MOTS : FRÉDÉRIQUE MORIN
PHOTOS : ANTHONY DEHEZ DBCREATION

Le cinéma et Jérémie Renier, c’est une histoire qui remonte à l’enfance et qui se cristallise quand, à 14 ans, les frères Dardenne lui offrent le rôle d’Igor dans La Promesse. Trois ans plus tard, il transforme l’essai devant la caméra de François Ozon avec Les amants criminels. Dès lors il ne cesse plus de tourner, baladant sa blondeur dans des rôles jamais les mêmes.

Qu’est-ce qui vous fait choisir un rôle ?

En premier lieu, le scénario, l’histoire… en quoi ça me parle, ce que ça me raconte, dans quel univers que je ne connais pas, cela va m’emmener. Ensuite, il y a le personnage, le rôle que l’on me propose et que je vais défendre, et enfin la rencontre avec le réalisateur ou la réalisatrice… c’est souvent dans cet ordre-là.

Vous avez interprété des rôles très différents, qui pouvaient être très physiques, ou au contraire, plus intérieurs. Comment travaillez-vous ?

Je suis un outil, mon corps est un outil que je mets à la disposition d’un metteur en scène et du film dans lequel je tourne. Après, les approches sont différentes selon le jeu, ce qu’exige le film… il n’y a pas toujours nécessité à se transformer physiquement.

Vous avez 14 ans quand les frères Dardenne vous offrent votre premier grand rôle dans leur film La Promesse. Vous en avez 10 de plus quand ils vous appellent pour jouer dans L’Enfant. Vous allez tourner trois autres films sous leur direction.

Entre l’adolescent que vous étiez et l’adulte que vous êtes devenu, comment a évolué cette relation au long cours avec les frères Dardenne ?
Comme quand j’avais 14 ans ! Comme si c’était le premier film que nous tournions ensemble avec aujourd’hui, forcément, plus de métier, plus de connaissances, de mon côté comme du leur. Mais toujours avec une espèce de respect mutuel.

Je me suis toujours senti protégé, bien regardé, bien dirigé. Il y a peu de gens avec qui je peux m’abandonner… ils en font partie.

Une autre fidélité : celle que vous avez établie avec François Ozon. Déjà 3 films ensemble et un 4e à venir. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

On s’est rencontré, j’avais 17 ans. Les Amants criminels était son 2e film. On a en quelque sorte grandi ensemble. François Ozon est un passionné.

Son désir de cinéma a quelque chose de très enfantin, et c’est très agréable de partager ça avec lui.

François est quelqu’un de très excité par le jeu des acteurs. Il est très présent, très vigilant… c’est ce qui le rapproche des frères Dardenne. Et comme pour les frères, j’ai une totale confiance en lui.

J’aime sa versatilité, le fait qu’il change en permanence de genre, comme j’aime chez les frères Dardenne le fait qu’ils repartent toujours des mêmes bases, qu’ils investissent les mêmes lieux… quelque chose d’un travail de fond et qui fait que la totalité de leurs films fait œuvre.

Ce sont deux visions de cinéma très différentes, et de passer d’un univers à l’autre est tout ce que j’aime.

Qu’avez-vous retiré de votre expérience de réalisateur avec votre frère Yannick sur Carnivores ?

La réussite fut d’être arrivé au bout de ce projet, de ce rêve, que l’on avait mon frère et moi. Un projet qui m’a énormément rempli, intellectuellement, personnelle- ment.

J’ai réalisé que créer était primordial pour moi, alors que jusque-là je ne me l’étais pas autorisé.

Parmi tous les films que vous avez tournés, y en a t’il un dont vous êtes particulièrement fier ?

Pas vraiment, ne passant pas ma vie à regarder mes films ! Bien sûr, je regarde au moins une fois le film dans lequel j’ai joué, pour la promotion et parce que je suis évidemment curieux !

Ce sont plus des souvenirs qui me restent, souvenirs de rencontres avec des acteurs, des metteurs en scène, souvenirs de lieux, d’univers que je ne connaissais pas et que j’ai découvert… mais reconnaissons que certains films furent plus intéressants à tourner que d’autres !

Un petit mot sur le Vertigo, ce restaurant/bar à cocktail de Bruxelles, dont vous êtes l’un des trois associés.

Au cours de mes voyages, j’ai pu fréquenter et apprécier ce genre d’établissement un peu particulier.

D’une certaine manière, j’ai eu envie de ramener ce que j’aimais, à Bruxelles… un endroit forcément important pour moi !

Vous qui habitez entre l’Espagne et la France, qu’est- ce qui vous manque le plus de la Belgique ?

Cette folie douce du Belge. Cette douceur que les Belges ont face à l’autre.

En Espagne – et c’est rare là où j’habite – quand tout d’un coup il pleut, me vient une forme de nostalgie de Bruxelles.

Les essentiels dans la filmographie de Jérémie Renier :


La Promesse • 1995 : Le premier premier rôle
de Jérémie… il a 14 ans. Avec Jean-Pierre et Luc Dardenne, les réalisateurs, ils tourneront 4 autres films ensemble.

Les amants criminels • 1998 : Ils sont beaux, blonds, Belges et homonymes… Jérémie Renier et Natacha Régnier chez le vénéneux François Ozon.

Nue Propriété • 2006 : Jérémie et Yannick, frères dans la vie et frères de fiction pour Joachim Lafosse et pour un huis clos familial en compagnie d’Isabelle Huppert.

Dikkenek • 2006 : Jérémie en idiot magnifique entouré d’un casting 4 étoiles dans cette comédie déjantée, désormais culte, signée Olivier Van Hoofstadt.

Reviens-moi • 2008 : Pour le plaisir de l’anecdote, car si Jérémie est au générique, c’est du couple Keira Knightley – James McAvoy, dont on se souvient !

Les aventures de Philibert, capitaine puceau • 2011 : Un pastiche de film de cape et d’épée avec un Jérémie tout en collant moulant et en coiffure improbable !

Cloclo • 2012 : À défaut d’être convaincu par le film, la prestation de Jérémie dans la peau de Claude François vaut le détour… comme d’habitude !

Carnivores • 2016 : Jérémie passe à la réalisation avec son frère Yannick. Un premier film très inspiré de leur vécu de frère et d’acteur.

L’ordre des médecins • 2019 : Jérémie Renier enfile la blouse blanche de médecin et trouve dans ce personnage tiraillé entre raison et sentiment l’un de ses plus beaux rôles.