Comédien belge renommé, scénariste et réalisateur, Jonathan Zaccaï peut désormais ajouter écrivain à son illustre palmarès. S’immisçant dans sa propre vie, son premier roman, « Ma femme écrit », se révèle à la fois drôle et percutant. Coup de cœur !

Jonathan Zaccaï est notamment connu sous le nom de Raymond Sisteron dans la célèbre série « Le Bureau des Légendes ». Dans son premier livre, «  Ma femme écrit », son héros décide d’écrire un roman consacré à sa mère décédée avec laquelle il partageait une relation passionnée. Celui-ci  découvre avec stupeur que sa femme, actrice comme lui, l’a précédé. Mais pour lui, nul n’a le droit de s’exprimer sur celle qui lui a donné son ADN. In fine, qu’en pense-t-il après coup ?

 Votre héros est acteur de série. Vous aussi. Son épouse est actrice et écrivaine. La vôtre également. Sa mère décédée est une peintre. La vôtre aussi. Votre roman est-il une pure fiction ou une autofiction ?

Ce qui m’a intéressé était d’écrire une autofiction où le lecteur pense être dans la réalité mais qu’au fur et à mesure, l’aventure dérape de trop pour y rester.

Somme toute, vous préférez écrire ou jouer la comédie ?

Les deux m’alimentent différemment et me plaisent. L’écriture est une aventure intérieure. Étonnamment, je m’y expose plus que sur un rôle où je suis protégé par un personnage.

« Disparition… Peu de mots expriment à ce point notre impuissance, comme si la langue essayait elle aussi de ne pas perdre la face. » Votre livre est-il avant tout un puissant hommage à la vie de l’artiste belge, Sarah Kaliski ?  

L’écriture est une  forme de mégalomanie exceptionnelle où je peux donner envie au lecteur de découvrir qui était ma mère. Mon personnage, tel un Don Quichotte bobo parisien, se bat contre des moulins à vent pour redonner vie à sa mère. Désespérément.

Qu’est-ce qui caractérise le style artistique de votre mère, Sarah Kaliski ?

Un mélange de douceur, de violence très forte et de crudité absolument dingue. Ma mère était une « punk » sans compromis ! Son intransigeance  était dure à suivre, à vivre mais au final exceptionnelle. Elle n’est plus là depuis plus de 10 ans et des gens sont fous de son art.

Où peut-on re-découvrir ses œuvres ?

Les cofondateurs de Loeve & Co, à Paris, défendent le travail de ma mère. Pour la 14e édition de Drawing Now Art Fair, la galerie présentera une sélection de dessins inédits réalisés au cours des années 1990, jusqu’à sa disparition en 2010 à Paris. www.drawingnowartfair.com/portfolio/loeveco/

« Ma propriété́, ma matière première, mon sang, mon héritage, ma foi, merde quoi, ma religion, mon avenir, ma vérité́, ma mère bordel. C’est ma mère ! Bordel ! » Votre femme compte-t-elle réellement écrire sur votre mère ?

J’ai injecté beaucoup de vérité dans du mensonge. Ce postulat de départ est vraiment réel, mais n’a pas duré comme dans le livre. J’ai ressenti de façon épidermique et intense, le sentiment d’être dépossédé de ma mère comme d’un magot qu’on ne partage pas.

Votre épouse, Elodie Hesme, a écrit un roman « Mes chers fantômes » paru en novembre dernier. Dans votre roman, vous conversez avec des zombies. Vos soirées de couple sont d’enfer ?

Je n’y crois pas du tout, mais c’est elle qui m’a fait remarquer que j’avais un reflet sur mon portable, en ajoutant qu’il devait s’agir de ma mère. Comme mon personnage est très paranoïaque, c’était intéressant qu’il soit dépassé par la réalité. La fiction est devenue plus folle que ce qu’il avait prévu !

Êtes-vous aussi paranoïaque que votre personnage ?

Ce personnage sommeille en moi et là j’ai voulu, une fois dans ma vie, lui laisser faire une promenade. J’ai lâché le malade ! Mais dans la vie, le thermostat n’est pas à dix !

« Ma femme écrit » est une comédie. Pensez-vous l’adapter au cinéma ?  Votre femme et vous-même dans vos rôles respectifs ?

Grasset, ma maison d’édition m’en a déjà parlé. Pour la mise en habits, j’aimerais de la distance et voir d’autres personnages nous interpréter. Mais, j’espère que Catherine Deneuve jouera le rôle de ma mère.

In fine, est-on propriétaire du souvenir d’un être aimé ? 

Ma mère était beaucoup plus « free style » que moi et généreuse sur son image. Depuis ce livre, elle est libre de droits.