La dynamique des formes de Jeroen Broux
Mots : Barbara Wesoly
Photos : Kobalt Gallery
Il a fait sienne une géométrie de l’équilibre. Une synergie entre construction et abstraction, dont émergent des compositions d’une harmonie sereine et magnétique. En s’appuyant sur la structure, Jeroen Broux s’évade des cadres et explore une vision vibrante de l’art et de la forme.
Après des années de création numérique en tant que graphiste, vous concevez aujourd’hui des œuvres picturales et sculpturales. Ressentiez-vous le besoin d’un retour à la matière ? Oui, profondément. C’est la raison principale qui m’a amené à la peinture. Je pouvais passer jusqu’à 12 ou 14 heures par jour devant un écran d’ordinateur et mon corps m’a finalement fait comprendre qu’il était temps de prendre de la distance avec le virtuel. J’ai ressenti un besoin viscéral de travailler de mes mains, de sentir les pinceaux, de me reconnecter au geste et à une approche physique. Pourtant, parallèlement, je ne le vois pas comme un changement créatif radical, plutôt comme une continuité. Après avoir été directeur artistique d’une agence de publicité pendant près d’une décennie, j’ai fondé il y a sept ans mon propre studio de design graphique. C’est durant cette période qu’est survenue une transition progressive vers la peinture d’abord, puis vers l’art dans sa globalité. Mais ce changement s’est déroulé de façon très fluide, presque organique. Et encore aujourd’hui, j’utilise une approche similaire à celle qui m’animait lorsque je concevais des logos, des publicités ou des brochures. Après des croquis au crayon, j’explore la disposition des structures sur logiciel. Mon langage visuel demeure le même. La véritable différence tient à la liberté que j’ai aujourd’hui, celle d’imaginer sans contrainte.
Vos réalisations s’imprègnent d’un profond travail de structure et de disposition, par des formes récurrentes se reconfigurant à l’infini. Qu’est-ce qui vous l’a inspiré ? C’était à la fois intuitif et basé sur le choix conscient de me cantonner à des figures géométriques de base, comme le carré ou le cercle. Je pense en termes de grilles. C’est une façon de concevoir tout à la fois restrictive et libératrice. Cela peut sembler paradoxal, mais cette approche cadrée, rigoureuse, me permet de créer sans me mettre de limite. Grâce à mon bagage de graphiste, je joue instinctivement avec cette modularité. D’où, d’ailleurs mes titres de tableaux, baptisés « Shift », « Enter », « Ctrl », des raccourcis clavier qui font référence à ce parcours de départ tout en racontant la métamorphose de mon travail artistique vers le lâcher-prise. Lorsque l’on peint, on doit accepter la non-possibilité d’un retour en arrière. Renoncer à cette touche que l’on presse pour effacer et recommencer. Cela oblige à peser chaque geste et à accepter un placement naturel de la matière, dans la beauté de ses imperfections.
Vous vous jouez des formes comme de la matière, entre toiles, sculptures et même tapis. Comment naît une nouvelle œuvre ? De l’expérimentation avant tout. Je suis passionné de design d’intérieur et je m’imprègne de l’architecture pour découvrir de nouvelles combinaisons de teintes et de structures. La mode m’inspire également, notamment des créateurs comme Edouard Vermeulen, de la Maison Natan, qui, par l’emploi de formes épurées et élégantes ainsi que de couleurs vives, parvient à une harmonie entre sérénité et force. Ce mélange de calme et d’audace représente exactement ce que je désire évoquer par mon travail. Une tension graphique mêlée à un profond équilibre. C’est sans doute pourquoi je me considère au croisement de l’art et du design. Lorsque je crée, je visualise d’emblée le projet dans un espace plus vaste, une pièce, un mur, une esthétique qui vit avec son environnement.
En 2022, vous lanciez également votre propre espace, Kobalt Gallery. Qu’est-ce qui a motivé ce choix ? Je suis tout sauf un artiste classique. Je n’ai suivi aucun cours de peinture, je ne m’inscris dans aucune case. Il était donc inimaginable pour moi de rester dans mon atelier à attendre de trouver une galerie prête à me représenter. Et puis j’aime ce contact avec le public. Ce regard que les spectateurs posent sur mes créations est très enrichissant. Les collaborations m’inspirent également, comme celle avec la marque de céramiques et textiles d’intérieur Kapsul autour de tableaux pensés comme des pièces de collection ou avec Ancré Rugs pour imaginer un tapis ressemblant à un tableau posé au sol.
Vous acheviez récemment une exposition pop-up à Knokke. Qu’annoncent pour vous les mois à venir ? Brussels Airport m’a invité en février 2025 à exposer durant un an, cinq de mes œuvres au sein du Skyhall, ancien hall des départs transformé en espace événementiel unique. Cela amènera 100 000 visiteurs à pouvoir découvrir mon travail. C’est une belle consécration, surtout pour un périple artistique entamé il y a seulement cinq ans. J’estime avoir encore beaucoup de chemin à parcourir. Un chemin guidé par la création.

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