VALENTINE DE LE COURT
“ Je suis composée d’écriture ”
VALENTINE DE LE COURT
“ Je suis composée d’écriture ”Mots : Barbara Wesoly
Photo : DR
C’est dans les allées d’un jardin à l’atmosphère ésotérique et ensorcelante que nous entraîne Valentine de le Court dans son 5e roman. Une exploration aux allures de quête initiatique, dont les créatures divines entre en résonnance avec notre humanité.
“ Au Jardin des Immortels ”, votre nouvel ouvrage, est imprégné par la mythologie antique. Vous semblez captivée par l’idée d’explorer les failles de ces êtres divins. Cet univers me fascine. Depuis l’enfance, je suis passionnée par les religions et la mythologie gréco-romaine. Ces dieux antiques sont mes amis depuis plus de 30 ans. J’ai beaucoup de tendresse pour eux. Nos croyances monothéistes actuelles célèbrent un créateur angélique et bienveillant, à l’opposé finalement de notre humanité. Les figures divines de la mythologie ont-elles autant, si pas plus, d’imperfections que les humains. Cet aspect m’amuse beaucoup.
Elles donnent aussi le sentiment qu’immortalité rime avec ennui et vacuité. De votre côté, cette éternité serait-elle un fantasme ? Je crois à la vie après la mort. Être voué à cette fin me pose donc moins de problèmes. D’autant que je pense que la perpétuité conduirait à un grand ennui. Plus que l’éternité, c’est le contrôle que nous voudrions conserver. Ce qui est difficile, ce n’est pas l’anéantissement, c’est la perte d’énergie, l’impuissance du corps qui s’enraye, nous qui évoluons dans une société d’extrême maîtrise. C’est plus l’interrogation qui m’anime. Dans mon premier roman, par exemple, je me demandais ce que l’on ressentirait si l’on pouvait assister à son propre enterrement. Dans “ Vacances obligatoires en famille ”, comment l’on réagirait à devoir retomber chaque année, le temps d’un voyage, sous l’autorité parentale. Avec ce nouveau récit, la question fondamentale est qu’est-ce qui se passerait si l’on ne mourait jamais? Alors que cette briéveté sur terre donne toute sa dimension à notre existence.
Quoique très différents dans leur cadre et leur contexte, vos récits sont toujours entourés d’un certain mystère. L’énigme vous électrise-t- elle? Je pense qu’on écrit avant tout les ouvrages qu’on rêverait de lire. J’aime les histoires que j’attends fiévreusement de retrouver le soir, que je dévore et ne veux plus quitter. Au-delà de son côté divertissant, un ouvrage doit laisser également une réflexion et des questions, en filigrane dans mon esprit. Je remarque d’ailleurs qu’inconsciemment, trois thèmes sont une constante dans mes romans. Les liens familiaux, qui m’ont toujours passionné. La maison, en tant que personnage central de mes récits, sûrement par son rôle de foyer des émotions et des gens. Et puis la mort, ou dans le cas de “ Au jardin des Immortels ”, son absence. Des sujets qui se retrouveront aussi dans le roman humoristique que je suis en train d’achever. Et qui possèdent leur part de mystère.
Avant la publication de votre premier roman “ Explosion de particules ” en 2014, vous avez été juriste durant 10 ans. Qu’est-ce qui vous a donné l’impulsion de vous changer de voie? Je suis composée d’écriture, c’est toute ma vie. J’ai toujours écrit. Petite, je composais des poèmes, puis plus tard des pièces de théâtre. Je griffonnais des mots d’amour pour les garçons de ma classe, afin qu’ils les offrent à leurs copines et en échange me fassent mes devoirs de latin. À 15 ans, je voulais être comédienne de théâtre et écrire mais mes parents pensaient que je mourrais de faim si j’empruntais cette voie. J’ai donc suivi celle du droit. Et puis, à la naissance de mon deuxième enfant, j’ai pris une année sabbatique pour m’occuper de mes deux touts petits qui n’étaient pas encore scolarisés. Je me suis dit que c’était le moment parfait pour écrire. Deux fois par semaine, je confiais mes enfants à mes deux tantes adorées et j’allais commander une crêpe dans un café tout en rédigeant mon roman. “ Explosion de particules ” a été publié dans la foulée de l’écriture et je ne suis plus jamais retournée au barreau.
Qu’est-ce qui vous guide aujourd’hui ? La fierté de pouvoir dire à l’adolescente que j’étais que j’ai accompli ses rêves. Que j’ai suivi sa voie. J’ai d’ailleurs repris le théâtre et je serai sur les planches en avril et en juin. J’ai également écrit une pièce de théâtre avec trois autres femmes, que nous jouerons au théâtre Mercelis en novembre. Et puis une véritable quête de sens, des deuils et de la peine comme des joies. Je crois très fort à l’histoire du colibri minuscule qui de son bec jette quelques gouttes d’eau pour tenter d’éteindre l’incendie de la forêt. Je m’efforce, à mon niveau, de contribuer au monde. En étant en paix avec les autres, en élevant des enfants dans une vraie humanité, en partageant la bonté et la culture et en propageant la philanthropie, en allant dans les écoles pour communiquer ma passion de la lecture et de l’écriture. Eveiller, protéger, trans- mettre. C’est ce qui fait sens.
Au jardin des Immortels, de Valentine de le Court, Editions Mols.
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