mots : Jason Vanherrewegge
Photos : DR
Renforcée par le succès de ses deux premiers EPs (« Tristesse » en 2020 et « Tête Brûlée » en 2022), Iliona Roulin, simplement dite Iliona, dévoile un premier album intitulé « What If I break up with u? » dans lequel la Bruxelloise de 24 ans fait fi du regard des gens en acceptant pleinement sa personnalité excentrique.
Votre premier album ne laisse pas beaucoup de place à l’interprétation et marque véritablement un changement de chapitre. Quelle est la volonté première derrière cet opus ? Ce n’est pas un album que j’ai écrit dans le but d’être un album. Ce sont surtout des chansons que j’ai écrites pour moi, pour extérioriser les choses que je n’arrivais pas à dealer toute seule. J’ai écrit l’album en plus ou moins un an. Une année synonyme de gros changements dans ma vie. J’étais un peu perdue au milieu de tout ça et écrire ces chansons m’a aidé comme une boussole pour passer chaque étape.
Vous abordez de différentes manières l’amour toxique. Comment écrit-on dessus sans déverser un torrent de haine ? J’ai écrit vraiment mot pour mot ce que je ressentais. Ce n’était pas forcément tout le temps de la colère ou de la tristesse. Il y avait surtout beaucoup de questionnements et de frustration sur des réponses que je cherchais à recevoir. On dirait que c’est un album où je m’adresse à quelqu’un mais, en réalité, je m’adresse à moi-même. Dans l’album, je suis plus dans la phase après la rupture où tu es solo et que tu dois un peu te guérir tout seul. Tu dois répondre à tes propres questions.
Vous jonglez entre la réalité et la fiction avec, notamment, le titre « Le Lapin ». En quoi cet aspect poétique et le fait de vous envoler dans un autre monde ont-ils nourri la cause ? Que ce soit dans le sound design (le processus de création d’un paysage sonore, nda), les bruitages ou dans certains mots de vocabulaire, j’avais trop besoin de m’évader dans un monde imaginaire et enfantin sur l’album pour affronter ce que je raconte qui est parfois un peu dur. Dans mes textes, je m’interdis de mentir. Et, parfois, mettre un peu de distance par ce prisme-là, c’est aussi de la pudeur.
Avez-vous trouvé un remède pour ne plus être confrontée à votre problématique ? La musique a toujours été mon remède. À chaque fois, je me dis que ce sera la dernière fois mais ça revient. Je compose tous les jours et c’est vraiment mon endroit où je peux guérir de tout. Quand je n’en ai pas besoin, je n’en ai pas besoin. Et je me dis que, peut-être, je n’aurai plus besoin de faire de la musique. Mais en fait, si. Je ne le fais pas parce que c’est mon travail mais parce que j’en ai besoin.
Cela ne vous a pas empêché de faire une pause de pas moins de deux ans. À ce moment-là, je n’ai fait que composer et écrire. Je ne me suis pas arrêtée un seul jour de l’année. Pour faire un album de dix chansons, j’en ai commencé 250.
Ce n’est pas si étonnant quand on sait que, au-delà de l’écriture, vous composez, enregistrez, mixez, réalisez et supervisez sur votre propre label Jevousamour. Pourquoi ressentez-vous ce besoin de tout maîtriser ? En vrai, c’est parce que je kiffe. Si je ne fais pas tout ça, je m’ennuie.
On entend souvent les artistes affirmer que leur plus grand plaisir c’est la scène. Cela ne semble pas être votre cas. Complètement ! C’est beaucoup plus le studio et la création de chansons. J’adore être dans ma tête, inventer des histoires…
Depuis votre première ballade au piano-voix avec « Moins joli » en 2021, votre style a bien évolué. Sur cet album, vous ajoutez d’autres cordes à votre arc avec de la drum’n’bass (« 23 »), des accords folk (« Fishsticks ») ou encore du post-punk (« Le Lapin »). Ça part dans tous les sens dans ma tête. Ça me ressemble d’avoir exploré plein de styles différents. Si j’arrive à faire une chanson qui me plaît, le lendemain il faut que j’en fasse une différente. Si j’avais fait dix chansons qui se ressemblent, je me serais ennuyée.
Cette peur de la monotonie, qui s’exprime à travers vos nombreuses influences (Lily Allen, Barbara, Françoise Hardy, Angèle, Drake…), vous force à redoubler d’efforts dans votre processus d’écriture. Les mélodies me viennent assez instinctivement. Je les laisse vivre et, si je les aime encore quelques jours, quelques semaines ou quelques mois plus tard, je les garde.
La mélancolie, elle, reste toujours présente. Pourtant, vous êtes quelqu’un d’optimiste de base. Quand je vais bien, je n’ai pas envie d’écrire. Je l’exprime et je le partage avec les gens autour de moi. J’ai envie que l’on soit tous ensemble et on organise des trucs. Quand je ne suis pas bien, par contre, je suis très pudique. Je ne suis pas du genre à m’exprimer et à demander de l’aide. Je m’enferme alors dans ma musique.
Entre les paroles et les mélodies, quel est votre premier cheval de bataille ? Ce sont plutôt les mélodies et ensuite le texte. C’est drôle parce que l’on parle beaucoup de mes textes alors que je suis beaucoup plus une compositrice qu’une autrice. Je ne me pose pas 36 000 fois la question de ce que j’écris dans mon texte mais je le fais pour les accords que je mets. Je suis beaucoup plus exigeante à ce niveau-là.
Dans « Stp », l’autotune est très présent. Pourquoi ce choix ? C’est la première chanson de l’album que j’ai écrite. Elle m’a fait comprendre que je m’étais retrouvée. C’est d’ailleurs ma chanson préférée de l’album. Je ne sais pas pourquoi j’ai utilisé l’autotune à ce point mais j’avais besoin que ce soit radicalement différent de ce que j’avais fait avant. C’est comme un nouveau départ dans un truc où je m’excusais de rien.
Vous n’étiez pas vous-même à vos débuts ? Si mais j’allais plus dans tous les sens. J’étais plus jeune et je faisais plus des exercices de style. C’était trop amusant mais c’étaient des EPs. Avec l’album, si je continuais comme ça, je n’allais pas être bien. Il fallait que j’arrête de réfléchir à ce que les gens vont penser.

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