FILLES À PAPA
Quand l’audace sublime le style
Mots : Barbara Wesoly
Photos : DR
C’est une success story belge qui s’est construite loin des sentiers battus et des lieux communs de la mode. Celle de Carol et Sarah Piron, les sœurs derrière le label FILLES À PAPA, dont l’atypisme créatif, le vestiaire sublimement décalé et l’alliage contrastant de streetwear et luxe, sont la signature depuis 12 ans.
En un peu plus d’une décennie, leur nom s’est imposé comme une référence, dans notre pays comme à l’international. Leur style également. Décomplexé et éclectique autant qu’il est flamboyant, pointu et féminin. De FILLES À PAPA lancé en 2009 à F.A.P, transformation opérée en 2020, symbolique de l’évolution du label après dix ans d’activité, en passant par TOMBOY, seconde ligne axée sur des basiques revisités, Carol et Sarah Piron dessinent à quatre mains l’histoire de cette griffe phénomène, superbement impertinente et libre.
Avec quelles influences mode avez-vous grandi ? « Nous sommes des filles des années 2000 et cette période nous a toujours inspiré : les tracksuits, les crop top, les jeans ultra taille basse et le grunge avec les chemises en flanelle à carreaux, les mailles oversized ou encore les varsity jackets… toutes ces pièces qui font partie de notre vestiaire. C’est sans nostalgie qu’on appréhende et traduit cette période néo 90’s à travers des hybridations de styles. En parallèle, on a grandi avec les ouvriers de notre père, les camions, dans le zoning industriel près de Liège. Puis été élevées à la sauce artistique liégeoise… les party harders, le graffiti, les Big Girls Don’t Cry (crew de filles indépendantes qui n’ont pas besoin de l’aval de leurs grands frères). On finit alors par imaginer la mode qui nous manque, reflet de notre vie de jeunes adultes et des rencontres fortuites ou organisées qui font nos jours et nos nuits. L’hyper réalisme de la rue, l’énergie du clubbing, le mix parfois improbable de la littérature et du hard rock, comme une route aux multiples embranchements, comme un paysage aux multiples chaos. »
De là est né le désir de créer votre propre label ? « A la fin de nos études respectives (Sarah en stylisme et Carol en art graphique, nous avions envie de nous lancer dans un projet en commun, un projet de sœurs… l’Aventure FÀP s’est créée intuitivement, comme une évidence. Nous revenions d’une année passée aux États-Unis. C’était l’époque où les « filles de» monopolisaient les tabloïds avec leurs sorties mondaines et leurs écarts de conduite. « « FILLES À PAPA » fait référence aux jeunes filles de bonne famille. Or, au travers de nos créations et de notre image, notre désir est de bousculer la bienséance de ce nom. ». En 2020, FILLES À PAPA a fêté ses 10 ans. La marque a évolué et nous avons symbolisé ce changement en transformant FILLES À PAPA en F À P, plus direct, plus minimaliste mais aussi plus elliptique. »
Comment fonctionne concrètement votre duo ? « Pour tout ce qui est création, on travaille à quatre mains. On échange sur nos envies, nos inspirations, chacune essaie de convaincre l’autre. C’est un travail à 200% pour chacune de nous. C’est parfois assez explosif, mais on se fait avant tout confiance. Souvent, pas besoin de poser les mots pour se comprendre. Nous sommes en plus complémentaires et travaillons de manière intuitive. FÀP c’est vraiment une histoire qui s’est écrite à deux. L’une sans l’autre, nous n’aurions pas pu en arriver là. »
Le style de FÀP en quelques mots ? « C’est une mode d’attitudes, du streetwear harmonisé sur une vraie base féminine, un côté sexy et je m’en-foutiste complètement assumé. Le label révèle naturellement un esprit outsider. Un style, un humour, une attitude, une manière d’être là où ne vous attend pas. On ne peut pas nier notre amour du paradoxe. On aime jouer sur le mariage des contraires tant au niveau de nos créations qu’à travers notre image. Mixer les ingrédients que tout semble éloigner, pour créer un entre-deux plus nuancés, plus complexe. On passe d’une référence à l’autre, c’est décomplexé. »
Le lancement de TOMBOY était-il l’occasion de vous réinventer une nouvelle fois ? « A l’origine, il s’agissait d’une pièce unique du vestiaire FÀP SS2013 : un t-shirt avec un grand aplat bleu et les lettres rouges TOMBOY en capitales. C’est avec cette saison que notre développement à l’international a explosé et que l’on a vu de nombreuses personnalités comme Rita Ora, Jourdan Dunn, Cara Delavigne etc…. porter ce statement TOMBOY. Des années après, nos clients nous demandaient toujours ce t-shirt TOMBOY. Alors, pour aller plus loin que la simple réédition, nous avons lancé une ligne entière autour de ce message et code typographique. Nous avions envie d’une ligne plus basique, plus « straight to the point », que tout le monde peut s’approprier. »
Vous lanciez FILLES À PAPA en 2010, 12 ans plus tard, quel regard portez-vous sur votre parcours, et sur ce succès belge comme international ? « 12 ans et 28 collections qui se sont enfilées, une aventure intense, haute en couleur, en rencontres, il y a eu de la déception aussi, mais certainement des joies immenses et surprises inconcevables. Et puis, il y a surtout cette force et cette envie de créer qui est là depuis toujours et qui nous unit Sarah et moi. On a appris sur le tas et par la force des choses c’en est devenu notre métier. Oui, le soutien des acheteurs internationaux, de la presse et de certaines personnalités ont permis à FÀP de se développer et d’acquérir une visibilité internationale, mais nous restons avant tout un label indépendant, basé à Liège avec une équipe à taille humaine, respectueux de la création.
Qu’est-ce qui, selon vous, différencie FÀP des autres marques ? « A contrario des propositions trop safe de la plupart des marques, FILLES À PAPA propose un vestiaire à la fois très identifiable et transversal. Une ou deux idées n’ont peut-être pas vu le jour mais en général nous suivons nos envies sans nous poser la question de savoir si nos collections vont être too much ou pas. FÀP c’est pour des femmes qui aiment la mode et qui osent ! »
Retrouve-t-on aussi une part de « Belgitude » dans vos créations ? « Peut-être que cette note d’humour belge et le second degré que l’on retrouve à travers nos créations renvoient à la notion de Belgitude et très certainement au cynisme de notre époque. Une influence liégeoise en tout cas, clairement. Liège est la ville « off tracks » par excellence, dans laquelle l’hospitalité et l’humour typique à la Belgique se superposent à une forme de désinvolture créative que l’on retrouve dans notre travail. »
Comment imaginez-vous l’avenir de FILLES À PAPA? « Le label n’a jamais été une marque de mode « normée », préférant transgresser les codes esthétiques, faire jaillir l’inattendu. Être radical et ne rien s’interdire, mélanger les genres, les idées et les arts, décloisonner les idiomes : c’est le fil rouge de FÀP. Dans cette optique, le nouveau format s’affranchit des saisonnalités et propose des collections plus réduites auxquelles viennent se greffer des projets réunissant artistes et créatifs. »
Et si vous ne deviez chacune conserver qu’une pièce du dressing FÀP ? « Il y a tellement de pièces iconiques à travers toutes ces saisons ! Comme des basiques de la garde-robe revisité avec une signature forte… cette dernière saison, ce seraient nos boots cowboy avec une patte retournée et rebrodée du motif western qui nous avons déclinés dans de multiples couleurs et matières pour cet hiver ou encore en denim délavés pour courir les festivals cet été. »
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