Lore Van Keer
« Les bijoux m’apparaissent comme les représentations physiques d’émotions »
Mots : Barbara Wesoly
Photos : DR
En 15 ans, Lore Van Keer a façonné un emblème de la joaillerie, où sophistication et minimalisme se conjuguent en un contraste harmonieux. Puisant son inspiration dans les matériaux nobles, elle crée des parures d’une beauté épurée.
Comment, des esquisses d’un bachelier en design d’intérieur, en êtes-vous arrivée à celles de la joaillerie ? Je n’ai, en fait, jamais imaginé mettre ce bachelier en pratique en tant que tel. Je ne me voyais pas élaborer uniquement des plans et je me suis donc orientée d’emblée vers l’option design de produit. En dernière année, j’avais une liberté totale quant au choix de mon lieu de stage et je me suis engagée auprès d’une créatrice de bijoux. Cela a été un coup de foudre absolu, la certitude soudaine d’avoir découvert ma voie. J’ai ensuite étudié durant quatre ans l’orfèvrerie, tout en travaillant dans un atelier. Une étape qui m’a amenée la certitude de vouloir fonder mon propre label et non pas œuvrer dans celui de quelqu’un d’autre. J’ai alors conçu mes premiers modèles, dans une pièce sous les combles, chez mes parents. Je les ai montrés à mes amis, qui les ont partagés autour d’eux. Cela a pris de l’ampleur, jusqu’à me convaincre de me lancer. Et ce qui était au départ un petit one-woman show est désormais une vraie structure, portée par une équipe de onze personnes investies et passionnées.
Qu’il s’agisse de joaillerie ou d’architecture, l’essentiel était-il finalement pour vous de créer ? Au contraire, la joaillerie est à mes yeux un domaine unique et distinct. Nombreux sont les gens qui associent les bijoux à de simples accessoires, tandis que je les considère comme des objets à part entière, apportant éclat et élégance non pas à un intérieur mais à ceux qui les portent. Une forme d’art mais aussi de représentation physique d’une émotion. Des boucles d’oreilles ou une bague racontent le bonheur ou sont à même de le créer, tout comme elles peuvent vous faire grandir, vous renforcer ou dévoiler une part de votre identité.
Alors que votre label atteint ce cap symbolique des 15 ans, êtes-vous toujours celle qui fabriquait ses pièces dans le grenier de la maison familiale ? Mon style et mon univers ont évolué au fil du temps et de mes inspirations, mais mes bijoux sont une extension de moi-même et c’est une dimension essentielle que je tiens à préserver. Suivre mon instinct reste fondamental. L’architecture et le design demeurent aussi mes principales influences. Je ne peux rien regarder sans analyser les structures et les lignes. Je perçois des compositions même en pleine nature. Tout comme la structure des pierres ou la fluidité des maté-
riaux imprègnent mes modèles. Tous ces éléments se combinent pour composer et raconter l’histoire de mon label et de ma vision de la joaillerie.
Qui dit anniversaire dit aussi célébration ? Bien sûr ! Nos dix ans sont tombés en pleine crise sanitaire et nous n’avons donc rien pu organiser. Ce sera cette fois l’occasion parfaite pour fêter l’événement en beauté. Je prévois une nouvelle collection exclusive et aussi pourquoi pas une collaboration avec un designer, issu d’un autre domaine. Mais tout cela est encore en réflexion et en préparation et ne se dévoilera que d’ici octobre. Une chose est sûre, il ne s’agira pas d’un évènement ni même de brèves célébrations. Après tout, un anniversaire dure une année entière !
Et si vous deviez raconter votre marque par une pièce unique ? Il serait difficile de n’en conserver qu’une, mais je pense d’emblée à toutes mes boucles d’oreilles asymétriques. Des pièces fortes qui expriment une forme d’audace par leurs différentes combinaisons possibles. Je n’aime pas les éléments figés, mais plutôt l’idée de parures permettant chaque jour une nouvelle composition. Il y a aussi la conception de pièces en argent et en or. Les premières sont plus flexibles dans leur conception, tandis que les secondes racontent l’intemporel. Trouver l’équilibre entre mon identité créative et cette idée de durabilité est un défi très intéressant, avec lequel j’aime jouer.
Regardez-vous ce chemin parcouru avec le sentiment d’être aujourd’hui, là où vous le souhaitiez ? Savoir que l’on porte mes créations au quotidien, me donne un sentiment de joie sans pareil, mais je ne considère rien comme acquis. Il y a toujours des défis et plus on grandit, plus les enjeux sont importants. Avoir ouvert une boutique à Anvers, en plus de mon atelier de Meise, est une belle consécration, mais je travaille aujourd’hui à un développement international. Je viens de refermer les portes d’un pop-up store que nous avions lancé dans le quartier du Marais à Paris, le temps de la Fashion Week 2025. Déjà dans la toute première interview de ma carrière, j’évoquais ce rêve d’avoir un pied-à-terre dans cette inimitable capitale de la mode. Un premier pas dont j’espère qu’il mènera à beaucoup d’autres !

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