Peint, plié, articulé, déchiré.
Le pli sous toutes ses facettes ou pas, interprété par l’artiste belge Jean-Philippe Duboscq laissant place à une œuvre jamais stable et toujours en mouvement !
Et si on évitait de tout contrôler…
MOTS : ARIANE DUFOURNY
PHOTOS : ANNUSCHCHKA LEUNG
On naît artiste ou on le devient…
Je suis né dedans ! Mon père Jean Duboscq, ex aequo avec Pierre Alechinsky, a gagné le
« Prix de la Jeune Peinture Belge » rebaptisé « Belgian Art Prize ». Appuyé par mon professeur de sculpture, Félix Roulin, je suis entré à La Cambre à 16 ans. Ensuite, je suis passé à la musique tout en travaillant la peinture et les arts plastiques. Musicien et compositeur, pendant de nombreuses années, j’ai créé de la musique contemporaine et travaillé en collaboration avec des artistes comme Peter Downsbrough, Bram Bogart… En 2012, la Galerie Nardone m’a proposé une collaboration. Depuis je travaille avec des galeries à Hong Kong, Londres, Paris… c’est devenu une profession.
Votre art s’exprime par…
Suivant les époques, par de la matériologie, de la volumétrie, de l’abstraction, de l’abstraction lyrique, et aujourd’hui, par une approche plus conceptuelle de la peinture.
Votre peinture conceptuelle…
Elle amène une esthétique par une idée plutôt que par un désir de captation ou de contrôle. L’esthétique apparaît bien malgré moi, parce que ce que je cherche en réalité, c’est d’une part, une sorte de mobilité permanente, une mise en perspective de l’œuvre et d’autre part, à révéler ou à montrer ce que je ne peins pas, ce qui s’infiltre ou déborde. En fait, j’essaie d’être mon propre spectateur, d’avoir un plaisir à découvrir les choses plutôt qu’à essayer de les contrôler.
« Le pli est un mystère infini, c’est un contenant, une magie baroque qui ne supporte pas d’être mise en pleine lumière. »
De l’idée à la création…
L’idée est de travailler à partir de flux picturaux qui s’infiltrent tout en laissant une trace, une empreinte de leur passage. C’est une sorte de mémoire du pli qui prend l’apparence de taches, de Rorschach ou d’effets de miroir qu’au final je révèle ou pas.
Mes pièces sont généralement composées de plusieurs éléments interchangeables qui se présentent d’abord sous forme de tableau, mais qui par leur caractère modulable me permet ensuite de les déployer en installation. Une pièce peut donc être repensée et réorganisée pour s’approprier un espace ou un lieu, en donnant une nouvelle interprétation d’elle-même.
Techniquement…
Ce sont des toiles qui sont pliées et agrafées sur châssis. Ensuite je peins juste les surfaces pliées avec de larges brosses. Les encres ou la peinture se frayent un chemin au travers des couches successives. C’est en ouvrant ou plus exactement en arrachant ces plis que je dévoile ces cheminements inscrits en profondeur.
Un travail jamais identique…
Les plis sont pensés, pliés, articulés différemment et réagissent en fonction des toiles utilisées et de la viscosité de la peinture. Dans certains travaux, j’emploie des toiles contenant essentiellement du coton, pour que les plis s’ouvrent et se ferment en fonction de l’hygrométrie. L’œuvre n’est jamais stable et toujours en mouvement.
L’inspiration…
Gilles Deleuze « Le pli/ Leibniz et le baroque », l’âme comme « monade » sans porte ni fenêtre, qui tire d’un sombre fond toutes ses perceptions claires. En littérature, « La vie dans les plis » d’Henri Michaux, les poèmes « Pli selon le pli » de Mallarmé et repris en musique par Pierre Boulez. Le pli est fascinant : si on ouvre un pli, il ne reste plus rien. Ce que j’essaie de montrer, c’est la trace de ce pli. Je prépare une pièce, je travaille dessus et je retire des couches. Je retourne vers l’essentiel, la genèse de ce qui s’est fait.
Votre définition de la perfection…
C’est une question difficile. Je crois que nous savons tous ce que l’on entend par perfection, mais en réalité nous en avons chacun une vision ou une interprétation différente et peut-être qu’au même titre que la vérité, il n’y a de perfection que son concept.
JEAN-PHILIPPE DUBOSCQ
LC GALLERY
Rue aux Laines, 46 – 1000 Bruxelles
Abonnez-vous dès aujourd’hui pour recevoir quatre numéros par an à votre porte
Vous aimerez peut-être
Stéphanie Crayencour – « Perdre mon frère a marqué le point de départ de ce livre et de ma véritable histoire d’amour avec lui »
Stéphanie Crayencour, actrice entre Bruxelles et Paris, se tourne vers l’écriture avec Le Papillon…
Nicolas Bets « L’essence d’une photographie, c’est une personnalité, une aura, bien plus qu’une technique »
Nicolas Bets fusionne glamour et futurisme, créant des mondes où nymphes modernes et super-héros…
Stereoclip
Stereoclip, DJ belge, dévoile "Reflex", un album de techno festive très attendu, avec 11 titres…